Jurisprudence : CJCE, 30-03-2000, aff. C-236/98, Jämställdhetsombudsmannen c/ Örebro läns landsting

CJCE, 30-03-2000, aff. C-236/98, Jämställdhetsombudsmannen c/ Örebro läns landsting

A1827AWL

Référence

CJCE, 30-03-2000, aff. C-236/98, Jämställdhetsombudsmannen c/ Örebro läns landsting. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008185-cjce-30032000-aff-c23698-jamstalldhetsombudsmannen-c-orebro-lans-landsting
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Cour de justice des Communautés européennes

30 mars 2000

Affaire n°C-236/98

Jämställdhetsombudsmannen
c/
Örebro läns landsting



61998J0236

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 30 mars 2000.

Jämställdhetsombudsmannen contre Örebro läns landsting.

Demande de décision préjudicielle: Arbetsdomstolen - Suède.

Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Egalité des rémunérations pour un travail de valeur égale - Article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) - Directive 75/117/CEE - Comparaison entre la rémunération d'une sage-femme et celle d'un ingénieur de clinique - Prise en compte d'une indemnité et d'une réduction du temps de travail pour cause d'horaires incommodes.

Affaire C-236/98.

Recueil de Jurisprudence

Edition française 2000 page I-2189

1 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Indemnité pour horaires décalés versée à des sages-femmes - Prise en compte en vue de la comparaison avec les rémunérations des ingénieurs de clinique - Exclusion - Charge de la preuve en cas de discrimination apparente

(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); directive du Conseil 75/117)

2 Politique sociale - Travailleurs masculins et travailleurs féminins - Égalité de rémunération - Réduction du temps de travail accordée aux sages-femmes pour cause de travail par roulement et contre-valeur d'une telle réduction - Prise en compte en vue de la comparaison avec les rémunérations des ingénieurs de clinique - Exclusion - Réduction pouvant constituer un facteur susceptible de justifier une éventuelle différence de rémunération - Charge de la preuve

(Traité CE, art. 119 (les art. 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les art. 136 CE à 143 CE); directive du Conseil 75/117)

1 Une indemnité pour horaires décalés versée à des sages-femmes, qui varie selon les mois en fonction de la période de la journée durant laquelle les tranches horaires ont été effectuées et qui rend, de ce fait, difficile une comparaison entre, d'une part, l'ensemble du salaire et du supplément d'une sage-femme et, d'autre part, le salaire de base du groupe des ingénieurs de clinique, ne doit pas être prise en considération dans le calcul du salaire servant de base aux fins de la comparaison des rémunérations, au sens de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 75/117, accordées aux deux groupes en cause.

Au cas où une différence de rémunération entre les deux groupes comparés est constatée et où les données statistiques disponibles indiquent l'existence d'une proportion bien plus importante de femmes que d'hommes dans le groupe défavorisé, l'article 119 du traité impose à l'employeur de justifier cette différence par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe.

(voir points 45, 54, disp. 1)

2 La réduction du temps de travail accordée au travail effectué par les sages-femmes selon un système de roulement de trois équipes par rapport à la durée normale de travail de jour effectué par les ingénieurs de clinique ou la contre-valeur d'une telle réduction ne doivent pas être prises en considération dans le calcul du salaire servant de base au fins de la comparaison des rémunérations, au sens de l'article 119 du traité (les articles 117 à 120 du traité ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 75/117, accordées aux deux groupes en cause.

Cependant, une telle réduction peut constituer une raison objective et étrangère à toute discrimination fondée sur le sexe, de nature à justifier une différence de rémunération. Il appartient à l'employeur de démontrer que tel est effectivement le cas.

