Jurisprudence : CJCE, 23-11-1995, aff. C-285/93, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau c/ Hauptzollamt Rosenheim

CJCE, 23-11-1995, aff. C-285/93, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau c/ Hauptzollamt Rosenheim

A0117AWA

Référence

CJCE, 23-11-1995, aff. C-285/93, Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau c/ Hauptzollamt Rosenheim. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1006529-cjce-23111995-aff-c28593-dominikanerinnenkloster-altenhohenau-c-hauptzollamt-rosenheim
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Cour de justice des Communautés européennes

23 novembre 1995

Affaire n°C-285/93

Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau
c/
Hauptzollamt Rosenheim



61993J0285

Arrêt de la Cour (deuxième chambre)
du 23 novembre 1995.

Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau contre Hauptzollamt Rosenheim.

Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht München - Allemagne.

Prélèvement supplémentaire sur le lait - Quantité de référence pour les ventes directes.

Affaire C-285/93.

Recueil de Jurisprudence 1995 page I-4069

1. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Lait et produits laitiers ° Prélèvement supplémentaire sur le lait ° Vente directe à la consommation ° Notion ° Livraison de lait contre paiement indirect aux élèves d'un pensionnat géré par la même institution que l'exploitation agricole productrice ° Inclusion

(Règlement du Conseil n° 857/84, art. 12, h))

2. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Lait et produits laitiers ° Prélèvement supplémentaire sur le lait ° Attribution des quantités de référence exemptes du prélèvement ° Impossibilité de satisfaire une demande d'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe présentée après l'expiration du délai imparti ° Principe de proportionnalité ° Violation ° Absence

(Règlement du Conseil n° 857/84, art. 6, § 2, et annexe; règlements de la Commission n° 1371/84, art. 4, § 1, al. 2, et 4, a), et n° 1546/88)

3. Agriculture ° Organisation commune des marchés ° Lait et produits laitiers ° Prélèvement supplémentaire sur le lait ° Attribution des quantités de référence exemptes du prélèvement ° Octroi d'une quantité de référence pour la vente directe, nonobstant le caractère tardif de la demande d'enregistrement, par application du principe de rétablissement dans la situation antérieure en cas d'erreur excusable ° Application du droit national ° Conditions et limites

(Règlement de la Commission n° 1371/84, art. 4, § 1)

1. L'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 doit, compte tenu tout à la fois de ses termes, lus en combinaison avec le même article sous c), et de l'objectif du régime de prélèvement supplémentaire, qui exige que toutes les quantités produites entrant, d'une manière ou d'une autre, dans le circuit commercial et influençant ainsi l'offre et la demande soient prises en compte, être interprété en ce sens que la livraison de lait effectuée par une exploitation agricole aux élèves et pensionnaires d'une école contre paiement indirect du prix du lait inclus dans le prix de la pension doit être qualifiée de vente directe au sens de cette disposition, et non d'autoconsommation, même lorsque l'exploitation agricole, l'école et le pensionnat sont gérés par la même institution.

2. La validité de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84, relatif aux modalités d'application du prélèvement supplémentaire sur le lait, qui fixe un délai pour l'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe de lait, n'est pas mise en cause par le fait que cette disposition exclut, après l'expiration dudit délai, la prise en compte des changements ultérieurs dans les besoins économiques du producteur liés à l'exploitation.

En effet, l'obligation de déposer une demande dans le délai imparti, qui vise à permettre une gestion rationnelle et efficace du régime de prélèvement supplémentaire, satisfait aux exigences résultant des principes généraux du droit communautaire, et notamment du principe de proportionnalité, car elle est appropriée et a pu être jugée nécessaire pour prévoir le besoin global en quantité de référence et faire respecter les quantités définies en fonction de celui-ci.

