Jurisprudence : CJCE, 12-05-1998, aff. C-336/96, Epoux Robert Gilly c/ Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin

CJCE, 12-05-1998, aff. C-336/96, Epoux Robert Gilly c/ Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin

A1840AW3

Référence

CJCE, 12-05-1998, aff. C-336/96, Epoux Robert Gilly c/ Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008196-cjce-12051998-aff-c33696-epoux-robert-gilly-c-directeur-des-services-fiscaux-du-basrhin
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Cour de justice des Communautés européennes

12 mai 1998

Affaire n°C-336/96

Epoux Robert Gilly
c/
Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin



61996J0336

Arrêt de la Cour
du 12 mai 1998.

Epoux Robert Gilly contre Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin.

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Strasbourg - France.

Articles 6, 48 et 220 du traité CE - Obligation d'égalité de traitement - Convention bilatérale préventive de double imposition - Travailleurs frontaliers.

Affaire C-336/96.

Recueil de Jurisprudence 1998 page I-2793

1 Traité CE - Article 220, deuxième tiret - Effet direct - Absence

(Traité CE, art. 220)

2 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Rémunération - Impôts sur le revenu - Revenus perçus sur le territoire d'un État membre par les ressortissants d'un autre État membre - Travailleurs frontaliers - Application des dispositions d'une convention bilatérale visant à éviter les doubles impositions - Admissibilité

(Traité CE, art. 48 et 220)

3 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Rémunération - Impôts sur le revenu - Revenus perçus sur le territoire d'un État membre par les ressortissants d'un autre État membre - Application d'un mécanisme de crédit d'impôt prévu par une convention bilatérale visant à éviter les doubles impositions - Admissibilité

(Traité CE, art. 48)

1 L'article 220 n'a pas pour objet de poser une règle juridique opérante comme telle, mais se borne à tracer le cadre d'une négociation que les États membres engageront entre eux "en tant que de besoin". Quant à son deuxième tiret, il se borne à indiquer comme objectif de cette négociation éventuelle l'élimination de la double imposition à l'intérieur de la Communauté.

Ainsi, même si l'élimination de la double imposition à l'intérieur de la Communauté figure parmi les objectifs du traité, il résulte du texte de cette disposition que celle-ci ne saurait comme telle conférer à des particuliers des droits susceptibles d'être invoqués devant les juridictions nationales.

Il s'ensuit que l'article 220, deuxième tiret, du traité n'a pas d'effet direct.

2 L'article 48 du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application de dispositions telles que celles des articles 13, paragraphe 5, sous a), 14, paragraphe 1, et 16 de la convention signée à Paris, le 21 juillet 1959, préventive de double imposition entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, telle que modifiée par les avenants signés à Bonn le 9 juin 1969 et le 28 septembre 1989, désignant un régime d'imposition différent, d'une part, pour les travailleurs frontaliers selon qu'ils travaillent dans le secteur privé ou dans le secteur public et, lorsqu'ils travaillent dans le secteur public, selon qu'ils ont ou non la nationalité de l'État dont relève l'administration qui les occupe, et, d'autre part, pour les enseignants, selon qu'ils sont ou non en séjour de courte durée dans l'État où ils exercent leur activité professionnelle.

Les différenciations opérées par de telles dispositions, alors même que celle concernant les rémunérations publiques tient à la nationalité, ne sauraient être considérées comme constitutives de discriminations interdites au titre de l'article 48 du traité. En effet, elles découlent, en l'absence de mesures d'unification ou d'harmonisation dans le cadre communautaire, notamment au titre de l'article 220, deuxième tiret, du traité, de la compétence qu'ont les parties contractantes de définir, en vue d'éliminer les doubles impositions, les critères de répartition entre elles de leur pouvoir de taxation.

3 L'article 48 du traité doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à l'application d'un mécanisme de crédit d'impôt tel que celui institué par l'article 20, paragraphe 2, sous a), cc), de la convention préventive de double imposition entre la République française et la République fédérale d'Allemagne.

