Jurisprudence : CJCE, 26-06-2001, aff. C-173/99, The Queen c/ Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU)

CJCE, 26-06-2001, aff. C-173/99, The Queen c/ Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU)

A1717AWI

Référence

CJCE, 26-06-2001, aff. C-173/99, The Queen c/ Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU). Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008076-cjce-26062001-aff-c17399-the-queen-c-secretary-of-state-for-trade-and-industry-ex-parte-broadcasting
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Cour de justice des Communautés européennes

26 juin 2001

Affaire n°C-173/99

The Queen
c/
Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU)



61999J0173

Arrêt de la Cour (sixième chambre)
du 26 juin 2001.

The Queen contre Secretary of State for Trade and Industry, ex parte Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU).

Demande de décision préjudicielle: High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Crown Office) - Royaume-Uni.

Politique sociale - Protection de la sécurité et de la santé des travailleurs - Directive 93/104/CE - Droit au congé annuel payé - Condition d'ouverture du droit imposée par une réglementation nationale - Accomplissement d'une période d'emploi minimale auprès d'un même employeur.

Affaire C-173/99.

Recueil de jurisprudence 2001 page 0000

Dans l'affaire C-173/99,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 234 CE, par la High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Crown Office) (Royaume-Uni), et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

The Queen

Secretary of State for Trade and Industry,

ex parte:

Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU),

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 7 de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18),

LA COUR

(sixième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, V. Skouris, R. Schintgen (rapporteur), Mme N. Colneric et M. J. N. Cunha Rodrigues, juges,

avocat général: M. A. Tizzano,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU), par Mme L. Cox, QC, et M. J. Coppel, barrister, mandatés par M. S. Cavalier, solicitor,

- pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité d'agent, assisté de Mme E. Sharpston, QC, et de M. P. Sales, barrister,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. D. Gouloussis et Mme N. Yerrell, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (BECTU), du gouvernement du Royaume-Uni et de la Commission à l'audience du 7 décembre 2000,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 8 février 2001,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 14 avril 1999, parvenue à la Cour le 10 mai suivant, la High Court of Justice (England & Wales), Queen' s Bench Division (Crown Office), a posé à la Cour, en application de l'article 234 CE, deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 7 de la directive 93/104/CE du Conseil, du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (JO L 307, p. 18).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant Broadcasting, Entertainment, Cinematographic and Theatre Union (ci-après "BECTU") au Secretary of State for Trade and Industry (ci-après le "Secretary of State") au sujet de la transposition dans le droit interne du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord de la disposition de la directive 93/104 qui réglemente le droit au congé annuel payé.

Le cadre juridique

La réglementation communautaire

3 L'article 118 A du traité CE (les articles 117 à 120 du traité CE ont été remplacés par les articles 136 CE à 143 CE) dispose:

"1. Les États membres s'attachent à promouvoir l'amélioration, notamment du milieu de travail, pour protéger la sécurité et la santé des travailleurs et se fixent pour objectif l'harmonisation, dans le progrès, des conditions existant dans ce domaine.

2. Pour contribuer à la réalisation de l'objectif prévu au paragraphe 1, le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article 189 C et après consultation du Comité économique et social, arrête par voie de directive les prescriptions minimales applicables progressivement, compte tenu des conditions et des réglementations techniques existant dans chacun des États membres.

Ces directives évitent d'imposer des contraintes administratives, financières et juridiques telles qu'elles contrarieraient la création et le développement de petites et moyennes entreprises.

3. Les dispositions arrêtées en vertu du présent article ne font pas obstacle au maintien et à l'établissement, par chaque État membre, de mesures de protection renforcée des conditions de travail compatibles avec le présent traité."

4 C'est sur le fondement de l'article 118 A du traité qu'un certain nombre de directives ont été adoptées, notamment les directives 89/391/CEE du Conseil, du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (JO L 183, p. 1), ainsi que 93/104.

5 La directive 89/391 est la directive-cadre qui arrête les principes généraux en matière de sécurité et de santé des travailleurs. Ces principes ont été ultérieurement développés par une série de directives particulières, parmi lesquelles figure la directive 93/104.

6 L'article 2 de la directive 89/391 définit le champ d'application de celle-ci comme suit:

"1. La présente directive s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics (activités industrielles, agricoles, commerciales, administratives, de service, éducatives, culturelles, de loisirs, etc.).

