Jurisprudence : TPICE, 21-10-1997, aff. T-229/94, Deutsche Bahn AG c/ Commission des Communautés européennes

TPICE, 21-10-1997, aff. T-229/94, Deutsche Bahn AG c/ Commission des Communautés européennes

A3346AWT

Référence

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Tribunal de première instance des Communautés européennes

21 octobre 1997

Affaire n°T-229/94

Deutsche Bahn AG
c/
Commission des Communautés européennes





61994A0229

Arrêt du Tribunal de première instance (première chambre élargie)
du 21 octobre 1997.

Deutsche Bahn AG

contre

Commission des Communautés européennes.

Concurrence - Transports ferroviaires de conteneurs maritimes - Règlement (CEE) nº 1017/68 - Entente - Position dominante - Abus - Amende - Critères d'appréciation - Principe de proportionnalité - Droits de la défense - Accès au dossier - Principe de sécurité juridique.

Affaire T-229/94.

Recueil de Jurisprudence 1997 page II-1689

1 Concurrence - Transports - Règles de concurrence - Transports par chemin de fer - Règlement n° 1017/68 - Formation commune de prix - Interdiction - Exception légale prévue à l'article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1017/68 - Interprétation restrictive - Prix globaux - Prix de concurrence - Notions

[Traité CE, art. 85, § 1, sous a); règlement du Conseil n° 1017/68, art. 2, sous a), et 3, § 1, sous c); décision du Conseil 82/529, art. 4; recommandation du Conseil 84/646, art. 4]

2 Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Délimitation - Critères - Sous-marché des services ferroviaires et marché des transports ferroviaires en général

(Traité CE, art. 86)

3 Concurrence - Position dominante - Marché en cause - Délimitation géographique - Critères

(Traité CE, art. 86)

4 Concurrence - Position dominante - Abus - Application de prix discriminatoires

(Traité CE, art. 86)

5 Concurrence - Règles communautaires - Application simultanée des articles 85 et 86 du traité - Admissibilité

(Traité CE, art. 85 et 86)

6 Concurrence - Procédure administrative - Accès au dossier - Demande introduite après l'adoption de la décision finale de la Commission - Refus - Incidence sur la légalité de la décision - Absence

7 Actes des institutions - Intangibilité après adoption - Modification subordonnée au respect des règles de compétence et de procédure

8 Concurrence - Transports - Règles de concurrence - Transports par chemin de fer - Amendes - Montant - Détermination - Critères - Contrôle juridictionnel

(Règlement du Conseil n° 1017/68, art. 8, 22 et 24)

9 Un accord entre les entreprises ferroviaires nationales de trois États membres qui a pour objet d'établir une gestion commune de la tarification des transports ferroviaires de conteneurs maritimes à destination ou en provenance d'un de ces États et transitant par des ports de ces États est incompatible avec le marché commun.

En effet, un accord établissant un régime commun de fixation de prix relève de l'article 85, paragraphe 1, sous a), du traité et de l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, et cela indépendamment de la question de savoir dans quelle mesure les dispositions de l'accord ont en fait été respectées. Il en est ainsi parce que la formation commune de prix restreint le jeu de la concurrence, notamment en permettant à chaque participant de prévoir avec un degré raisonnable de certitude quelle sera la politique de prix poursuivie par ses concurrents coparticipants.

Un tel accord ne relève pas de l'exception légale prévue à l'article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1017/68, qui autorise les "accords, décisions et pratiques concertées qui ont seulement pour objet et pour effet l'application d'améliorations techniques ou la coopération technique par [...] l'organisation et l'exécution de transports [...] combinés ainsi que l'établissement et l'application de prix et conditions globaux pour ces transports, y compris les prix de concurrence".

En effet, l'introduction d'une exception légale en faveur d'accords d'ordre purement technique ne saurait équivaloir à une autorisation, de la part du législateur communautaire, permettant la conclusion d'accords qui ont pour objet la formation commune de prix, à moins de priver de toute utilité l'article 2, sous a), du règlement n° 1017/68.

