Arrêt du 10 décembre 2010

Arrêt du 10 décembre 2010

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Z62828KU

COMMUNE DE BANDOL

Au nom du peuple français,

La Cour de discipline budgétaire et financière, siégeant à la Cour des comptes, en audience publique, a rendu l'arrêt suivant :

Vu le code des juridictions financières, notamment le titre Ier du livre III, relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 22 avril 2009, enregistrée au Parquet le 24 avril 2009, par laquelle le procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a informé le procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière, de la décision de ladite chambre de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière de faits présomptifs d'irrégularités dans le fonctionnement de la régie d'avances de la commune de Bandol (Var) ayant pour objet de payer les menues dépenses et dépenses urgentes pour les spectacles et animations estivales, créée par décision n° 19 en date du 3 juillet 2002 du maire de la commune ;

Vu le réquisitoire du 26 mai 2009 par lequel le procureur général a saisi la cour d'irrégularités dans la gestion de la commune de Bandol, conformément à l'article L. 314-1 du code des juridictions financières ;

Vu la décision du 21 juillet 2009 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a nommé en qualité de rapporteur M. Christophe Cantié, premier conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d'appel ;

Vu les lettres recommandées du 1er octobre 2009 par lesquelles le procureur général a informé M. Marc Davin, régisseur d'avances du 3 juillet 2002 au 1er octobre 2005, M. Hubert Delvaux, trésorier de Saint-Cyr-sur-Mer du 1er juillet 1985 au 4 juin 2004, et Mme Ginette Marnat, trésorière de Saint-Cyr-sur-Mer du 1er juillet 2004 au 3 avril 2010, de l'ouverture d'une instruction dans les conditions prévues à l'article L. 314-4 du code des juridictions financières, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du président de la Cour de discipline budgétaire et financière du 10 mai 2010 transmettant au procureur général le dossier de l'affaire, après dépôt du rapport d'instruction, conformément aux dispositions de l'article précité ;

Vu la lettre du procureur général en date du 1er juin 2010 informant le président de la Cour de discipline budgétaire et financière de sa décision, après communication du dossier de l'affaire, de poursuivre la procédure en application de l'article L. 314-4 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres du 3 juin 2010 du président de la Cour de discipline budgétaire et financière transmettant le dossier au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales pour avis, en application de l'article L. 314-5 du même code, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu l'avis du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat du 29 juillet 2010 ;

Vu la lettre du 31 août 2010 par laquelle le président de la Cour de discipline budgétaire et financière a transmis au procureur général le dossier de l'affaire, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu la décision du procureur général du 2 septembre 2010 renvoyant MM. Davin et Delvaux et Mme Marnat devant la Cour de discipline budgétaire et financière, conformément à l'article L. 314-6 du code des juridictions financières ;

Vu les lettres recommandées adressées les 9 septembre 2010 et 5 octobre 2010 par la greffière de la Cour de discipline budgétaire et financière à MM. Davin et Delvaux et à Mme Marnat les avisant qu'ils pouvaient prendre connaissance du dossier de l'affaire et produire un mémoire en défense dans les conditions prévues à l'article L. 314-8 du code des juridictions financières et les citant à comparaître le 19 novembre 2010 devant la Cour de discipline budgétaire et financière, ensemble les avis de réception de ces lettres ;

Vu l'autorisation à ne pas comparaître personnellement à l'audience délivrée le 28 septembre 2010 à M. Delvaux, ensemble l'avis de réception de cette lettre ;

Vu les mémoires en défense produits par Me Bernardini pour M. Davin le 21 octobre 2010 et par Mme Marnat le 17 novembre 2010 ;

Vu les autres pièces du dossier, notamment les procès-verbaux d'audition et le rapport d'instruction de M. Cantié ;

Entendu le rapporteur, M. Cantié, résumant le rapport écrit, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le représentant du ministère public, résumant la décision de renvoi, en application des articles L. 314-12 et R. 314-1 du code des juridictions financières ;

Entendu le procureur général en ses conclusions, en application de l'article L. 314-12 du code des juridictions financières ;

Entendu en sa plaidoirie Me Bernardini pour M. Davin, M. Davin et Mme Marnat ayant été invités à présenter leurs explications et observations, ceux-ci et le conseil de M. Davin ayant eu la parole en dernier ;

