ETUDE : La garantie des pertes d’exploitation liées à la Covid-19 (CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357) * Rédigée le 08.04.2021

ETUDE : La garantie des pertes d’exploitation liées à la Covid-19 (CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357) * Rédigée le 08.04.2021

E65574N8

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ETUDE : La garantie des pertes d’exploitation liées à la Covid-19 (CA Aix-en-Provence, 25 février 2021, n° 20/10357) * Rédigée le 08.04.2021

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Rodolphe Bigot et Amandine Cayol paru dans la revue Lexbase Droit privé n° 861 du 8 avril 2021 (N° Lexbase : N7115BY8).
  • Les pertes d’exploitation liées à la Covid-19 d’un restaurateur marseillais indemnisées en appel par la cour d’Aix-en-Provence, aux termes d’un arrêt rendu le 25 février 2021, donnent l’occasion de revenir sur un an de contentieux assurantiel.

     

    Une année s’est déjà écoulée depuis l’entrée en vigueur des premières mesures de confinement. Dès le 12 mai 2020, une première décision retenait l’obligation de payer au titre de son contrat d’assurance de la compagnie d’assurance AXA qui invoquait, à tort, le « caractère inassurable du risque pandémique », ce que le président du tribunal de commerce de Paris qualifia d’ « allégation fantaisiste » (R. Bigot, Le caractère inassurable du risque pandémique : une « allégation fantaisiste » d’AXA, sous T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022 N° Lexbase : A02603ML, Dalloz Actualité, Débats, 28 mai 2020). Il a ainsi été relevé que « si les premières réponses judiciaires rendues en la forme d’ordonnance du juge des référés avaient une portée limitée – ordonnant une mesure provisoire, elles ne sont pas dotées au fond de l’autorité de la chose jugée et sont susceptibles d’être remises en cause par le juge qui statuera sur le fond de l’affaire –, il en est autrement des décisions rendues au fond qui sont donc scrutées de près par toutes les parties intéressées. Après une série de jugements rendus par divers tribunaux de commerce, dont celui de Paris, majoritairement défavorables à l’assureur, c’est au tour d’une cour d’appel, celle d’Aix-en-Provence en l’occurrence, de rendre sa première décision et celle-ci est favorable à l’assuré » (A. Zaroui, Covid-19 et pertes d'exploitation : une première décision en appel favorable à l’assuré, Editions législatives, 5 mars 2021 ;comp. V. Morales, La garantie pertes d’exploitation des restaurateurs en temps de covid-19 : tour de table des premières décisions !, Lexbase Droit privé, octobre 2020, n° 840 N° Lexbase : N4918BYS). Le risque pandémique ne faisant l’objet d’aucune obligation légale de garantie (P.-G. Marly, L’assurance face au coronavirus, LEDA avril 2020, p. 1), pour chaque affaire qui lui est présentée, le juge doit prendre en compte, au cas par cas, la rédaction du contrat litigieux et les circonstances de l’espèce (D. Houtcieff, La garantie des pertes d’exploitation résiste-t-elle à la covid-19 ?, Gaz. Pal. 5 janvier 2021, p. 29). De ce point de vue, la crise sanitaire interroge le droit des contrats (L. Mayaux, Coronavirus et droit des contrats, RGDA octobre 2020, Éditorial, p. 1), au point de le soumettre à un « crash-test » (J.-S. Borghetti, La crise du Covid, crash-test du droit des contrats ?, RDC mars 2021, p. 1). Comme le relève le Professeur Pélissier, « l’appréciation de la validité de la clause d’exclusion autorise le dépeçage de la clause » (A. Pélissier, Le dépeçage de la clause d’exclusion, RGDA novembre 2020, p. 19). Insistons : toutes les polices ne sont pas identiques et toutes les situations des restaurateurs ne sont pas similaires.

     

    Le professionnel qui porte sa réclamation indemnitaire au titre de ses pertes d’exploitations auprès de son assureur doit ainsi surmonter trois séries d’obstacles. N’étant que facultative dans les polices multirisques entreprises, il doit, tout d’abord, avoir souscrit une telle garantie relative aux pertes d’exploitation. Ensuite, faut-il encore que celle-ci s’applique sans dommage matériel préexistant. Enfin, aucune clause relative à un fait générateur de type épidémie ou pandémie ne doit avoir été stipulée dans la police comme une cause d’exclusion de garantie. Une part importante du contentieux actuel se concentre autour de ce dernier aspect. À ce titre, sur le fondement de vices de forme ou de fond, la nullité des clauses d’exclusion est souvent soulevée par les assurés et leurs conseils. Sur la forme, l’article L. 112-4, alinéa 3, du Code des assurances (N° Lexbase : L0055AAB) impose qu’une clause exclusive de garantie soit stipulée en caractères très apparents dans la police. Sur le fond, l’article L. 113-1, alinéa 1, du même code (N° Lexbase : L0060AAH) requiert qu’elle soit formelle et limitée. Or il y a là matière à interprétation différenciée : par exemple, « si l'exclusion de la garantie en cas d’épidémie a été jugée valable par le tribunal de commerce de Lyon, solution contestée en doctrine, elle a en revanche été jugée ambiguë par le tribunal de commerce de Paris » (L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP G février 2021. 239).

