Jurisprudence : Cass. civ. 1, 08-04-1986, n° 84-11.443, Rejet

Cass. civ. 1, 08-04-1986, n° 84-11.443, Rejet

A2983AAQ

Référence

Cass. civ. 1, 08-04-1986, n° 84-11.443, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1019657-cass-civ-1-08041986-n-8411443-rejet
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Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 8 Avril 1986
Rejet
N° de pourvoi 84-11.443
Président M. Ponsard, conseiller doyen faisant fonctions

Demandeur M. Z
Défendeur la Société Merell Toraude et autre
Rapporteur M. Camille X
Premier avocat général M. Sadon
Avocats MM. W, W et W
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches
Attendu que MThorens, né en 1914, qui avait déjà subi plusieurs accidents de santé, dont deux infarctus du myocarde en 1962 et 1969, a souffert, à partir de 1969, de crises d'angine de poitrine ; qu'un traitement à la Cordarone, fabriqué par la Société des laboratoires Labaz, a été prescrit de décembre 1970 à janvier 1972 par le docteur V, à la dose de 300 milligrammes par jour, et a donné d'excellents résultats ; que des troubles neurologiques sont apparus au cours de l'année 1970 et se sont sérieusement aggravés le 28 décembre 1973, caractérisés par un déficit droit avec aphasie, correspondant à un hématome sous-dural gauche, ayant nécessité une intervention chirurgicale ; que, dès le début de l'année 1974, MThorens a de nouveau souffert de crises d'angine de poitrine ; qu'en mars 1974, un traitement au Pexid, fabriqué par la société Merell-Toraude, a été institué à la dose de 300 milligrammes par jour ; qu'à la fin de l'année, de nouveaux troubles neurologiques (somnolence, dérobement des jambes) se sont manifestés, provoqués par une thrombose de l'artère carotide gauche, ayant nécessité une autre intervention chirurgicale par thrombectomie, pratiquée au mois de février 1975 ; qu'après cette intervention, un nouveau traitement a été appliqué par l'association de la Cordarone et du Pexid à la dose quotidienne de 300 milligrammes pour chaque médicament ; que MThorens, éprouvant ensuite des difficultés à la marche et de légers troubles de la parole, a dû abandonner le poste important qu'il occupait à Paris, son médecin traitant, le docteur V, lui ayant délivré, le 8 avril 1975, un certificat précisant qu'il présentait une inaptitude au travail à 100 % ; que ses troubles neurologiques se sont encore aggravés, entraînant son hospitalisation en Suisse où il s'était retiré ; qu'à compter du 20 février 1976, tous les traitements en cours, notamment les prescriptions de Pexid et de Cordarone, ont été supprimés ; que les troubles neurologiques ont alors régressé, à partir du mois de mai 1976 -la marche redevenant possible-, pour disparaître presque entièrement dans le courant de l'année 1977 ; qu'en revanche, les troubles cardio-vasculaires ont réapparu, le patient subissant des crises d'angine de poitrine à l'occasion d'efforts ; que MThorens a assigné la société Merell Toraude, le docteur V, le docteur T -neurologue qu'il avait consulté et qui avait aussi prescrit le Pexid- et la Société des laboratoires Labaz, pour les faire déclarer responsables du préjudice résultant des troubles neurologiques provoqués par le traitement appliqué ;
Attendu qu'en un premier moyen, MThorens fait grief à la Cour d'appel d'avoir rejeté ses prétentions contre les laboratoires, alors, d'une part, que le sous-acquéreur dispose contre le fabricant d'une action directe de nature contractuelle pour la garantie d'un vice caché affectant la chose vendue et que la circonstance que la pharmacie concerne, au premier chef, la santé publique, est une raison supplémentaire de dire que les laboratoires de produits pharmaceutiques sont tenus de la garantie du vendeur professionnel envers les usagers ; qu'en décidant que les laboratoires ne pourront être recherchés qu'au titre de la responsabilité délictuelle pour faute prouvée, l'arrêt attaqué aurait violé les articles 1146, 1641 et 1645 du Code civil ; alors, d'autre part, que le fabricant est tenu d'une obligation contractuelle de renseignements portant, notamment, sur les dangers et les restrictions d'emploi de la chose vendue qu'il est présumé connaître ; qu'en déniant, selon le moyen, au patient victime d'une intoxication provoquée par un traitement associant deux médicaments, le droit d'invoquer le manquement des laboratoires à leur