Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2013
(n°, 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général 11/17254
Décision déférée à la Cour Jugement du 01 Septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/18728
APPELANTE
La SAS IMMOBILIÈRE IVRY SEINE, prise en la personne de ses représentants légaux,
PARIS
représentée par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B0753, avocat postulant
assistée de Me Christine DANGUIN, avocat au barreau de PARIS, toque A0772, avocat plaidant
INTIMÉE
La SARL DISCLOSED, prise en la personne de ses représentants légaux,
PARIS
représentée par Me Benoît HENRY de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque K0148,
ayant pour avocat plaidant, Me François DUFFOUR de la SCP NEVEU SUDAKA & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque P43,
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 12 Juin 2013, en audience publique, devant la Cour composée de
Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente
Mme Odile BLUM, Conseillère
Mme Isabelle REGHI, Conseillère
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qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats Mme Alexia LUBRANO
ARRÊT
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 13 juillet 2005, la SAS Immobilière Ivry sur Seine a consenti à la sarl Disclosed un bail dérogatoire d'une durée de deux années à compter du 17 août 2005, portant sur des locaux dépendant d'un immeuble situé à Paris 11ème.
Le 19 septembre 2007, un deuxième bail dérogatoire de deux ans à effet rétroactif au 1er septembre 2007 a été consenti à la même locataire avec obligation de fournir une caution bancaire d'un montant de 10 833 euros au plus tard le 15 novembre 2007 " à peine de résiliation immédiate et de plein droit du présent bail sans formalité ". Ce bail précisait en outre, que " Mademoiselle Catherine ..., ès qualités, renonce à la propriété commerciale, sans réserves d'aucune sorte ".
Par courrier du 14 octobre 2009, et après l'expiration de ce second bail dérogatoire, la sarl Disclosed, qui se trouvait toujours dans les lieux a indiqué vouloir conclure un bail commercial.
Par courrier du 22 octobre 2009, la société Immobilière Ivry sur Seine a alors soutenu que le bail du 19 septembre 2007 se trouvait résilié de plein droit dès lors que la caution bancaire prévue au bail n'avait été signée que le 13 décembre 2007 et remise le 1er octobre 2009 seulement.
Par acte du 10 décembre 2009, la société Immobilière Ivry sur Seine a fait citer la sarl Disclosed pour obtenir la constatation de la résiliation de plein droit du bail et à titre subsidiaire, pour voir juger que le loyer doit être fixé à la valeur locative.
Par jugement du 01 Septembre 2011, le Tribunal de Grande Instance de Paris a
- dit que la demande présentée par la sarl Disclosed tendant à se voir reconnaître le bénéfice du statut des baux commerciaux n'est pas prescrite,
- dit que la sarl Disclosed bénéficie d'un bail de neuf années courant à compter du 1er septembre 2009, et soumis aux dispositions du chapitre V du Code de commerce, aux clauses et conditions du bail du 19 septembre 2007,
- débouté la sas Immobilière Ivry sur Seine de ses demandes tendant à voir constater la résiliation du bail de plein droit,
- rejeté l'exception d'incompétence présentée en ce qui concerne la fixation du loyer au profit du juge des loyers commerciaux,
- pour le surplus, avant dire droit au fond, désigné un expert en la personne de Mme ... avec 2
mission de rechercher la valeur locative des lieux loués, de donner son avis motivé et de dresser un rapport de ses constatations et conclusions,
- fixé le loyer provisionnel à la somme de 16 000 euros par an,
- condamné la société Immobilière Ivry sur Seine à payer à la société Disclosed la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
La Société Immobilière Ivry sur Seine a interjeté appel de cette décision et par ses dernières conclusions du 15 mars 2012 demande à la cour de
Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er septembre 2011,
Constater que le bail consenti le 19 septembre 2007 à la Société Disclosed s'est trouvé résilié de plein droit à la date du 16 novembre 2007 en raison de l'absence de fourniture de la caution bancaire à cette date, de sorte qu'aucun nouveau bail ne pouvait naître à la date du 1er septembre 2009 ;
Constater qu'aucune mauvaise foi de la société concluante n'est établie et en tout cas n'est de nature à paralyser le jeu de la clause résolutoire ;
Constater subsidiairement que ce bail a cessé de plein droit à son expiration le 31 août 2009, par suite de la renonciation de la société Disclosed à la propriété commerciale dans le bail du 19 septembre 2007, de sorte qu'aucun nouveau bail ne pouvait naître à la date du 1er septembre 2009 ;
Constater que jusqu'à la date du 31 août 2009, la société Disclosed exerçait dans les lieux loués une activité de conception de modèles, sans réception de clientèle, activité purement intellectuelle insusceptible de constituer un fonds de commerce et donc de permettre la revendication de la propriété commerciale ;
Constater enfin que le prétendu fonds de commerce de vente de vêtements sur mesure, sans réception de clientèle sur place, constitue une activité qui n'est ni conforme à la destination commerciale convenue ni autorisée et est donc irrégulière et inopposable au bailleur et qu'en l'absence d'exploitation dans les lieux loués d'un fonds de commerce pour l'activité de prêt-à-porter, ouvert et achalandé, seule autorisée, il n'est pas justifié d'une condition nécessaire à la revendication de la propriété commerciale à la date du 1er septembre 2009, et donc d'un bail de neuf années ;
Ordonner en conséquence l'expulsion de la Société Disclosed et de tous occupants de son chef de la boutique dont s'agit dans les formes de droit avec l'assistance de Commissaire de Police et de la force publique si besoin est,
Ordonner la séquestration des meubles, marchandises et autres effets mobiliers qui garniraient la boutique dont s'agit dans tel garde meuble qu'il plaira à la Cour de désigner aux frais, risques et périls de la Société Disclosed,
Condamner la Société Disclosed à payer une indemnité d'occupation de 2 000 euros par mois plus les charges de l'ancien bail plus la tva, en deniers ou quittances, à compter du 15 novembre 2007, subsidiairement à compter du 31 août 2009, jusqu'à son départ volontaire ou forcé,
Très subsidiairement, voir fixer le loyer au 1er septembre 2009 à 24 000 euros hors taxes, hors charges, par an en principal, et, à défaut, désigner tel expert qu'il plaira à la Cour avec mission de fournir tous les éléments permettant de déterminer la valeur locative de la boutique dont s'agit à la date du 1er septembre 2009 au regard des prix du marché.
