ETUDE : La dénonciation calomnieuse

ETUDE : La dénonciation calomnieuse

E9886EW3

avec cacheDernière modification le 21-12-2022

Plan de l'étude

  1. Synthèse
  2. L'incrimination de la dénonciation calomnieuse
    1. Le principe de l'incrimination de la dénonciation calomnieuse
    2. La dénonciation
      1. Les modalités de la dénonciation
      2. La spontanéité de la dénonciation
      3. Le destinataire de la dénonciation
    3. La calomnie
      1. Les éléments constitutifs de la calomnie
        1. L'élément matériel de la calomnie
        2. L'élément intentionnel de la calomnie
        3. Le préjudice résultant de la calomnie
      2. La preuve de la calomnie
        1. La déclaration préalable de l'autorité compétente
        2. La preuve par présomption
        3. La preuve par appréciation
        4. L'attente de la décision en présence de poursuites pénales
  3. La répression de la dénonciation calomnieuse
    1. Les peines encourues par les personnes reconnues coupable de dénonciation calomnieuse
    2. Les responsables de la dénonciation calomnieuse
    3. Les actions en dénonciation calomnieuse
  4. La réparation du préjudice causé par la dénonciation calomnieuse

1. Synthèse

La dénonciation

Aux termes de l'article 226-10 du Code pénal (N° Lexbase : L8312LCT), la dénonciation, effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée, est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée. En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.

Les dispositions de l'article 226-10 du Code pénal telles qu'issues de la loi du 9 juillet 2010 sont applicables rétroactivement en ce qu'elles restreignent l'étendue de la présomption de la fausseté du fait dénoncé (Cass. crim., 14 septembre 2010, n° 10-80.718, F-P+B N° Lexbase : A3887GBL).
Le délit de dénonciation calomnieuse n'est caractérisé que si cette dénonciation est spontanée (Cass. crim., 16 octobre 1969, n° 67-93543N° Lexbase : A7555CHB et Cass. crim., 3 mai 2000, n° 99-85.107, N° Lexbase : A3279AUY).

Commet, par exemple, une dénonciation calomnieuse celui qui a organisé une mise en scène pour donner à penser qu'une personne s'est rendue coupable d'un vol et informe l'employeur de celle-ci du vol en s'abstenant de la mettre expressément hors de cause (Cass. crim., 7 juin 1963, n° 62-92547 N° Lexbase : A4609CGS).

La calomnie

La Chambre criminelle rappelle qu'en matière de dénonciation calomnieuse, il n'est pas nécessaire, pour constater l'existence du délit, d'établir la fausseté matérielle du fait dénoncé (Cass. crim., 9 janvier 1975, n° 74-91444 N° Lexbase : A7088CGM).
Le délit de dénonciation calomnieuse est constitué lorsque le prévenu a ajouté, à la dénonciation d'un fait matériellement exact, des circonstances de nature à imprimer à ce fait un caractère autre que celui qu'il comportait et à motiver des sanctions (Cass. crim., 12 juillet 1966, n° 65-92886 N° Lexbase : A1915CHE).
La mauvaise foi du dénonciateur est un élément constitutif de l'infraction (Cass. crim., 30 janvier 1979, n° 78-91947 N° Lexbase : A5236CK7).
En matière de dénonciation calomnieuse, l'appréciation des juges du fond quant à l'existence ou à l'absence de la mauvaise foi chez le dénonciateur est souveraine, lorsque les motifs sur lesquels ils se fondent ne sont entachés d'aucune contradiction (Cass. crim., 19 février 1992, n° 91-80.685 N° Lexbase : A8321CW4 et Cass. crim., 20 juin 1963, n° 62-93240 N° Lexbase : A2742CIE).
La mauvaise foi doit être appréciée à la date où la dénonciation a été faite (Cass. crim., 28 novembre 1978, n° 78-92055 N° Lexbase : A3843CKK).
La mauvaise foi consiste dans la connaissance de la fausseté du fait dénoncé ou imputé à autrui (Cass. crim., 30 janvier 1979, n° 78-91947 N° Lexbase : A5236CK7 ; Cass. crim., 11 octobre 1983, n° 82-93985 N° Lexbase : A0870CHP ; Cass. crim., 13 mars 1984, n° 83-93828 N° Lexbase : A2823CHZ).
A la supposer établie, l'intention de nuire ne saurait suffire à caractériser la mauvaise foi (Cass. crim., 24 janvier 1979, n° 77-93760, publié au bulletin N° Lexbase : A7803CIT).
Il ne revient pas au prévenu de rapporter la preuve de sa bonne foi (Cass. crim., 7 décembre 2004, n° 04-81.929 N° Lexbase : A0325DG7).

