Jurisprudence : Ass. plén., 21-02-1978, n° 76-14.909, publié, REJET

Ass. plén., 21-02-1978, n° 76-14.909, publié, REJET

A7242AGC

Référence

Ass. plén., 21-02-1978, n° 76-14.909, publié, REJET. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1013527-ass-plen-21021978-n-7614909-publie-rejet
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La présente décision est rédigée dans sa version originale en lettres majuscule. Pour faciliter votre lecture, nous avons tout rédigé en minuscule sauf les premiers lettres de phrase. Il se peut que certains caractères spéciaux ou accents n’aient pas pu être retranscrits.
Sur le premier moyen : attendu que le 5 septembre 1975, une partie du personnel de la societe france-printemps s'est mise en greve, et, pour interdire a la clientele l'acces de l'etablissement, a accumule devant ses entrees des chariots lies entre eux ;

Qu'estimant que cet etat de choses etait constitutif d'une voie de fait et en imputant la responsabilite a dame X..., deleguee syndicale, et a desdoigts, mandate par les grevistes pour les representer aupres de la direction et de la presse, la societe les a assignes en refere afin qu'il leur soit ordonne d'enlever et de faire enlever ces obstacles, avec, au besoin, le recours a la force publique ;

Attendu que les interesses font grief a l'arret attaque d'avoir accueilli cette demande aux motifs que l'obstruction des entrees reservees au public etait de nature a porter atteinte a la liberte du travail et a celle du commerce et constituait une voie de fait, que leur responsabilite etait engagee par celle-ci, soit pour l'avoir conseillee, soit pour s'etre abstenue d'en dissuader leurs camarades et que ce serait nier leur propre pouvoir de representation que de soutenir qu'ils representent leurs camarades aupres de l'entreprise pour faire valoir leurs seules revendications, mais que, a l'inverse, ils n'ont aucun titre pour obliger ceux-ci, alors que, d'une part, la cour d'appel a ainsi, par une voie detournee, prononce une decision d'ordre general a l'encontre de personnes indeterminees, non assignees devant elle, en violation de l'article 5 du code civil, alors que, d'autre part, les representants du personnel n'ont vocation, aux termes de la loi, qu'a etre des porte-parole du personnel et les delegues syndicaux a representer leur syndicat aupres des chefs d'entreprise, sans que la loi leur confere, de ce chef, aucune autorite hierarchique sur le personnel ;

Que l'argument tire d'une certaine autorite de fait, aux limites incertaines, ne saurait permettre de leur conferer une responsabilite collective non plus que le droit de representer d'autres salaries en justice, sans un mandat expres, alors, en outre, que la seule participation de dame X... et de desdoigts aux actions menees ne pouvaient engager leur responsabilite des lors que n'est pas etabli par l'arret attaque le degre de participation personnelle des interesses a ces actions ni qu'ils aient pris une part continue a l'ensemble de ces actions, ni qu'ils y aient joue un role de meneurs, alors, enfin, que la loi confere aux representants du personnel un statut protecteur qui interdit, tant a l'employeur qu'au juge d'en faire les instruments d'une mesure de retorsion collective ;

Mais attendu qu'il resulte des constatations des juges du fond que, meme s'ils n'avaient pas ete constamment presents sur les lieux, dame X... et desdoigts, qui, en raison des mandats dont ils etaient investis, jouissaient d'un ascendant certain sur leurs camarades, non seulement n'avaient rien fait pour les dissuader d'obstruer les entrees du magasin, mais encore le leur avait conseille et y avaient meme personnellement contribue ;

Qu'en l'etat de ces constatations, la cour d'appel, qui n'a point statue a l'egard de personnes non assignees, qui n'a attribue a dame X... et a desdoigts aucune autorite hierarchique sur les autres grevistes et qui ne les a pas consideres comme dirigeant un groupe susceptible d'etre tenu pour responsable en tant que tel, a pu estimer que leur responsabilite personnelle se trouvait engagee pour avoir participe et incite leurs camarades a participer a l'erection des obstacles et que, par suite, ils avaient l'obligation de faire cesser le trouble resultant de leur propre action ;

Que les juges du second degre qui, ce faisant, n'ont ni institue une responsabilite collective ni fait de dame X... et de desdoigts les instruments d'une mesure collective, laquelle n'aurait pu etre prescrite qu'apres mise en cause de tous les interesses ou, en cas d'impossibilite, par ordonnance sur requete presentee au president, ont legalement justifie leur decision ;

Et sur le second moyen : attendu qu'il est encore reproche a l'arret d'avoir decide que l'obstruction des entrees reservees au public constituait une voie de fait, au motif qu'elle etait de nature a faire obstacle a la liberte du commerce et a celle du travail, alors que, d'une part, la voie de fait est une violation grossiere de la loi qui porte atteinte a une liberte publique fondamentale ;

Que la liberte du commerce, seul droit individuel non assorti d'une garantie specialement organisee, est la liberte pour quiconque de se livrer a telle activite qui lui convient, en sorte que l'obstacle provisoire apporte a l'activite professionnelle de l'employeur etait sans rapport avec une entrave a la liberte du commerce, alors que, d'autre part, il convient pour definir la voie de fait constituee par une entrave a la liberte du travail, de se referer a la definition de cette entrave donnee par l'article 414 du code penal ;

Que, des lors, la cour d'appel, qui constate que les employes non grevistes avaient le libre acces de leur lieu de travail et ne constate aucune voie de fait, violence, menace ou manoeuvre frauduleuse, ne pouvait, sans omettre de tirer de ses propres constatations les consequences legales qui s'en evincaient necessairement, ni sans se contredire, decider que l'obstruction des entrees reservees au public, qui avait pour seul effet de suspendre l'execution du travail et non pas d'amener les non-grevistes a une cessation concertee du travail, etait de nature a faire obstacle a la liberte du travail et, comme telle, constitutive d'une voie de fait ;

Mais attendu qu'il resulte des enonciations de l'arret que l'obstacle dresse devant les portes du magasin de la societe france-printemps avait pour but, en interdisant l'acces de celui-ci aux clients, d'empecher l'employeur et les non-grevistes de travailler ;

Que, de cette constatation, et peu important que les elements constitutifs du delit de l'article 414 du code penal fussent ou non reunis en l'espece, la cour d'appel a pu deduire que l'action incriminee portait atteinte a la liberte du travail et constituait, par suite, une voie de fait ;

Qu'elle a ainsi donne a sa decision une base legale ;

Et attendu qu'aucun des moyens n'est accueilli ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arret rendu le 12 juillet 1976 par la cour d'appel de rennes.

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