     

    Quelques jours avant la décision aixoise, par une ordonnance de référé du 11 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a admis que les dispositions du contrat d’assurance prenant en compte la « fermeture de l’établissement sur l’ordre des autorités administratives lorsqu’elle est motivée par la seule survenance effective des événements suivants : [...] de maladie contagieuse et d’épidémie » supposent à l’évidence l’indemnisation des pertes d’exploitation générées par les confinements ainsi que celles générées par la fermeture administrative des restaurants (TJ Paris, Ordonnance de référé, 11 février 2021, RG n° 21/50243 N° Lexbase : A93824GL ; R. Bigot et A. Cayol, Pertes d’exploitation : condamnation de l’assureur pour résistance abusive, Dalloz actualité, 18 mars 2021). Ce même tribunal a retenu la résistance abusive de l’assureur qui avait refusé tout versement d’indemnité provisionnelle à un restaurateur en exigeant, au préalable, les justificatifs des ventes à emporter réalisées pendant le premier confinement, alors même qu’une telle activité « n’a pu générer, en raison des circonstances, que des revenus sporadiques insusceptibles de modifier substantiellement son droit à indemnisation » (Ibid). Le tribunal judiciaire de Paris a ainsi condamné l’assureur à payer à son assuré, au titre de cette résistance abusive, une provision de 15 000 euros sur le fondement de l’article 1231-1 du Code civil (N° Lexbase : L0932KZK).

     

    Il s’agit, sans doute, d’une forme de réponse judiciaire au fait que, compte tenu du faible nombre de contrats d’assurances couvrant ce risque – tel que cela ressortait de l’enquête réalisée sous forme d’état des lieux par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) –, on aurait pu espérer une résistance contentieuse moins forte des assureurs, en d’autres termes une meilleure solidarité dans la mutualisation.

  • L’état des lieux de l’ACPR
  • L’ACPR revendique avoir collecté et analysé près de 400 documents contractuels. Il ressort des données recueillies que « les primes collectées au titre de la garantie “pertes d’exploitation” par les assureurs interrogés sont de l’ordre de 350 millions d’euros en 2019 à comparer au volume des primes qu’ils collectent pour les contrats de dommages aux biens des professionnels qui est de l’ordre de 5 milliards d’euros. Ces garanties couvrent environ 1,13 million d’assurés » (ACPR, Garantie « pertes d’exploitation » : l’état des lieux de l’ACPR, Communiqué de presse, 23 juin 2020 [en ligne]). Elle a ensuite relevé que « L’analyse des documents contractuels montre qu’il existe une très grande variété de situations qui peuvent notamment dépendre, y compris au sein d’un même organisme d’assurance, du type de professionnel assuré (artisan / commerçant / TPE, PME / PMI, grande entreprise), du secteur d’activité (distribution, industrie, hôtellerie, restauration, audiovisuel, coiffure...) ou du mode de distribution (réseau salarié, agents généraux ou courtiers). Pour autant, il apparaît nettement que les conséquences d’un événement aussi exceptionnel que la pandémie actuelle ne sont en règle générale, pas couvertes par les contrats en vigueur. Ainsi, la mise en œuvre de la garantie “pertes d’exploitation” est exclue pour 93 % des assurés au titre des contrats analysés. En effet, soit cette garantie est subordonnée à la survenance d’un dommage aux biens garanti (de type incendie ou dégât des eaux) soit, plus rarement, une exclusion explicite des effets de la pandémie a été prévue dans les contrats garantissant la fermeture administrative » (Ibid).