Le fait dénoncé susceptible de justifier des poursuites doit être précis et exposer son auteur à des sanctions de nature pénale, administrative ou disciplinaire (Cass. crim., 17 mai 1994, n° 93-84.143 N° Lexbase : A8405ABW et Cass. crim., 7 décembre 2004, n° 03-87.709, F-P+F N° Lexbase : A6292DER).

Le délit de dénonciation calomnieuse exigé, pour être établi, que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par l'autorité compétente.
Le délit de dénonciation calomnieuse n'est pas caractérisé dès lors que les juges ne constatent pas qu'il a été statué préalablement sur la fausseté du fait dénoncé par l'autorité compétente. Ils doivent en faire état dans leur décision (Cass. crim., 16 février 1988, n° 87-84.107 N° Lexbase : A7243AAI).

La présomption de fausseté du fait instaurée par le premier de ces textes repose sur l'existence d'une décision de justice antérieure définitive, résultant d'un débat judiciaire conforme aux règles du procès équitable de l'article 6 § 1et 2 de la CESDH (Cass. crim., 25 mars 2003, n° 02-80.569, FS-P+FI N° Lexbase : A6644BLN).
La fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement d'une décision de relaxe devenue définitive (Cass. crim., 20 février 1996, n° 95-80.477 N° Lexbase : A9068ABH).
Aucune poursuite pour dénonciation calomnieuse ne peut être exercée lorsque les faits dénoncés ont fait l'objet d'une décision de condamnation pénale passée en force de chose jugée (Cass. crim., 22 janvier 2002, n° 01-83.639, F-P+F N° Lexbase : A9236AXD).

2. L'incrimination de la dénonciation calomnieuse

E5988EX3

2-1. Le principe de l'incrimination de la dénonciation calomnieuse

  • Art. 226-10, Code pénal
    Est constitutive du délit, la dénonciation effectuée par tout moyen et dirigée contre une personne déterminée, d'un fait qui est de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires et que l'on sait totalement ou partiellement inexact, lorsqu'elle est adressée soit à un officier de justice ou de police administrative ou judiciaire, soit à une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente, soit aux supérieurs hiérarchiques ou à l'employeur de la personne dénoncée.

    Actualisation jurisprudence

    Sanction infligée à un avocat et élu local pour dénonciation calomnieuse : la France condamnée pour violation de la liberté d’expression - CEDH, 26 mars 2020, Req. 59636/16, Tête c/ France (N° Lexbase : A24923KI) : La condamnation d’un avocat et élu local pour dénonciation calomnieuse en raison d’une lettre ouverte adressée à l’AMF et dans laquelle il reprochait à la société Olympique Lyonnais Groupe (OL Groupe) et à son PDG d’avoir fourni des informations fausses et trompeuses dans le cadre de la procédure d’entrée en bourse de la société, emporte violation du droit à la liberté d’expression (CEDH, art. 10 N° Lexbase : L4743AQQ) dans la mesure où, notamment, l’intéressé s’exprimait sur un sujet d’intérêt général et dans le cadre d’une démarche politique et militante.