2. La présente directive n'est pas applicable lorsque des particularités inhérentes à certaines activités spécifiques dans la fonction publique, par exemple dans les forces armées ou la police, ou à certaines activités spécifiques dans les services de protection civile s'y opposent de manière contraignante.

Dans ce cas, il y a lieu de veiller à ce que la sécurité et la santé des travailleurs soient assurées, dans toute la mesure du possible, compte tenu des objectifs de la présente directive."

7 Sous le titre "Définitions", l'article 3 de la directive 89/391 prévoit:

"Aux fins de la présente directive, on entend par:

a) travailleur, toute personne employée par un employeur ainsi que les stagiaires et apprentis, à l'exclusion des domestiques;

b) employeur, toute personne physique ou morale qui est titulaire de la relation de travail avec le travailleur et qui a la responsabilité de l'entreprise et/ou de l'établissement;

[...]"

8 Conformément à son article 1er, la directive 93/104 fixe des prescriptions minimales de sécurité et de santé en matière d'aménagement du temps de travail et s'applique à tous les secteurs d'activités, privés ou publics, au sens de l'article 2 de la directive 89/391, à l'exception des transports aériens, ferroviaires, routiers, maritimes, fluviaux et lacustres, de la pêche maritime, d'autres activités en mer, ainsi que des activités des médecins en formation.

9 La section II de la directive 93/104 prévoit les mesures que les États membres sont tenus de prendre pour que tout travailleur bénéficie de périodes minimales de repos journalier, de repos hebdomadaire ainsi que de congé annuel payé, et elle réglemente également le temps de pause et la durée maximale hebdomadaire de travail.

10 La section III de ladite directive établit une série de prescriptions concernant la durée et les conditions du travail de nuit et du travail posté, ainsi que le rythme de travail.

11 En ce qui concerne le congé annuel, l'article 7 de la directive 93/104 dispose:

"1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales.

2. La période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail."

12 Aux termes de l'article 15 de la directive 93/104:

"La présente directive ne porte pas atteinte à la faculté des États membres d'appliquer ou d'introduire des dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs ou de favoriser ou de permettre l'application de conventions collectives ou d'accords conclus entre partenaires sociaux plus favorables à la protection de la sécurité et de la santé des travailleurs."

13 La même directive énonce, à son article 17, une série de dérogations à plusieurs de ses règles de base, compte tenu des particularités de certaines activités et moyennant certaines conditions.

14 Il est toutefois constant que ces dérogations ne s'appliquent pas au droit au congé annuel payé prévu à l'article 7 de ladite directive, et tant BECTU que le Secretary of State s'accordent pour admettre qu'aucune desdites dérogations ne trouve à s'appliquer à l'affaire au principal.

15 L'article 18 de la directive 93/104, intitulé "Dispositions finales", prévoit, à son paragraphe 1, sous a), que celle-ci devait être transposée en droit interne au plus tard le 23 novembre 1996.

16 Toutefois, aux termes du paragraphe 1, sous b), ii), de ladite disposition, les États membres ont "la faculté, en ce qui concerne l'application de l'article 7, de faire usage d'une période transitoire maximale de trois ans à compter de la date visée au point a), à condition que pendant cette période transitoire:

- tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé de trois semaines, conformément aux conditions d'obtention et d'octroi prévues par les législations et/ou pratiques nationales

- la période de trois semaines de congé annuel payé ne puisse être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de relation de travail."

17 Il est constant que le Royaume-Uni a fait usage de cette faculté ouverte par l'article 18, paragraphe 1, sous b), ii), de la directive 93/104.

La réglementation nationale

18 Au Royaume-Uni, la directive 93/104 a été transposée en droit national par les Working Time Regulations 1998 (arrêté sur le temps de travail, S.I. 1998, n° 1833, ci-après l'"arrêté"). Élaboré par le gouvernement le 30 juillet 1998 et déposé au Parlement le même jour, cet arrêté est entré en vigueur le 1er octobre 1998.

19 L'article 13 de l'arrêté concerne le droit au congé annuel.

20 Les paragraphes 1 et 2 de cette disposition sont ainsi libellés:

"1. Sous réserve des paragraphes 5 et 7, un travailleur a droit au cours de chaque année de référence à une période de congé déterminée en application du paragraphe 2.