3. L'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84, relatif aux modalités d'application du prélèvement supplémentaire sur le lait, doit être interprété en ce sens qu'un producteur n'ayant pas, à la suite d'une erreur excusable, respecté le délai prévu par cette disposition pour la présentation des demandes d'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe peut se voir attribuer une telle quantité en application du principe du rétablissement dans la situation antérieure selon les règles du droit national, sous réserve toutefois qu'il ne soit pas fait de la règle nationale une application discriminatoire par rapport au traitement réservé au non-respect des délais nationaux ni une application portant atteinte aux objectifs du régime des quotas laitiers.

Dans l'affaire C-285/93,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CEE, par le Finanzgericht Muenchen (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau

Hauptzollamt Rosenheim,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 12, sous h), du règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13), ainsi que sur l'interprétation et la validité, notamment à la lumière des principes généraux du droit communautaire, de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 (JO L 132, p. 11),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de MM. G. Hirsch (rapporteur), président de chambre, G. F. Mancini et F. A. Schockweiler, juges,

avocat général: M. G. Cosmas,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint

considérant les observations écrites présentées:

° pour la Commission des Communautés européennes, par M. Ulrich Woelker, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de la partie défenderesse au principal, représentée par M. Adolf Mair, Zollamtsrat auprès de l'Oberfinanzdirektion Muenchen, en qualité d'agent, et de la Commission, à l'audience du 30 mars 1995,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 15 juin 1995,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 6 avril 1993, parvenue à la Cour le 17 mai suivant, le Finanzgericht Muenchen a posé, en application de l'article 177 du traité CEE, trois questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 12, sous h), du règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 13), ainsi que sur l'interprétation et la validité, notamment à la lumière des principes généraux du droit communautaire, de l'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 (JO L 132, p. 11).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant un couvent, le Dominikanerinnen-Kloster Altenhohenau, au Hauptzollamt Rosenheim au sujet de l'attribution d'une quantité de référence pour la vente directe de lait produit dans l'exploitation agricole appartenant à ce couvent et qui était auparavant destiné à être consommé par les élèves de l'école primaire et du pensionnat également gérés par lui.

3 Après l'instauration du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait, introduit par le règlement (CEE) n° 856/84 du Conseil, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n° 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10), dont les règles générales d'application sont contenues dans le règlement n° 857/84, la partie requérante au principal s'est vu attribuer une quantité de référence de livraison de 68 262 litres de lait correspondant, conformément à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 857/84, aux ventes directes qu'elle a effectuées pendant l'année civile 1981, augmentée de 1 %.

4 En dehors de ces quantités et jusqu'à la fermeture de l'école et du pensionnat à la fin de l'année scolaire 1991/1992, l'exploitation agricole du couvent livrait chaque année entre 22 000 et 26 000 litres de lait à environ 120 à 135 élèves et pensionnaires et, dans une moindre mesure, aux employés du couvent. Le prix du lait facturé aux pensionnaires était compris dans le prix de la pension.

5 Pour assurer son existence grâce à l'exploitation agricole, devenue la principale source de revenu, le couvent a, après la fermeture de l'école et du pensionnat, agrandi l'exploitation agricole en procédant à l'acquisition de terres en 1989 et à une extension agricole achevée en 1991. Dans le cadre de cette restructuration, il a demandé, le 2 décembre 1991, à la partie défenderesse, que lui soit attribuée une quantité de référence pour la vente directe sur la base de la quantité de lait livrée au pensionnat en 1981. Par décision du 16 janvier 1992, la partie défenderesse a rejeté cette demande au motif que le couvent ne l'avait pas introduite dans le délai fixé à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84.

6 Le couvent a dès lors introduit une action contre le Hauptzollamt devant le Finanzgericht Muenchen et fait valoir en substance que l'attribution d'une quantité de référence pour la vente directe revêt pour lui une importance vitale.