     

  • Art. 226-10, Code pénal
    La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.
  • Art. 226-10, Code pénal
    En tout autre cas, le tribunal saisi des poursuites contre le dénonciateur apprécie la pertinence des accusations portées par celui-ci.
  • Cass. crim., 11-07-2017, n° 16-83.932, F-P+B
    Il appartient à la juridiction saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse, d'apprécier la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont donné lieu à une décision de non-lieu fondée sur d'autres motifs que l'absence de commission des faits ou de leur imputabilité à la personne dénoncée.
  • Cass. crim., 14-09-2010, n° 10-80.718, F-P+B
    Application dans le temps. Les dispositions de l'art. 226-10 du Code pénal telles qu'issues de la loi du 9 juillet 2010 sont applicables rétroactivement en ce qu'elles restreignent l'étendue de la présomption de la fausseté du fait dénoncé.
  • Cass. crim., 08-04-2014, n° 14-90.006, F-P+B
    QPC. La question de la constitutionnalité de l'article 226-10 du Code pénal ne présente pas, à l'évidence, un caractère sérieux, dès lors que, même lorsque la fausseté d'un fait dénoncé résulte nécessairement d'une décision définitive de relaxe, d'acquittement ou de non-lieu déclarant que le fait n'a pas été commis ou qu'il n'est pas imputable à la personne dénoncée, le délit n'est constitué que si la dénonciation a été faite par un prévenu qui savait que le fait qu'il dénonçait était totalement ou partiellement inexact.
  • Cass. crim., 14-12-2016, n° 15-85.517, F-P+B
    La circonstance que le maire a la possibilité de donner à des écrits litigieux les suites qu'il estime nécessaires ne permet pas de remplir la condition de l'article 226-10, alinéa 1er, duquel il résulte que seule la dénonciation calomnieuse de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires ne peut être réprimée.
  • Cass. crim., 19-02-2019, n° 18-80.195, F-P+B
    Mauvaise foi. La Cour de cassation précise par ailleurs qu'il se déduit de l'article 226-10 du Code pénal que la mauvaise foi ne saurait résulter du seul constat que l’auteur de la dénonciation a agi légèrement ou témérairement.

2-2. La dénonciation

2-2-1. Les modalités de la dénonciation

  • Cass. crim., 12-03-1963, n° 61-93437
    Le compte-rendu fait par un commissaire de police à son supérieur hiérarchique d'un incident tel qu'il s'est produit et dont il avait le devoir de l'informer ne peut d'aucune façon constituer une dénonciation calomnieuse.
  • Cass. crim., 07-06-1963, n° 62-92547
    Commet une dénonciation calomnieuse celui qui a organisé une mise en scène pour donner à penser qu'une personne s'est rendue coupable d'un vol et informe l'employeur de celle-ci du vol en s'abstenant de la mettre expressément hors de cause.
  • Cass. crim., 07-06-1963, n° 62-92547
    En effet de tels agissements reviennent à dénoncer la victime comme susceptible d'avoir commis un vol alors que le dénonciateur savait pertinemment qu'elle était innocente.
  • Cass. crim., 22-06-1999, n° 98-80.593
    L'article 226-10 du Code pénal vise la dénonciation dirigée contre "une personne déterminée", terme désignant aussi bien une personne physique une personne morale.

E5997EXE

2-2-2. La spontanéité de la dénonciation

  • Cass. crim., 16-10-1969, n° 67-93543
    Cass. crim., 03-05-2000, n° 99-85.107
    Le délit de dénonciation calomnieuse n'est caractérisé que si cette dénonciation est spontanée.
  • Cass. crim., 16-06-1988, n° 87-85432
    Il ne peut dès lors être commis par celui qui a pris l'initiative de porter devant les autorités des accusations mensongères contre un tiers.
  • Cass. crim., 03-05-2000, n° 99-84.029
    Une dénonciation faite par un prévenu ou un accusé ne peut, si elle se rattache étroitement à sa défense, être considérée comme spontanée.
  • Cass. crim., 11-03-2003, n° 02-82.352, FS-P+F
    Est coupable le gérant d'une société pour avoir cité un contrôleur du Travail, sous la prévention de faux en écriture publique, en lui imputant d'avoir indiqué faussement, dans un PV qu'il avait recueilli les déclarations de tous les salariés.Précisions