L'objet d'une telle disposition est seulement d'éviter que les mêmes revenus soient imposés dans chacun des deux États parties à la convention. Il n'est pas de garantir que l'imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans un État ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l'autre. Or, il est constant que les conséquences défavorables que pourrait entraîner, en certaines situations, le mécanisme de crédit d'impôt, institué par une convention bilatérale et tel que mis en oeuvre dans le cadre du système fiscal de l'État de résidence, découlent au premier chef des disparités entre les barèmes d'imposition des États membres en cause, dont la fixation, en l'absence de réglementation communautaire en la matière, relève de la compétence des États membres.

Dans l'affaire C-336/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal administratif de Strasbourg (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

poux Robert Gilly

Directeur des services fiscaux du Bas-Rhin,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 6, 48 et 220 du traité CE,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, M. Wathelet (rapporteur) et R. Schintgen, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, P. J. G. Kapteyn, J. L. Murray, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, L. Sevón et K. M. Ioannou, juges,

avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- par M. et Mme Gilly, demandeurs au principal,

- pour le gouvernement français, par Mme C. de Salins, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. G. Mignot, secrétaire des affaires étrangères à la même direction, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement belge, par M. J. Devadder, conseiller général au ministère des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement danois, par M. P. Biering, conseiller juridique, chef de division au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par M. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. G. De Bellis, avvocato dello Stato,

- pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement suédois, par M. E. Brattgård, departmentsråd au département du commerce extérieur du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme H. Michard et M. E. Traversa, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Gilly, du gouvernement français, représenté par M. G. Mignot, du gouvernement danois, représenté par M. J. Molde, conseiller juridique, chef de division au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement italien, représenté par M. G. De Bellis, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement du Royaume-Uni, représenté par M. R. Singh, du Treasury Solicitor' s Department, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme H. Michard, à l'audience du 23 octobre 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 20 novembre 1997,

rend le présent

Arrêt

1 Par jugement du 10 octobre 1996, parvenu à la Cour le 11 octobre suivant, le tribunal administratif de Strasbourg a posé à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, six questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 6, 48 et 220 du même traité.

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre de plusieurs litiges opposant M. et Mme Gilly au directeur des services fiscaux du Bas-Rhin au sujet du calcul de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, en application de la convention signée à Paris, le 21 juillet 1959, entre la République française et la République fédérale d'Allemagne, en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi qu'en matière de contributions des patentes et de contributions foncières (ci-après la "convention"), telle que modifiée par les avenants signés à Bonn le 9 juin 1969 et le 28 septembre 1989.

3 M. et Mme Gilly résident en France, près de la frontière allemande. M. Gilly, de nationalité française, est professeur dans l'enseignement public en France. Mme Gilly, de nationalité allemande et ayant par son mariage acquis également la nationalité française, est institutrice dans une école publique en Allemagne, située dans la zone frontalière.

4 En ce qui concerne l'imposition des revenus du travail salarié, l'article 13, paragraphe 1, de la convention pose le principe de base suivant:

"Sous réserve des dispositions des paragraphes ci-après, les revenus provenant d'un travail dépendant ne sont imposables que dans l'État contractant où s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus. Sont considérés notamment comme revenus provenant d'un travail dépendant les appointements, traitements, salaires, gratifications ou autres émoluments, ainsi que tous les avantages analogues payés ou alloués par des personnes autres que celles visées à l'article 14."

5 L'article 13, paragraphe 5, sous a), comporte une dérogation à la règle de la taxation dans le pays du travail pour les travailleurs salariés frontaliers, lesquels sont imposables dans l'État de résidence:

"Par dérogation aux paragraphes (1), (3) et (4), les revenus provenant du travail dépendant de personnes qui travaillent dans la zone frontalière d'un État contractant et qui ont leur foyer d'habitation permanent dans la zone frontalière de l'autre État contractant où elles rentrent normalement chaque jour ne sont imposables que dans cet autre État."