7 Estimant que la décision à rendre dépendait de l'interprétation et de la validité de la réglementation communautaire en cause, la juridiction nationale a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

"1) L'article 12, sous h) (vente directe), du règlement (CEE) n° 857/84 doit-il être interprété en ce sens qu'il vise également la livraison de lait faite par une exploitation agricole à un internat géré par la même institution, lorsque le lait est cédé aux pensionnaires contre paiement?

dans l'affirmative:

2) L'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984, est-il valide dans la mesure où il limite à l'année 1984 le délai d'enregistrement des quantités de référence pour la vente directe et ne tient pas compte des modifications des besoins de commercialisation liées à l'exploitation survenant après l'expiration du délai?

3) Un producteur de lait qui n'a pas respecté le délai mentionné à l'article 4, paragraphe 1, peut-il néanmoins se voir attribuer par la voie d'un relevé de forclusion ou sur le fondement d'autres principes généraux du droit communautaire une quantité de référence pour la vente directe eu égard au fait qu'une demande présentée dans les délais aurait été rejetée d'après la pratique suivie par les autorités administratives?"

8 Le Finanzgericht expose d'abord que, même si la vente de lait aux élèves n'était pas considérée comme une vente directe, les conditions de l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 seraient cependant réunies dans la mesure où il serait indifférent, aux fins de l'article 12, que le lait soit vendu directement ou indirectement, c'est-à-dire à travers le prix de la pension. Il rejette ainsi la thèse, soutenue par la partie défenderesse, selon laquelle il y avait en l'espèce "autoconsommation" en sorte que la partie requérante n'avait donc pas, pour ces quantités, la qualité d'exploitant agricole au sens du règlement.

9 Le Finanzgericht constate ensuite que, le délai fixé à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 étant expiré, la demande du couvent devait être rejetée. Toutefois, cette disposition n'admettant aucune dérogation après l'expiration du délai et ne permettant pas dès lors de prendre en compte les besoins modifiés du couvent, le Finanzgericht doute de sa validité.

10 Enfin, même si l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 était reconnu valide, le Finanzgericht émet des doutes quant au bien-fondé du rejet de la demande du couvent. En effet, quand bien même cette demande eût été présentée dans les délais, elle aurait été rejetée par la défenderesse au principal au motif qu'il s'agissait d'une autoconsommation et non pas d'une vente directe. Dans ces conditions, la juridiction de renvoi envisage d'appliquer le principe du rétablissement dans la situation antérieure, principe qui serait également consacré par le droit communautaire, pour faire droit aux prétentions du couvent.

Sur la première question

11 La première question vise donc à savoir si l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 doit être interprété en ce sens que la livraison de lait effectuée par une exploitation agricole aux élèves et pensionnaires d'une école contre paiement indirect du prix du lait inclus dans le prix du pensionnat doit être qualifiée de vente directe au sens de cette disposition ou d'autoconsommation lorsque l'exploitation agricole, l'école et le pensionnat sont gérés par la même institution.

12 Il convient de rappeler non seulement les termes de l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84, mais également ceux de l'article 12, sous c), du même règlement.

L'article 12, sous c) et h), du règlement n° 857/84 dispose que:

"Au sens du présent règlement, on entend par:

...

c) producteur: l'exploitant agricole, personne physique ou morale ou groupement de personnes physiques ou morales dont l'exploitation est située sur le territoire géographique de la Communauté:

° qui vend du lait ou d'autres produits laitiers directement au consommateur;

° et/ou qui livre à l'acheteur;

...

h) lait ou équivalent lait vendus directement à la consommation: le lait ou les produits laitiers convertis en équivalent lait, vendus sans l'intermédiaire d'une entreprise traitant ou transformant du lait."

13 Il ressort du libellé de l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84, lu en combinaison avec l'article 12, sous c), qu'il y a vente directe à la consommation chaque fois que le lait est vendu par le producteur à une tierce personne sans l'intermédiaire d'une entreprise traitant ou transformant le lait. Dès lors, la vente directe à la consommation, au sens de l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 ne présuppose qu'un transfert de lait, à titre onéreux, du producteur à un tiers sans que le mode de paiement soit pertinent.

