ETUDE : Covid-19 et les baux commerciaux : quelques aspects de l’application des ordonnances « délais » * Rédigée le 07.05.2020

ETUDE : Covid-19 et les baux commerciaux : quelques aspects de l’application des ordonnances « délais » * Rédigée le 07.05.2020

E65393LR

sans cacheDernière modification le 09-12-2020

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période (« l’ordonnance n° 2020-306 ») comporte des dispositions qui peuvent concerner, notamment, les baux commerciaux.

En substance, et en ce qui concerne ces dispositions, cette ordonnance permet de considérer que l’absence d’exécution de certaines actions (au sens large : acte, action en justice, formalité, etc., prescrits par la loi) ou d’obligations contractuelles, qui aurait dû l’être entre le 12 mars et le 24 juin 2020 (« période juridiquement protégée » selon la terminologie employée par la circulaire de présentation des dispositions du titre I de cette ordonnance, à peine de privation d’un droit ou d’un accroissement des obligations, n’entraînera pas certaines des sanctions attendues si l’action ou l’obligation concernée est exécutée dans le délai supplémentaire prévu par l’ordonnance.

L’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19 (« l’ordonnance n° 2020-427 ») a modifié l’ordonnance 2020-306.

ETUDE : Covid-19 et les baux commerciaux : quelques aspects de l’application des ordonnances « délais » * Rédigée le 07.05.2020

  • ⇒ Cette étude a été réalisée sur la base d'un article rédigé par Julien Prigent paru dans la revue Lexbase, éd. affaires, n° 634 du 7 mai 2020 (N° Lexbase : N3268BYP).
  • Champ d’application de la prorogation des délais échus : la période juridiquement protégée (la « PJP ») : Article 1 de la loi
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    LOI n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 (1)Afficher plus (1)
    Selon l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, ses dispositions relatives à la prorogation des délais « sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée ».

     

    En l’état et selon ce dernier texte, « l’état d'urgence sanitaire est déclaré pour une durée de deux mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi », cette date étant celle de la publication de la loi, soit le 24 mars 2020 (l’état d’urgence cesserait dans ce cas le 24 mai 2020). La PJP n’a pas été modifiée par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19, mais le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance précise qu’en raison de la fixation de la fin du confinement au 11 mai 2020 annoncée le 13 avril 2020, « il conviendra d'adapter en conséquence la fin de la "période juridiquement protégée" pour accompagner, le cas échéant plus rapidement qu'il était initialement prévu, la reprise de l'activité économique et le retour aux règles de droit commun de computation des délais ».

    Le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions, adopté par le Sénat le 5 mai 2020, prévoit que l’état d’urgence serait prorogé jusqu’au 10 juillet 2020 inclus (et non jusqu’au 23 juillet 2020 inclus tel que le prévoyait le projet de loi déposé par le Gouvernement). L’ordonnance n° 2020-427 a étendu les exclusions de certains délais et de certaines mesures du champ d’application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, mais cette extension des exclusions ne concerne pas les baux commerciaux ou professionnels.

  • Les actes et formalités prévus par la loi : article 2
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020
    L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période dispose que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit ».

     

    L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 concerne tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication et tout paiement prescrit par la loi ou le règlement qui devaient ou doivent être accomplis pendant la période juridiquement protégées à peine de perte d’un droit. Il ne concerne donc pas l’exécution d’obligations d’origine contractuelle, soit, par exemple, en matière de bail, le paiement des loyers et charges ou l’exécution de travaux ou le délai prévu pour exercer un droit de préférence contractuel.

     

    Selon le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19 « l'article 2 de cette ordonnance ne constitue ni une suspension, ni une prorogation du délai initialement imparti pour agir. Le mécanisme mis en œuvre par cet article permet simplement de considérer que l'acte ou la formalité réalisé jusqu'à la fin du délai initial, calculé à compter de la fin de la période visée à l'article 1er (état d'urgence sanitaire + un mois), dans la limite de deux mois, sera réputé valablement fait. Il s'agit de permettre d'accomplir a posteriori (et comme si le délai avait été respecté) ce qu'il a été impossible de faire pendant la période d'urgence sanitaire augmentée un mois ».

