Jurisprudence : Cass. com., 06-12-2023, n° 22-15.341, F-D

Cass. com., 06-12-2023, n° 22-15.341, F-D

A869717A

Référence

Cass. com., 06-12-2023, n° 22-15.341, F-D. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/102315372-cass-com-06122023-n-2215341-fd
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COMM.

FB


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 décembre 2023


Cassation partielle


M. VIGNEAU, président


Arrêt n° 785 F-D

Pourvoi n° E 22-15.341


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 DÉCEMBRE 2023


La société Free, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° E 22-15.341 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Free-Sbe, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [W] [K], domicilié [… …],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.


Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bessaud, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de la société Free, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Free-Sbe et de M. [K], après débats en l'audience publique du 17 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bessaud, conseiller référendaire rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2022), la société Free, qui exerce une activité dans le secteur des télécommunications électroniques et des télécommunications (internet, téléphonie, informatique), est titulaire des trois marques françaises suivantes :

- la marque verbale « Free » n° 1 734 391, déposée le 25 octobre 1989 et régulièrement renouvelée depuis, pour désigner, en classe 38, les services suivants : service télématique grand public ; service de stockage, de réception et de diffusion de messages,

- la marque semi-figurative n° 99 785 839 déposée le 8 avril 1999, régulièrement renouvelée depuis, pour désigner les produits et services suivants : équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs (classe 9), publicité ; gestion de fichiers informatiques (classe 35), communication par terminaux d'ordinateurs ; communications télématiques et téléphoniques ; télécommunications ; information en matière de télécommunication (classe 38), location de temps d'accès à un centre serveur de bases de données ; location de temps d'accès à un centre serveur de base de données notamment pour les réseaux de communication mondiale de type internet (classe 42),

- la marque verbale « Free » n° 13 4 037 814, déposée le 29 septembre 2009, régulièrement renouvelée depuis, pour désigner les produits et services suivants : appareils et équipements de télécommunication et de communication téléphonique, radiophonique, télématique ; ordinateurs ; logiciels ; programmes informatiques (classe 9), publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaires sur tout moyen de communication ou télécommunication ; diffusion d'annonces publicitaires ; présentation de produits sur tout moyen de communication pour la vente au détail ; courtage de contacts commerciaux ; abonnement à des services de télécommunication ; gestion de fichiers informatiques ; services de revues de presse (classe 35), services de télécommunication ; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux ; communication par réseau de fibres optiques ; communications par terminaux d'ordinateurs ; communications radiophoniques ; communications téléphoniques ; fourniture d'accès à des réseaux de communication électronique ; radiotéléphonie mobile ; fourniture d'accès à des bases de données (classe 38), conception de logiciels ; services d'assistance en matière de télécommunications (classe 42).

2. La société Free-Sbe, immatriculée le 14 février 2013, exerce les activités de centrale d'achats et de courtage.

3. Le 30 juillet 2012, M. [K] a réservé le nom de domaine « Free-sbe.com » et a procédé, le 24 janvier 2013, pour le compte de la société Free-Sbe en cours de constitution, au dépôt de la marque française semi-figurative « Free-Sbe » n° 3 977 154 pour désigner les services suivants : publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; services d'abonnement à des services de télécommunication pour les tiers ; conseils en organisation et direction des affaires ; comptabilité ; gestion de fichiers informatiques ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; relations publiques (classe 35), assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; services de caisses de prévoyance ; estimations immobilières ; gestion financière ; gérance de biens immobiliers ; services de financement ; consultation en matière financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) (classe 36), télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d'ordinateurs ou par réseau de fibres optiques ; communications radiophoniques ou téléphoniques ; services de radiotéléphonie mobile ; fournitures d'accès à des bases de données ; location de temps d'accès à des réseaux informatiques mondiaux (classe 38). Cette marque a été enregistrée le 17 mai 2013.

4. Le 4 mai 2018, la société Free a assigné M. [K] et la société Free-Sbe en contrefaçon de marques et atteintes à la marque renommée, à sa dénomination sociale et à son nom commercial.