Sur la compétence de la cour :

Considérant qu'il résulte des dispositions du b du I de l'article L. 312-1 du code des juridictions financières qu'est justiciable de la Cour de discipline budgétaire et financière tout fonctionnaire ou agent civil ou militaire de l'Etat, des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ainsi que des groupements des collectivités territoriales ;

Considérant que les personnes mises en cause ont le statut d'agent de l'Etat ou le statut d'agent de la commune de Bandol (Var) ; que, par suite, ces personnes sont justiciables de la Cour de discipline budgétaire et financière ;

Sur la prescription :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 314-2 du code des juridictions financières : « La Cour ne peut être saisie après l'expiration d'un délai de cinq années révolues à compter du jour où aura été commis le fait de nature à donner lieu à l'application des sanctions prévues par le présent titre » ;

Considérant que la communication du procureur financier près la chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 22 avril 2009 a été enregistrée au ministère public près la Cour de discipline budgétaire et financière le 24 avril 2009 ; que les irrégularités postérieures au 24 avril 2004 ne sont donc pas couvertes par la prescription ;

Sur les faits et les irrégularités :

Considérant que, par décision signée le 3 juillet 2002 par le maire de la commune de Bandol, a été instituée, à compter du 1er juillet 2002, une régie d'avances pour le paiement des « menues dépenses et dépenses urgentes pour les spectacles et animations estivales » ; que cette décision, qui porte mention de l'avis favorable du comptable de la commune, M. Delvaux, chef du poste comptable de Saint-Cyr-sur-Mer, fixe à 53 000 € le montant maximum de l'avance que le régisseur est autorisé à conserver ; que, par arrêté municipal signé le même jour, revêtu du visa du comptable de la commune, M. Davin, agent de catégorie C, a été désigné régisseur titulaire ; que cet acte comporte la mention de l'acceptation de l'intéressé, assortie de sa signature ;

Considérant que, par décision du maire de la commune du 7 octobre 2005, l'objet de la régie d'avances, toujours réservé aux menues dépenses et dépenses urgentes, a été limité aux services animation et communication de la commune et le montant maximal de l'avance accordée au régisseur a été ramené à la somme de 500 € ; que la cessation de fonctions de M. Davin, décidée par arrêté municipal du 24 octobre 2005, a pris effet, selon ledit arrêté, au 1er octobre 2005 ;

Considérant que l'instruction a établi que, du 24 avril 2004 au 7 octobre 2005, période non prescrite, le régisseur d'avances a réglé un ensemble de factures représentant un total de 156 874,46 € ; que ces factures correspondent à des achats de spectacles et de concerts, essentiellement auprès d'intermédiaires, aux frais liés à ces manifestations, relatifs notamment à l'hébergement des artistes et techniciens, ainsi qu'à des dépenses diverses exposées notamment pour l'organisation des festivités de Noël, d'une fête de la mer, de compétitions de motonautisme et de salons du nautisme et pour la réalisation d'une bande vidéo destinée aux nouveaux habitants de la commune ;

Considérant que le détail des factures en cause est le suivant : que le régisseur a payé par chèque, le 27 avril 2004, une facture de 29 146,15 € (organisation d'un salon du nautisme) et, le 15 mai 2004, une facture de 2 850 € (spectacle de la fête du nautisme) ; qu'une facture de 798 € (sonorisation événementielle) a été réglée par le régisseur le 19 juin 2004 alors que la gestion comptable de la commune était assurée par un agent intérimaire ; que, du 1er juillet 2004 au 8 août 2005, le régisseur a payé par chèque, le 16 juillet 2004, une facture de 3 500 € (spectacle musical), le 17 juillet 2004, une facture de 20 586 € (spectacles de théâtre), le 30 juillet 2004, une facture de 3 500 € (spectacle musical), le 7 août 2004, une facture de 1 359 € (hébergement d'artistes), le 16 août 2004, une facture de 5 275 € (spectacle musical), le 11 octobre 2004, une facture de 800 € (spectacle musical), le 23 décembre 2004, une facture de 1 620 € (hébergement d'artistes), le 24 décembre 2004, une facture de 25 000 € (spectacle de théâtre) et une facture de 392,71 € (spectacle musical), le 17 janvier 2005, une facture de 6 000 € (spectacle musical) et une facture de 7 948,95 € (organisation et promotion du salon du nautisme), le 17 mars 2005, une facture de 15 897,90 € (organisation et promotion du salon du nautisme), le 18 avril 2005, une facture de 29 146,15 € (organisation et promotion du salon du nautisme), le 4 août 2005, une facture de 2 700 € (location d'une villa pour l'hébergement de techniciens) et, le 8 août 2005, une facture de 354,60 € (restauration d'artistes et de techniciens) ;

