Jurisprudence : CA Lyon, 03-10-2023, n° 21/04523, Infirmation


N° RG 21/04523 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NUTB


Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, Aa A, JCP de STE

Au fond

du 06 avril 2021


RG : 20B1359

cCn°1


[AB]


C/


[YM]


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


COUR D'APPEL DE LYON


1ère chambre civile B


ARRET DU 03 Octobre 2023



APPELANTE :


Mme [X] [B] épouAbe [L]

née le … … … à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 1]

[Localité 5]


Représentée par Me Emmanuelle BAUFUME de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

ayant pour avocat plaidant Me Ophélie KNEUBUHLER de la SELARL ENVIRONNEMENT DROIT PUBLIC, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE


INTIMEE :


Mme [Ac] [C]

née le … … … à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 8]

[Localité 7]


Représentée par Me Etienne TETE, avocat au barreau de LYON, toque : 2015


* * * * * *


Date de clôture de l'instruction : 15 Décembre 2022


Date des plaidoiries tenues en audience publique : 28 Février 2023


Date de mise à disposition : 30 mai 2023 prorogé au 03 Octobre 2023, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile🏛


Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Olivier GOURSAUD, président

- Stéphanie LEMOINE, conseiller

- Bénédicte LECHARNY, conseiller


assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier


A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,


Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.


* * * *



EXPOSE DU LITIGE


M. [W] et Mme [C] ont acquis le 19 juillet 2002 un tènement immobilier de Mme [C], ainsi défini: 'A [Localité 7] (Loire) [Adresse 8]: un tènement d'immeubles comprenant une maison d'habitation élevée sur cave de rez-de-chaussée, un étage et grenier - petite construction et cour. Figurant au cadastre, savoir section A, numéro [Cadastre 3], lieudit [Localité 12], pour une superficie de 185 m2. Tel et ainsi que l'objet des présentes existe, s'étend, se poursuit et comporte actuellement avec toutes ses aisances, dépendances, immeubles par destination, sans aucune exception ni réserve sauf à tenir compte de ce qui peut être le cas échéant indiqué au présent acte.'


M. [W] et Mme [C] ont divorcé le 22 mars 2018 et cette dernière a bénéficié de l'attribution de l'immeuble ci-dessus défini.


Arguant du fait que Mme [C] empiéterait sur sa propriété, Mme [Ab], qui est sa voisine, l'a assignée devant le tribunal judiciaire de Saint-Etienne, par acte du 5 mai 2020.



Par jugement du 6 avril 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Etienne a notamment, rejeté les demandes de Mme [Ab] et en particulier celle consistant en la revendication d'une pièce au premier étage de la maison de Mme [C], sise [Adresse 2] à [Localité 7].


Par déclaration du 20 mai 2021, Mme [Ab] a relevé appel du jugement.


Par conclusions notifiées le 14 décembre 2022, Mme [Ab] demande de:

Réformer le jugement du 6 avril 2021';

En conséquence,

Constater que Mme [C] a annexé une pièce lui appartenant au premier étage de sa maison sise, [Adresse 2] à [Localité 7] et que de ce fait, elle empiète sur sa propriété, l'annexion de cette pièce aboutissant à l'annexion des trois étages du bâtiment du fait de la configuration des lieux;

Condamner en conséquence, Mme [C], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, à fermer l'accès qu'elle a ouvert pour accéder à cette pièce, à rouvrir la porte qui lui permet d'y accéder et à remettre les lieux en état;

Condamner Mme [C] à lui régler la somme de 3.000 euros au titre du préjudice subi (non accès pendant presque deux ans) ;

Condamner Mme [C] à régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛, ainsi qu'aux dépens de l'instance.


Par conclusions notifiées le 23 novembre 2022, Mme [C] demande de:

Dire que ses conclusions sont recevables ;

Confirmer le jugement;

Et en tout état de cause ;

Rejeter l'intégralité des demandes de Mme [Ab], notamment en revendication d'une pièce au premier étage de la maison, sise [Adresse 2] à [Localité 7] ;

Et condamner Mme [Ab] à lui régler la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et aux entiers dépens de l'instance.