     

    L’Autorité de contrôle a mis en lumière, qu’à l’inverse, « près de 3 % des assurés couverts par les contrats analysés peuvent prétendre à une indemnisation. Tel est notamment le cas lorsque le contrat garantit les pertes d’exploitation quelle qu’en soit la cause et ne comporte aucune exclusion du risque pandémique. L’ACPR a également identifié des clauses contractuelles ne permettant pas de conclure avec certitude à une absence de garantie. Cette situation concerne environ 4 % des assurés couverts par les contrats analysés. Dans ces cas, seule une interprétation du juge serait de nature à lever toute incertitude si les assureurs concernés, en cas de doute (C. civ., art. 1190 N° Lexbase : L0903KZH), n’interprètent pas le contrat en faveur de l’assuré ». Elle a ensuite invité les assureurs à exécuter les conventions de bonne foi : « à ce titre, les assureurs sont tenus de répondre, dans des délais raisonnables, aux demandes d’information des assurés portant sur l’étendue des garanties et aux déclarations de sinistre, en veillant à expliciter les éventuels refus de garantie qui leur sont opposés. Ils doivent aussi être particulièrement vigilants à la qualité du traitement des réclamations de la clientèle. Les gestes commerciaux de nature diverse qui sont faits par les assureurs ne peuvent conduire à priver les assurés de leur droit de recours en cas de contestation de la portée des clauses contractuelles. Sur la base de cette analyse, l’ACPR a entrepris, avec les organismes concernés, de vérifier la bonne adéquation du niveau de provisions relatives à ces contrats couvrant explicitement ou possiblement le risque de pandémie » (Ibid).

     

    En outre, l’ACPR a invité « les professionnels à revoir pour l’avenir la rédaction de toutes les clauses contractuelles ambiguës et à préciser l’architecture générale des contrats afin d’informer clairement les assurés de l’étendue exacte de leurs garanties. S’agissant des contrats en cours d’exécution, l’Autorité rappelle que toute addition ou modification ne peut se faire sans l’accord exprès du souscripteur. Enfin, la pandémie a montré que, malgré les préconisations émises par l’ACPR depuis quatre ans, la qualité des systèmes d’information des assureurs est encore trop inégale. Les organismes doivent s’assurer qu’ils disposent d’une vision précise du contenu des garanties dont bénéficient leurs assurés, y compris pour les anciennes générations de contrats ou lorsque la distribution est réalisée par des intermédiaires. Dans ce dernier cas, les organismes doivent formaliser l’étendue des dérogations octroyées à leurs distributeurs et renforcer le contrôle des délégations accordées » (Ibid).

  • Les « fausses (?) » pistes de la Médiation institutionnelle de l’assurance
  • Dans la continuité du changement de style du nouveau Médiateur de l’assurance (R. Bigot, Le nouveau Médiateur de l’assurance : changement de style et changement de ton, Dalloz Actualité, Débats, 25 mai 2020 [en ligne] ; Vol sans effraction : la Cour de cassation ne suit pas l’avis du nouveau Médiateur de l’assurance !, sous Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-12.239, F-D N° Lexbase : A05093MS, Dalloz Actualité, 18 juin 2020 [en ligne]), ce dernier continue d’informer sur les réseaux sociaux de certains avis qu’il est amené à rendre en la matière.

     

    Le 27 mars 2021, le Médiateur de l’assurance s’est à nouveau prononcé sur son réseau Linkedin concernant un contrat « annulation de voyage ». Il figurait dans les exclusions générales : « Ne donnent pas lieu à notre intervention : […] les épidémies ». Le Médiateur indique que « L’assuré affirmait que la Covid-19 étant mondiale, il s’agit d’une pandémie et non d’une épidémie, et que l’assureur devait prendre en charge les frais d’annulation de ses vacances. La clause d’exclusion doit être, notamment, “formelle”, c’est-à-dire permettre à l’assuré de savoir dans quelles circonstances il ne sera pas garanti. En ce sens, j’ai considéré que le terme “épidémie” permet à un assuré de savoir dans quel cas il sera ou non garanti. À la lecture de cette clause, l’assuré ne pouvait ignorer l’absence de garantie en cas de propagation d’une maladie infectieuse au sein d’une population. 


    Une pandémie se caractérise par une épidémie qui s’est généralisée mondialement. Voici la définition de la pandémie dans le dictionnaire Larousse : “Épidémie étendue à toute la population d’un continent, voire au monde entier”. Il n’y a donc pas lieu de distinguer les deux termes, et j’ai considéré que la clause d’exclusion était applicable » (Médiateur de l’assurance, Linkedin, 27 mars 2021).