Considérant que ces factures ont été transmises par le régisseur à la trésorerie de Saint-Cyr-sur-Mer à l'appui des états de reconstitution périodique de l'avance de 53 000 € détenue par celui-ci ; que le montant de cette avance a été systématiquement reconstitué par la trésorerie sur présentation desdites factures ;

Considérant que ces opérations ont par la suite été intégrées à la comptabilité de la commune sous la responsabilité des comptables publics successifs, M. Delvaux, jusqu'au 4 juin 2004, et Mme Marnat, à compter du 1er juillet 2004 ;

S'agissant des manquements relatifs à la nature des dépenses payées :

Considérant, en premier lieu, que l'article R. 1617-11 du code général des collectivités territoriales relatif aux régies d'avances dispose, dans sa rédaction applicable aux années en cause, que « sauf dérogation accordée par le ministre chargé du budget, peuvent seuls être payés par l'intermédiaire d'une régie : 1° Les dépenses de matériel et de fonctionnement dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre chargé du budget ; 2° La rémunération des personnels payés sur une base horaire ou à la vacation ainsi que les charges sociales y afférentes ; 3° Les secours ; 4° Les avances sur frais de mission ou les frais de mission lorsqu'il n'a pas été consenti d'avance ; 5° Au titre du mois au cours duquel les agents entrent au service des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ou le quittent, les traitements ou les salaires desdits agents » ;

Considérant que les achats de spectacles ne relèvent pas des catégories de dépenses énumérées à l'article R. 1617-11 du code général des collectivités territoriales ; que ces achats ne sont pas mentionnés dans la liste des « dépenses de matériel et de fonctionnement » mentionnées au 1.4.1.1 de l'instruction codificatrice n° 98-037-A-B-M du 20 février 1998 émanant de la direction générale de la comptabilité publique du ministère chargé du budget, instruction qui était en vigueur durant la période en cause et est visée par la décision du 3 juillet 2002 instituant la régie ;

Considérant que les achats de spectacles ne correspondent pas à l'objet de la régie tel qu'il a été déterminé par la décision du 3 juillet 2002 précitée, laquelle vise, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les « menues dépenses et dépenses urgentes pour les spectacles et animations estivales » ; qu'il suit de là que le régisseur d'avances n'était pas habilité à payer des achats de spectacles et que les dispositions précitées ont été méconnues ;

Considérant, en second lieu, que les spectacles ou manifestations ayant donné lieu à des paiements s'inscrivaient dans le cadre de l'organisation de manifestations publiques récurrentes et programmées à l'avance ; qu'il s'agit le plus souvent d'opérations importantes pour la commune, qui pouvait en planifier la mise en œuvre et le paiement ; qu'en payant des dépenses qui n'avaient ainsi manifestement pas le caractère de dépenses urgentes, le régisseur n'a pas respecté le champ assigné à la régie par la décision qui l'a créée ;

S'agissant des manquements relatifs au montant des dépenses payées :

Considérant que, selon les dispositions de l'article R. 1617-11 du code général des collectivités territoriales applicables au moment des faits et son arrêté d'application en date du 29 décembre 1997, le montant maximum des dépenses de matériel et de fonctionnement payables par l'intermédiaire d'un régisseur d'avances est fixé à 10 000 F par opération, soit 1 524,49 € ;

Considérant, en outre, que la plupart des dépenses réglées par le régisseur, et tout particulièrement celles dont le montant s'élève à plusieurs milliers d'euros, ne peuvent être qualifiées de « menues dépenses » ;

Considérant, en conséquence, que le régisseur n'était manifestement habilité à payer ni les dépenses qui ne pouvaient être qualifiées de menues dépenses ni les dépenses dont le montant excédait 1 524,49 € par opération ; qu'en effectuant de tels paiements, il a méconnu les dispositions réglementaires précitées ainsi que les règles fixées par la décision instituant la régie ;

