Par jugement rendu le 12 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Arles a :
- pris acte du désistement des prétentions de Mme [Y] au titre du rappel de salaire pour le mois de décembre 2019 et des congés payés afférents, ainsi que la remise des bulletins de salaires des mois de décembre 2019 et janvier 2020,
- condamné la société O'xy habitat à payer à Mme [Y] la somme de 75,21 euros au titre du solde de salaire du mois de janvier 2020, ainsi que la somme de 7,52 euros de congés payés afférents,
- condamné la société O'xy habitat à payer à Mme [Y] la somme de 175,67 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- condamné la société O'xy habitat à délivrer à Mme [Aa] ses bulletins de salaire des mois de décembre 2019 et janvier 2020 rectifiés, qui doivent faire apparaître les salaires sur la période mentionnée,
- fixé une astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter d'un 15ème jour de la notification de la présente décision,
- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte sur simple demande de Mme [Y],
- condamné la société O'xy habitat à régler à Mme [Y] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- dit que la rupture du contrat de travail de Mme [Y] est nulle,
- condamné la société O'xy habitat à payer à Mme [Y] la somme de 9 236,52 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,
- ordonné à la société O'xy habitat de remettre à Mme [Aa] une attestation Pôle emploi
rectifiée conforme à la présente décision,
- fixé une astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un 30ème jour de la notification de la présente décision,
- s'est réservé le pouvoir de liquider l'astreinte sur simple demande de Mme [Y],
- condamné la société O'xy habitat à payer à Mme [Y] la somme de 1 250 euros au titre de l'
article 700 du code de procédure civile🏛,
- ordonné l'exécution provisoire sur l'intégralité des condamnations de la présente décision,
- mis la totalité des dépens, en ce compris les frais d'exécution par voie forcée de la présente décision, à la charge de la partie défenderesse,
- débouté chaque partie du surplus de ses demandes.
La société O'xy habitat a interjeté appel de cette décision dans des formes et délais qui ne sont pas critiqués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail
1- Sur la demande de rappel de salaires du mois de janvier 2020 et les congés payés afférents
En application de l'
article 1353 du code civil🏛, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Par ailleurs, aux termes de l'
article L. 3243-3 du code du travail🏛, l'acceptation sans protestation ni réserve d'un bulletin de paie par le travailleur ne peut valoir de sa part renonciation au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dus en application de la loi, du règlement, d'une convention, d'un accord collectif de travail ou d'un contrat.
La charge de la preuve du paiement des salaires incombe ainsi à l'employeur et les mentions portées sur le bulletin de salaire ne valent pas preuve du paiement effectif de la rémunération qui y est indiquée.
En l'espèce, Mme [Aa] sollicite le versement de la somme de 75,21 euros, n'ayant été rémunérée qu'à hauteur de 284,97 euros alors que son salaire s'élevait à 360,18 euros, pour la période du 1er janvier 2020 au 8 janvier 2020, date de son arrêt de travail. Contestant le jugement du conseil de prud'hommes qui l'a condamnée à payer cette somme, la société O'xy habitat se contente de préciser que le contrat a été rompu le 10 janvier 2020.
Le bulletin de paie de janvier 2020 mentionnant un salaire brut de base de 1543,62 euros, l'employeur devait rémunérer sa salariée à hauteur de 360,18 euros pour la période du 1er janvier 2020 au 7 janvier 2020 inclus, l'arrêt de travail de Mme [Y] débutant le 8 janvier 2020. Il n'est pas contesté que la société O'xy habitat a versé la somme de 284,97 euros à sa salariée.
En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes qui a condamné la société O'xy habitat à verser à Mme [Y] la somme de 75,21 euros au titre de rappel de salaires et la somme de 7,52 euros au titre des congés payés afférents sera confirmé.
2- Sur la demande de paiement d'une indemnité compensatrice des congés payés
En l'espèce, Mme [Aa] sollicite le versement de la somme 175,67 euros, au regard des salaires perçus par son employeur, à savoir 1 471,73 euros pour le mois de décembre 2019 et 284,97 euros pour le mois de janvier 2020. La société appelante se contente d'indiquer qu'aucun solde n'est dû.
