Jurisprudence : Ass. plén., 09-05-1984, n° 80-93.031, Rejet

Ass. plén., 09-05-1984, n° 80-93.031, Rejet

A7961AA4

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Ass. plén., 09-05-1984, n° 80-93.031, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1015981-ass-plen-09051984-n-8093031-rejet
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La Cour de Cassation, statuant en Assemblée plénière, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Jacky Y..., demeurant ..., et par M. Emery A..., demeurant ..., la société anonyme des Etablissements
A...
à Bourbourg,

Et sur le pourvoi formé par M. et Mme Jean X..., demeurant à Socx (59380), de M. et Mme Joseph X..., demeurant à Drincham (59630), et de M. Aimé Z..., demeurant à Drincham,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 mai 1980 par la Cour d'appel de Douai (4ème Chambre correctionnelle) qui, à la suite d'une électrocution du jeune Dominique X... dans une dépendance de la ferme exploitée par ses parents en vissant une ampoule à infrarouge dans la douille à ce destinée, a confirmé la décision de relaxe de M. Emery A..., électricien, prononcée par le Tribunal correctionnel de Dunkerque par jugement du 11 mai 1979, mais a dit M. Jacky Y..., ouvrier de ce dernier, coupable du délit d'homicide involontaire, l'a condamné à une amende avec sursis et, sur l'action civile, a déclaré M. Y... responsable seulement pour moitié des conséquences de l'accident, laissant l'autre moitié à la charge de la victime, et alloué des dommages-intérêts aux parents, frères et grands-parents, et a dit la société A... entièrement responsable de son préposé Y....

M. Jacky Y..., M. Emery A..., la Société des Etablissements
A...
, M. et Mme Jean X..., M. et Mme Joseph X... et M. Aimé Z... se sont pourvus en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel de Douai en date du 28 mai 1980.

Par ordonnance du 15 mars 1983, le Premier Président, constatant que les pourvois posent la question de savoir s'il est possible de retenir à la charge d'un enfant victime de blessures ou d'homicide involontaires une faute ayant contribué à la réalisation de son dommage, sans rechercher si cet enfant avait la capacité de discerner les conséquences de l'acte fautif qu'il a commis ; qu'il s'agit d'une question de principe et que les juges du fond divergent sur la solution susceptible d'être apportée à ce problème, a renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée plénière.

M. Jacky Y..., M. Emery A... et la S.A. des Etablissements A... invoquent, devant cette assemblée, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation suivant :



"Violation des articles 319 du Code Pénal, 1382 du Code civil, 485 et 593 du Code de Procédure Pénale, défaut de motifs et manque de base légale,

- en ce que l'arrêt attaqué a, par infirmation du jugement entrepris, "dit LEMAIRE coupable du délit d'homicide involontaire", l'a condamné à 500 francs d'amende avec sursis, et alloué diverses réparations aux parties civiles, la SA Etablissements E. VERHAEGHE étant déclarée civilement responsable ;

- au motif que, contrairement à l'opinion des experts et du Tribunal, la faute de LEMAIRE était caractérisée, vu qu'il aurait dû vérifier, après avoir travaillé sur la boîte de jonction, l'absence d'inversion des fils et qu'il disposait, pour ce faire, d'un instrument qu'il n'a pas utilisé ;

- alors que, d'une part, cette obligation de vérification, écartée par les premiers juges, ne résultait ni du contrat d'entreprise ni d'un quelconque règlement, comme le soulignaient en outre les conclusions, qui précisaient que LEMAIRE avait constaté, après le rebranchement, que le courant passait normalement en aval ;

- alors que, d'autre part, l'application de l'article 319 susvisé suppose que l'existence d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime soit certaine ; que ce lien ne découle pas des constatations de l'arrêt infirmatif, qui, sans démentir que le montage utilisé dans la ferme était interdit, a relevé la faute de la victime, ayant omis de couper le courant."