En outre, étant donné que la détermination autonome, par chaque opérateur économique, de sa politique commerciale et notamment de sa politique de prix correspond à la conception inhérente aux dispositions du traité relatives à la concurrence, cette exception et, notamment, les termes "prix globaux" et "prix de concurrence" doivent être interprétés avec circonspection. Le terme "prix globaux" doit être compris comme désignant les prix "de bout en bout", englobant les différentes parties nationales d'un trajet transnational, et le terme "prix de concurrence" doit être entendu comme permettant aux différentes entreprises opérant sur un même trajet transnational de fixer des prix globaux non seulement en procédant à l'addition des tarifs de chacune d'entre elles, mais également en apportant à celle-ci des adaptations communes susceptibles de garantir le caractère concurrentiel des transports en cause par rapport à d'autres modes de transport, sans toutefois que soit entièrement éliminée l'autonomie de chaque entreprise quant à la fixation de ses propres tarifs en fonction de ses intérêts concurrentiels.

Cette interprétation de l'article 3, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 1017/68 n'est, par ailleurs, pas en contradiction avec l'article 4 de la décision du Conseil 82/529, relative à la formation des prix pour les transports internationaux de marchandises par chemin de fer, ni avec l'article 4 de la recommandation du Conseil 84/646, adressée aux entreprises de chemins de fer nationales des États membres en ce qui concerne le renforcement de la coopération relative au trafic international de voyageurs et de marchandises, mais est, bien au contraire, en conformité avec ceux-ci.

10 Pour être considéré, aux fins de l'application de l'article 86 du traité, comme constituant l'objet d'un marché suffisamment distinct, le service ou le bien en cause doit pouvoir être individualisé par des caractéristiques particulières le différenciant d'autres services ou biens au point qu'il soit peu interchangeable avec eux et ne subisse leur concurrence que d'une manière peu sensible. Dans ce cadre, le degré d'interchangeabilité entre produits doit être évalué en fonction des caractéristiques objectives de ceux-ci, ainsi qu'en fonction de la structure de la demande, de l'offre sur le marché et des conditions de concurrence.

A cet égard, le marché des services ferroviaires constitue un sous-marché distinct du marché des transports ferroviaires en général. Il offre un ensemble spécifique de prestations, notamment la mise à disposition de locomotives, leur traction et l'accès à l'infrastructure ferroviaire, qui est fourni en fonction des demandes des opérateurs de transport ferroviaire, mais qui n'est aucunement interchangeable ou en concurrence avec les prestations de ces derniers. Le caractère distinct des services ferroviaires ressort, en outre, du fait qu'ils relèvent d'une demande et d'une offre spécifiques. En effet, les opérateurs de transport se trouvent dans l'impossibilité de fournir leurs prestations s'ils ne disposent pas des services ferroviaires.

Si, par ailleurs, les prestations relevant de ce sous-marché font l'objet d'une exclusivité légale, qui fait que les demandeurs se trouvent dans une situation de dépendance économique à l'égard du fournisseur, l'existence d'une position dominante sur un marché distinct ne saurait être niée, même si les prestations fournies en exclusivité présentent un lien avec un produit qui est lui-même en concurrence avec d'autres produits.

11 La définition du marché géographique aux fins de l'application de l'article 86 du traité n'exige pas que les conditions objectives de concurrence entre les opérateurs économiques soient parfaitement homogènes, mais uniquement qu'elles soient "similaires" ou "suffisamment homogènes", et que, dès lors, seules les zones dans lesquelles les conditions objectives de concurrence sont "hétérogènes" ne peuvent être considérées comme constituant un marché uniforme.

En outre, un État membre peut constituer, à lui seul, une partie substantielle du marché commun sur laquelle une entreprise peut détenir une position dominante, et cela notamment lorsqu'elle est titulaire sur ce territoire d'un monopole légal.

12 En interdisant l'exploitation abusive de position dominante, l'article 86 du traité entend interdire à une entreprise dominante de renforcer sa position en recourant à des moyens autres que ceux qui relèvent d'une concurrence par les mérites. Ainsi, une entreprise ne saurait pratiquer des différences artificielles de prix de nature à entraîner un désavantage pour ses clients et à fausser la concurrence.

13 L'existence d'une exploitation abusive de position dominante ne saurait être exclue du fait que l'entreprise détenant la position dominante a formellement adhéré à un accord qui a pour objet la fixation commune de tarifs et qui relève ainsi de l'interdiction des ententes. En effet, la présence d'un tel accord n'exclut pas l'hypothèse que l'une des entreprises liées par l'accord puisse imposer unilatéralement des tarifs discriminatoires.

14 La légalité d'une décision de la Commission prise à l'encontre d'une entreprise dans une affaire de concurrence ne saurait être affectée par le refus de la Commission d'accorder à nouveau l'accès au dossier pendant la période des délais de recours, dès lors que la demande formulée à cet effet l'a été après l'adoption et la notification de la décision et constitue donc un élément postérieur à l'adoption de celle-ci.