     

    Un important auteur a, toutefois, pu soutenir une position opposée à celle du Médiateur, en considérant, pour l’affaire du restaurateur marseillais jugée en appel (Cf. infra), que « L’exclusion aurait été limitée si elle avait visé un village ou une ville, mais en l’espèce, elle ne l’est pas puisqu’elle mentionne “un territoire particulièrement vaste” » : le département. Le raisonnement force l’admiration. Pour un établissement parisien, l’exclusion qui viserait “la ville” serait limitée (2 millions d’habitants). En revanche, pour une entreprise de Mende, l’exclusion qui cite “le département”  est nulle car non limitée : la Lozère est si vaste qu’elle comprend 76 000 habitants. Les applications du principe provoquent le rire ou les larmes… notamment pour Paris. Ville et département sont identiques : exclusion valable si elle cite la première, mais nulle si elle vise le second » (J. Kullmann, Exclusion et Covid-19 : un premier arrêt d’appel à côté de la plaque juridique, RGDA mars 2021, n° 118h7, Editorial, p. 1). Dans tous les cas, on voit que les termes d’épidémie ou de pandémie peuvent être sujet à interprétation, et qu’une éminente doctrine s’interroge sur la régularité des clauses les employant sans pour autant définir contractuellement le risque (J. Bigot, Assurance et Covid-19 : où en est-on ?, RGDA février 2021, p. 6).

     

    On relève, en outre, dans le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL, outil du CNRS) que l’épidémie répond à deux définitions : en premier lieu, il s’agit de l’« augmentation inhabituelle et subite du nombre d’individus atteints d’une maladie transmissible existant à l’état endémique dans une région ou une population donnée ; apparition d’un nombre plus ou moins élevé de cas d’une maladie transmissible n’existant pas normalement à l’état endémique dans une région donnée » (d'apr. Méd. Biol. t. 2 1971). En second lieu, ce serait « ce qui touche rapidement et dans un même lieu un grand nombre de personnes en se propageant comme une épidémie ». En revanche, comme l’indique le Médiateur et le précise aussi la lexicographie du CNRTL, la pandémie est une « épidémie qui s’étend à la quasi-totalité d'une population ». Il existe ainsi une différence de degré entre ces deux termes, un critère de différenciation liée à l’étendue de la contagion, locale ou mondiale. Rigoureusement, ce ne serait donc pas tout à fait la même chose. Il ne paraît donc pas inutile d’avoir à délimiter le champ de propagation de l’épidémie dans une police d’assurance afin d’appréhender concrètement le caractère formel et limité de la clause d’exclusion.

     

    Dans un communiqué précédent, le Médiateur avait indiqué que la clause doit néanmoins être précise : « Pour refuser de prendre en charge le sinistre (post précédent), l’assureur s’est fondé sur cette clause : "SONT EXCLUS DES GARANTIES : […] Les conditions normales d’exploitation des sites ou d’exécution des activités de l’Assuré, telles qu’elles sont autorisées ou tolérées par les normes en vigueur ou par des prescriptions établies par les autorités administratives compétentes, ou qu’elles se traduisent inévitablement par des effets tels que des bruits, odeurs, vibrations ou dispersions de poussières". Aux termes de l’article L. 113-1 du Code des assurances, si l’assureur est libre de stipuler des exclusions, c’est à la condition qu’elles soient "formelles et limitées". Or l’exclusion qui vise sans autre précision "les conditions normales d’exploitation", "les normes en vigueur", "les prescriptions établies par les autorités administratives compétentes", ne permet pas à l’assuré de savoir avec certitude ce qui est exclu de la garantie. L’expression est sujette à interprétation, ce qui au terme de la jurisprudence invalide la clause d’exclusion (Cass. civ. , 22 mai 2001, n° 99-10.849 N° Lexbase : A5004ATI). L’exclusion conventionnelle opposée n’étant pas "formelle et limitée", elle doit être écartée et c’est la position, avec l’équipe LMA, que j’ai prise » ([en ligne]).

     

    La Médiation de l’assurance n’est, cependant, saisie qu’à la marge par les assurés, beaucoup préférant, compte tenu des enjeux financiers, se diriger directement vers la voie judiciaire afin d’être fixés au plus vite.

     