Ce moyen a été formulé dans un mémoire ampliatif déposé au Secrétariat-Greffe de la Cour de Cassation par Me Le Bret, avocat de M. Jacky Y..., M. A... et de la S.A. des Etablissements A....

Un mémoire en défense a été produit par Me Jacoupy, avocat de M. et Mme Jean X..., M. et Mme Joseph X..., M. Aimé Z....

M. et Mme Jean X..., M. et Mme Joseph X..., M. Aimé Z... invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation suivants :

Premier moyen :

"Violation des articles 319 du Code Pénal, 485 et 593 du Code de Procédure Pénale, défaut de motif, défaut de réponse aux conclusions, manque de base légale.

En ce que l'arrêt attaqué a relaxé un dirigeant de société du chef d'homicide involontaire,

Au motif que les travaux d'électricité, à l'origine du décès accidentel d'un enfant, n'excédaient pas les compétences de l'ouvrier qui les avaient effectués et que le dirigeant de la Société n'avait donc pas l'obligation de venir vérifier le travail de son employé et pouvait lui faire confiance,

Alors, d'une part, qu'un dirigeant de société a une obligation légale de contrôle et de direction de son entreprise et doit, par sa surveillance, prévenir toute infraction de ses préposés aux règlements ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si "les compétences" de l'ouvrier ayant effectué des travaux non conformes aux règles de l'art s'étendaient au devoir de contrôle et de surveillance incombant au dirigeant de la Société, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision,

Alors, d'autre part, que les parties civiles avaient fait valoir, dans leurs conclusions d'appel, que le dirigeant de la Société, en établissant la facture des travaux sur les indications de son préposé, avait dû se renseigner sur la nature et la consistance desdits travaux etdevait connaître la non conformité de ceux-ci aux règles de l'art, notamment en ce qui concerne l'obligation de poser des prises de terre dans les bâtiments d'exploitation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions concernant l'une des causes de l'accident mortel survenu, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 593 du Code de Procédure Pénale."



SECOND MOYEN DE CASSATION.

"Violation des articles 1382 du Code civil, 10 alinéa 3 et 593 du Code de Procédure Pénale, défaut de motif et manque de base légale.

En ce que l'arrêt attaqué, statuant sur l'action civile, a déclaré LEMAIRE responsable pour moitié seulement des conséquences de l'accident,

Au motif qu'une part de responsabilité incombe à la victime qui aurait dû, avant de visser l'ampoule, couper le courant en actionnant le disjoncteur, que cette précaution était d'autant plus impérative qu'aucune indication ne pouvait être déduite de la position de l'interrupteur, celui-ci étant rotatif,

Alors que les juges du fond ne peuvent retenir à l'encontre d'un enfant de 13 ans, décédé par électrocution à la suite de travaux défectueux dans l'installation électrique de la ferme de ses parents, une faute ayant contribué à la réalisation de son propre dommage, sans rechercher si ce mineur avait la capacité de discerner les conséquences de l'acte fautif par lui commis".

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire ampliatif déposé par Me Jacoupy, avocat de M. et Mme Jean X..., de M. et Mme Joseph X..., de M. Aimé Z....

Un mémoire en défense a été produit par Me Le Bret, avocat de M. Jacky Y..., M. Emery A... et la S.A. des Etablissements Verhaegue.

Sur quoi, la Cour, en l'audience publique de ce jour, statuant en Assemblée plénière,