La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2022.


Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyés aux conclusions précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile🏛.



MOTIFS DE LA DECISION


1. Sur l'empiétement


Mme [Ab] soutient que Mme [C] a annexé une pièce lui appartenant au premier étage de sa maison, sise [Adresse 2]. Elle fait essentiellement valoir que:


- elle a hérité de ses parents, M et Mme [B], qui avaient reçu en donation de [O] [A], suivant un acte notarié du 13 juin 1973, sa maison d'habitation, ainsi décrite: à [Localité 7], lieu du Bourg, [Adresse 2], élevée en rez-de-chaussée, deux étages et grenier avec dépendances, figurant au cadastre de la commune section A n°[Cadastre 4] pour un are dix centiares, ainsi qu'un jardin, avec une construction à usage d'écurie, sise à [Localité 7] lieu de Bourg, figurant au cadastre section A n°[Cadastre 9],

- Mme [C] est sa voisine depuis le 19 juillet 2002,

- Mme [C] a percé au mois de novembre 2018 une porte pour accéder à sa propriété et barricader son propre accès,

- un acte de partage notarié du 7 août 1926 atteste de sa propriété sur la pièce litigieuse, le rez-de chaussé indiqué comme appartenant à M. [B] appartient désormais à Mme [C], et les premier, deuxième étages, ainsi que le grenier lui appartenant,

- un acte du 3 mars 1913 par lequel [H] [A] a vendu à [V] [A], son fils, un bâtiment d'habitation au Bourg de [Localité 12], comprenant une pièce au 1er étage, une pièce au second étage, un grenier au-dessus, le rez-de-chaussée appartenant à M. [Ad],

- ces deux actes sont confirmés par un acte du 8 mars 1967, un acte de donation du 13 juin 1973, un acte du 31 mai 1995, une attestation notariée du 11 avril 2014,

- des attestations corroborent les actes,

- un procès-verbal dressé par un huissier de justice le 3 décembre 2019 constate qu'à l'étage de l'ancienne écurie, au fond de la pièce, il existe une porte en bois obstruée de l'intérieur par une planche donnant sur une autre pièce ayant sur le côté droit un mur en moellons dans lequel se trouve une ouverture fermée par une porte récente.

- depuis lors, Mme [C] occupe la pièce et a condamné son ouverture en remplaçant la porte par des moellons,

- en condamnant cette porte, Mme [C] s'est emparée des 3 étages et de l'ensemble du bâtiment,


Mme [C] soutient qu'elle est propriétaire de la pièce revendiquée. Elle fait notamment valoir que:

- elle a acquis par acte notarié l'intégralité de la parcelle A[Cadastre 3], sur laquelle se trouve la pièce litigieuse,

- aucune restriction en volume n'est mentionnée dans les actes de propriété,

- si une restriction en volume a un jour existé, elle n'est pas mentionnée sur le titre de propriété de 2002 de Mme [C] qui a acquis la propriété de la pièce par prescription décennale acquisitive,

- elle a occupé de bonne foi de 2002 à 2020, de manière paisible, l'intégralité de la parcelle A[Cadastre 3], conformément à son titre,

- l'attestation notariale du 11 avril 2014 de Me [G] ne mentionne pas d'enclave sur la parcelle A [Cadastre 3], ni l'acte de succession du 31 mai 1995, ni même l'acte de donation de 1973, ou l'acte de succession du 16 févier 1967, de sorte qu'il est établi que pendant plus de trente ans, aucun acte ne mentionne l'existence d'une emprise en volume sur la parcelle appartenant à Ad. [B],

- l'acte de succession du 16 février 1967, qui ne fait aucune mention d'une enclave sur la parcelle voisine A[Cadastre 3], ne transcrit pas les deux actes de partage du 1er août 1900 et du 7 août 1926, qui dataient de plus de 30 ans, le notaire ayant fait un acte de notoriété de plus de 30 ans pour rédiger son acte de succession,

- l'analyse des actes antérieurs n'a donc pas d'intérêt,

- après son divorce, elle a mis en place une nouvelle porte, donnant sur la pièce litigieuse, à la place de l'ancienne, qui avait été bouchée par Mme [Ab] lors de la réhabilitation du mur en 2000 (p.12),

- depuis qu'elle est propriétaire, en 2002, personne n'est venue dans cette pièce,


Réponse de la cour


1. Sur l'action en revendication


La preuve parfaite du droit de propriété étant impossible à rapporter, il appartient au juge de rechercher quelle partie justifie des présomptions les meilleures et les plus caractérisées, au regard des titres, de la possession et de tout autre moyen de preuve.