    Il résulte de l'arrêt attaqué qu'une société et son gérant, ont été poursuivis pour dénonciation calomnieuse pour avoir cité, devant le tribunal correctionnel un contrôleur du Travail, sous la prévention de faux en écriture publique, en lui imputant d'avoir indiqué faussement, dans un procès-verbal d'infraction dressé à leur encontre, qu'il avait recueilli les déclarations de tous les salariés.

    Pour déclarer la société, ainsi que son gérant, coupables de dénonciation calomnieuse, les juges retiennent que la fausseté du fait dénoncé résulte de la relaxe du contrôleur du Travail par décision définitive ; ils relèvent qu'en prenant l'initiative d'exercer des poursuites pénales lourdes de conséquences pour un fonctionnaire public assermenté ainsi que la personne morale, ont intentionnellement commis le délit reproché.

    La Cour de cassation a retenu qu'en l'état de ces énonciations qui établissent le caractère spontané de la dénonciation, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

    En effet, d'une part, selon les dispositions de l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal la responsabilité pénale de la personne morale n'exclut pas celle de la personne physique auteur des mêmes faits.

    D'autre part, la personne poursuivie ayant la faculté de contester la valeur probante des procès-verbaux des contrôleurs du Travail par tous moyens de preuve, devant la juridiction de jugement, une poursuite pour faux en écriture publique du fonctionnaire, rédacteur du procès-verbal, ne saurait être considérée comme se rattachant étroitement à sa défense.

  • Cass. crim., 05-03-1974, n° 73-92481
    Ne constitue pas une dénonciation spontanée la réponse du président d'une chambre des notaires à une lettre du procureur lui prescrivant de lui adresser un rapport sur l'activité professionnelle d'un notaire ou l'administration d'un office.
  • Cass. crim., 16-06-1988, n° 87-85432
    Les déclarations des deux prévenus, recueillies au cours de leur audition par les gendarmes, ne sont, en aucune manière, spontanées.
  • Cass. crim., 27-10-1987, n° 87-80530
    Le fait que la dénonciation soit postérieure à la mise en mouvement de l'action publique ne suffit pas à établir son absence de spontanéité.
  • Cass. crim., 30-05-2000, n° 99-84470
    Constitue un acte spontané, la lettre adressée par des avocats à la chambre d'accusation qu'"il ne fait aucun doute que seul le magistrat instructeur a pu communiquer les procès-verbaux des écoutes téléphoniques aux journalistes".
  • Cass. crim., 08-11-2005, n° 05-80.159, F-P+F
    Est dépourvue de tout caractère spontané, la lettre du commandant d'un centre d'incendie et de secours par laquelle il n'a fait qu'informer son supérieur hiérarchique des incidents qu'il avait le devoir de porter à sa connaissance.Précisions
  • Cass. crim., 14-01-2014, n° 12-86.781, F-P+B+I
    Sont exclues du champ d'application de la dénonciation calomnieuse en raison de leur défaut de spontanéité, les accusations formulées en réponse aux sollicitations des autorités, sur injonction de la loi ou dans le strict exercice des droits de la défense.