(voir point 63, disp. 2)

Dans l'affaire C-236/98,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par l'Arbetsdomstolen (Suède) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Jämställdhetsombudsmannen

rebro läns landsting,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. J. C. Moitinho de Almeida, président de chambre, R. Schintgen (rapporteur), C. Gulmann, J.-P. Puissochet et Mme F. Macken, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le Jämställdhetsombudsmannen, par Mme L. Svenaeus, assistée de Lord Lester of Herne Hill, QC, et de Mme L. Bergh, ställföreträdande jämställdhetsombudsman,

- pour l'Örebro läns landsting, par MM. G. Bergström, arbetsrättchef, et A. Barav, barrister,

- pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch, ambassadeur, chef du service des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et Mme T. Pynnä, conseiller juridique au même ministère, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mmes K. Oldfelt, conseiller juridique principal, et M. Wolfcarius, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du Jämställdhetsombudsmannen, représenté par Mme L. Svenaeus, assistée de Lord Lester of Herne Hill, de l'Örebro läns landsting, représenté par MM. G. Bergström et A. Barav, du gouvernement finlandais, représenté par Mme E. Bygglin, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme K. Oldfelt, à l'audience du 21 octobre 1999,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 décembre 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par décision du 2 juillet 1998, parvenue à la Cour le 6 juillet suivant, l'Arbetsdomstolen (tribunal du travail) a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), cinq questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 119 du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) et de la directive 75/117/CEE du Conseil, du 10 février 1975, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à l'application du principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins (JO L 45, p. 19).

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant le Jämställdhetsombudsmannen (médiateur pour l'égalité entre les sexes, ci-après le "JämO") à l'Örebro läns landsting (conseil général du département d'Örebro, ci-après le "landsting") au sujet de la rémunération de deux sages-femmes, qui est inférieure à celle perçue par un ingénieur de clinique, alors que, selon le JämO, elles effectueraient un travail de valeur équivalente.

Le cadre juridique

Les dispositions communautaires

3 En vertu de l'article 1er, premier alinéa, de la directive 75/117, le principe de l'égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins, qui figure à l'article 119 du traité, implique, pour un même travail ou pour un travail auquel est attribuée une valeur égale, l'élimination, dans l'ensemble des éléments et conditions de rémunération, de toute discrimination fondée sur le sexe.

4 L'article 3 de la même directive précise que les États membres suppriment les discriminations entre les hommes et les femmes qui découlent de dispositions législatives, réglementaires ou administratives et qui sont contraires au principe de l'égalité des rémunérations.

5 Conformément à son article 4, les États membres prennent les mesures nécessaires pour que les dispositions qui figurent dans des conventions collectives, des barèmes ou accords de salaires ou des contrats individuels de travail et qui sont contraires au principe de l'égalité des rémunérations soient nulles, puissent être déclarées nulles ou puissent être amendées.

6 Conformément à son article 1er, la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), vise la mise en oeuvre, dans les États membres, du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne, notamment, l'accès à l'emploi et les conditions de travail.

Les dispositions nationales

7 En Suède, la jämställdhetslagen (loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes, SFS 1991, n° 433) vise à promouvoir l'égalité de droits entre les les hommes et les femmes en ce qui concerne le travail, le recrutement et les autres conditions de travail, ainsi que les possibilités d'épanouissement professionnel.

8 En vertu de l'article 2 de la jämställdhetslagen, l'employeur et le travailleur coopèrent en vue de réaliser l'égalité dans la vie professionnelle. Ils favorisent en particulier la diminution et l'élimination des différences de salaire et d'autres conditions de travail entre les hommes et les femmes qui exercent un travail qu'il y a lieu de considérer comme identique ou de valeur égale.

9 Aux termes de l'article 18 de la jämställdhetslagen:

"Il y a discrimination sexuelle illégale lorsqu'un employeur applique à un travailleur une rémunération ou d'autres conditions d'engagement moins favorables que celles qu'il applique à un travailleur du sexe opposé, lorsque ces travailleurs fournissent un travail qui doit être considéré comme identique ou de valeur équivalente.

Il n'y a cependant pas de discrimination lorsque l'employeur peut démontrer que les différences dans les conditions d'engagement sont fondées sur des différences dans la compétence professionnelle des travailleurs ou qu'elles n'ont, en toute hypothèse, aucun rapport direct ou indirect avec l'appartenance sexuelle des travailleurs."

10 Conformément à l'article 46 de la jämställdhetslagen, dans les litiges concernant l'application de l'article 18, le JämO peut introduire un recours au nom d'un travailleur ou d'un demandeur d'emploi s'il y consent et si le JämO estime qu'un jugement présente de l'intérêt pour l'application du droit ou que d'autres motifs le justifient.