     

    Le délai qui a couru avant le 12 mars 2020 ne serait donc pas pris en compte, ce mécanisme étant similaire à celui de l’interruption du délai de prescription (cf. C. civ., art. 2231 N° Lexbase : L7216IAI « l'interruption efface le délai de prescription acquis. Elle fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien »). L’ordonnance n’est toutefois pas modifiée pour clarifier ce point. Ces dispositions seront applicables en matière de prescription relative à une action liée à un bail commercial, que ce soit la prescription de droit commun (cinq ans selon l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) pour les actions non fondées sur une disposition du statut des baux commerciaux comme l’action en paiement de loyers et charges) ou la prescription biennale de l’article L. 145-60 du Code de commerce (N° Lexbase : L8519AID) pour les actions fondées sur une disposition du statut des baux commerciaux.

    Ainsi et par exemple, une action en paiement de l’indemnité d’éviction qui devait être interrompue à peine de prescription avant le 31 mars 2020, pourrait être valablement interrompue dans les deux mois qui suivent la fin de la PJP (soit jusqu’au 24 août 2020 ou jusqu’au 10 octobre si l’état d’urgence prend fin le 10 juillet 2020), le délai pour agir (deux ans) étant supérieur à deux mois.

     

    D’autres délais en matière de bail commercial pourront être concernés s’ils sont prévus par la loi et qu’ils expirent pendant la PJP : le délai accordé au preneur pour répondre à l’offre du preneur dans le cadre de son droit de préemption en cas de vente des locaux (C. com., art. L. 145-46-1 N° Lexbase : L0104I7Y), ou le délai d'un mois imparti au bailleur à compter de l’expiration d’un bail dérogatoire pour exprimer son intention de ne pas voir s’opérer un bail commercial (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L5031I3Q), etc. L’ordonnance n° 2020-427 a ajouté un alinéa à l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 : « Le présent article n'est pas applicable aux délais de réflexion, de rétractation ou de renonciation prévus par la loi ou le règlement, ni aux délais prévus pour le remboursement de sommes d'argent en cas d'exercice de ces droits ».

     

    L’ordonnance n° 2020-427 dispose que « la modification de l'article 2 a un caractère interprétatif ». Le rapport au Président de la République relatif à l'ordonnance n° 2020-427 donne pour exemple les délais pour se rétracter ou renoncer à un contrat en matière de vente à distance ou de contrats d'assurance ou de services financiers à distance, d'assurance-vie ou encore de vente d'immeubles à usage d'habitation relevant de l'article L. 271-1 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L0024LN9). Ils sont donc exclus du champ d’application de l'article 2. L’objectif est de ne pas paralyser les transactions. La précision a été introduite en envisageant le délai accordé à un cocontractant pour revenir sur son consentement ou avant l’expiration duquel il ne peut s’engager, soit un délai relatif à la conclusion ab initio d’un contrat, sans être expressément réduite à cette hypothèse.

     

    La question se pose de savoir si cette exclusion pourrait concerner la réponse du bailleur à une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L2008KGH) ou à l’exercice du droit de repentir (C. com., art. L. 145-58 N° Lexbase : L5786AI7) ou d’option (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4). Les délais pour accomplir ces actes pourraient relever, en dehors de l’exclusion précitée, de ceux bénéficiant d’une prorogation, l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 visant aussi le cas où l’absence d’accomplissement d’un acte entraîne la déchéance d’un droit (droit de refuser le renouvellement, droit d’échapper au paiement de l’indemnité d’éviction en renouvelant le bail ou droit d’évincer le locataire après avoir offert le renouvellement). Cependant, le droit d’option, qui permet aux parties de mettre fin à un bail initialement renouvelé et qui doit être exercé dans un certain délai, pourrait aussi, peut-être, relever des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 relatif aux résiliations ne pouvant intervenir que pendant une période déterminée (voir infra).

  • Les clauses pénales et les clauses résolutoires : article 4 
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020Afficher plus (1)
    L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, modifié par l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19, dispose que : «  Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er. Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période. Le cours des astreintes et l'application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l'article 1er ».