    Dans ce chemin contentieux, en fonction de leur contrat d’assurance et de leur situation factuelle, plusieurs commerçants n’ont pas eu gain de cause devant certains tribunaux de commerce (notamment T. com. Toulouse, 18 août 2020, n° 2020J00294 N° Lexbase : A15843SH ; T. com. Bourg-en-Bresse, 24 août 2020, cité par A. Zaroui, Covid-19 et pertes d'exploitation : analyse des premiers jugements rendus au fond, Editions législatives, 25 septembre 2020. ou T. com. Lyon, 4 novembre 2020, n° 2020J00525 N° Lexbase : A061734M), ni devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence (CA Aix-en-Provence, 3 décembre 2020, n° 20/07308 N° Lexbase : A218539S). Du moins, certains ont été renvoyés devant le juge du fond (T. com. Lyon, ord. réf., 10 juin 2020, n° 2020R00303, Le Bacchus / Axa France Iard N° Lexbase : A15723NK ; RGDA 2020, n° 7, juillet, p. 1, obs. L. Mayaux ; D. Krajeski, Pertes d’exploitation, assurance et confinement, LexbaseDroit privé , juin 2020, n° 829 N° Lexbase : N3847BY7 ; adde T. com. Bordeaux, ord. réf., 23 juin 2020, n° 2020R00408 N° Lexbase : A95143P3) car une provision pour pertes d’exploitation ne peut être octroyée en référé que lorsque la garantie de ces dernières résulte clairement du contrat d’assurance. Toutefois, une majorité semble avoir eu plus de succès, en référé ou au fond (T. com. Paris, 12 mai 2020, n° 2020017022 N° Lexbase : A02603ML ; de même cinq autres jugements écartant la clause d’exclusion : T. com. Paris, 17 septembre 2020, n° 2020022816 N° Lexbase : A20813UM ; T. com. Marseille, 23 juillet 2020, n° 2020R00131 N° Lexbase : A16313S9 ; adde dans l’affaire commentée : T. com. Marseille, 15 octobre 2020, RG n° 2020F00893 N° Lexbase : A265633R ; T. com. Tarascon, 24 août 2020, n° 2020001786 N° Lexbase : A16273S3 ; T. com. Annecy, 22 décembre 2020, n° 2020R00066 N° Lexbase : A56324B9) et, dernièrement, devant le tribunal judiciaire de Paris avec la première condamnation d’un assureur pour résistance abusive (TJ Paris, Ordonnance de référé, 11 février 2021, n° 21/50243 N° Lexbase : A93824GL ; R. Bigot et A. Cayol, Pertes d’exploitation : condamnation de l’assureur pour résistance abusive, Dalloz actualité, 18 mars 2021 [en ligne]).

  • L’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence du 25 février 2021
  • Un restaurateur dont l’établissement est installé à Marseille, constitué sous la forme d’une société par action simplifiée (S.A.S.), avait souscrit un contrat d’assurance multirisque professionnelle auprès de l’entreprise d’assurance AXA France, par l’intermédiaire de l’un de ses agents généraux. La police d’assurance souscrite comportait une garantie « Perte d’exploitation suite à fermeture administrative ». Étaient notamment couvertes les pertes d’exploitation lorsque la décision de fermeture administrative est la conséquence d’une « épidémie ». Néanmoins, la police était assortie d’une clause d’exclusion. Il était stipulé à la page 9 des conditions particulières que ces pertes sont exclues « lorsque, à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit la nature et son activité, fait l’objet sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

     

    Par un arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures contre la propagation du virus Covid-19 (N° Lexbase : L8838LXM), le ministère des Solidarités et de la santé a édicté, qu’à compter du 15 mars 2020, les restaurants et débits de boisson n’étaient plus habilités à recevoir du public. Par décret du 14 avril 2020 (N° Lexbase : Z979389S), cette interdiction a été prorogée jusqu’au 2 juin 2020. Elle l’a été à nouveau, par la suite, du 28 septembre jusqu’au 4 octobre 2020.

     

    À raison des pertes financières consécutives à cette interdiction liée à l’épidémie, une déclaration de sinistre a été adressée par lettre recommandée avec avis de réception du 23 avril 2020 par le restaurateur à son assureur, la société AXA France. Se référant à la clause d’exclusion des conditions particulières du contrat, l’assureur a opposé un refus de garantie à son assuré. Par une assignation à jour fixe, l’assuré a sollicité devant le tribunal de commerce de Marseille l’indemnisation par son assureur de ses pertes d’exploitation pour la période du 15 mars au 2 juin 2020. Par jugement du 15 octobre 2020, les juges consulaires ont condamné l’assureur à payer une provision de 23 000 euros au restaurateur pour ses pertes d’exploitation liées à l’épidémie de Covid-19, après avoir dit que la clause d’exclusion de garantie était réputée non écrite. À ce titre, les juges du fond se sont fondés sur les articles L. 113-1 du Code des assurances, et sur les articles 1170 (N° Lexbase : L0876KZH), 1171 (N° Lexbase : L1981LKL), 1190 et 1191 (N° Lexbase : L0902KZG) du Code civil. L’assureur a, en outre, été condamné, pour évaluer le montant des pertes d’exploitation, à mettre en œuvre la procédure d’expertise dans les deux mois de la signification du jugement sous astreinte de 500 euros  par jour de retard (T. com. Marseille, 15 octobre 2020, n° 2020F00893 N° Lexbase : A265633R).

     

    Par suite d’un appel interjeté par l’assureur – lequel invoquait à nouveau l’application de la clause d’exclusion de garantie et demandait l’infirmation du jugement rendu –, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a été amenée à se prononcer au fond dans son arrêt rendu le 25 février 2021. La décision est importante puisqu’elle constitue la première confirmation d’une condamnation en appel de l’assureur AXA, dont on peut anticiper l’éventuel contrôle de la Cour de cassation qui aura, éventuellement à son tour, à se prononcer prochainement pour la première fois sur ce contrat.