S'agissant du grief tiré de la méconnaissance de la règle du paiement après service fait :

Considérant que le grief tenant à l'absence de service fait n'est pas établi et doit être donc être écarté ;

S'agissant du grief portant sur l'insuffisance des pièces justificatives de la dépense :

Considérant que les factures réglées par le régisseur le 27 avril 2004, le 17 janvier 2005, le 17 mars 2005 et le 18 avril 2005, qui concernent l'organisation et la promotion d'un salon du nautisme, se rattachent à un marché public au sens de l'article 1er du code des marchés publics dans sa version alors applicable ; qu'il résulte de l'annexe C à laquelle renvoie le point 4111 de la liste des pièces justificatives de la dépense annexée à l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales, issu du décret n° 2003-301 du 2 avril 2003, applicable aux faits de l'espèce, que les factures payées par les collectivités territoriales qui se rattachent à un marché public passé sans formalités préalables doivent comporter la mention de la date d'exécution des prestations et la nature des prestations dues, notamment d'un point de vue quantitatif ; que les mentions figurant sur les factures mentionnées ci-dessus ne permettent d'appréhender ni la nature exacte et l'étendue des prestations effectuées par l'opérateur ni la date de leur exécution ; que le régisseur n'a pas réclamé auprès de l'ordonnateur d'autres pièces que celles qui ont été jointes aux différents mandats de dépenses récapitulatifs, au nombre desquelles figurent les factures en cause ; que, dans ces conditions, le paiement de ces factures est irrégulier ;

Considérant qu'ainsi des règles relatives à l'exécution des dépenses de la municipalité de Bandol ont été violées ; que ces faits sont constitutifs de l'infraction prévue à l'article L. 313-4 du code des juridictions financières qui prévoit que « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui, en dehors des cas prévus aux articles précédents, aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat ou des collectivités, établissements et organismes mentionnés à ce même article ou à la gestion des biens leur appartenant ou qui, chargée de la tutelle desdites collectivités, desdits établissements ou organismes, aura donné son approbation aux décisions incriminées sera passible de l'amende prévue à l'article L. 313-1 [...] » ;

S'agissant des manquements aux obligations de contrôle :

Considérant que l'article R. 1617-12 du code général des collectivités territoriales dispose que l'avance est versée par le comptable public assignataire sur demande du régisseur, visée par l'ordonnateur ; qu'en application de l'article R. 1617-14 du même code « le régisseur remet les pièces justificatives des dépenses payées par ses soins, dans les conditions fixées par l'acte constitutif et au minimum à la fin de chaque mois, à l'ordonnateur qui émet, pour le montant des dépenses reconnues régulières, un mandat de régularisation » ; qu'en application de l'article R. 1617-17 dudit code « les régisseurs de recettes, d'avances ainsi que de recettes et d'avances sont soumis aux contrôles du comptable public assignataire et de l'ordonnateur auprès desquels ils sont placés » ;

Considérant que l'instruction codificatrice n° 98-037-A-B-M du 20 février 1998 précitée prévoit, en son point 2.2, que « le comptable assignataire doit procéder à la vérification sur place des régisseurs effectuant des opérations pour son compte 1° tous les quatre ans, 2° sans délai lorsque le contrôle sur pièces fait apparaître des irrégularités, 3° à l'occasion du changement de régisseur. Bien entendu, dans tous les cas où il apparaît au comptable assignataire qu'il y a nécessité de procéder à la vérification d'une régie, il a la faculté d'effectuer le contrôle sans tenir compte des règles de périodicité normale ainsi définies » ;

Considérant que ces différentes dispositions régissant le fonctionnement et le contrôle des régies sont des règles relatives à l'exécution des dépenses des collectivités au sens de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Considérant que l'instruction a établi que les comptables publics successifs sous le contrôle desquels était placé le régisseur n'avaient formulé aucune observation à l'occasion des reconstitutions périodiques de l'avance accordée au régisseur sur l'ensemble de la période en cause, en dépit du caractère manifestement irrégulier des opérations effectuées dans le cadre de la régie ; que les comptables publics ont intégré dans la comptabilité communale ces opérations irrégulières sans émettre aucune réserve ni observation ; qu'aucun contrôle sur place de la régie d'avances n'a été diligenté par eux au cours de la même période ; que les carences imputables aux comptables successifs caractérisent des manquements aux obligations, instituées par les dispositions précitées, de contrôle de la régie ;