     

    L’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 excluant l’application de ces dispositions aux « délais et mesures ayant fait l'objet d'autres adaptations particulières par la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 ou en application de celle-ci », il n’est pas certain qu’elles s’appliquent aux clauses pénales et résolutoires sanctionnant le non-paiement des loyers et charges. Il existe en effet la mesure spécifique pour les loyers et charges locative instaurée par l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d'eau, de gaz et d'électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l'activité est affectée par la propagation de l'épidémie de Covid-19. L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306, paralyse de manière provisoire seulement, les clauses pénales et les clauses résolutoires qui auraient dû produire leurs effets en raison de l’inexécution d’une obligation pendant la période juridiquement protégée.

     

    L’alinéa 1er de l’article 4 dispose que « les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n'avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l'article 1er ». Cet alinéa n’a pas été modifié par l’ordonnance n° 2020-427. Un arrêt de la Cour de cassation, rendu à propos de la loi n° 68-696 du 31 juillet 1968, relative aux forclusions encourues du fait des événements de mai et juin 1968, qui comportait des dispositions tout à fait analogues, a précisé que « l’obligation dont la clause résolutoire sanctionne l’inexécution par la résiliation de plein droit est celle de payer dans le mois du commandement ». (Cass. civ. 3, 22 mai 1970, n° 69-12.393, publié au bulletin N° Lexbase : A5554CIK). Une clause résolutoire qui aurait dû entraîner la résiliation du bail entre le 12 mars et le 24 juin 2020 sera donc réputée n’avoir pas pris effet.

     

    Les commandements et sommations délivrés entre le 12 février et le 24 mai 2020 (si un délai d’un mois pour remédier à l’infraction est prévu, ce qui est généralement le cas, le délai d’un mois étant un minimum aux termes de l’article L. 145-41 du Code de commerce N° Lexbase : L1063KZE) ne peuvent donc entraîner la résiliation dans le délai d’un mois à compter de leur délivrance. L’article 4, alinéa 2, de l’ordonnance n° 2020-306, avant sa modification par l’ordonnance n° 2020-427, disposait que : « ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme », soit le 24 juillet 2020. La clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et charges ne serait, par exemple, acquise, pour les commandements délivrés entre le 12 février et le 24 mai 2020, a priori que le 25 juillet 2020, si le paiement de ses causes n’intervient pas avant cette date.

     

    Le deuxième alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 (« ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l'expiration d'un délai d'un mois après la fin de cette période si le débiteur n'a pas exécuté son obligation avant ce terme ») a été remplacé par l’ordonnance n° 2020-427 par les deux alinéas suivants :  « Si le débiteur n'a pas exécuté son obligation, la date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets est reportée d'une durée, calculée après la fin de cette période, égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la date à laquelle elle aurait dû être exécutée. La date à laquelle ces astreintes prennent cours et ces clauses prennent effet, lorsqu'elles ont pour objet de sanctionner l'inexécution d'une obligation, autre que de sommes d'argent, dans un délai déterminé expirant après la période définie au I de l'article 1er, est reportée d'une durée égale au temps écoulé entre, d'une part, le 12 mars 2020 ou, si elle est plus tardive, la date à laquelle l'obligation est née et, d'autre part, la fin de cette période ».

     

    Il existe désormais une distinction entre les clauses pénales et résolutoires qui sanctionnent l’inexécution d’une obligation de payer une somme d’argent et celles qui sanctionnent l’inexécution d’autres obligations. Le délai pour exécuter l’obligation visée au commandement (somme d’argent), dont le délai d’un mois expirerait pendant la période juridiquement protégée, sans encourir la résiliation, n’expire donc plus automatiquement le 25 juillet 2020. Par exemple, un commandement de payer au visa de la clause résolutoire délivré le 1er mars 2020 aurait dû prendre effet le 1er avril 2020. La clause résolutoire prendra effet à défaut de règlement des causes du commandement dans un délai courant à compter du 25 juin 2020 égale à la durée comprise entre la date à laquelle l’obligation est née et celle à laquelle elle aurait dû être exécutée.

     

    La date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée semble devoir être comprise comme la date à laquelle son inexécution entraîne l’application de la clause résolutoire, soit, en matière de bail commercial, à l’expiration du délai d’un mois après le commandement ou la sommation visant la clause résolutoire (le 1er avril dans l’exemple). S’agissant de la date à laquelle l’obligation naît, une hésitation pourrait être permise entre la date de naissance de l’échéance de paiement et celle du commandement. Pour un commandement délivré le 1er mars 2020 pour l’échéance du 1er trimestre 2020 payable d’avance (dès le 1er janvier 2020), la résiliation devrait être constatée le 1er avril 2020. Le délai pour procéder au règlement sans encourir la résiliation, qui débutera le 25 juin 2020, est égal à la durée écoulée entre le 12 mars 2020 et le 1er avril 2020, que la date à laquelle l’obligation naît soit celle de l’échéance ou du commandement.