     

    Pour confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce, les magistrats aixois ont retenu qu’avait vocation à s’appliquer la garantie « perte d’exploitation suite à la fermeture administrative ». À cet effet, la cour d’appel rappelle, tout d’abord, les dispositions dans leur version en vigueur à compter du 1er octobre 2016, d’une part, de l’article 1170 du Code civil (« Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ») et, d’autre part, de l’article 1171, alinéa 1er, du même code (« Dans un contrat d’adhésion toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est réputée non écrite »). Elle relève, ensuite, que l’article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances énonce que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ». Elle s’appuie, enfin, sur les articles 1190 et 1191 du Code civil : « lorsqu’il s’agit d’interpréter un contrat, dans le doute, il convient de privilégier l’interprétation favorable au débiteur, et, lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, celui qui lui confère un effet l’emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 8, in fine). Elle ajoute que, en matière d’assurance, l’assuré doit connaître l’étendue des garanties incluses dans le contrat d’assurance qu’il a souscrit et être en mesure de les comprendre, en particulier parce qu’il « a été jugé qu’il résulte de l’article L. 113-1 du Code des assurances que les clauses d’exclusion ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu’elles doivent être interprétées et qu’elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 9).

     

    En l’espèce, les juges du fond constatent que les conditions particulières du contrat d’assurance multirisque professionnelle souscrit le 23 août 2017 par le restaurateur garantissent les pertes d’exploitation liées à une fermeture administrative consécutive à une épidémie (page 9), rédigées précisément comme suit :

    « La garantie est étendue aux pertes d’exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l’établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
    1. La décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même
    2. La décision de fermeture est la conséquence d’une maladie contagieuse, d’un meurtre, d’un suicide, d’une épidémie ou d’une intoxication.
    Durée et limites de la garantie
    La garantie intervient pendant la période d’indemnisation, c’est-à-dire la période commençant le jour du sinistre et qui dure tant que les résultats de l’établissement sont affectés par ledit sinistre, dans la limite de trois mois maximum.
    Le montant de la garantie est limité à 300 fois l’indice.
    L’assuré conservera à sa charge une franchise de trois jours ouvrés » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 9).

     

    Les juges aixois poursuivent qu’ « Il résulte des différentes pièces produites par les parties que si une épidémie peut être définie comme étant le résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population, cette population peut être celle d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville, d’une région, d’un ou de plusieurs pays. Pour la garantie souscrite par la société le Phoenix auprès de la compagnie AXA, aucune distinction n’est opérée quant à la population visée, aucune définition des termes maladie contagieuse et épidémie ne figure au contrat. L’obligation essentielle de l’assureur est donc celle d’indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies suite à fermeture administrative en raison d’une épidémie. Ici, c’est à la suite de plusieurs décisions administratives interdisant aux restaurateurs de recevoir du public en raison de l’épidémie de coronavirus, dit Covid-19, et donc de la fermeture administrative en résultant, que l’assuré a subi des pertes d’exploitation dont il demande l’indemnisation » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 9).

     

    Ils relèvent que « Cependant, l’assureur dénie toute garantie en invoquant la clause d’exclusion suivante : « Sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ». L’exclusion ainsi définie n’est nullement limitée puisqu’elle vise :

    - tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité,
    - faisant l’objet d’une fermeture administrative pour une cause identique,
    - sur un territoire particulièrement vaste, puisque dépassant le simple cadre d’un village ou d’une ville » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 9).

     

    La décision ne fait pas l’unanimité des commentateurs, d’aucuns relevant des distorsions d’interprétation (J. Kullmann, Exclusion et Covid-19 : un premier arrêt d’appel à côté de la plaque juridique, RGDA mars 2021, Éditorial, p. 1). Les juges du fond concluent pourtant que « L’application pure et simple de cette clause d’exclusion aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie. Comme le fait d’ailleurs remarquer la société intimée, l’assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d’épidémie. En outre, à la suite de l’épidémie de coronavirus dit Covid-19, le 28 octobre 2020, l’assureur AXA a proposé à son assuré un avenant définissant cette fois avec précision les termes épidémie et pandémie et excluant de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie et à une pandémie (pièces 24 et 26 de l’intimée). C’est donc avec raison que les premiers juges ont estimé que la clause d’exclusion litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions de l’article L. 113-1 du Code des assurances et qu’elle devait être réputée non écrite » (CA Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, préc., p. 9).

