Jurisprudence : CJCE, 14-02-1990, aff. C-137/88, Marijke Schneemann e.a. c/ Commission des Communautés européennes

CJCE, 14-02-1990, aff. C-137/88, Marijke Schneemann e.a. c/ Commission des Communautés européennes

A7856AUI

Référence

CJCE, 14-02-1990, aff. C-137/88, Marijke Schneemann e.a. c/ Commission des Communautés européennes. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1003199-cjce-14021990-aff-c13788-marijke-schneemann-ea-c-commission-des-communautes-europeennes
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Cour de justice des Communautés européennes

14 février 1990

Affaire n°C-137/88

Marijke Schneemann e.a.
c/
Commission des Communautés européennes


Recueil de Jurisprudence 1990 page I-0369

1. Fonctionnaires - Obligation d'assistance incombant à l'administration - Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 24)

2. Fonctionnaires - Recours - Compétence de la Cour - Limites

(Traité CEE, art. 179)

1. S'il est vrai qu'afin de satisfaire à l'obligation d'assistance qui lui incombe en vertu de l'article 24 du statut des fonctionnaires l'administration dispose d'un pouvoir d'appréciation, sous le contrôle de la Cour, dans le choix des mesures et moyens, cette obligation est particulièrement contraignante, s'agissant du contentieux complexe des droits à pension, dès lors que l'administration connaît de très longue date les raisons ayant motivé les demandes d'assistance technique et financière présentées par des fonctionnaires pour introduire toute action contre un État membre, propre à régler le problème de transfert des droits à pension qu'ils ont acquis dans un régime de pension de cet État.

Doit dès lors être annulée la décision de la Commission portant rejet de telles demandes.

2. Dans le cadre d'un recours introduit par des fonctionnaires en vertu de l'article 179 du traité, il n'appartient pas à la Cour de juger si la Commission s'est correctement acquittée de la mission de surveillance dont elle est chargée en vertu, notamment, de l'article 155 du traité.

Dans l'affaire C-137/88,

Marijke Schneemann et 408 autres fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, représentés par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg, en l'étude de Me Yvette Hamilius, 10 boulevard Royal,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Sean Van Raepenbusch, membre du service juridique, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission refusant aux requérants son assistance financière et technique dans le litige qui les oppose à l'État belge, relatif au transfert des droits à pension acquis dans un régime de pensions belge,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de MM. O. Due, président, faisant fonction de président de chambre, F. A. Schockweiler, président de chambre, et G. F. Mancini, juge,

avocat général : M. G. Tesauro

greffier : M. J.-G. Giraud

vu le rapport d'audience et à la suite de la procédure orale du 26 septembre 1989,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions présentées à l'audience du 21 novembre 1989,

rend le présent

Arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 16 mai 1988, Mme Marijke Schneemann, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes (ci-après "Commission "), et 408 autres fonctionnaires de la Commission ont demandé, en vertu de l'article 91 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après "statut "), l'annulation de la décision de la Commission du 13 juillet 1987 rejetant leur demande fondée sur l'article 90, paragraphe 1, du statut et tendant à obtenir de la Commission "l' assistance technique et financière pour introduire toute action devant les cours et tribunaux belges et, le cas échéant, devant la Cour de justice des Communautés européennes, propre à régler le problème du transfert des droits à pension acquis dans un régime de pensions belge ".

2 A l'appui de leur recours, les parties requérantes font valoir que la Commission, en arrêtant la décision attaquée, a violé, d'une part, l'article 24 du statut et, d'autre part, le principe général de l'égalité des fonctionnaires. Elles concluent à l'annulation de la décision mise en cause et à ce que la Cour condamne la Commission à leur fournir l'assistance réclamée.

3 Pour un plus ample exposé des faits et des antécédents du litige, du déroulement de la procédure ainsi que des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d'audience. Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour.

4 Il convient de rappeler, au préalable, que, par arrêt du 20 octobre 1981 (Commission/Royaume de Belgique, 137/80, Rec. p. 2393), la Cour a déclaré que le royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu du traité CEE, en refusant d'adopter les mesures nécessaires au transfert de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté acquis dans le régime de pensions belge au régime de pensions communautaire, prévu par le paragraphe 2 de l'article 11 de l'annexe VIII du statut des fonctionnaires des Communautés. En outre, la Cour a déclaré, par arrêt du 3 octobre 1989 (Commission/Royaume de Belgique, 383/85, Rec. p. 0000), que le royaume de Belgique, en n'exécutant pas l'arrêt de la Cour du 20 octobre 1981, avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l'article 171 du traité CEE.

5 Dans le cadre du moyen tiré de la violation de l'article 24 du statut, les parties requérantes font valoir que les conditions d'application de cet article sont réunies et que, au vu de la défaillance persistante de l'État belge, seule l'introduction d'un recours devant le juge national, contraint d'appliquer le statut, qui, comme tout règlement, est un acte ayant effet direct dans l'ordre juridique national, leur permet d'obtenir le transfert des droits à pension.

6 La Commission estime, en premier lieu, que l'obligation d'assistance, posée par l'article 24 du statut est une obligation de moyens et que le choix des mesures utiles à adopter pour s'acquitter du devoir d'assistance relève de sa libre appréciation.

7 La Commission fait valoir, ensuite, que l'article 24 du statut n'a pas été violé. A ce propos, elle rappelle, premièrement, qu'elle a introduit, en vertu des articles 169 et 171 du traité CEE, des recours contre le royaume de Belgique, poursuivant ainsi la mission de surveillance qui lui incombe en vertu de l'article 155 du traité CEE et, deuxièmement, qu'elle a accordé l'assistance financière et technique à un ancien fonctionnaire des Communautés qui a introduit des recours devant les instances nationales belges afin d'obtenir le transfert de ses droits à pension. Enfin, la Commission conteste que seule l'obtention d'un titre exécutoire devant les juridictions nationales belges soit de nature à opérer le transfert des droits à pension préconisé.