15 Le principe de sécurité juridique vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire. A cette fin, il est essentiel que les institutions communautaires respectent l'intangibilité des actes qu'elles ont adoptés et qui affectent la situation juridique et matérielle des sujets de droit, de sorte qu'elles ne pourront modifier ces actes que dans le respect des règles de compétence et de procédure.

16 Dans le cadre de l'application des règles de concurrence à des entreprises ferroviaires, la circonstance que la Commission constate une infraction à l'article 86 du traité et non pas à l'article 8 du règlement n° 1017/68, portant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, ne l'empêche pas d'infliger une amende en vertu de l'article 22 dudit règlement, étant donné que les dispositions applicables de l'article 8 précité ont le même libellé et la même portée que celles de l'article 86 du traité.

S'agissant de la prise en compte du chiffre d'affaires de l'entreprise en infraction pour la fixation de l'amende à lui infliger pour violation des règles de concurrence, il est loisible, dans le cadre de l'article 22 du règlement n° 1017/68, de tenir compte aussi bien du chiffre d'affaires global de l'entreprise que de la part de ce chiffre qui provient des prestations faisant l'objet de l'infraction. Pour ce qui est de la fixation du montant de l'amende à l'intérieur des limites quantitatives prévues par cette disposition, dès lors que les amendes constituent un instrument de la politique de concurrence de la Commission, celle-ci doit disposer d'une marge d'appréciation dans la fixation de leur montant, afin d'orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence.

Il incombe néanmoins au juge communautaire, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction en application de l'article 24 du règlement n° 1017/68, de contrôler si le montant de l'amende infligée est proportionné par rapport à la durée et aux autres éléments de nature à entrer dans l'appréciation de la gravité de l'infraction, tels que l'influence que l'entreprise a pu exercer sur le marché, le profit qu'elle a pu tirer de ses pratiques, le volume et la valeur des prestations concernées et le risque que l'infraction représente pour les objectifs de la Communauté.

A cet égard, le caractère inédit d'une décision infligeant des amendes dans le secteur du transport ferroviaire ne saurait être invoqué en faveur d'une réduction d'amende, dès lors que la gravité de l'infraction aux règles de concurrence est constante.

dans l'affaire T-229/94,

Deutsche Bahn AG, société de droit allemand, établie à Francfort (Allemagne), représentée par Me Jochim Sedemund, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. Norbert Lorenz, membre du service juridique, et Géraud de Bergues, fonctionnaire national détaché auprès de la Commission, puis par M. Klaus Wiedner, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Heinz-Joachim Freund, avocat à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision 94/210/CE de la Commission, du 29 mars 1994, relative à une procédure d'application des articles 85 et 86 du traité CE (IV/33.941 - HOV-SVZ/MCN, JO L 104, p. 34), ou, à titre subsidiaire, l'annulation ou la réduction de l'amende infligée par cette décision à la partie requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

(première chambre élargie),

composé de M. A. Saggio, président, M. A. Kalogeropoulos, Mme V. Tiili, MM. R. M. Moura Ramos et M. Jaeger, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 28 janvier 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits

1 Le 1er avril 1988, les entreprises Deutsche Bundesbahn (ci-après "DB", à laquelle a succédé, en 1994, la Deutsche Bahn, ci-après "requérante"), Société nationale des chemins de fer belges (ci-après "SNCB"), Nederlandse Spoorwegen (ci-après "NS"), Intercontainer et Transfracht ont conclu un accord relatif à la création d'un réseau de coopération dit "Maritime Container Network (MCN)" (ci-après "accord MCN").

2 Le terme "conteneur maritime" ("maritime container") désigne un conteneur qui est transporté pour l'essentiel par voie maritime, mais qui exige un préacheminement et un postacheminement par voie terrestre. L'accord MCN concernait les transports ferroviaires de conteneurs maritimes à destination ou en provenance de l'Allemagne qui transitaient, à cette fin, par un port allemand, belge ou néerlandais. Parmi les ports allemands, désignés, dans le contexte de l'accord MCN, comme les "ports du nord", se trouvaient ceux de Hambourg, de Brême et de Bremerhaven. Parmi les ports belges et néerlandais, dits "ports de l'ouest", se trouvaient ceux d'Anvers et de Rotterdam.

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