14 Ainsi, la thèse de l'autoconsommation, soutenue par la partie défenderesse au principal, selon laquelle le couvent n'aurait pas la qualité de producteur au sens de l'article 12, sous c), du règlement n° 857/84, ne trouve aucun fondement dans le régime de prélèvement supplémentaire sur le lait. En effet, si l'on entend par autoconsommation le fait que le lait soit cédé sur place, il convient de relever que cette condition ne figure pas dans l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84. De même, à supposer que la notion d'autoconsommation implique la consommation de sa propre production, il suffit de constater que le lait consommé par les élèves est produit non par eux, mais par l'exploitation agricole appartenant à la partie requérante.

15 Cette interprétation de la notion de vente directe au sens de l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 est corroborée par l'objectif poursuivi par le régime de prélèvement supplémentaire. Il est en effet de jurisprudence constante que ce régime vise à rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande sur le marché laitier, caractérisé par des excédents structurels, au moyen d'une limitation de la production laitière (voir, notamment, arrêt du 17 mai 1988, Erpelding, 84/87, Rec. p. 2647, point 26). Cet objectif ne peut donc être atteint que si toutes les quantités produites entrant d'une manière ou d'une autre dans le circuit commercial et influençant ainsi l'offre et la demande sont prises en compte.

16 Il y a donc lieu de répondre à la première question que l'article 12, sous h), du règlement n° 857/84 doit être interprété en ce sens que la livraison de lait effectuée par une exploitation agricole aux élèves et pensionnaires d'une école contre paiement indirect du prix du lait inclus dans le prix de la pension doit être qualifiée de vente directe au sens de cette disposition même lorsque l'exploitation agricole, l'école et le pensionnat sont gérés par la même institution.

Sur la deuxième question

17 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande si l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter sa validité en tant qu'il exclut, après l'expiration du délai d'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe, la prise en compte des changements ultérieurs dans les besoins économiques du producteur liés à l'exploitation.

18 La juridiction nationale relève, à titre de prémisse, que le régime communautaire en cause ne permet plus à un producteur de prétendre à une quantité de référence en raison de ses ventes directes de lait pendant l'année de référence après que le délai fixé à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 a été dépassé.

19 Il ressort en effet de la réglementation en cause qu'un producteur de lait ne se voit octroyer une telle quantité de référence individuelle en vertu de l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 857/84 que pour autant qu'il a présenté, conformément à l'article 4, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement n° 1371/84, une demande d'enregistrement accompagnée d'un état indiquant la nature et la quantité de ses ventes dans le délai imparti. Aussi, même si les États membres jouissent d'une certaine marge pour fixer la date limite pour la demande, toute demande déposée postérieurement à la date fixée à l'article 4, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1371/84, soit le 1er septembre 1984, et ° par rapport à la demande posée par la partie requérante le 2 décembre 1991 ° reportée au 31 décembre 1984 par l'article 5, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement n° 1546/88, de la Commission, du 3 juin 1988, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement n° 804/68 (JO L 139, p. 12), qui a abrogé le règlement n° 1371/84, doit être impérativement rejetée. En conséquence, l'attribution d'une quantité de référence pour les ventes directes est exclue même dans l'hypothèse où le producteur manifesterait ultérieurement un besoin économique tendant à l'octroi d'une quantité de référence à laquelle il aurait pu prétendre avant l'expiration du délai en cause.

20 L'impossibilité de se voir attribuer une quantité de référence après la date limite prévue à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 est d'ailleurs corroborée par l'objectif du régime. En effet, l'exigence du dépôt de la demande dans le délai imparti vise à assurer, au niveau de la quantité globale attribuée à chaque État membre en vertu de l'article 6, paragraphe 2, du règlement n° 857/84 et de son annexe, une gestion rationnelle et efficace du régime afin de pouvoir prévoir en temps utile les besoins existants en matière d'attribution de quantités de référence et d'apprécier la nécessité d'une correction en vertu de l'article 4, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1371/84, afin de respecter la quantité globale. Au niveau individuel, cette condition permet à l'autorité compétente d'établir la quantité de référence exacte à laquelle un producteur peut prétendre en raison de ses ventes directes pendant l'année de référence.