Considérant que cette méconnaissance constante des règles relatives au contrôle des régies constitue un manquement aux obligations de surveillance qui incombaient aux comptables publics ; que ces manquements ont rendu possible la réitération de paiements irréguliers sur la régie d'avances ; que ces manquements sont dès lors constitutifs de l'infraction prévue par l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

Sur les responsabilités :

Sur les responsabilités respectives du régisseur et des comptables :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs, applicables aux faits de l'espèce, que les régisseurs d'avances sont responsables des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer en matière de dépenses, hormis celui portant sur la disponibilité des crédits ;

Considérant, en second lieu, que, selon les dispositions du III de l'article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963, « la responsabilité des comptables s'étend aux opérations des comptables publics placés sous leur autorité et à celles des régisseurs » ; qu'il résulte des dispositions de l'article R. 1617-17 du code général des collectivités territoriales que les régisseurs d'avances sont soumis aux contrôles du comptable public assignataire ; qu'ainsi que le prévoit l'article 18 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 le régisseur d'avances agit pour le compte du comptable public ; que par suite, et indépendamment du régime de responsabilité personnelle et pécuniaire propre aux comptables publics, la responsabilité du comptable public peut être engagée sur le fondement d'irrégularités constitutives des infractions prévues par les dispositions de l'article L. 313-4 du code des juridictions financières ;

En ce qui concerne la responsabilité de M. Davin :

Considérant qu'en application de l'article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique les comptables publics sont seuls habilités à payer les dépenses publiques ; qu'afin de faciliter l'action administrative, l'article 18 du même décret prévoit un aménagement à ce principe en autorisant la désignation de régisseurs pouvant être chargés, pour le compte des comptables publics, d'opérations d'encaissement ou de paiement ;

Considérant qu'en l'espèce la création de la régie d'avances est intervenue dans le cadre prévu par les dispositions des articles R. 1617-1 et suivants du code général des collectivités territoriales relatifs aux régies du secteur public local ; qu'en application du I de l'article R. 1617-4 de ce code la responsabilité personnelle et pécuniaire du régisseur, chargé pour le compte d'un comptable public d'opérations de paiement, s'étend à toutes les opérations de la régie depuis la date de son installation jusqu'à la date de cessation de ses fonctions ;

Considérant, par ailleurs, qu'il résulte des dispositions de l'article 3 du décret n° 66-850 du 15 novembre 1966 relatif à la responsabilité personnelle et pécuniaire des régisseurs, applicables aux faits de l'espèce, que les régisseurs d'avances sont responsables, dans les mêmes conditions que les comptables publics, des contrôles qu'ils sont tenus d'exercer en matière de dépenses, hormis celui portant sur la disponibilité des crédits ; qu'en application des dispositions combinées des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 le contrôle du comptable public porte notamment sur la validité de la créance et le caractère libératoire du règlement ; que, par ailleurs, l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales dispose que : « avant de procéder au paiement d'une dépense ne faisant pas l'objet d'un ordre de réquisition, les comptables des communes, des départements, des régions et de leurs établissements publics, à l'exception des établissements et services visés au second alinéa du présent article, ne doivent exiger que les pièces justificatives prévues pour la dépense correspondante dans la liste définie à l'annexe I du présent code et établie conformément à celle-ci » ; qu'ainsi les régisseurs sont tenus d'exercer un contrôle portant sur ces différents éléments ;

Considérant qu'en application de l'article 37 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962, « lorsque, à l'occasion de l'exercice du contrôle prévu à l'article 12 (alinéa B) ci-dessus, des irrégularités sont constatées, les comptables publics suspendent les paiements et en informent l'ordonnateur » ;

