Jurisprudence : CJCE, 19-09-2000, aff. C-287/98, Grand-Duché de Luxembourg c/ Berthe Linster, Aloyse Linster et Yvonne Linster

CJCE, 19-09-2000, aff. C-287/98, Grand-Duché de Luxembourg c/ Berthe Linster, Aloyse Linster et Yvonne Linster

A1857AWP

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CJCE, 19-09-2000, aff. C-287/98, Grand-Duché de Luxembourg c/ Berthe Linster, Aloyse Linster et Yvonne Linster. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008213-cjce-19092000-aff-c28798-grandduche-de-luxembourg-c-berthe-linster-aloyse-linster-et-yvonne-linster
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Cour de justice des Communautés européennes

19 septembre 2000

Affaire n°C-287/98

Grand-Duché de Luxembourg
c/
Berthe Linster, Aloyse Linster et Yvonne Linster



61998J0287

Arrêt de la Cour
du 19 septembre 2000.

Grand-Duché de Luxembourg contre Berthe Linster, Aloyse Linster et Yvonne Linster.

Demande de décision préjudicielle: Tribunal d'arrondissement de Luxembourg - Grand-Duché de Luxembourg.

Environnement - Directive 85/337/CEE - Évaluation des incidences de certains projets publics ou privés - Acte législatif national spécifique - Effet de la directive.

Affaire C-287/98.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-6917

1 Environnement - Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement - Directive 85/337 - Procédure d'évaluation - Pouvoir d'appréciation des États membres - Pouvoir des juridictions nationales de contrôler le respect des limites du pouvoir d'appréciation

(Directive du Conseil 85/337, art. 5 et 6, § 2)

2 Droit communautaire - Interprétation - Principe de l'interprétation uniforme

3 Environnement - Évaluation des incidences de certains projets sur l'environnement - Directive 85/337 - Champ d'application - Projets adoptés en détail par un acte législatif national spécifique - Exclusion

(Directive du Conseil 85/337, art. 1er, § 5)

1 Lorsqu'une juridiction nationale est appelée à vérifier la légalité d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, dans le cadre de la réalisation d'une autoroute, de biens immobiliers appartenant à un particulier, elle peut contrôler si le législateur national est resté dans les limites de la marge d'appréciation tracées par la directive 85/337, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement, notamment, lorsque l'évaluation préalable des incidences du projet sur l'environnement n'a pas été effectuée, que les informations recueillies aux termes de l'article 5 n'ont pas été mises à la disposition du public et que le public concerné n'a pas eu la possibilité d'exprimer son avis avant que le projet ne soit entamé, contrairement aux prescriptions de l'article 6, paragraphe 2, de la directive 85/337. (voir point 39, disp. 1)

2 Il découle des exigences tant de l'application uniforme du droit communautaire que du principe d'égalité que les termes d'une disposition du droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute la Communauté, une interprétation uniforme et autonome qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l'objectif poursuivi par la disposition en cause. (voir point 43)

3 L'article 1er, paragraphe 5, de la directive 85/337, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics ou privés sur l'environnement, qui exclut du champ d'application de la directive les projets adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, doit être interprété en ce sens que constitue un acte législatif spécifique au sens de cette disposition une norme adoptée par un Parlement après débats parlementaires publics, lorsque la procédure législative a permis d'atteindre les objectifs poursuivis par la directive 85/337, y compris l'objectif de la mise à disposition d'informations, et que les informations dont ce Parlement disposait, au moment d'adopter le projet en détail, étaient équivalentes à celles qui auraient dû être soumises à l'autorité compétente dans le cadre d'une procédure ordinaire d'autorisation de projet. (voir point 59, disp. 3)

Dans l'affaire C-287/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg (Luxembourg) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

tat du grand-duché de Luxembourg

Berthe Linster,

Aloyse Linster,

Yvonne Linster,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (JO L 175, p. 40), et notamment de son article 1er, paragraphe 5, ainsi que des articles 177 du traité et 189 du traité CE (devenu article 249 CE), en ce qui concerne l'effet à reconnaître à cette directive,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, J. C. Moitinho de Almeida, L. Sevón (rapporteur) et R. Schintgen, présidents de chambre, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, P. Jann, H. Ragnemalm, M. Wathelet, V. Skouris et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour l'État du grand-duché de Luxembourg, par Mes T. Frieders-Scheifer et P. Kinsch, avocats au barreau de Luxembourg,