2. La période de congé à laquelle un travailleur a droit au titre du paragraphe 1 représente,

a) pour toute année de référence débutant le 23 novembre 1998 ou auparavant, trois semaines;

b) pour toute année de référence débutant après le 23 novembre 1998, mais avant le 23 novembre 1999, trois semaines augmentées d'une fraction d'une quatrième semaine équivalant à la proportion de l'année débutant le 23 novembre 1998 qui s'est écoulée au début de cette année de référence; et

c) pour toute année de référence débutant après le 23 novembre 1999, quatre semaines."

21 L'article 13 de l'arrêté définit, à son paragraphe 3, le moment où commence l'année de référence au sens de cette disposition.

22 Lorsque l'emploi d'un travailleur a débuté après la date à laquelle commence la première année de référence, l'article 13, paragraphe 5, exige que le droit au congé annuel payé de l'intéressé pour cette année soit calculé proportionnellement.

23 En vertu de l'article 13, paragraphe 9, le congé peut être fractionné, mais il ne peut être pris que pendant l'année au titre de laquelle il est accordé et il ne peut être remplacé par une indemnité financière, sauf s'il est mis fin à la relation de travail.

24 L'article 13, paragraphe 7, de l'arrêté dispose:

"Le droit conféré par le paragraphe 1 ne prend naissance que lorsqu'un travailleur a été occupé de manière ininterrompue pendant treize semaines."

25 L'article 13, paragraphe 8, de l'arrêté précise qu'un travailleur a été occupé de manière ininterrompue pendant treize semaines, au sens du paragraphe 7 de ladite disposition, "lorsque ses relations avec son employeur ont été régies par un contrat pendant tout ou partie de chacune des semaines concernées".

Le litige au principal et les questions préjudicielles

26 BECTU est un syndicat comptant environ 30 000 membres, qui exercent diverses activités dans les secteurs de la radio, de la télévision, du cinéma, du théâtre et du spectacle, telles celles d'ingénieur du son, de cadreur, de technicien d'effets spéciaux, de projectionniste, de monteur, de responsable du repérage, de coiffeur ou de maquilleur.

27 BECTU prétend que la plupart de ses membres sont engagés en vertu de contrats de courte durée - celle-ci étant souvent inférieure à treize semaines auprès d'un même employeur -, de sorte qu'un grand nombre de ceux-ci ne remplissent pas la condition prévue à l'article 13, paragraphe 7, de l'arrêté pour obtenir un congé annuel payé. Dès lors, les intéressés seraient privés de tout droit à un tel congé, ainsi que du bénéfice d'une indemnité financière en tenant lieu, du seul fait qu'ils ont travaillé d'une manière certes régulière, mais au profit de différents employeurs successivement.

28 Estimant que l'article 13, paragraphe 7, de l'arrêté constituait une transposition incorrecte de l'article 7 de la directive 93/104, BECTU a sollicité, au moyen d'une demande de contrôle juridictionnel présentée le 4 décembre 1998, l'autorisation de contester ladite disposition de l'arrêté. Le 18 janvier 1999, la High Court of Justice a autorisé l'introduction de ce recours.

29 Dans le cadre de cette procédure, BECTU faisait valoir que l'article 13, paragraphe 7, de l'arrêté constitue une restriction illégale du droit au congé annuel payé conféré par l'article 7 de la directive 93/104, au motif que les travailleurs qui sont occupés pendant moins de treize semaines ininterrompues auprès du même employeur sont, en application de ladite disposition de l'arrêté, privés du bénéfice d'un tel droit, alors que la directive accorde celui-ci à "tout travailleur".

30 En outre, aucune des dérogations énoncées à l'article 17 de ladite directive ne s'appliquerait en l'occurrence et la période minimale d'occupation exigée par l'arrêté serait en contradiction tant avec l'objectif de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs poursuivi par cette directive qu'avec la nécessité d'interpréter de manière restrictive les dérogations aux droits accordés à ces derniers par l'ordre juridique communautaire. Par ailleurs, la disposition en cause de l'arrêté comporterait le risque d'abus de la part d'employeurs peu scrupuleux.

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