Par ailleurs, selon l'article 2272 du code civil🏛, « le délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans. Toutefois, celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans. »


Mme [Ab], qui est propriétaire de la parcelle cadastrée A [Cadastre 4], [Adresse 2] à [Localité 7], Lieu-dit Le Bourg revendique la propriété d'une pièce constituant une enclave en volume à l'intérieur de la parcelle A [Cadastre 3], appartenant à Mme [C], située au premier étage, au-dessus du rez-de chaussée de cette dernière.


Les titres


La propriété de Mme [Ab], qu'elle a reçue en héritage de ses parents, est établie par un acte notarié de partage du 10 avril 2014, qui lui attribue une maison d'habitation sur la commune de [Localité 7] (Loire [Localité 6]), Lieu-dit Le Bourg, [Adresse 2], cadastrée section A [Cadastre 4].


Cette propriété est désignée de façon identique dans l'acte de succession du 31 mai 1995, ainsi que dans l'acte de donation du 13 juin 1973 de la tante de Mme [Ab], [O] [WF] [A], à ses parents, M et Mme [B], qui énonce qu'il s'agit:

- « d' une maison d'habitation sise à [Localité 7], Lieu-dit du Bourg [Adresse 2], élevé de rez-de-chaussée, deux étages et grenier, avec dépendance,

le tout figurant au cadastre rénové de la commune sous les relations suivantes: [Localité 7]-section A-n°[Cadastre 4] pour un are dix centiare

- une petite parcelle de jardin, petite construction à usage d'écurie, sise à [Localité 7], Lieu du Bourg, au fond d'une ruelle aboutissant à la [Adresse 8],

figurant au cadastre rénové de ladite commune sous les relations suivantes: [Localité 7] - section A- n°[Cadastre 9] pour 51 centiares. »


L'acte de donation de 1973 précise que [O] [WF] [A] a recueilli les immeubles dans la succession de son mari, [MG] [A], ainsi que cela résulte d'une attestation dressée par Me [XT], le 16 février 1967, publiée au bureau des hypothèques le 8 mars 1967. L'acte de succession désigne les biens immobiliers encore de manière identique.


Dans le paragraphe relatif à l'origine de propriété, il est fait référence, à propos de la maison d'habitation, à un acte de partage du 1er juin 1900 entre [MG] [A] et son frère des biens dépendants de la succession d'[P] [PM], épouse de [V] [A] et à propos de l'autre partie de la maison, située [Adresse 2] et la parcelle de jardin, à un acte de partage du 7 août 1926, étant précisé que ces deux deniers actes n'ont pas été retranscrits.


L'ensemble de ces actes, qui remontent à plus de 30 ans, ne permettent pas d'établir que Mme [Ab] bénéficierait d'un droit de propriété sur la parcelle voisine A400 ou même qu'elle bénéficierait d'un droit de propriété sur une pièce située au 1er étage d'un immeuble dont le rez-de chaussée est la propriété d'une autre personne. Par ailleurs, ainsi que le relève Mme [C], les actes de 1900 et 1926, qui n'ont pas été transcrits, ne sont pas opposables aux tiers.


En réalité, cette propriété est mentionnée dans un acte de vente du 3 mars 1913 par lequel [H] [A] vend à [V] [A] « un bâtiment d'habitation, sis au Bourg de [Localité 12], comprenant une pièce au premier étage, une pièce au second étage, un grenier au-dessus, un rez-de-chaussée appartenant au sieur [B]. Ce bâtiment confiné au nord par l'ancien presbytère au levant par le bâtiment [N], au midi par la rue, au couchant par le bâtiment [SF]. »


Cette désignation, qui est reprise dans l'acte de partage du 7 août 1926, qui n'a pas été transcrit, ne sera plus mentionnée par la suite et, ce pendant plus de trente ans.