21 Cette interprétation de la réglementation litigieuse est conforme aux exigences résultant des principes généraux du droit communautaire, et notamment du principe de proportionnalité.

22 En ce qui concerne plus particulièrement ce dernier principe, il apparaît que le régime de la demande d'enregistrement est approprié et a pu être jugé nécessaire par la Commission pour réaliser les objectifs légitimes décrits au point 20, à savoir la prévision du besoin global en quantité de référence pour la vente directe ainsi que la garantie du respect de cette quantité moyennant le mécanisme d'un pourcentage uniforme prévu à l'article 4, paragraphe 4, sous a), du règlement n° 1371/84.

23 Il convient d'ailleurs d'observer qu'un changement rétroactif de la quantité de référence après l'expiration des délais serait susceptible de porter atteinte aux intérêts des producteurs ayant sollicité des quantités de référence dans le respect du délai fixé. Aussi, afin de respecter sa quantité de référence globale, l'État membre pourrait être contraint de réduire, avec effet rétroactif, les quantités de référence déjà attribuées.

24 Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de constater que l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter sa validité en tant qu'il exclut, après l'expiration du délai d'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe, la prise en compte des changements ultérieurs dans les besoins économiques du producteur liés à l'exploitation.

Sur la troisième question

25 Par cette question, la juridiction nationale vise à savoir si l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 doit être interprété en ce sens qu'un producteur n'ayant pas respecté le délai prévu par cette disposition peut se voir attribuer une quantité de référence après l'expiration du délai en application du principe du rétablissement dans la situation antérieure au motif qu'une demande présentée dans le délai aurait en tout état de cause été rejetée en raison d'une pratique administrative erronée suivie par l'autorité compétente.

26 Il convient tout d'abord de rappeler que la Cour, dans l'arrêt du 27 mai 1993, Peter (C-290/91, Rec. p. I-2981), a considéré (point 8) que "conformément aux principes généraux qui sont à la base de la Communauté et qui régissent les relations entre la Communauté et les États membres, il appartient aux États membres, en vertu de l'article 5 du traité CEE, d'assurer sur leur territoire l'exécution des réglemen-tations communautaires. Pour autant que le droit communautaire, y compris les principes généraux de celui-ci, ne comporte pas de règles communes à cet effet, les autorités nationales procèdent, lors de l'exécution de ces réglementations, en suivant les règles de forme et de fond de leur droit national, étant entendu que ces règles nationales doivent se concilier avec l'exigence d'une application uniforme du droit communautaire, nécessaire pour éviter un traitement inégal des opérateurs économiques. En outre, ces règles ne peuvent pas aboutir à rendre pratiquement impossible la mise en oeuvre de la réglementation communautaire (voir en ce sens arrêt du 21 septembre 1983, Deutsches Milchkontor, 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, points 17 et 19)".

27 En application de cette jurisprudence, il y a lieu de constater que le droit communautaire connaît la notion d'erreur excusable, qui permet un rétablissement dans la situation antérieure si l'erreur commise quant aux délais est excusable (voir, en dernier lieu, les arrêts du Tribunal de première instance du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a., T-514/93, point 40, non encore publié au Recueil, et de la Cour du 15 décembre 1994, Bayer/Commission, C-195/91 P, Rec. p. I-5619, point 26). Cette notion vise des circonstances exceptionnelles dans lesquelles, notamment, l'institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l'esprit du justiciable. Toutefois, cette règle n'a trouvé application que dans des domaines du droit communautaire ° comme ceux de la fonction publique européenne ou de la concurrence ° dans lesquels l'exécution des réglementations communautaires incombait aux seules institutions communautaires.

