Jurisprudence : Cass. civ. 2, 23-11-2023, n° 21-22.913, F-B, Cassation

Cass. civ. 2, 23-11-2023, n° 21-22.913, F-B, Cassation

A861013B

Référence

Cass. civ. 2, 23-11-2023, n° 21-22.913, F-B, Cassation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/101715575-cass-civ-2-23112023-n-2122913-fb-cassation
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Abstract

Selon l'article 930-3 du code de procédure civile, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification. L'article 114 prévoit qu'aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public et que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. Il en résulte que la remise des conclusions par l'appelant, en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception prévue à l'article 930-3, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, ne saurait donner lieu à caducité de l'appel mais constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief


CIV. 2

FD


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 23 novembre 2023


Cassation


Mme MARTINEL, président


Arrêt n° 1174 F-B

Pourvoi n° Q 21-22.913


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 NOVEMBRE 2023


M. [C] [O], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 21-22.913 contre l'arrêt rendu le 22 juillet 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre sociale - section 1), dans le litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.


Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Durin-Karsenty, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Total Energies Petrochemicals France, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, Mme Vendryes, conseiller faisant fonction de conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Metz, 22 juillet 2021), M. [O], représenté par un défenseur syndical, a relevé appel d'un jugement rendu, le 19 août 2019, par un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à la société Total Energies Petrochemicals France.

2. Sur conclusions d'incident de cette dernière, un conseiller de la mise en état a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, par ordonnance du 19 janvier 2021 que l'appelant a déférée à la cour d'appel.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [O] fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance de caducité prononcée le 19 janvier 2021 par le conseiller de la mise en état, portant le n° 21/00018 et relative au dossier n° RG 19/02310, alors :

« 1°/ que la caducité de la déclaration d'appel, faute de notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans les conditions de forme prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile🏛, ne peut être encourue, en raison d'une irrégularité de forme affectant cette notification, qu'en cas d'annulation de cet acte, sur la démonstration par celui qui l'invoque du grief que lui a causé l'irrégularité ; que, pour déclarer caduque la déclaration d'appel, la cour d'appel a retenu que « M. [H] [Z], défenseur syndical, a déposé en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019 ses conclusions datées du 10 décembre 2019, ainsi que ses pièces, et ce, directement auprès de l'avocat de la SA Total Petrochemicals France » et qu'« il n'est pas davantage contesté que ces pièces et conclusions n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification à l'avocat de la SA Total Petrochemicals France, et ce avant la date du 19 décembre 2019 marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile🏛 » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'elle constatait que le défenseur syndical avait remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimé dans le délai de trois mois suivant régularisation de la déclaration d'appel, la cour d'appel, qui a prononcé la caducité de la déclaration d'appel, sans avoir préalablement annulé cet acte de notification dans les conditions prévues à l'article 114 du code de procédure civile🏛 sur démonstration par l'intimée du grief que lui aurait causé l'irrégularité de forme affectant cette notification, la cour d'appel a violé les articles 114 et 930-3 du code de procédure civile ;

2°/ subsidiairement, que la caducité de la déclaration d'appel prononcée à raison de la notification par le défenseur syndical de l'appelant de ses conclusions à l'intimé dans des conditions de forme autres que celles prévues par l'article 930-3 du code de procédure civile a pour effet de priver le justiciable de son droit à ce que ses prétentions soient tranchées sur le fond et constitue une restriction injustifiée au droit d'accès au juge ; qu'en statuant comme elle l'a fait, cependant qu'il ressortait de ses propres constatations de fait que le défenseur syndical avait bien remis en main propre contre récépissé les conclusions d'appelant à l'avocat de l'intimée dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, la cour d'appel a adopté une position formaliste entravant le droit d'accès au juge du salarié, violant ainsi l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 930-3 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. La société Total Energies Petrochemicals France conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que le moyen est irrecevable comme nouveau.

5. Cependant, ce moyen qui ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, est de pur droit.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 930-3, 114 du code de procédure civile, et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Selon le premier de ces textes, les notifications entre un avocat et un défenseur syndical sont effectuées par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par voie de signification.

8. Selon le deuxième, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

9. Il résulte du troisième, selon la Cour européenne des droits de l'homme, que le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment A Aa Ab Ac B c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998).

10. Pour prononcer la caducité de l'appel, après avoir rappelé les termes des articles 908, 911, alinéa 1er et 930-3 du code de procédure civile🏛, l'arrêt énonce que l'article 667 du même code, relatif à la notification des actes en la forme ordinaire, ne s'applique pas en l'espèce, les échanges entre un avocat et un défenseur syndical étant réglementés par l'article 930-3 précité, que le défenseur syndical a déposé, en main propre contre récépissé le 13 décembre 2019, ses conclusions et ses pièces directement auprès de l'avocat de l'intimée, et que celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune notification par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie de signification avant la date du 19 décembre 2019, marquant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du code de procédure civile.

11. En statuant ainsi, alors que la remise des conclusions par l'appelant en main propre à l'avocat de l'intimé contre récépissé, faite en lieu et place de la notification par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, qui établit non seulement la remise mais aussi sa date certaine, constitue une irrégularité de forme qui n'est susceptible d'être sanctionnée, le cas échéant, que par le prononcé d'une nullité de forme sur la démonstration d'un grief, la cour d'appel a violé les textes susvisés.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 juillet 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne société Total Energies Petrochemicals France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette la demande formée par société Total Energies Petrochemicals France et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros.

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois novembre deux mille vingt-trois.

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