Condamner la société Disclosed à payer une indemnité de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de 3
procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
La sarl Disclosed, par ses dernières conclusions du 26 décembre 2011 demande à la cour de
Déclarer la Société Immobilière Ivry sur Seine irrecevable et mal fondée en son appel et confirmer le jugement entrepris sur tous les points, sauf à déclarer que le bail commercial a pris effet au 1er septembre 2009 et subsidiairement au 17 août 2007, la valeur locative étant dès lors à apprécier au 1er septembre 2009.
Déclarer irrecevable la demande de résiliation du bail,
*en l'état d'une obligation satisfaite (fourniture de la caution bancaire) et acceptée comme telle,
*hors de toute mise en oeuvre de la demande de résiliation au cours de la durée du bail expiré contenant seul cette obligation,
*en l'état d'un fonds régulièrement exploité même si la condition d'exploitation n'est revendicable que dans le cadre de l'article L.145-8 du Code de commerce et à la faveur du renouvellement,
*et de la mise en oeuvre de la clause résolutoire dans des conditions exclusives de bonne foi.
Confirmer à la Société Disclosed le bénéfice de la propriété commerciale et le bénéfice du statut supposant l'existence d'un bail commercial conclu pour une durée de 9 ans avec effet au 1er septembre 2009, subsidiairement pour la même durée avec effet au 17 août 2007, aux clauses, charges et conditions du bail dérogatoire du 19 septembre 2007,
Dire l'action en fixation du loyer en l'état irrecevable, faute de notification du mémoire préalable au visa de l'article R.145-23 Code de commerce,
Subsidiairement, fixer le loyer à la somme de 1 340 euros x 12= 16 080 euros en principal hors taxes et hors charges annuels, soit au niveau du montant du loyer du bail expiré en considération du principe selon lequel le bail commercial conclu de plein droit dans le prolongement du bail dérogatoire est régi par les mêmes clauses, charges et dispositions,
Condamner la Société Immobilière Ivry sur Seine au remboursement du trop perçu avec intérêt au taux légal.
Confirmer sa condamnation au paiement de la somme de 3 000 euros en remboursement des frais non taxables en application de l'article 700 code de procédure civile pour le Tribunal par voie de confirmation et y ajouter la même somme de 3 000 euros pour l'appel.
Condamner la Société Immobilière Ivry sur Seine en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi conformément aux dispositions de l'article 699 code de procédure civile.
SUR CE,
La société immobilière d'Ivry sur Seine fait valoir que la société Disclosed est forclose à agir en ce qu'elle prétend avoir obtenu le bénéfice de la propriété commerciale à l'issue du premier bail dérogatoire venu à expiration le 17 août 2007 et qu'elle n'a présenté sa demande en justice que plus de deux années après la date d'expiration de ce bail, qu'elle ne peut prétendre à la propriété commerciale en application de l'article L.145-5 du Code de commerce puisqu'à la date du 31 août 2009 qui est celle de la fin du second bail dérogatoire, ce bail n'était plus en cours en raison de 4
l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 16 novembre 2007 du fait de l'absence par la locataire de la caution bancaire à la date prévue, qu'elle ne peut davantage prétendre au bénéfice de la propriété commerciale en raison de sa renonciation incluse sans réserve dans le bail du 19 septembre 2007 d'autant qu'elle n'exploite pas de fonds de commerce dans les locaux loués.