Considérant qu'il incombait à M. Davin, en sa qualité de régisseur d'avances, de refuser le paiement des dépenses qui, eu égard à leur nature ou à leur montant, n'étaient pas autorisées par les textes applicables à la régie d'avances dont il avait la charge ; qu'il lui appartenait, par ailleurs, d'exiger, préalablement au paiement, la production de pièces justificatives conformes aux exigences résultant de l'article D. 1617-19 du code général des collectivités territoriales ; qu'en effectuant néanmoins les paiements irréguliers en cause il a engagé sa responsabilité personnelle ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-9 du code des juridictions financières : « les personnes visées à l'article L. 312-1 ne sont passibles d'aucune sanction si elles peuvent exciper d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique ou de la personne légalement habilitée à donner un tel ordre, dont la responsabilité se substituera dans ce cas à la leur, ou donné personnellement par le ministre compétent, dès lors que ces autorités ont été dûment informées sur l'affaire » ; qu'en vertu de l'article L. 313-10 du même code : « les dispositions de l'article L. 313-9 s'appliquent aux fonctionnaires et agents des collectivités territoriales et de leurs groupements qui peuvent exciper d'un ordre écrit donné préalablement par leur supérieur hiérarchique ou par la personne légalement habilitée à donner un tel ordre, le maire, le président du conseil général, le président du conseil régional, le président du conseil exécutif de Corse ou le président élu d'un des groupements susvisés, dès lors que ces autorités ont été dûment informées sur l'affaire. Si l'ordre émane du supérieur hiérarchique ou de la personne légalement habilitée à donner un tel ordre, la responsabilité de ces derniers se substituera à celle du subordonné » ;

Considérant que M. Davin soutient qu'il aurait payé les dépenses en cause dans le cadre des décisions écrites du maire de la commune de Bandol, dont il était le subordonné ; que ces décisions écrites ont pris selon les cas la forme de bons de commande, de lettres d'engagement, de devis validés ou de contrats ; que les paiements effectués dans le cadre de la régie, elle-même créée par une décision signée du maire, l'ont été en exécution de ces décisions écrites ; que, selon lui, ces éléments constituent manifestement des ordres écrits au sens de l'article L. 313-9 du code des juridictions financières ;

Mais considérant que les décisions prises par l'ordonnateur ou son délégué pour l'engagement de ces dépenses, telles celles procédant de la signature de bons de commande ou de lettres d'engagement, ne peuvent être considérées comme des « ordres écrits » de procéder au paiement de factures par l'intermédiaire de la régie d'avances ; qu'en effet, ces décisions constituent l'engagement de la dépense, qui, selon l'article 29 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 précité, est « l'acte par lequel un organisme public crée ou constate à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge » ; que l'article 28 dudit décret dispose qu' « avant d'être payées, les dépenses sont engagées, liquidées et, le cas échéant, ordonnancées » ; qu'ainsi l'ordre de payer ne peut intervenir que postérieurement à la liquidation et ne saurait résulter du seul acte d'engagement des dépenses ;

Considérant que les demandes d'avances et les mandats de régularisation signés postérieurement aux paiements par l'ordonnateur ne peuvent davantage être assimilés à des ordres écrits, au sens des dispositions précitées ; qu'en effet, il n'est pas démontré que l'ordonnateur ait été « dûment informé », au sens de l'article L. 313-10 précité, des irrégularités susceptibles d'être commises au regard des règles d'exécution des dépenses de la commune ; que M. Davin ne fait état d'aucune démarche personnelle d'alerte ou d'information de l'ordonnateur sur ces aspects ;

Considérant que, dans ces conditions, M. Davin ne peut se prévaloir utilement de la dispense de responsabilité prévue par les dispositions combinées des articles L. 313-9 et L. 313-10 du code des juridictions financières ;

Considérant que M. Davin a manqué de façon répétée aux obligations assignées aux régisseurs d'avances ; que la majorité des opérations irrégulières qu'il a exécutées sans émettre de réserves auprès de l'ordonnateur portent sur des montants importants, au demeurant pour cinq d'entre elles supérieurs à 10 000 € ; que ces faits constituent des circonstances aggravantes de responsabilité ;

Considérant, toutefois, que de larges circonstances atténuantes doivent être reconnues à M. Davin ;

Considérant, en effet, que les conditions dans lesquelles s'exerçait, sous l'autorité du maire de la commune, la mission de M. Davin, la définition de l'objet de la régie figurant dans sa décision constitutive et l'importance du montant de l'avance accordée au régisseur ont pu conduire ce dernier à penser qu'il était habilité à payer des achats de spectacles ou des dépenses d'un montant important, notamment lorsque les exigences de certains artistes ou intermédiaires sur les modalités de paiement de leurs prestations paraissaient conditionner la tenue de manifestations ou spectacles ouverts au public ; que le contexte particulier du paiement des spectacles a conduit, postérieurement aux faits de l'espèce, à modifier le code général des collectivités territoriales pour autoriser, dans la limite d'un montant de 10 000 €, le paiement de dépenses d'acquisition de spectacles par l'intermédiaire d'un régisseur d'avances ;