8 Il convient, d'abord, d'observer qu'en l'espèce les conditions pour l'application de l'article 24 du statut sont réunies, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la Commission. En effet, c'est la qualité de fonctionnaire des requérants qui est à l'origine des demandes de transfert des droits à pension toujours refusées par les autorités belges.

9 Il est à relever, en outre, que, s'il est vrai qu'afin de satisfaire à son obligation d'assistance l'administration des Communautés européennes dispose d'un pouvoir d'appréciation, sous le contrôle de la Cour, dans le choix des mesures et moyens, il y a lieu de constater que, en l'occurrence, cette obligation est particulièrement contraignante, dès lors que, d'une part, les raisons ayant motivé les demandes d'assistance sont connues de la Commission de très longue date et que, d'autre part, le contentieux des droits à pension est complexe. En effet, il implique inéluctablement la prise en considération de calculs actuariels impossibles à réaliser par le fonctionnaire individuel qui ne dispose pas des données et des moyens indispensables pour les résoudre et pour évaluer, en conséquence, les résultats à prendre en considération.

10 En ce qui concerne l'argument de la Commission selon lequel elle aurait accompli la mission qui lui incombe, en vertu de l'article 155 du traité CEE, en introduisant des recours fondés sur les articles 169 et 171 du traité contre le royaume de Belgique, il convient de souligner que, dans le cadre d'un recours introduit par des fonctionnaires en vertu de l'article 179 du traité CEE, il n'appartient pas à la Cour de juger si la Commission s'est correctement acquittée de la mission de surveillance dont elle est chargée en vertu, notamment, de l'article 155 du traité CEE (arrêt du 15 mars 1984, S. Forcheri/Commission, point 12, 28/83, Rec. p. 1425).

11 Par ailleurs, pour ce qui est plus particulièrement de l'argument de la Commission selon lequel il faudrait, pour juger du bien-fondé du moyen tiré de la violation par la Commission de l'article 24 du statut, tenir compte des procédures en manquement qu'elle a intentées contre le royaume de Belgique, il convient de rappeler que le traité réserve à la Commission, à l'exclusion des autres institutions communautaires, la voie du recours prévue par l'article 169 du traité CEE. Suivre la Commission dans son raisonnement conduirait à reconnaître à l'article 24 du statut un contenu différent, face à des demandes d'assistance identiques, selon qu'elles émanent de fonctionnaires appartenant à la Commission ou appartenant à une institution qui ne dispose pas du pouvoir de recourir à l'article 169 du traité CEE. Un tel résultat serait incompatible avec le principe d'égalité de traitement des fonctionnaires, et, par conséquent, cet argument de la Commission doit être rejeté.

12 Quant à l'argument selon lequel la Commission a satisfait à l'obligation d'assistance qui lui incombe en vertu de l'article 24 du statut puisqu' elle a déjà assisté financièrement et techniquement un ancien fonctionnaire, il convient de relever, d'une part, que la décision judiciaire nationale que l'ancien fonctionnaire, assisté par la Commission, pourra espérer n'aura d'effet que pour les parties au litige et ne bénéficiera pas aux autres fonctionnaires et, d'autre part, que les calculs actuariels des droits à pension effectués, le cas échéant, dans le cadre de l'assistance accordée à cet ancien fonctionnaire ne peuvent pas être généralisés et appliqués indistinctement à tous les ayants droit au transfert des droits à pension. Par ailleurs, ces calculs très complexes nécessitent la collaboration active des services spécialisés de l'administration communautaire afin de mettre les fonctionnaires en mesure de décider de l'intérêt à introduire un recours juridictionnel.

13 En ce qui concerne les arguments de la Commission relatifs à l'issue incertaine d'éventuels procès intentés devant les instances nationales par les fonctionnaires requérants et aux difficultés pour les requérants de faire exécuter des décisions judiciaires qui leur seraient favorables, il suffit de constater que l'obligation d'assistance qui résulte de l'article 24 du statut ne peut pas dépendre de conjectures sur les résultats d'éventuelles actions judiciaires. D'ailleurs, il convient d'observer, à cet égard, que la Commission a accordé l'assistance technique et financière à un ancien fonctionnaire sans pour autant avoir de certitudes quant à l'issue de l'action engagée.

14 Il résulte de ces considérations qu'aucun des arguments avancés par la Commission pour refuser aux requérants l'assistance technique et financière n'est fondé et que, par conséquent, il convient d'annuler la décision de la Commission portant rejet de la demande formée par les requérants en vue d'obtenir l'assistance de la Commission conformément à l'article 24 du statut.

15 Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen avancé par les requérants à l'appui de leur recours devient sans objet.

16 Il convient de préciser, enfin, que, selon une jurisprudence constante de la Cour (voir, en dernier lieu, l'arrêt du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, 100/88, Rec. p. 0000), celle-ci n'a pas compétence pour adresser à l'administration des injonctions dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut et que les obligations qui s'imposent à l'administration ne peuvent découler que de l'annulation de l'un de ses actes, conformément à l'article 176 du traité CEE. Les conclusions tendant à faire ordonner par la Cour à la Commission de fournir l'assistance sollicitée doivent donc être rejetées comme irrecevables.

Sur les dépens

17 Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) La décision de la Commission du 13 juillet 1987 portant rejet de la demande des requérants qui tendait à obtenir l'assistance de la Commission conformément à l'article 24 du statut est annulée.

2) La Commission est condamnée aux dépens.

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