E5998EXG

2-2-3. Le destinataire de la dénonciation

  • Cass. crim., 22-10-2002, n° 01-87.294, F-P+F+I
    Est à bon droit condamnée pour dénonciation calomnieuse la prévenue qui a intentionnellement dénoncé des faits d'atteinte sexuelle sur mineure dont elle n'ignorait pas le caractère mensonger à un médecin hospitalier et à une assistante sociale.
  • Cass. crim., 22-10-2002, n° 01-87.294, F-P+F+I
    En effet, le médecin et l'assistante sociale sont légalement tenus d'informer les autorités judiciaires des atteintes sexuelles infligées à un mineur de quinze ans dont ils ont eu connaissance dans l'exercice de leurs fonctions.
  • Cass. crim., 26-06-2007, n° 06-84.135, F-P+F
    Le président du tribunal de commerce est une autorité constituée qui, lorsqu'elle acquiert, dans l'exercice de ses fonctions, la connaissance d'un crime ou d'un délit, est tenue d'en donner avis sans délai au procureur de la République.
  • Cass. crim., 26-05-2010, n° 10-80.392, F-P+F
    Le commissaire aux comptes est une autorité, au sens de l'article 226-10, l'article L. 823-12 du C. com. lui faisant obligation de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il peut avoir connaissance dans l'exercice de sa mission.

E5999EXH

2-3. La calomnie

2-3-1. Les éléments constitutifs de la calomnie

E6000EXI

2-3-1-1. L'élément matériel de la calomnie
  • Cass. crim., 09-01-1975, n° 74-91444
    En matière de dénonciation calomnieuse, il n'est pas nécessaire, pour constater l'existence du délit, d'établir la fausseté matérielle du fait dénoncé.
  • Cass. crim., 12-07-1966, n° 65-92886
    Le délit de dénonciation calomnieuse est constitué lorsque le prévenu a ajouté, à la dénonciation d'un fait matériellement exact, des circonstances de nature à imprimer à ce fait un caractère autre que celui qu'il comportait et à motiver des sanctions.
  • Cass. crim., 09-01-1975, n° 74-91444
    Le délit est également constitué lorsque la dénonciateur en dissimulant sciemment certaines circonstances, a présenté le fait sous un aspect fallacieux le faisant apparaître pour entraîner une sanction.
  • Cass. crim., 11-03-2008, n° 06-86.503, F-P+F
    Il se déduit du dernier alinéa de l'article 226-10, que la juridiction saisie des poursuites apprécie la pertinence des accusations lorsque les faits dénoncés ont ete déclarés prescrits. Précisions

E6002EXL

2-3-1-2. L'élément intentionnel de la calomnie

E6003EXM

2-3-1-3. Le préjudice résultant de la calomnie
  • Cass. crim., 17-05-1994, n° 93-84.143
    Cass. crim., 07-12-2004, n° 03-87.709, F-P+F
    Le fait dénoncé susceptible de justifier des poursuites doit être précis et exposer son auteur à des sanctions de nature pénale, administrative ou disciplinaire.Précisions

    Le délit de dénonciation calomnieuse exige, pour être constitué, que le fait dénoncé soit de nature à exposer son auteur à des sanctions pénales, administratives ou disciplinaires. Ainsi la Cour de cassation a pu juger :

    En l'espèce, les propos dénoncés, tenus à l'occasion de divergences opposant les responsables syndicaux de la société à la direction de celle-ci, s'inscrivent dans un contexte de conflit social au sein d'une entreprise, mais ne constituent pas les agissements prévus et réprimés, invoqué par la partie civile, en l'absence de menaces précises telles que visées par le texte.  Les juges ajoutent que les propos incriminés ne sont pas davantage de nature, en raison de leur contenu imprécis, à constituer une quelconque infraction au Code du travail. Ils en déduisent que les faits dénoncés ne sont pas susceptibles d'exposer leur auteur à une sanction, de quelque nature qu'elle soit, et que le comportement de celui-ci ne peut constituer une faute entrant dans les prévisions de l'article 373 du Code pénal (désormais 226-10).

    Une épouse a porté plainte auprès du procureur de la République en dénonçant, au visa de l'article 357-1 de l'ancien Code pénal, le fait que son mari avait cessé de régler les loyers de l'appartement commun et lui avait "coupé tous moyens de subsistance", en la laissant sans ressources alors qu'elle était étudiante. Cette plainte ayant été classée sans suite, le marie fait citer directement son épouse, devant le tribunal correctionnel pour dénonciation calomnieuse.