Or quoique dans les motifs de ses conclusions la société Disclosed soutient qu'à l'issue du premier bail dérogatoire d'une durée de deux ans pour se terminer le 17 août 2007, il s'est opéré à son profit un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux en application de l'article L 145-5 du code de commerce et que la société Ivry sur Seine ne pouvait lui faire signer un second bail dérogatoire à effet du 1er septembre 2007, elle demande dans le dispositif de ses conclusions qui constitue les prétentions dont la cour est saisie, l'octroi du bénéfice de la propriété commerciale à compter du 1er septembre 2009 et ce n'est que subsidiairement qu'elle demande ce bénéfice à compter du 17 août 2007, date d'expiration du premier bail.
La demande tendant à se voir reconnaître le bénéfice de la propriété commerciale à l'issue du second bail dérogatoire devant prendre fin en principe le 31 août 2009 a bien été faite dans le délai de deux ans à compter de cet événement de sorte que le premier juge a justement estimé que la demande de la société Disclosed n'était pas prescrite.
Le second bail dérogatoire signé entre les parties à effet rétroactif du 1er septembre 2007 prévoyait la fourniture par la locataire d'une caution bancaire d'un montant de 10 833 euros au plus tard le 15 novembre 2007, à peine de résiliation immédiate et de plein droit du présent bail sans formalité ; il n'est pas contesté que cette caution a été consentie le 13 décembre 2007 et produite à la bailleresse le 1er octobre 2009.
Il n'est pas davantage discuté que quoique cette caution n'ait pas été produite à la date du 15 novembre 2007, la société bailleresse ne s'est à aucun moment et pendant plus de deux années à compter de la date prévue pour la fourniture de la caution, prévalu de la résiliation du bail, puisque ce n'est que le 22 octobre 2009 qu'elle a adressé à la société Disclosed et en réponse à la demande de celle-ci de pouvoir obtenir le bénéfice du statut des baux commerciaux, une lettre recommandée lui indiquant que le second bail dérogatoire avait été résilié de plein droit à la date du 15 novembre 2007 et qu'elle était occupante sans droit ni titre ;
Or toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux, le commandement devant à peine de nullité mentionner ce délai.
La société Immobilière d'Ivry sur Seine ne justifie aucunement de la délivrance d'un commandement à la locataire lui rappelant outre l'obligation de fournir un cautionnement bancaire, et la clause de résiliation contenue dans le bail, le délai d'un mois pour régulariser la situation, étant observé que la locataire a précisément signé l'acte de cautionnement dans le délai d'un mois à compter de la date prévue pour la fourniture de la caution de sorte que la résiliation n'est pas encourue.
Vainement la société Immobilière d'Ivry sur Seine soutient-elle que la société Disclosed aurait renoncé en signant le second bail dérogatoire au bénéfice de la propriété commerciale alors que la gérante Mme ... n'a pu renoncer par avance à un droit qui n'était pas encore né à la date de signature de ce second bail dérogatoire dès lors qu'elle ne revendique la propriété commerciale qu'à l'issue du second bail dérogatoire venu à expiration le 31 août 2009 ; il s'ensuit que cette mention ne vaut pas valable renonciation à se prévaloir, à la date d'expiration du second bail soit au 31 août 2009, au bénéfice de la propriété commerciale.
Le bail dérogatoire était à 'usage' de vente de prêt- à- porter à l'exclusion de tout autre ; l'extrait Kbis de la société Disclosed fait apparaître que l'objet social est la fabrication et la vente de vêtements, identité visuelle conseil et création visuelle ;
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Il n'est dès lors aucunement établi que la société ne développerait pas une activité commerciale dans les lieux loués et ne disposerait pas d'un véritable fonds de commerce caractérisé principalement par l'existence d'une clientèle qu'elle invite sur son site internet à se rendre dans ses locaux, peu important du reste pour caractériser l'existence d'un fonds de commerce que la société reçoive ou non l'ensemble de ses clients dans les locaux ;
Il n'est à cet égard pas davantage démontré que la société locataire n'aurait pas respecté la destination du bail qui est celle de fabrication et vente de prêt à porter, le fait allégué par la bailleresse qu'elle ferait dans les locaux oeuvre de conception et de confection de modèles de vêtements qui ne seraient pas des modèles de prêt- à- porter ne contrevient aucunement à l'existence d'un fonds de commerce ; ce grief de la bailleresse contesté par la société locataire ne lui permettrait que de pouvoir éventuellement solliciter la résiliation du bail en cours pour contravention aux clauses du bail mais ne saurait mettre obstacle au bénéfice du statut de la propriété commerciale comme l'a justement retenu le premier juge ;
La demande en fixation du prix du loyer faite à titre subsidiaire en première instance par la société bailleresse est recevable en application de l'article R 145-23 du code de commence comme constituant une demande accessoire dont le tribunal est saisi sans qu'il y ait lieu alors de faire application des dispositions des articles R 145-24 et suivants applicables devant le juge des loyers ; le premier juge qui ne disposait pas des éléments suffisants lui permettant de fixer le loyer applicable a justement ordonné une expertise pour se déterminer.
La société Immobilière Ivry sur Seine qui succombe en son recours supportera les dépens et paiera à la société Disclosed en outre de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme supplémentaire de 3 000 euros en cause d'appel sur ce même fondement.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Immobilière d'Ivry sur Seine à payer à la société Disclosed la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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