- pour Mmes et M. Linster, par Me M. Elvinger, avocat au barreau de Luxembourg,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. D. Wyatt, QC,

- pour la Commission des Communautés européennes, par MM. P. Stancanelli, membre du service juridique, et O. Couvert-Castéra, fonctionnaire national mis à la disposition du même service, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de l'État du grand-duché de Luxembourg, de Mmes et M. Linster, du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 12 octobre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 11 janvier 2000,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 15 juillet 1998, parvenue à la Cour le 27 juillet suivant, le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), plusieurs questions relatives à l'interprétation de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement (JO L 175, p. 40, ci-après la "directive"), et notamment de son article 1er, paragraphe 5, ainsi que des articles 177 du traité et 189 du traité CE (devenu article 249 CE), en ce qui concerne l'effet à reconnaître à cette directive.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant l'État du grand-duché de Luxembourg à Mmes et M. Linster (ci-après les "consorts Linster"), au sujet de l'expropriation de parcelles de terres leur appartenant, en vue de la construction de la section II, Hellange-Mondorf-les-Bains, de la liaison autoroutière entre la route collectrice du Sud et le réseau routier allemand (ci-après la "liaison autoroutière avec la Sarre").

Le cadre réglementaire

La directive

3 La directive concerne, selon son article 1er, paragraphe 1, l'évaluation des incidences sur l'environnement des projets publics et privés susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement.

4 Aux termes de l'article 1er, paragraphe 2, de la directive, on entend par "projet":

"- la réalisation de travaux de construction ou d'autres installations ou ouvrages,

- d'autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l'exploitation des ressources du sol".

5 L'article 1er, paragraphe 5, de la directive dispose qu'elle "ne s'applique pas aux projets qui sont adoptés en détail par un acte législatif national spécifique, les objectifs poursuivis par la présente directive, y compris l'objectif de la mise à disposition d'informations, étant atteints à travers la procédure législative".

6 Selon l'article 2, paragraphe 1, de la directive:

"Les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que, avant l'octroi de l'autorisation, les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation, soient soumis à une évaluation en ce qui concerne leurs incidences.

Ces projets sont définis à l'article 4."

7 L'article 4, paragraphe 1, de la directive pose le principe que les projets appartenant aux classes énumérées à l'annexe I de la directive sont soumis à une évaluation, conformément aux articles 5 à 10. Parmi ces projets, l'annexe I, point 7, vise la "Construction d'autoroutes, de voies rapides... ".

8 En substance, l'article 5 de la directive précise les informations minimales que doit fournir le maître d'ouvrage; l'article 6 impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que les autorités et le public concernés soient informés et puissent exprimer leur avis avant que le projet soit entamé; l'article 8 impose aux autorités compétentes de prendre en considération les informations recueillies conformément aux articles 5 et 6, et l'article 9 institue l'obligation pour les autorités compétentes d'informer le public de la décision qui a été prise et des conditions dont celle-ci est éventuellement assortie.

9 Plus particulièrement, l'article 5, paragraphes 1 et 2, de la directive dispose:

"1. Dans le cas des projets qui, en application de l'article 4, doivent être soumis à une évaluation des incidences sur l'environnement, conformément aux articles 5 à 10, les États membres adoptent les mesures nécessaires pour assurer que le maître d'ouvrage fournisse, sous une forme appropriée, les informations spécifiées à l'annexe III, dans la mesure où:

a) les États membres considèrent que ces informations sont appropriées à un stade donné de la procédure d'autorisation et aux caractéristiques spécifiques d'un projet spécifique ou d'un type de projet et des éléments de l'environnement susceptibles d'être affectés;

b) les États membres considèrent que l'on peut raisonnablement exiger d'un maître d'ouvrage de rassembler les données compte tenu, entre autres, des connaissances et des méthodes d'évaluation existantes.

2. Les informations à fournir par le maître d'ouvrage, conformément au paragraphe 1, comportent au minimum:

- une description du projet comportant des informations relatives à son site, à sa conception et à ses dimensions,

- une description des mesures envisagées pour éviter et réduire des effet négatifs importants et, si possible, y remédier,

- les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux que le projet est susceptible d'avoir sur l'environnement,

- un résumé non technique des informations visées aux premier, deuxième et troisième tirets."