28 En revanche, l'exécution de la réglementation relative aux quotas laitiers appartient aux autorités nationales. Aussi, le droit communautaire ne prévoit pas, pour sa mise en oeuvre, de dispositions spécifiques relatives au non-respect d'un délai dû à une erreur excusable. Le deuxième alinéa de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 ainsi que le deuxième alinéa de l'article 5, paragraphe 1, du règlement n° 1546/88, précité, autorisent les États membres à fixer les dates respectives tout en leur imposant le respect d'un délai qu'ils ne doivent pas dépasser. Par conséquent, il incombe aux autorités nationales de statuer, selon leurs propres règles, sur les questions relatives au non-respect du délai pour la demande d'enregistrement.

29 Il ressort cependant de l'arrêt Peter, précité, que le rétablissement dans la situation antérieure est toutefois soumis à deux conditions afin de réduire les différences existant entre les législations nationales des États membres lors de l'application de la réglementation communautaire et de garantir ainsi l'uniformité de l'exécution du régime de prélèvement. L'une de ces conditions réside dans le fait que l'application du principe ne doit pas porter atteinte aux objectifs du régime des quotas laitiers institué par le règlement n° 856/84.

30 C'est dès lors dans le contexte des objectifs énoncés au point 15 que la juridiction nationale est appelée à apprécier les circonstances de l'affaire au principal. A cet égard, il convient de relever notamment que le producteur paraît avoir été amené par la pratique administrative de l'autorité compétente à ne pas présenter une demande d'enregistrement au sens de l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84 dans le délai prévu. Toutefois, malgré l'absence d'un quota laitier, le producteur a continué, après l'instauration du régime de quotas et jusqu'à la demande d'enregistrement tardive donnant lieu au litige au principal, à vendre ces quantités de lait aux élèves et à en retirer des bénéfices sans que l'autorité compétente soit pour autant intervenue. Le producteur s'est donc comporté comme s'il était en situation régulière.

31 Il y a donc lieu de répondre à la troisième question préjudicielle que l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84, précité, doit être interprété en ce sens qu'un producteur n'ayant pas respecté le délai prévu par cette disposition peut se voir attribuer une quantité de référence en application du principe du rétablissement dans la situation antérieure, selon les règles du droit national, sous réserve toutefois qu'il ne soit pas fait de la règle nationale une application discriminatoire par rapport au traitement réservé au non-respect des délais nationaux ni une application portant atteinte aux objectifs du régime des quotas laitiers.

Sur les dépens

32 Les frais exposés par la Commission des Communautés européennes, qui a soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre),

statuant sur les trois questions à elle soumises par le Finanzgericht Muenchen, par ordonnance du 6 avril 1993, dit pour droit:

1) L'article 12, sous h), du règlement (CEE) n° 857/84 du Conseil, du 31 mars 1984, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers, doit être interprété en ce sens que la livraison de lait effectuée par une exploitation agricole aux élèves et pensionnaires d'une école contre paiement indirect du prix du lait inclus dans le prix de la pension doit être qualifiée de vente directe au sens de cette disposition lorsque l'exploitation agricole, l'école et le pensionnat sont gérés par la même institution.

2) L'article 4, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1371/84 de la Commission, du 16 mai 1984, fixant les modalités d'application du prélèvement supplémentaire visé à l'article 5 quater du règlement (CEE) n° 804/68, n'a pas révélé d'éléments de nature à affecter sa validité en tant qu'il exclut, après l'expiration du délai d'enregistrement en vue de l'octroi d'une quantité de référence pour la vente directe, la prise en compte des changements ultérieurs dans les besoins économiques du producteur liés à l'exploitation.

3) L'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1371/84, précité, doit être interprété en ce sens qu'un producteur n'ayant pas respecté le délai prévu par cette disposition peut se voir attribuer une quantité de référence en application du principe du rétablissement dans la situation antérieure selon les règles du droit national, sous réserve toutefois qu'il ne soit pas fait de la règle nationale une application discriminatoire par rapport au traitement réservé au non-respect des délais nationaux ni une application portant atteinte aux objectifs du régime des quotas laitiers.

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