    Pour relaxer la prévenue et débouter la partie civile, l'arrêt attaqué retient que la plainte de l'épouse ne se réfère à aucune décision ou convention homologuée imposant à son époux de verser une pension alimentaire ou une prestation compensatoire ni n'invoque l'existence d'un enfant commun ; les juges en déduisent que les faits dénoncés ne pouvant recevoir aucune qualification pénale, l'un des éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du Code pénal fait défaut. En prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision. 

E6004EXN

2-3-2. La preuve de la calomnie

E6001EXK

2-3-2-1. La déclaration préalable de l'autorité compétente
  • Le délit de dénonciation calomnieuse exigé, pour être établi, que les faits dénoncés aient été préalablement déclarés faux par l'autorité compétente.
  • Cass. crim., 16-02-1988, n° 87-84.107
    Le délit de dénonciation calomnieuse n'est pas caractérisé dès lors que les juges ne constatent pas qu'il a été statué préalablement sur la fausseté du fait dénoncé par l'autorité compétente. Ils doivent en faire état dans leur décision.
  • Cass. crim., 13-03-1990, n° 87-81.326
    Ne caractérise pas le délit de dénonciation calomnieuse, cour qui statue, après une simple référence à l'opinion générale, quant à la fausseté des faits dénoncés, sans faire état d'une quelconque décision relative à cette fausseté.
  • Cass. crim., 30-04-1968, n° 67-92471
    A qualité pour recevoir la dénonciation le procureur de la République qui a selon le Code procédure pénale autorité sur tous les officiers du ministère public du ressort de la cour d'appel.
  • Cass. crim., 02-11-1966, n° 65-93712
    L'autorité compétente est celle qui a le pouvoir de donner suite à la dénonciation ou qui a simplement le pouvoir de donner suite à la dénonciation ou de saisir l'autorité compétente.
  • Cass. crim., 16-11-1993, n° 93-80990
    Il est de principe que la juridiction correctionnelle saisie d'une poursuite en dénonciation calomnieuse est sans qualité pour déclarer la vérité ou la fausseté des faits dénoncés.

E6005EXP

2-3-2-2. La preuve par présomption
  • Cass. crim., 25-03-2003, n° 02-80.569, FS-P+FI
    Décision de justice antérieure définitive. La présomption de fausseté du fait instaurée par le premier de ces textes repose sur l'existence d'une décision de justice antérieure définitive, résultant d'un débat judiciaire conforme aux règles du procès équitable de l'art. 6 § 1et 2 CESDH.
  • Cass. crim., 21-01-1997, n° 95-83.766
    Non-lieu. La décision de non-lieu n'établit pas la fausseté des faits dès lors qu'il ne résulte pas de cette décision que le juge d'instruction ait estimé que la réalité du fait n'était pas établie ou que celui-ci n'était pas imputable à la personne dénoncée.
  • Cass. crim., 21-01-1997, n° 95-83.766
    A défaut d'instruction approfondie sur ces faits, l'absence de pertinence des agissements dénoncés n'est pas démontrée par la partie civile et, en conséquence, l'élément matériel de l'infraction de dénonciation calomnieuse n'est pas établi.
  • Cass. crim., 02-05-1967, n° 66-92879
    Indifférence de la CPC. Le fait que l'auteur d'une plainte se soit ou non constitué partie civile est sans incidence, puisqu'il n'est nullement exigé que le prévenu de dénonciation calomnieuse ait été à même d'exercer un contrôle sur le déroulement de l'information ouverte.
  • Cass. crim., 16-11-1993, n° 93-80990
    Relaxe au bénéfice du doute. La fausseté des faits dénoncés n'est pas nécessairement établie lorsqu'une décision de relaxe intervient au bénéfice du doute.
  • Cass. crim., 20-02-1996, n° 95-80.477
    Relaxe au bénéfice du doute devenue définitive. La fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement d'une décision de relaxe devenue définitive.Précisions

    Pour relaxer le prévenu du chef de dénonciation calomnieuse, l'arrêt attaqué, après avoir relevé que les poursuites exercées sur sa plainte du chef de violences volontaires, ce dernier s'étaient soldées par une relaxe au bénéfice du doute, énonce qu'une telle décision ne peut constituer la constatation de la fausseté du fait dénoncé.