Considérant, en outre, que M. Davin, qui occupait, avant d'être régisseur, des fonctions d'organisation et de suivi des animations de la ville de Bandol, n'a bénéficié d'aucune formation au titre de ses responsabilités de régisseur ; qu'aucun contrôle de la régie n'a été diligenté par l'ordonnateur ou le comptable public ; qu'aucune autorité hiérarchique ou de contrôle ne lui a fait d'observations sur le fonctionnement de la régie ;

Considérant que la position hiérarchique de l'intéressé, agent de catégorie C de la commune, a pu le dissuader d'émettre des réserves auprès de l'ordonnateur ou de son supérieur, voire de refuser le paiement des dépenses en cause ;

En ce qui concerne la responsabilité de M. Delvaux et de Mme Marnat :

Considérant qu'en n'effectuant aucun contrôle de la régie d'avance, en violation des textes en vigueur, et en ne formulant aucune observation, que ce soit à l'occasion des reconstitutions périodiques de l'avance du régisseur ou au moment de l'intégration dans leur comptabilité des dépenses payées de façon manifestement irrégulière par la régie, M. Delvaux et Mme Marnat ont manqué à leur obligation de surveillance de la régie d'avances de Bandol et engagé leur responsabilité personnelle à raison des paiements irréguliers effectués et comptabilisés pendant l'exercice de leurs fonctions ;

Considérant que l'absence de réserves du comptable public quant au fonctionnement de la régie d'avances a des conséquences particulièrement graves dès lors que le régisseur ne bénéficie pas des mêmes garanties d'indépendance ; que ces faits constituent des circonstances aggravant la responsabilité des comptables successifs de la commune ; qu'en outre M. Delvaux a admis l'absence de tout contrôle sur place de sa part des régies des collectivités territoriales dont il a assuré la gestion comptable en tant que trésorier de Saint-Cyr-sur-Mer ; qu'il ne résulte pas des éléments recueillis au cours de l'instruction que M. Delvaux ait attiré l'attention du maire de la commune ou du régisseur, au moment de la mise en place de la régie d'avances ou ultérieurement, sur les risques encourus, compte tenu notamment de l'importance du montant de l'avance ; que ces faits constituent également des circonstances aggravantes de la responsabilité de M. Delvaux ;

Considérant qu'il ressort des éléments issus de l'instruction que Mme Marnat a pris des mesures, au cours des années ayant suivi sa prise de poste, afin de mieux contrôler les régies du secteur public local relevant de sa gestion ; qu'elle a entrepris des actions de formation des régisseurs relevant de sa responsabilité ; que ces faits constituent des circonstances atténuantes pour Mme Marnat ;

Sur l'amende :

Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des circonstances de l'espèce en infligeant une amende de 300 € à M. Davin, une amende de 450 € à M. Delvaux et une amende de 350 € à Mme Marnat ;

Sur la publication :

Considérant qu'il y a lieu, compte tenu des circonstances de l'espèce, de publier le présent arrêt au Journal officiel de la République française en application de l'article L. 314-20 du code des juridictions financières,

Arrête :

Article 1

M. Marc Davin est condamné à une amende de 300 € (trois cents euros).

Article 2

M. Hubert Delvaux est condamné à une amende de 450 € (quatre cent cinquante euros).

Article 3

Mme Ginette Marnat est condamnée à une amende de 350 € (trois cent cinquante euros).

Article 4

Le présent arrêt sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré par la Cour de discipline budgétaire et financière, première section, le dix-neuf novembre deux mil dix par M. Migaud, premier président de la Cour des comptes, président ; MM. Martin, Loloum, Pêcheur, conseillers d'Etat, et Mme Fradin, conseiller maître à la Cour des comptes.

Lu en séance publique le dix décembre deux mille dix.

En conséquence, la République mande et ordonne à tous huissiers de justice sur ce requis de mettre ledit arrêt à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance d'y tenir la main, à tous les commandants et officiers de la force publique de prêter main-forte lorsqu'ils en seront légalement requis.

En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le président de la cour et la greffière.

Le président,

D. Migaud

La greffière,

M. Le Gall

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