S'il n'est pas contesté par l'employeur que la somme de 1 765,70 euros a été versée à Mme [Y] en paiement des salaires des mois de décembre 2019 et janvier 2020, aucune pièce justifiant du paiement de l'indemnité compensatrice des congés payés ou de congés pris par la salariée n'est versée au dossier. La société O'xy habitat se montre par conséquent défaillante dans la preuve de l'exécution de ses obligations contractuelles.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé.
3- Sur la demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur
Mme [Y] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser 1 500 euros, en réparation du préjudice subi du fait d'une exécution déloyale du contrat de travail, conformément à l'
article L.1222-1 du code du travail🏛.
Or, l'
article 1231-6 du code civil🏛 dispose que « les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire ».
Il est constant que les juges du fond doivent caractériser l'existence pour les salariés d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par l'employeur et causé par sa mauvaise foi (
Soc., 9 juillet 2015, nº14-12.779⚖️, Bull. Civ. V, nº151).
En l'espèce, Mme [Y] n'allègue d'aucun préjudice justifiant la condamnation de la société O'xy habitat, de telle sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la société appelante à verser à la salariée la somme de 1 500 euros.
Sur les demandes relatives à la rupture du contrat de travail
1- Sur la date de la rupture du contrat de travail
Aux termes de l'
article L. 1221-20 du code du travail🏛, la période d'essai a pour objet de permettre à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, au regard de son expérience et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
La partie qui prend la décision de rompre la période d'essai au cours de celle-ci n'a pas à indiquer les raisons qui la motivent. L'employeur peut, de manière discrétionnaire, mettre fin à la période d'essai avant son expiration sous réserve de pas faire dégénérer ce droit en abus. La rupture pour des motifs étrangers à cette aptitude professionnelle revêtirait un caractère abusif.
Par ailleurs, la rupture du contrat de travail se situe à la date à laquelle son auteur manifeste la volonté d'y mettre fin, de manière explicite, claire et non équivoque.
Lorsque cette décision est notifiée par écrit, sous la forme d'une lettre adressée par la voie postale, la cour de cassation considère que c'est la date d'envoi de cette lettre de rupture qui consomme la rupture du contrat de travail.
En l'espèce, deux lettres de rupture du contrat de travail ont été rédigées, l'une par Mme [Y] le 10 janvier 2020, envoyée le 11 janvier 2020, et l'autre par la société O'xy habitat le 13 janvier 2020. La société appelante soutient que le contrat de travail a été rompu dès le 10 janvier 2020, de telle sorte que son propre courrier serait inopérant. Pour sa part, la salariée considère que son courrier ne reflétait pas sa volonté de rompre la période d'essai mais se contentait de prendre acte de la rupture de contrat par l'employeur du fait du non-paiement de ses salaires. D'autre part, son courrier n'étant parvenu à l'employeur que le 21 janvier 2020, elle fait valoir que la rupture doit être considérée comme étant à l'initiative de la société O'xy habitat et comme étant nulle, car fondée sur son état de santé.
La lettre adressée par Mme [Aa] est rédigée en ces termes :
'Objet : cessation de la période d'essai
(...) Cependant, compte-tenu des faits actuels, qui sont que vous ne m'avez toujours pas versé le salaire ni remis le bulletin de paie qui me sont dus pour le mois de décembre où j'ai travaillé dans votre établissement, j'en conclus que vous mettez fin à la période d'essai.
Veuillez, M. [S], dès la réception de ce courrier, me régler les sommes qui me sont dues et d'également fournir les documents sociaux obligatoires.
Dans le cas contraire, je serai dans l'obligation d'en référer aux autorités compétentes'.
Il ressort de l'examen de ce courrier que la salariée n'y exprime pas de manière explicite, claire et non équivoque, sa propre volonté de rompre la période d'essai mais qu'elle conclut des agissements de l'employeur que ce dernier met fin à la relation de travail. La rupture de la période d'essai ne peut dès lors se fonder sur ce courrier.
Il convient par conséquent d'acter la rupture à la date du 13 janvier 2020, date de la lettre adressée par la société O'xy habitat en ces termes : 'Nous avons le regret de vous annoncer que [la période d'essai] ne donnera pas satisfaction, nous vous annonçons que nos relations contractuelles se termineront le 13/01/2020 au soir'.
