Jurisprudence : CE 9/10 ch.-r., 12-12-2023, n° 466239, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 9/10 ch.-r., 12-12-2023, n° 466239, mentionné aux tables du recueil Lebon

A536718B

Identifiant européen : ECLI:FR:CECHR:2023:466239.20231212

Identifiant Legifrance : CETATEXT000048559848

Référence

CE 9/10 ch.-r., 12-12-2023, n° 466239, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102378901-ce-910-chr-12122023-n-466239-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

19-06-02-08-01 La circonstance qu’un assujetti revendeur, qui a acquis des biens auprès d’un autre assujetti revendeur, ne dispose pas d’une facture d’achat comportant les mentions obligatoires prévues par l’article 226 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, le II de l’article 289 du code général des impôts (CGI) et l’article 242 nonies A de l’annexe II à ce code ne fait pas obstacle à ce qu’il puisse faire application, lors de la revente, du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur la marge bénéficiaire s’il établit que les conditions de fond prévues par l’article 314 de cette même directive et l’article 297 A du même code sont satisfaites.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 466239⚖️


Séance du 20 novembre 2023

Lecture du 12 décembre 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

La société Lefebvre Petrenko a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, des pénalités correspondantes ainsi que des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts🏛 au titre de la même période. Par un jugement n° 1916080 du 14 décembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 21PA00722 du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Paris⚖️ a rejeté l'appel formé par la société Lefebvre Petrenko contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 1er août et 27 octobre 2022 et le 17 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lefebvre Petrenko demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000⚖️ euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative🏛.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales🏛 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau,

Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Lefebvre Petrenko ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lefebvre Petrenko a pour activité la vente d'objets d'art et de collection. A la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration fiscale a remis en cause l'application qu'elle a faite à ses ventes de la taxe sur la valeur ajoutée selon le régime de la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts🏛 et procédé en conséquence à des rappels de taxe au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, en calculant une taxe collectée assise sur l'intégralité du prix de vente des biens cédés. Par un jugement du 14 décembre 2020, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la société Lefebvre Petrenko tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er juin 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 314 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée : " Le régime de la marge bénéficiaire s'applique aux livraisons de biens d'occasion, d'objets d'art, de collection ou d'antiquité, effectuées par un assujetti-revendeur, lorsque ces biens lui sont livrés dans la Communauté par une des personnes suivantes: / () / d) un autre assujetti-revendeur, dans la mesure où la livraison du bien par cet autre assujetti-revendeur a été soumise à la TVA conformément au présent régime particulier ". Aux termes de l'article 297 A du code général des impôts, pris pour assurer la transposition de ces dispositions : " I. - 1° La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion, d'œuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 226 de la directive du 28 novembre 2006 : " () seules les mentions suivantes doivent figurer obligatoirement, aux fins de la TVA, sur les factures émises en application des dispositions des articles 220 et 221: / () / 14 ) en cas d'application d'un des régimes particuliers applicables dans le domaine des biens d'occasion, des objets d'art, de collection ou d'antiquité, la mention "Régime particulier - Biens d'occasion"; "Régime particulier - Objets d'art" ou "Régime particulier - Objets de collection et d'antiquité", respectivement () ". Aux termes du II de l'article 289 du code général des impôts🏛, pris pour assurer la transposition de ces dispositions : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II à ce code🏛, pris aux mêmes fins : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / () / 16° En cas d'application du régime prévu par l'article 297 A du code précité, la mention " Régime particulier-Biens d'occasion ", " Régime particulier-Objets d'art " ou " Régime particulier-Objets de collection et d'antiquité " selon l'opération considérée () ".

4. La circonstance qu'un assujetti revendeur, qui a acquis des biens auprès d'un autre assujetti revendeur, ne dispose pas d'une facture d'achat comportant les mentions obligatoires prévues par les dispositions citées au point 3 ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse faire application, lors de la revente de ces biens, du régime particulier de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge bénéficiaire s'il établit que les conditions de fond prévues par les dispositions citées au point 2 sont satisfaites.

5. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'absence, sur les factures d'achat présentées par la société Lefebvre Petrenko, des mentions obligatoires prévues par les dispositions du 16° du I de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, citées au point 3, faisait obstacle à l'application du régime particulier de la marge bénéficiaire dont elle se prévalait, sans rechercher si la société établissait, ainsi qu'elle le soutenait, que les conditions de fond de cette application étaient satisfaites, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. La société Lefebvre Petrenko est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Lefebvre Petrenko au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 1er juin 2022 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la société Lefebvre Petrenko la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lefebvre Petrenko et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré à l'issue de la séance du 20 novembre 2023 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta,

Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; Mme Nathalie Escaut, M. Nicolas Polge,

M. Vincent Daumas, M. Alexandre Lallet, Mme Rozen Noguellou, conseillers d'Etat et,

M. Vincent Mazauric, conseiller d'Etat-rapporteur

Rendu le 12 décembre 2023.

Le président :

Signé : M. Pierre Collin

Le rapporteur :

Signé : M. Vincent Mazauric

La secrétaire :

Signé : Mme Fehmida Ghulam

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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