     

    La question a été mûrement réfléchie par la doctrine : « Si la police couvre les pertes d’exploitation à la suite d’une fermeture administrative pour cause d’épidémie, mais ajoute que cette garantie ne s’applique pas si un autre établissement situé dans le même département est fermé pour une cause identique, cette exclusion s’applique-t-elle à la fermeture de tous les établissements situés sur le territoire à la suite du confinement ? La régularité de la clause d’exclusion peut être contestée si l’assuré soutient qu’elle n’est pas formelle ou limitée, par exemple si la clause exclut le risque d’épidémie sans le définir contractuellement. Il est permis de se le demander dès lors qu’il a été jugé que ce terme était imprécis s’il n’était pas contractuellement défini. Mais on peut encore plus se le demander dès lors que ce terme a été jugé suffisamment précis. La situation n’est guère plus claire avec le caractère limité de la clause. Il a par exemple été jugé, en présence d’une clause de garantie des pertes d’exploitation à la suite de la fermeture d’établissements pour cause d’épidémie, que vide la garantie de sa substance la clause énonçant que cette garantie ne s’applique pas si un autre établissement situé dans le même département est fermé pour une cause identique. À l’inverse, il a été jugé que l’exclusion ne vide pas de sa substance la garantie des pertes d’exploitation mais la limite à la survenance de l’événement dans le seul établissement de l’assuré. On pourrait multiplier les exemples. On ne peut pas affirmer que la jurisprudence contribue à la clarification de la situation. À l’évidence certaines décisions invalidant les exclusions sont davantage motivées par des considérations économico-sociales que judiciaires : la détresse financière de certains établissements assurés, malgré les aides de l’État. Qu’en sera-t-il demain ? » (J. Bigot, Assurance et Covid-19 : où en est-on ?, RGDA février 2021, p. 6).

     

    Dans notre espèce, l’assuré a subi des pertes d’exploitations, selon les magistrats de la cour d’appel, par suite de plusieurs décisions administratives prohibant la réception du public au sein d’établissements de restauration en raison de l’épidémie de Covid-19. En d’autres termes, selon eux, cette prohibition de recevoir du public constitue une fermeture administrative du restaurant. Dès lors, les pertes d’exploitation doivent être prises en charges par l’assureur, puisque la cour d’appel écarte l’application de la clause d’exclusion qu’elle qualifie d’imprécise et de non limitée, au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances. La jurisprudence, en présence d’une clause interprétable, rejette son caractère limité (« Une clause d’exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée dès lors qu’elle doit être interprétée » : Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10.849 (N° Lexbase : A5004ATI), D. 2001. 2778, note B. Beignier ; ibid. 2002. 2115, obs. J. Bonnard ; RDI 2001. 488, obs. G. Durry).

     

    Ce sont ainsi des « critères précis » et « des hypothèses limitativement énumérées » auxquels doit se référer la clause (Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-10.001, F-P+B N° Lexbase : A6120HYC). Le caractère « limité » de la clause ayant été érigé en condition autonome de validité depuis 1987 (Cass. civ. 1, 18 février 1987), la clause ne doit pas vider la garantie de sa substance pour être qualifiée de « limitée » (Cass. civ. 2, 9 février 2012, n° 10-31.057, FS-P+B N° Lexbase : A3500ICM). À ce titre, « l’étendue de la garantie subsistant après application de la clause litigieuse » doit être vérifiée par le juge du fond (Cass. civ. 1, 9 mars 2004, n° 00-21.974, F-D N° Lexbase : A4798DBC). On retrouve cette solution, depuis l’ordonnance du 10 février 2016, à l’article 1170 du Code civil, aux termes duquel « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ». La clause d’exclusion vidant le contrat de son contenu en réduisant la garantie à néant répond indéniablement à cette idée (A. Cayol, Le principe de la détermination conventionnelle des garanties, in R. Bigot et A. Cayol (dir.), Le droit des assurances en tableaux, préface D. Noguéro, Ellipses, 2020, p. 120).

     

    Des auteurs soulignent ainsi, à propos d’un arrêt de la deuxième chambre civile rendue le 24 septembre 2020, que « surtout, sur le terrain du droit des obligations, droit commun applicable par principe au contrat d’assurance dès lors qu’il n’est pas incompatible  avec le droit spécial de l’assurance, la Cour de cassation précise l’exigence relative à la privation de substance de l’obligation essentielle du cocontractant dont elle admet le jeu. Il ne s’agit pas de la moindre atteinte à la substance de l’obligation, voire de celle – plus important mais qui serait mesurée – contredisant en partie l’obligation consentie. Pour espérer profiter de la sanction du droit civil, la substance entière (« toute substance ») est seule pertinente. L’engagement pris serait totalement neutralisé, c’est-à-dire la garantie accordée d’un côté serait anéantie par ailleurs, au prétexte d’une clause qui déterminerait ses conditions » (D. Noguéro, L’obligation essentielle de l’assureur non vidée de toute substance, sous Cass. civ. 2, 24 septembre. 2020, n° 19-15.375, F-D N° Lexbase : A05593WM, Gaz. Pal. 2 mars 2021, n° 9, 398e5, p. 46 et s.).