    Mais pour la Cour de cassation, en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait seulement de rechercher si, au moment de la dénonciation, le prévenu connaissait ou non la fausseté des faits dénoncés, la cour d'appel a méconnu les textes (226-10 du Code pénal) et principe ci-dessus rappelés (la fausseté des faits dénoncés résulte nécessairement d'une décision de relaxe devenue définitive).

  • Cass. crim., 11-03-2003, n° 02-82.352, FS-P+F
    Ainsi est justifiée la décision qui pour déclarer la société, ainsi que son gérant, coupables de dénonciation calomnieuse, retient que la fausseté du fait dénoncé résulte de la relaxe du contrôleur du Travail par décision définitive.
  • Cass. crim., 22-01-2002, n° 01-83.639, F-P+F
    Aucune poursuite pour dénonciation calomnieuse ne peut être exercée lorsque les faits dénoncés ont fait l'objet d'une décision de condamnation pénale passée en force de chose jugée.

E6006EXQ

2-3-2-3. La preuve par appréciation

E6007EXR

2-3-2-4. L'attente de la décision en présence de poursuites pénales
  • Art. 226-11, Code pénal
    Sursis à statuer. Lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites pénales, il ne peut être statué sur les poursuites exercées contre l'auteur de la dénonciation qu'après la décision mettant définitivement fin à la procédure concernant le fait dénoncé.
  • Cass. crim., 28-11-1978, n° 78-92055
    La juridiction saisie des faits de dénonciation calomnieuse est tenue de surseoir à statuer si des poursuites concernant le fait dénoncé sont pendantes.
  • Cass. crim., 28-11-1978, n° 78-92055
    Tel est le cas lorsque la partie civile a usé d'une voie de recours elle-même pendante, soit contre une décision de non-lieu, soit contre un jugement ou un arrêt la déboutant de son action après avoir relaxé le prévenu.
  • Cass. crim., 27-10-1998, n° 97-86.698
    Suspension de la prescription de l'action publique. Il se déduit de l'article 226-11 que la prescription de l'action publique du chef de dénonciation calomnieuse est suspendue tant que les poursuites pénales exercées du chef du délit dénoncé sont en cours.
  • Cass. crim., 20-05-2003, n° 03-81.253, F-P+F
    Il n'importe que la plainte du chef de dénonciation calomnieuse ait été déposée après la décision définitive intervenue sur les faits dénoncés.
  • Cass. crim., 24-09-2002, n° 02-84.485, F-P+F
    Suspension de la prescription. Lorsque le fait dénoncé a donné lieu à des poursuites, il se déduit de l'article 226-11 du Code pénal que la suspension de la prescription de l'action publique cesse au jour où la décision concernant le fait dénoncé est devenue définitive.

    Actualisation de jurisprudence

    Précisions sur le point de départ de la prescription et le maintien de la suspension lorsque la procédure se poursuit sur les intérêts civils, Cass. crim., 21 avril 2020, n° 19-81.089, F-P+B+I (N° Lexbase : A91603KH) : Lorsqu’une relaxe du chef du délit dénoncé a été prononcée par un jugement dont seule la partie civile a relevé appel, la prescription de l’action publique du chef de dénonciation calomnieuse reste suspendue tant que la procédure se poursuit sur les intérêts civils ; la Cour rappelle également à cette occasion que le point de départ de la prescription de l’action publique du chef du délit de dénonciation calomnieuse se place au jour où la dénonciation est parvenue à l’autorité ayant le pouvoir d’y donner suite ou de saisir l’autorité compétente.