11 La convention collective Allmänna Bestämmelser 95 s'applique dans l'affaire au principal.

12 L'article 8 de ladite convention est rédigé ainsi:

"Le temps de travail ordinaire pour les personnes travaillant à temps plein est, sauf si la présente convention n'en dispose autrement, de 40 heures par semaine sans jours fériés en moyenne... Le temps de travail ordinaire prévu pour les jours de semaine comme les dimanches et les jours fériés ou prévu pour les jours de semaine et les jours fériés est, pour les personnes travaillant à temps plein, de 38 heures et 15 minutes par semaine en moyenne... Le temps de travail hebdomadaire moyen dans le cadre d'organisations telles que le travail par roulement est cependant de 34 heures et 20 minutes."

13 L'article 13 de cette même convention précise:

"Le travailleur jouit des prestations pécuniaires conformément à la convention. Les prestations sont constituées du salaire au sens des articles 14 à 18, des allocations de congés payés, de l'indemnité compensatoire de congés payés et de la rémunération durant une période de congé, ainsi que des indemnités spécifiques suivantes: la rémunération des heures supplémentaires de travail, l'indemnité de déplacement, le supplément pour heure incommode, l'indemnité de garde et de disponibilité, ainsi que le supplément pour horaire reporté."

14 L'article 14 de la convention prévoit que tout travailleur perçoit un salaire par mois calendaire, déterminé conventionnellement.

15 En vertu de son article 32, les travailleurs dont les obligations professionnelles sont fixées par un tableau horaire ou un document comparable et qui ont exercé leur activité selon un horaire incommode, sans qu'il s'agisse d'heures supplémentaires, ont droit, à ce titre, à un supplément.

Le litige au principal

16 Le JämO a formé un recours au nom de deux sages-femmes devant la juridiction de renvoi, afin d'obtenir le paiement par le landsting, au profit de ces dernières, de dommages-intérêts pour discrimination en matière de rémunération pour la période allant du 1er janvier 1994 au 30 juin 1996 ainsi que la différence entre leurs rémunérations et celle supérieure perçue par un ingénieur de clinique, au motif qu'elles auraient effectué un travail de valeur équivalente.

17 Les sages-femmes en cause au principal, Mmes Ellmén et Wetterberg, ainsi que l'ingénieur de clinique, M. Persson, sont employés par le landsting à l'hôpital régional d'Örebro. Leur rémunération et leurs conditions de travail sont régies par des conventions collectives, en particulier par la convention collective Allmänna Bestämmelser 95.

18 Le salaire mensuel de base de Mmes Ellmén et Wetterberg s'élève respectivement à la somme de 17 400 SEK et de 16 600 SEK, alors que celui de M. Persson s'élève à la somme de 19 650 SEK.

19 L'indemnité pour horaires incommodes est régie par une convention collective et est calculée de la même manière pour l'ensemble des travailleurs concernés. Cette indemnité varie selon le moment de la journée et selon que les heures sont effectuées un samedi ou un jour férié. La rémunération du travail pour horaires incommodes n'est généralement accordée que pour le travail effectué entre 19 h 00 et 6 h 00 en semaine. Les sages-femmes ont régulièrement perçu cette indemnité, contrairement à l'ingénieur de clinique qui n'a pas travaillé selon des horaires ouvrant droit à l'indemnité.

20 Les sages-femmes travaillent selon un système de roulement de trois équipes, de 7 h 00 à 15 h 30, de 14 h 00 à 22 h 00 et de 21 h 30 à 7 h 30. L'horaire est établi pour des périodes de 15 semaines. Le JämO fait valoir que le seul groupe professionnel travaillant par roulement dans le secteur des soins de santé en Suède est celui des sages-femmes dans le service des accouchements.

21 Conformément à la convention collective Allmänna Bestämmelser 95, une semaine de travail à temps plein comporte en moyenne 40 heures, sauf lorsque les dimanches et/ou les jours fériés sont ouvrés, de sorte que la semaine comporte alors en moyenne 38 heures et 15 minutes, et lorsque des accords tels que le système d'équipes ont été convenus, la semaine comportant alors 34 heures et 20 minutes.

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