A l'inverse, Mme [C] justifie avoir acquis avec son mari le 19 juillet 2002 un tènement immobilier de Mme [J], « A [Localité 7] (Loire) [Adresse 8], un tènement immobilier comprenant maison d'habitation élevée sur cave de rez-de-chaussée, un étage et grenier, petite construction et cour, figurant au cadastre, savoir section A, numéro [Cadastre 3], lieudit [Localité 12] pour une superficie de 185 m2. »


Suite à son divorce, en 2018, Mme [C] a bénéficié de l'attribution de cet immeuble, désigné de manière identique dans un acte notarié du 6 juillet 2018.


Ainsi, aucune restriction de propriété n'est mentionnée dans l'acte de Mme [C], ni dans les précédents. L'acte de vente mentionne que Mme [J] a recueilli le bien dans la succession de [IG] [C], veuve de [U] [SA], par acte du 12 mai 1959, enregistré le 20 mai 1959, transcrit le 8 juillet 1959. Le bien est désigné de manière identique, sans aucune restriction de propriété.


Ainsi, pendant plus de trente ans, les actes de propriété n'ont pas fait état d'une restriction de propriété.


En revanche, cette restriction apparaît dans un acte de vente du 29 décembre 1906 par lequel [R] [CG] a vendu à [M] [C] un tènement à [Localité 12], [Adresse 8], rez-de-chaussée d'une maison, le dessus du cellier appartenant à [A], d'une construction au devant du cellier servant de hangar, écurie, au-dessus d'une partie de la cour confiné au couchant par la [Adresse 11], la [Adresse 8] au nord, par cours à l'acquéreur, au levant par bâtiment [Y] [K] et au midi par bâtiment [EG].


L'emprise est corroborée par l'acte de vente du 16 février 1887 par lequel [V] [A] a acheté à [X] [E] une partie du bâtiment situé à [Localité 12] composée au 1er d'une chambre, au 2ème d'une autre branche attenante à la première dont le dessus appartient à [R] [CG] et au 3ème d'un grenier, au dessus de la 2ème chambre, le tout desservi par un escalier rue des fosses.


Il résulte de ces actes que la famille [C], auteur de Mme [C], n'était pas propriétaire de la pièce aujourd'hui revendiquée par Mme [Ab] et qu'elle appartenait bien aux auteurs de cette dernière.


Il résulte de l'ensemble de ces éléments que Mme [C] bénéficie d'un juste titre au sens de l'article 2272 du code civil, puisque son titre ne contient aucune restriction de propriété sur la parcelle A[Cadastre 3] qu'elle a acquise.


Néanmoins, il est également établi, d'une part, que la pièce revendiquée par Mme [Ab] a appartenu un jour à ses auteurs et, d'autre part, qu'aucun acte translatif de propriété n'est jamais intervenu.


La possession


Selon l'article 2261, pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.


Pour que la prescription soit acquise par une possession, il faut des actes matériels de nature à caractériser la possession, le paiement des impôts fonciers étant insuffisant à cet égard.


En l'espèce, Mme [C], qui bénéficie d'un titre de propriété de la parcelle A [Cadastre 3] et dont la propriété du rez-de chaussée n'est pas contestée, bénéficie d'une présomption possession de la pièce du 1er étage, située immédiatement au-dessus.


Cependant, il résulte des courriers qu'elle a adressés à Mme [Ab] le 12 novembre 2018, le 19 novembre 2018, le 10 mai 2019 et le 12 août 2019 que:


- c'est après avoir entendu du bruit dans la pièce adossée à sa chambre, 2 mois avant, qu'elle a pris contact avec Mme [Ab], qui lui a permis d'accéder à la pièce litigieuse en passant par l'entrée de sa cave,

- elle lui a indiqué que la pièce « en haut à droite de sa remise » lui appartenait et qu'elle comptait ouvrir une porte afin de l'aménager et fermer le passage qui lui permet d'y entrer,

- la pièce est située sur sa parcelle et elle paye les impôts fonciers correspondant depuis 17 ans,

- le 1er novembre 2018, elle a ouvert une porte dans la cloison en moellons afin de pouvoir pénétrer dans la pièce,

- un mur construit il y a une vingtaine d'années l'empêche d'accéder à la pièce litigieuse,

- Mme [Ab] a occupé cette pièce en y déposant des objets recouverts de poussière.