     

  • Cass. crim., 24-09-2002, n° 02-84.485, F-P+F
    Point de départ prescription du délit. Le point de départ de la prescription du délit de dénonciation calomnieuse se place au jour où la dénonciation est parvenue à l'autorité ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente.

E6010EXU

3. La répression de la dénonciation calomnieuse

E5989EX4

3-1. Les peines encourues par les personnes reconnues coupable de dénonciation calomnieuse

  • Art. 226-10, Code pénal
    La dénonciation calomnieuse est punie de 5 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
  • Art. 226-12, Code pénal
    Art. 226-31, Code pénal
    Les personnes morales et les personnes physiques coupables de dénonciation calomnieuse encourent également 'affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35.
  • Art. 226-31, Code pénal
    Les personnes physiques coupables de dénonciation calomnieuse encourent également l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues par l'article 131-26.
  • Art. 226-31, Code pénal
    Elles encourent, par ailleurs, l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, suivant les modalités prévues par l'article 131-27.
  • Art. 226-31, Code pénal
    Elles encourent, enfin, l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation.
  • Art. 226-12, Code pénal
    Les personnes morales déclarées responsables pénalement également l'interdiction d'exercer directement ou indirectement une activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
  • Art. 226-12, Code pénal
    Cette interdiction est prononcée à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus.
  • Cass. crim., 06-05-2014, n° 13-84.376, F-P+B
    La fausseté du fait dénoncé résulte nécessairement de la décision, devenue définitive, d'acquittement, de relaxe ou de non-lieu, déclarant que le fait n'a pas été commis ou que celui-ci n'est pas imputable à la personne dénoncée.

3-2. Les responsables de la dénonciation calomnieuse

  • Cass. com., 08-05-1979, n° 77-15294
    Il importe peu que l'auteur de la dénonciation ne l'ait ni personnellement rédigée, ni signée, dès lors qu'il est constaté que l'acte de poursuite a été établi conformément aux instructions qu'il a données à un mandataire.
  • Cass. crim., 04-10-1989, n° 89-80643
    L'ordre reçu d'un supérieur hiérarchique ne constitue pour l'auteur d'une infraction ni un fait justificatif ni une excuse lui permettant d'échapper aux conséquences du délit de dénonciation calomnieuse.
  • Cass. crim., 11-06-2002, n° 01-86.806
    Les juridictions correctionnelles ne peuvent statuer qu'à l'égard des personnes visées par la citation qui les a saisies (C. proc. pén., art. 388).
  • Cass. crim., 11-06-2002, n° 01-86.806
    Doit donc être cassé l'arrêt d'appel qui déclare un prévenu coupable de dénonciation calomnieuse alors que les juges n'étaient saisis d'aucune poursuite contre lui à titre personnel mais ès qualités de représentant légal d'une société.

3-3. Les actions en dénonciation calomnieuse

4. La réparation du préjudice causé par la dénonciation calomnieuse

E5993EXA

  • Cass. civ. 2, 09-03-2000, n° 98-10070
    La témérité d'une plainte ou dénonciation est distincte de l'abus du droit d'ester en justice et elle peut être susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.
  • Cass. civ. 2, 07-10-2004, n° 02-14.226, FS-P+B
    Dès lors qu'une plainte avec constitution de partie civile a été déposée avec légèreté et témérité, la dénonciation calomnieuse est établie, de sorte que la victime est fondée à obtenir réparation du préjudice que lui avait causé cette infraction.
  • Cass. civ. 2, 03-05-2006, n° 04-19.504, FS-P+B
    .a témérité d'une plainte ou d'une dénonciation, dont les éléments constitutifs sont distincts du délit de dénonciation calomnieuse prévu par l'article 226-10 du Code pénal, est à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur.Précisions

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