6 Toutefois, s'agissant des contribuables percevant des rémunérations et pensions du secteur public, l'article 14, paragraphe 1, de la convention prévoit qu'ils sont, en principe, imposables dans l'État payeur:

"Les traitements, salaires et rémunérations analogues ainsi que les pensions de retraite versés par un des États contractants, un Land ou par une personne morale de droit public de cet État ou Land à des personnes physiques résidents de l'autre État en considération de services administratifs ou militaires actuels ou antérieurs ne sont imposables que dans le premier État. Toutefois, cette disposition ne trouve pas à s'appliquer lorsque les rémunérations sont allouées à des personnes possédant la nationalité de l'autre État sans être en même temps ressortissants du premier État; en ce cas, les rémunérations ne sont imposables que dans l'État dont ces personnes sont les résidents."

7 L'article 16 de la convention comporte une règle spéciale applicable aux enseignants en séjour provisoire, prévoyant le maintien de la taxation dans l'État d'emploi d'origine:

"Les professeurs ou instituteurs résidents dans l'un des États contractants qui, au cours d'un séjour provisoire d'un maximum de deux ans, perçoivent une rémunération pour une activité pédagogique exercée dans une université, une école supérieure, une école ou un autre établissement d'enseignement dans l'autre État ne sont imposables au titre de cette rémunération que dans le premier État."

8 En ce qui concerne la double imposition, l'article 20, paragraphe 2, sous a), cc), de la convention, tel que modifié par l'avenant signé le 28 septembre 1989, se lit comme suit:

"2) En ce qui concerne les résidents de France, la double imposition est évitée de la façon suivante:

a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de la République fédérale et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente Convention sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt allemand n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal:

...

cc) pour tous les autres revenus, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette disposition est notamment applicable aux revenus visés aux articles... 13, paragraphes (1) et (2), et 14."

9 Il ressort du jugement de renvoi que, selon la règle dite "du taux effectif", le montant du crédit d'impôt est égal au produit du montant des revenus nets imposés en Allemagne par le taux résultant du rapport entre l'impôt effectivement dû en raison du revenu net global imposable par la législation française et le montant de ce dernier revenu.

10 Selon la juridiction de renvoi, ce crédit d'impôt imputable sur l'impôt français peut se révéler inférieur à l'impôt effectivement payé en Allemagne du fait d'un régime fiscal plus progressif dans ce pays. Pour les travailleurs frontaliers français imposés à la fois en Allemagne sur les revenus perçus dans ce pays et en France sur leur revenu total après déduction du crédit d'impôt susmentionné, l'imposition peut ainsi être plus lourde que pour des personnes ayant un revenu identique mais d'origine exclusivement française.

11 En l'espèce, les traitements publics perçus, au cours des années 1989, 1990, 1991, 1992 et 1993, par Mme Gilly en Allemagne ont été imposés, conformément à l'article 14, paragraphe 1, de la convention, en Allemagne dès lors qu'elle est de nationalité allemande. Ces traitements ont également été imposés en France par application de l'article 20, paragraphe 2, sous a), de la convention. Toutefois, en vertu du littera cc) de cette dernière disposition, l'imposition de ces revenus en Allemagne a ouvert droit à un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus.

12 Dans les recours qu'ils ont intentés, par requêtes des 8 juillet 1992 et 21 juillet 1995, devant le tribunal administratif de Strasbourg, M. et Mme Gilly ont soutenu que l'application des dispositions susvisées de la convention a entraîné une surtaxation injustifiée et discriminatoire incompatible notamment avec les articles 6 (anciennement article 7 du traité CEE), 48 et 220 du traité CE. Aussi ont-ils demandé la décharge des impositions litigieuses et le remboursement par l'administration fiscale du montant des impositions selon eux indûment perçues.

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