Examen des moyens

Sur les deuxième et troisième moyens

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile🏛, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Free fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en son action en contrefaçon de marques et en nullité de la marque française semi-figurative n° 3 977 154, alors « que selon la cour de justice, les conditions nécessaires pour faire courir le délai de forclusion par tolérance "sont, premièrement, l'enregistrement de la marque postérieure dans l'Etat membre concerné, deuxièmement, le fait que le dépôt de cette marque a été effectué de bonne foi, troisièmement, l'usage de la marque postérieure par le titulaire de celle-ci dans l'Etat membre où elle a été enregistrée et quatrièmement, la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l'enregistrement de la marque postérieure et de l'usage de celle-ci après son enregistrement" (CJUE, 22 septembre 2011, Aa Ab c/ Anheuser-Busch, C-482-09) ; que le délai de forclusion ne peut pas ainsi courir tant que la marque postérieure n'est pas enregistrée ; qu'en droit français la marque n'est enregistrée qu'au jour de la délivrance du titre par le directeur général de l'INPI à l'issue de la procédure d'enregistrement et le dépôt d'une demande d'enregistrement d'une marque ne vaut donc pas enregistrement de celle-ci ; qu'en l'espèce la cour d'appel a retenu que si la marque française semi figurative Free-Sbe n° 3 977 154 a été enregistrée le 17 mai 2013, elle a fait l'objet le 24 janvier 2013 d'un dépôt publié au BOPI le 15 février 2013 ; qu'il est "montré avec suffisamment de certitude que la société Free a eu connaissance à compter du mois de février 2013 de la demande d'enregistrement de la marque litigieuse et de l'usage de cette marque ce qui lui permettait de faire opposition à cette demande d'enregistrement mais aussi d'agir en contrefaçon pour en interdire l'usage ou encore en nullité de la marque pour atteinte à ses droits antérieurs sur les marques Free" ; que la société Free disposait dès lors d'un délai de cinq ans à compter de la publication au BOPI, le 15 février 2013, de la demande d'enregistrement de la marque, soit jusqu'au 25 février 2018, mais que son assignation n'a été délivrée à la société Free-Sbe et à M. [K] que le 4 mai 2018 ; qu'en fixant ainsi le point de départ du délai de forclusion avant la date d'enregistrement de la marque postérieure, la cour d'appel a violé les articles L. 714-3 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle🏛🏛 dans leur rédaction applicable en la cause, antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019🏛. »


Réponse de la Cour

Vu les articles L. 714-3 et L. 716-5 du code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 1169-2019 du 13 novembre 2019 :

7. Selon ces textes, sont irrecevables l'action en nullité d'une marque pour atteinte à un droit antérieur et l'action en contrefaçon engagées contre le titulaire d'une marque enregistrée postérieurement et dont l'usage a été toléré pendant cinq ans, à moins que son dépôt n'ait été effectué de mauvaise foi.

8. La tolérance s'apprécie au regard de la connaissance par le propriétaire d'une marque antérieure de l'usage, par un tiers, de la marque postérieure, après son enregistrement.

9. Le point de départ du délai de la forclusion par tolérance ne peut donc être antérieur à la date d'enregistrement du signe litigieux à titre de marque.

10. Pour déclarer la société Free irrecevable à agir en annulation de la marque française semi-figurative n° 3 977 154 et en contrefaçon de ses marques par l'effet de la forclusion par tolérance, l'arrêt retient que cette société avait connaissance de l'usage de la marque incriminée dès le mois de février 2013, date de la publication de la demande d'enregistrement du signe « Free-Sbe » à titre de marque, et était en mesure de s'opposer à son usage à compter de cette date, de sorte qu'à la date de l'assignation, délivrée le 4 mai 2018, elle en avait toléré l'usage pendant plus de cinq ans.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Free irrecevable en son action en contrefaçon de marques et en nullité de la marque française semi-figurative n° 3 977 154 et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, l'arrêt rendu le 14 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Free-Sbe et M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Free-Sbe et M. [K] et les condamne à payer à la société Free la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six décembre deux mille vingt-trois.

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