obligation contractuelle de renseignements, la juridiction du second degré a violé les articles 1135, 1147 et suivants du Code civil ; qu'en un second moyen, il soutient, d'une part, que l'incompatibilité de deux médicaments, qui ne peuvent être associés dans un traitement médical normal sans provoquer de graves troubles, constitue un vice rendant chacun des médicaments impropre à l'usage auquel il est destiné et qu'en s'abstenant de rechercher si les troubles dont a souffert MThorens étaient dus au vice caché des deux médicaments qui ne pouvaient s'associer entre eux, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1641 et 1645 du Code civil ; qu'il soutient, d'autre part, que le fabricant, vendeur professionnel, est tenu d'une obligation de renseignements portant notamment sur les dangers ou les restrictions d'emploi de la chose vendue qu'il est présumé connaître ; que, dans leurs conclusions, les médecins et MThorens faisaient valoir que le laboratoire Merell-Toraude n'avait pas fourni les éléments d'information permettant d'entrevoir les effets secondaires du médicament qu'il lançait ; que ce n'est que par la suite que des rectificatifs et précisions ont été publiés au dictionnaire Vidal, ce qui a été relevé par les experts ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la Cour d'appel aurait violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est enfin soutenu que le fabricant n'est pas exonéré de son obligation de garantie à raison des effets indésirables d'un médicament qui a provoqué une grave intoxication, par le fait que ce médicament a permis de traiter l'affection dont le malade était atteint ; qu'en retenant, pour exonérer les laboratoires de toute responsabilité dans les troubles neurologiques provoqués chez le patient, que les médicaments litigieux avaient été " efficaces et utiles " pour soigner les maladies vasculaires de MThorens, la juridiction du second degré aurait privé sa décision de base légale au regard des articles 1135, 1147 et suivants du Code civil ;
Mais attendu, d'abord, que le vice caché, étant nécessairement inhérent à la chose elle-même, ne peut résulter de l'association de deux médicaments ; que la juridiction du second degré n'avait donc pas à rechercher si les troubles subis par MThorens étaient dus au prétendu vice caché de deux médicaments qui ne pouvaient être associés ; que, par conséquent, le grief par lequel il lui est reproché d'avoir écarté l'action directe de nature contractuelle en garantie des vices cachés de MThorens contre les laboratoires est inopérant ;
Attendu, ensuite, que l'obligation de renseignements relative aux contre-indications et effets secondaires des médicaments, ne peut, comme il résulte d'ailleurs des dispositions du Code de la santé publique, s'appliquer qu'à ce qui est connu au moment de l'introduction du médicament sur le marché et à ce qui a été porté à la connaissance des laboratoires depuis cette date ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel, qui énonce que " la loi ne met pas à la charge du laboratoire l'obligation de prévoir tous les risques présentés par le médicament dans tous les cas ", lesquels peuvent être liés " à la sensibilité particulière du malade ", a, sur ce point, légalement justifié sa décision ; que le grief relatif au retard dans la révélation des effets secondaires des médicaments litigieux est inopérant dès lors que, dans les conclusions invoquées, MThorens, reprenant certaines constatations du rapport d'expertise, énonce " que les publications au sujet des effets de Cordarone et de Pexid se situent toutes à la suite du cas Thorens et de quelques cas analogues, en 1975-1976 " ;
Attendu, enfin, sur la troisième branche du second moyen, que la Cour d'appel a estimé que les laboratoires n'encouraient pas de responsabilité non pas parce que les médicaments litigieux avaient été efficaces et utiles administrés séparément, mais parce que " c'est l'association de ces deux produits qui a manifestement joué le rôle " nocif, et que " cette association, qui a eu pour effet de doubler les doses quotidiennes, n'est en rien imputable à la Société des Laboratoires Labaz ou à la société Mérell-Toraude " ; que sa décision est ainsi légalement justifiée ;

D'où il suit qu'en aucune de leurs branches, les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi

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