10 L'annexe III de la directive comporte la liste des informations devant être communiquées par le maître d'ouvrage. Ces informations consistent, notamment, en une description du projet (point 1), une esquisse des principales solutions de substitution examinées et une motivation du choix effectué (point 2), une description des éléments de l'environnement susceptibles d'être affectés de manière notable et des effets importants susceptibles d'en résulter (points 3 et 4), ainsi qu'en une description des mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les effets négatifs importants du projet sur l'environnement (point 5).

11 Selon l'article 6, paragraphe 2, de la directive:

"Les États membres veillent:

- à ce que toute demande d'autorisation ainsi que les informations recueillies aux termes de l'article 5 soient mises à la disposition du public,

- à ce qu'il soit donné au public concerné la possibilité d'exprimer son avis avant que le projet ne soit entamé."

Le droit luxembourgeois

12 Il ressort de l'exposé fait par la juridiction de renvoi que, par une même loi, le législateur luxembourgeois a à la fois transposé partiellement la directive, en prévoyant l'obligation de faire réaliser une étude d'évaluation des incidences sur l'environnement pour ce qui concerne la construction de certaines routes, et adopté le principe de la construction de la liaison autoroutière avec la Sarre.

13 La directive a en effet été transposée en droit luxembourgeois, notamment, par la loi du 31 juillet 1995, modifiant et complétant la loi modifiée du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes (Mémorial A 1995, p. 1810, ci-après la "loi de 1995").

14 L'article 14 bis de la loi du 16 août 1967 ayant pour objet la création d'une grande voirie de communication et d'un fonds des routes (Mémorial A 1967, p. 868, ci-après la "loi de 1967"), tel que modifié par la loi de 1995, prévoit ainsi que l'inscription de tout projet de construction dans le corps de la loi est subordonnée à l'élaboration préalable d'une étude d'évaluation des incidences sur l'environnement naturel et l'environnement humain. Cette étude doit notamment comprendre la justification de l'opportunité du projet de construction et du choix de la ou des variantes. Il est également prévu une procédure de consultation publique avant la détermination du tracé.

15 La loi de 1995 a également modifié l'article 6 de la loi de 1967 qui, dans sa nouvelle rédaction, prévoit la liaison, aux frontières respectives, aux réseaux routiers allemand et belge, de la route collectrice du Sud reliant entre elles les principales localités du bassin minier de Rodange à Bettembourg.

16 Lors de la discussion du projet de loi ayant abouti à la loi de 1995, la question s'est posée de savoir si l'article 14 bis de la loi de 1967, tel qu'il devait être modifié, devrait déjà s'appliquer à la construction de la liaison autoroutière avec la Sarre. Un amendement en ce sens a toutefois été rejeté par les députés.

17 L'examen du dossier relatif à l'adoption de la loi de 1995 montre que, au moment du vote du projet de loi, plusieurs tracés étaient encore en discussion pour la liaison autoroutière avec la Sarre (variante nord et variante sud). En même temps qu'ils ont voté le projet de loi, le 13 juillet 1995, les députés ont adopté une motion n° 2 invitant le gouvernement à réaliser la variante sud de cette liaison (Chambre des députés, Compte rendu des séances publiques, Session ordinaire 1994-1995, 64e séance, jeudi 13 juillet 1995, p. 3390 [texte] et 3476 [vote]).

18 C'est cette variante qui a été retenue par le gouvernement lorsqu'il a arrêté le tracé définitif de la liaison autoroutière avec la Sarre, par le règlement grand-ducal du 21 novembre 1996, portant approbation des plans des parcelles sujettes à emprise et des listes des propriétaires de ces parcelles en vue de la construction de la section II, Hellange-Mondorf-les-Bains, de la liaison avec la Sarre (Mémorial A 1996, p. 2468, ci-après le "règlement de 1996").

Le litige au principal

19 En vue de la réalisation de la liaison autoroutière avec la Sarre, l'État du grand-duché de Luxembourg a introduit, devant le Tribunal d'arrondissement de Luxembourg, une demande d'expropriation de terrains sis à Hellange, commune de Frisange, à l'encontre des consorts Linster, propriétaires de ces terrains.

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