Joignant les pourvois en raison de leur connexité,

Sur le moyen unique du pourvoi de Y... Jacky, A... Emery et de la S.A. Etablissements A... :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mai 1980), que, le 10 août 1977, Dominique X..., âgé de treize ans, a été mortellement électrocuté en vissant une ampoule sur une douille ; que M. Y..., ouvrier électricien de la S.A. Etablissements A... dont Emery A... est le dirigeant ayant, une dizaine de jours auparavant, exécuté des travaux d'électricité dans l'étable où se sont produits les faits, les consorts X... ont cité MM. Y... et A... devant le Tribunal correctionnel ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré Y... coupable du délit d'homicide involontaire, de l'avoir condamné à 500 francs d'amende avec sursis et d'avoir alloué diverses réparations aux parties civiles, la S.A. Etablissements A... étant déclarée civilement responsable, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'obligation de vérifier l'absence d'inversion de fils sur la boîte de jonction, écartée par les premiers juges, ne résultait ni du contrat d'entreprise, ni d'un quelconque règlement comme le soulignaient en outre les conclusions, qui précisaient que Y... avait constaté, après le rebranchement, que le courant passait normalement en aval ; alors que, d'autre part, l'application de l'article 319 du Code pénal suppose que l'existence d'un lien de causalité entre la faute du prévenu et le décès de la victime soit certaine que ce lien ne découle pas des constatations de l'arrêt qui, sans démentir que le montage utilisé dans la ferme était interdit, a relevé la faute de la victime, ayant omis de couper le courant ;



Mais attendu que, pour caractériser la faute de Y..., l'arrêt retient qu'une inversion de fils électriques maintenant la douille sous tension et constatée dans la boîte de jonction qui desservait le local, est en rapport direct avec l'électrocution et que le prévenu a reconnu ne pas avoir, après son intervention effectué la vérification facile et instantanée qui s'impose à tout électricien pour s'assurer de l'absence d'une telle inversion de fils ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi des époux Jean X..., des époux Joseph X... et de Aimé Z... :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir relaxé un dirigeant de société du chef d'homicide involontaire alors, selon le moyen, d'une part, qu'un dirigeant de société a une obligation légale de contrôle et de direction de son entreprise et doit, par sa surveillance, prévenir toute infraction de ses préposés aux règlements ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si "les compétences" de l'ouvrier ayant effectué des travaux non conformes aux règles de l'art s'étendaient au devoir de contrôle et de surveillance incombant au dirigeant de la société, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ; alors, d'autre part, que les parties civiles avaient fait valoir dans leurs conclusions d'appel, que le dirigeant de la société, en établissant la facture des travaux sur les indications de son préposé, avait dû se renseigner sur la nature et la consistance desdits travaux et devait connaître la non-conformité de ceux-ci aux règles de l'art, notamment en ce qui concerne l'obligation de poser des prises de terre dans les bâtiments d'exploitation ; qu'en s'abstenant de répondre à ce chef de conclusions concernant l'une des causes de l'accident mortel survenu, la Cour d'appel a "méconnu" les dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu que l'arrêt, qui n'avait pas à répondre à de simples arguments, retient souverainement que les travaux d'électricité effectués n'excédaient pas la compétence de l'ouvrier qui en était chargé et n'imposaient pas au chef d'entreprise de venir vérifier le travail de son employé ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen du pourvoi des époux Jean X..., des époux Joseph X... et de Z... :

Attendu que les parties civiles font grief à l'arrêt d'avoir déclaré Y... responsable pour moitié seulement des conséquences de l'accident alors, selon le moyen, que les juges du fond ne peuvent retenir à l'encontre d'un enfant de treize ans, décédé par électrocution à la suite de travaux défectueux dans l'installation électrique de la ferme de ses parents, une faute ayant contribué à la réalisation de son propre dommage, sans rechercher si ce mineur avait la capacité de discerner les conséquences de l'acte fautif par lui commis ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'aucune indication ne pouvant être déduite de la position de l'interrupteur rotatif, Dominique X... aurait dû, avant de visser l'ampoule, couper le courant en actionnant le disjoncteur ;

Qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de vérifier si le mineur était capable de discerner les conséquences de son acte, a pu estimer sur le fondement de l'article 1382 du Code civil que la victime avait commis une faute qui avait concouru, avec celle de M. Y..., à la réalisation du dommage dans une proportion souverainement appréciée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois formés contre l'arrêt rendu le 28 mai 1980 par la Cour d'appel de Douai ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

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