2- Sur le moyen tiré de la nullité de la rupture de la période d'essai pour discrimination
Les dispositions de l'
article L.1132-1 du code du travail🏛 relatives aux discriminations illicites sont applicables à la période d'essai. S'il est constaté que le salarié a été délibérément évincé pour l'un des motifs prohibés visés à l'article précité, la rupture de la période d'essai est nulle.
En matière de discrimination, l'article L.1134-1 instaure une règle de preuve partagée. Ainsi, en application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1, lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, au soutien de son affirmation selon laquelle la rupture de la période d'essai est discriminatoire car fondée sur son état de santé, la salariée produit les pièces suivantes :
- un message que lui a adressé le 13 janvier 2020 M. [S], gérant de la société :
'Bonjour, ok, envoie moi ton arrêt dans la journée. Le comptable ta fait le virement ce matin. Je suis désolé mais je crois qu'on va s'arrêter là. Tu a une petite santé, chose que tu ma pas dit lors de nos entretiens. Moi me faudrai quelqu'un sur qui je peux compter. Bon rétablissement. Soigne toi bien'.
- une capture d'écran du compte Amelie, récapitulant ses arrêts de travail, un arrêt initial du 8 au 11 janvier 2020 et la prolongation du 11 janvier 2020 au 26 janvier 2020,
- un message de M. [S] adressé antérieurement : 'Je te fais entièrement confiance, tu es un bon élément. Je vois très bien comment tu travail, je n'es pas de doute sur mon choix de t'avoir pris. Et j'espère vraiment que tes efforts soit récompensés par des retours car ta très bien bossé cette semaine. Félicitations'.
Ces faits, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de santé de Mme [Aa], alors en prolongation d'arrêt de travail. Alors que M. [S] félicitait dans un premier temps sa salariée pour son travail, le dernier message adressé le jour de sa décision de rompre le contrat de travail évoque uniquement son état de santé fragile.
En réplique, la société O'xy habitat ne produit aucune pièce, visant à étayer l'insuffisance professionnelle de Mme [Aa] et à démontrer que sa décision de rompre la période d'essai est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En conséquence, la rupture de la période d'essai procédant d'une discrimination prohibée à raison de l'état de santé, il convient, par confirmation du jugement entrepris, d'en prononcer la nullité.
3- Sur l'indemnisation du préjudice subi
Selon l'
article L.1231-1 du code du travail🏛, les dispositions du titre III du livre II du code du travail relatif à la rupture du contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d'essai.
Il en résulte qu'en cas d'annulation de la rupture de la période d'essai survenue pour un motif discriminatoire, le salarié ne peut prétendre à des dommages et intérêts pour licenciement nul en application de l'
article L 1235-3-1 du code du travail🏛.
En revanche, la période d'essai rompue pour un motif discriminatoire ouvre droit, le cas échéant, à des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la rupture illicite.
En l'espèce, Mme [Aa] sollicite le versement de la somme de 9 236,52 euros en vertu de l'article L 1235-3 du code du travail, qui ne trouve cependant pas à s'appliquer à la période d'essai. Elle ne justifie par ailleurs d'aucun préjudice lié à la nullité de la rupture. En conséquence, le jugement querellé sera infirmé en ce qu'il a condamné la société O'xy habitat à verser à Mme [Y] la somme de 9236,52 euros au visa de l'article L 1235-3 du code du travail.
Sur les autres demandes
Sur la remise de documents
Aux termes de l'
article L. 3243-2 du code du travail🏛, lors du paiement du salaire, l'employeur doit remettre au salarié une pièce justificative dite bulletin de paie et aux termes de l'
article R.1234-9 alinéa 1 du code du travail🏛, l'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi.
La cour ordonne à la société O'xy habitat de remettre à Mme [Y] les documents de fin de contrat rectifiés : les bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.
Il n'est pas nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Sur les frais du procès
En application des dispositions des
articles 696 et 700 du code de procédure civile🏛, la société O'xy habitat sera condamnée aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros.
Par conséquent, la société O'xy habitat sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.