ETUDE : Focus - Refus de vaccination contre la covid-19 à des adolescents : quelles conséquences pour le médecin ? * Rédigée le 06.08.2021
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sans cacheDernière modification le 20-09-2021
En Indre-et-Loire, la préfecture a mis en place un centre de vaccination itinérant, le « vaccibus ». Un médecin généraliste qui pilotait le centre mobile a refusé la vaccination à plusieurs adolescents, alors que ces derniers étaient accompagnés d’un représentant légal ou disposaient d’une attestation et sans qu’ils présentent de contre-indications médicales. Pour motiver son refus, le médecin aurait avancé que « les études pour les moins de seize ans n’étaient pas bien faites […]».
« Hors le cas d'urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d'humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles. S'il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »
Dans notre cas, le médecin, d’après ses opinions scientifiques et au regard des études, pourrait refuser la vaccination, qui n’est pas obligatoire, s’il avait exercé dans son cabinet.
En revanche, son refus ne paraît pas justifier dès lors qu’il a accepté de diriger le centre mobile affrété par la préfecture. En effet, selon l’article R. 4127-32 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8270GTH), « Dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents ». Cette obligation déontologique permet de couvrir de nombreux motifs de refus de soins.
En l’espèce, le médecin a accepté de piloter une antenne mobile et donc accepté, en théorie, la vaccination de l’ensemble des personnes pouvant y être candidates, et notamment, les personnes de plus de douze ans. Il ne pourrait être admis, dans ce cadre, un refus de vaccination par le médecin. Ce refus pouvant entraîner une sanction disciplinaire.
« Aucune personne ne peut faire l'objet de discriminations dans l'accès à la prévention ou aux soins.
Un professionnel de santé ne peut refuser de soigner une personne pour l'un des motifs visés
au premier alinéa de l'article 225-1 (N° Lexbase : L2676LBQ) ou à l'article 225-1-1 (N° Lexbase : L8794ITU) du Code pénal […] ».
Et l’article 225-1 du Code pénal dispose que constitue « une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement […] de leur âge […] ».
Un décret du 2 octobre 2020 (décret n° 2020-1215 N° Lexbase : L3757LYS) est venu compléter la définition en précisant que « constitue un refus de soins discriminatoire, au sens de l'article L. 1110-3, toute pratique tendant à empêcher ou dissuader une personne d'accéder à des mesures de prévention ou de soins, par quelque procédé que ce soit et notamment par des obstacles mis à l'accès effectif au professionnel de santé ou au bénéfice des conditions normales de prise en charge financière des actes, prestations et produits de santé, pour l'un des motifs de discrimination mentionnés aux articles 225-1 et 225-1-1 du Code pénal ».
Dans le cas exposé, le médecin a écarté volontairement des personnes en raison de leur âge, ne leur permettant pas de bénéficier de la vaccination à laquelle ils peuvent prétendre et qui leur est recommandée.
Là encore, le médecin s’expose alors à une sanction disciplinaire.
La chambre de première instance doit statuer dans un délai de six mois (CSP, art. L. 4124-1 N° Lexbase : L3019DLE). Elle peut déclarer la plainte irrecevable ou condamner le praticien. La sanction peut être un avertissement, un blâme, une interdiction d’exercice avec ou sans sursis de la médecine pouvant aller jusqu’à trois ans. La sanction la plus forte étant la radiation du tableau de l’Ordre. Le Conseil d’État est la juridiction compétente en cassation.
Une nuance est à apporter concernant les médecins chargés d’une mission de service public, tels que les praticiens hospitaliers ou le médecin-conseil de la Sécurité sociale. Ces derniers ne peuvent être poursuivis que par le ministre chargé de la Santé, le représentant de l'État dans le Département, le Directeur général de l’Agence régionale de santé, le procureur de la République, le Conseil national de l’Ordre des médecins ou le conseil départemental de l’Ordre des médecins où il est inscrit.
Plusieurs options sont possibles pour déterminer le statut :
Par exemple, si le médecin est retraité libéral en cumul emploi-retraite et qu’il exerce pour une collectivité, il est engagé par un contrat à durée déterminée. Partant, si la collectivité considère que le médecin a commis une faute en refusant la vaccination à des adolescents de moins de seize ans, ce dernier risque une rupture du contrat de travail.