Il est constant entre les parties que c'est au cours de l'année 2000, que le mur mitoyen séparant l'habitation de Mme [Ae] (auteur de Mme [C]) et de M et Mme [B] (auteurs de Mme [Ab]) a été rénové.


Il résulte de ces éléments que ce n'est qu'au cours de l'année 2018 que Mme [C] a « découvert » l'existence de la pièce litigieuse, après avoir entendu du bruit et qu'elle a réalisé le premier acte de possession, en perçant une porte.


Ainsi, si Mme [Ab] bénéficie d'un juste titre, elle ne justifie pas d'une possession de dix années requise.


En revanche, il ressort de ses propres constatations, que la pièce était occupée par divers objets recouverts de poussière lui appartenant.


Selon le procès-verbal dressé par un huissier de justice le 3 décembre 2019 à la requête de Mme [Ab], il est constaté à l'étage de sa remise, « au fond de la pièce et caché derrière un sommier, la présence d'une porte en bois avec une ouverture poussant », « la porte est ancienne, il n'y a pas de vitrage et elle est obstruée de l'intérieur par une planche ».


Il est ainsi établi qu'avant que Mme [C] ne perce une porte dans le mur derrière sa chambre pour accéder à la pièce, Mme [Ab] pouvait librement accéder à la pièce, et ce, depuis longtemps compte tenu de l'ancienneté de la porte et qu'elle y avait entreposé de nombreux meubles.


En revanche, Mme [C] ne démontre pas qu'il a existé une porte lui permettant d'accéder de sa maison d'habitation à cette pièce avant qu'elle ne perce le mur en 2018, les deux attestations contradictoires de Mme [J] n'apportant aucune précision sur la configuration des lieux avant la réfection du mur en 2000.


En revanche, selon une attestation de Mme [T], qui est la soeur de Mme [Ab], lorsqu'elle allait tenir compagnie à sa tante [O] [A], elle lui racontait « que dans la pièce en litige du 1er étage, elle hébergeait un commis de ferme pour les vendanges », « ladite pièce en litige est au-dessus du rez-de-chaussée (section n°[Cadastre 3]) de la voisine. Les voisins n'ont jamais eu de porte venant chez eux pour entrer dans cette pièce. »


M. [Y], qui décrit la pièce comme étant située au-dessus de la cave de la propriété voisine avec deux fenêtres donnant sur la [Adresse 8], atteste également que « Mme [SA] (auteur de Mme [C]) n'a pas accès à ce lieu (la pièce en litige) de chez elle, il n'y a pas de porte sur le mur mitoyen. » Il ajoute que « dans les années 80, mes cousines, [Z] [SZ] les (les pièces en litige) ont occupées, elles stockaient des conserves dans le placard mural côté cheminée. En 1994, mon frère [F] loue ces pièces en litige à M. [B], il aménage la pièce du premier étage en atelier. J'y accède par la pièce à vivre (...) »


M. [S] indique également qu'il est entré dans cette maison entre 1995 et 2000, qu'il « accédait dans la pièce en procédure soit par la pièce à vivre de la maison d'habitation [Adresse 2], soit par l'entrée de cave, [Adresse 10]; le tout communique. Au niveau du premier étage, on entrait dans cette maison par une porte en bois vitrée poussante droite. »


Mme [D] procède à une description des lieux conforme à celle opérée par les précédents témoignages. Elle explique que de 1988 à 1994 M et Mme [Ab] habitaient [Adresse 2] à [Localité 7] et qu'au niveau du 1er étage, suite à la pièce à vivre, était rattachée une annexe qui se prolongeait jusqu'à la [Adresse 8].