     

    Dans l’affaire sous commentaire, les juges aboutissent également à ce résultat fondé sur le droit commun car, selon eux, « l’assureur ne pouvait, sans que l’application de la clause d’exclusion prive de sa substance l’obligation essentielle de garantie, d’un côté indemniser son assuré des pertes d’exploitation subies à la suite d’une fermeture administrative liée à une épidémie, “et de l’autre côté, exclure les cas où l’épidémie toucherait un autre établissement dans le même département, quelle que soit son activité”. La clause d’exclusion qui vide de son contenu la garantie accordée doit être réputée non écrite. Conscient de cette problématique, l’assureur avait proposé le 28 octobre 2020 à son assuré un avenant définissant avec précision les termes “épidémie et pandémie” afin d’exclure de la garantie les pertes d’exploitation consécutives à une épidémie » (Obs. préc. S. Andjechaïri-Tribillac).

     

    En outre, « la fermeture administrative pour une cause identique » étant visée dans la clause litigieuse – ce qui coïncide dans la réalité factuelle à l’épidémie de coronavirus –, correspond à l’emploi d’un terme, selon les juges d’appel, qui n’est pas défini dans le contrat d’assurance. À l’instar d’autres juridictions avant eux (T. com. Lyon, 4 novembre 2020, préc.), ils adoptent partiellement la définition du dictionnaire Larousse assimilant l’épidémie au « résultat du développement et de la propagation rapide d’une maladie contagieuse dans une population ».

     

    Un auteur a relevé que « les juges précisent la notion de “population” qui peut être celle  “d’un lieu limité, mais aussi d’un village, d’une ville d’une région, d’un ou de plusieurs pays”. Ils relèvent également à juste titre que le terme de “maladie contagieuse” présent tant dans la définition de l’épidémie que dans le contrat d’assurance n’est pas non plus définie dans la police. Dès lors, doit-on considérer que la notion de “maladie contagieuse” est similaire à celle d’“épidémie” notamment lorsqu’il a été énoncé “qu’une épidémie ne se situe pas forcément à un niveau territorialement étendu” et peut “naître au sein d’un endroit source précis et toucher un nombre de personnes plus restreint, formant ainsi un foyer limité dans l’espace” ? (T. com. Lyon, 4 novembre 2020). Il faut alors constater que le terme “épidémie” est soumis à interprétation, excluant de la sorte le caractère limité de l’exclusion de garantie » (Obs. S. Andjechaïri-Tribillac, Dalloz actualité, 11 mars 2021).

     

    Enfin, le professeur Vogel admet aussi que la clause d’exclusion de garantie litigieuse ne se réfère pas « à des critères précis, ni à des hypothèses limitativement énumérées » (L. Vogel et J. Vogel, Les contentieux commerciaux liés à la crise sanitaire et leurs enseignements, JCP G février 2021. 239) en visant, pour faire jouer la condition d’une fermeture administrative pour cause identique, un « autre établissement ». La stipulation ne tient compte ni de l’activité, ni de la nature de l’établissement, ce qui semble suffire à caractériser son imprécision et donc sa nécessaire interprétation.

  • Perspective ? Abandon de la création d’un fonds spécial de garantie
  • La tentative de création d’un fonds « catastrophe sanitaires » a été abandonnée et « l’orientation prise par le Gouvernement est aujourd’hui d’encourager ni plus ni moins l’auto-assurance pour couvrir le risque de fermeture des établissements en cas de pandémie : “des solutions individuelles facultatives”  permettant aux entreprises de  “se constituer des provisions qui bénéficieront d’un régime fiscal particulièrement avantageux”  » (X. Leducq, Catastrophes sanitaires et assurance : solution de place ou solutions individuelles, in D. Noguéro et X. Leducq (dir.), Chronique de droit des assurances, Gaz. Pal., 2 mars 2021, n° 9, p. 40). En l’état, comme le relève la doctrine autorisée, « faute d’être devin et de disposer d’une boule de cristal, notre propos n’est évidemment pas de tenter de prédire l’avenir, mais plus simplement de nous demander si la situation pourrait aboutir à une impasse » (J. Bigot, Assurance et Covid-19 : où en est-on ?, RGDA février 2021, p. 6).

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