Il ressort de l'ensemble de ces attestations qui émanent de la famille de Mme [Ab] mais aussi de personnes extérieures à la famille, ayant vécu dans le quartier, que la pièce litigieuse, à laquelle il n'était possible d'accéder qu'à partir de la propriété de Mme [Ab], a toujours été reliée à sa propriété et était donc occupée depuis plus de trente ans par cette dernière ou ses ascendants de façon continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.


La circonstance que M. [Z], M. [AG], M. [AH] ou M. [TT], qui n'allèguent pas être entrés dans la maison de Mme [Ab], attestent qu'il aient pu voir depuis la cour de Mme [C] ou en tout cas depuis l'extérieur, que la pièce n'était pas occupée ne permet pas de contredire les attestations précédentes suffisamment précises et circonstanciées, étant précisé que le fait d'entreposer du mobilier ou des conserves constitue bien une occupation, qui n'est pas nécessairement une habitation.


Enfin, il résulte des photographies versées aux débats que la façade et les fenêtres de la propriété de Mme [C] ne sont pas traitées à l'identique de celles correspondant aux pièces revendiquées par Mme [Ab].


Au regard de l'ensemble de ces éléments, qui constituent autant d'indices permettant d'établir la propriété de Mme [Ab], il convient d'infirmer le jugement et de faire droit à la demande en revendication de Mme [Ab].


Ainsi, il convient de constater que Mme [C] a annexé une pièce appartenant à Mme [Ab], située derrière le mur de sa chambre au premier étage de sa maison d'habitation, sise [Adresse 8] et qu'elle empiète sur sa propriété. En outre, il n'est pas contesté par Mme [C] que l'annexion de cette pièce a pour conséquence d'entraîner l'annexion des trois étages du bâtiment du fait de la configuration des lieux.


En conséquence, il convient de condamner Mme [C] à fermer l'accès qu'elle a ouvert dans le mur de sa chambre, pour accéder à la pièce située derrière, qui constitue la propriété de Mme [Ab], et à rouvrir la porte qui permettait à Mme [Ab] d'y accéder depuis chez elle et à remettre les lieux en état.


Cette injonction est assortie d'une astreinte provisoire de [Cadastre 3] euros par jour de retard pendant 5 mois passé un délai de 5 mois à compter de la signification du présent arrêt.


2. Sur les autres demandes


Mme [Ab], qui ne justifie sa demande de dommages-intérêts par aucun élément de nature à établir son préjudice, est déboutée de sa demande.


Le jugement est infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité de procédure.


La cour estime que l'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [Ab] et condamne Mme [C] à lui payer la somme de 3.000 euros à ce titre.


Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'assureur.



PAR CES MOTIFS

LA COUR,


Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;


statuant de nouveau et y ajoutant,


Constate que Mme [C] a annexé une pièce appartenant à Mme [Ab], située derrière le mur de sa chambre, au premier étage de sa maison d'habitation, sise [Adresse 8] et qu'elle empiète sur sa propriété, l'annexion de cette pièce aboutissant à l'annexion des trois étages du bâtiment du fait de la configuration des lieux,


Condamne Mme [C] à fermer l'accès qu'elle a ouvert dans le mur de sa chambre, pour accéder à la pièce située derrière, qui constitue la propriété de Mme [Ab], et à rouvrir la porte qui permettait à Mme [Ab] d'y accéder depuis chez elle et à remettre les lieux en état,


Assortit cette injonction d'une astreinte provisoire de [Cadastre 3] euros par jour de retard pendant 5 mois passé un délai de 5 mois à compter de la signification du présent arrêt.


Déboute Mme [Ab] de sa demande de dommages-intérêts,


Condamne Mme [C] à payer à Mme [Ab], la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;


Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;


Condamne Mme [C] aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile🏛.


La greffière, Le Président,

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Décisions similaires

Lancer la recherche par visa

Domaine juridique - PRESCRIPTION ACQUISITIVE

  • Tout désélectionner
Lancer la recherche par thème
La Guadeloupe
La Martinique
La Guyane
La Réunion
Mayotte
Tahiti

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.