     

    Pour un commandement délivré postérieurement au 12 mars 2020, le délai pour procéder au règlement sans encourir la résiliation, qui débutera le 25 juin 2020, est égal à la durée écoulée entre le commandement (si la date de cet acte est prise comme celle de naissance de l’obligation) et le délai imparti à ce dernier, soit un mois. Le paiement pourra intervenir jusqu’au 25 juillet 2020 sans entraîner la résiliation. Si la date de naissance est celle de l’obligation, alors il faudrait augmenter ce délai de la durée écoulée entre le 12 mars 2020 et la date du commandement, pour les échéances antérieures au 12 mars 2020, soit de la durée écoulée entre l’échéance et le commandement pour les échéances postérieures au 12 mars 2020. Une solution différente est prévue pour les obligations autres que celles tenant au paiement d’une somme d’argent : la date d’effet est reportée également à compter du 25 juin 2020 mais pour une durée égale à celle séparant la date de naissance de l’obligation (celle du commandement ?), au plus tôt le 12 mars 2020, et le 24 juin 2020. Le délai de la sommation visant la clause résolutoire n’est plus pris en compte. Les dispositions modifiées prévoyant des solutions différentes des solutions initiales, il ne faut pas exclure l’application des deux régimes avec la difficulté de déterminer leur champ d’application respectif dans le temps.

  • Les actes mettant fin au bail : article 5 
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020
    Loi n° 89-462, 06-07-1989
    Selon l'article 5 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, « Lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période définie au I de l'article 1er, de deux mois après la fin de cette période ». La question se pose de l’applicabilité de ces dispositions au congé, à la demande de renouvellement et à la réponse à une demande de renouvellement dans le cadre d’un bail commercial.

     

    Ces actes mettent en effet fin au bail (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI), mais la demande de renouvellement, sous réserve de son acceptation par le bailleur, et le congé avec offre de renouvellement entraînent également le renouvellement du bail. Ce renouvellement n’est en outre que provisoire puisque chacune des parties peut ensuite, dans un certain délai, exercer son droit d’option pour mettre un terme au bail (C. com., art. L. 145-57 N° Lexbase : L5785AI4). En outre, il est difficile de soutenir, sans affiner l’analyse, qu’un congé ou une demande de renouvellement ne peuvent être exercés que dans un certain délai : ces actes peuvent en effet être accomplis pour une autre date postérieure au terme contractuel et à tout moment en cours de tacite prolongation (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI et L. 145-10 N° Lexbase : L2008KGH).

     

    Toutefois, le cas de la demande de renouvellement est particulier lorsqu’il s’agit pour un locataire de faire obstacle au déplafonnement du loyer en raison du fait que le bail aura eu une durée effective de plus de douze ans (C. com., art. L. 145-34 N° Lexbase : L5035I3U). A ce titre, cette hypothèse semble plus relever des dispositions de l’article 2. Il s’agit par ailleurs, pour le congé, d’un délai à rebours qui doit séparer la date d’effet de l’acte de sa date de notification.

     

    En matière de bail d’habitation, la Direction des Affaires civiles et du Sceau a publié une note du 7 avril 2020, sur les conséquences de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 en matière de baux d’habitation lors de la délivrance d’un congé par le bailleur. La situation est différente pour les baux d’habitation car « si le bailleur ne donne pas congé dans les conditions de forme et de délai prévues à l'article 15, le contrat de location parvenu à son terme est soit reconduit tacitement, soit renouvelé » (loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, art. 10). Toutefois, elle éclaire les solutions qui pourraient être retenues en matière de congé donné dans le cadre d’un bail commercial. Il y est précisé que les dispositions de l’article 5 de l’ordonnance s’appliquent au congé du bailleur qui doit être donné au moins six mois avant le terme du bail alors même que « le délai de préavis prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 s’analyse comme un "délai à rebours", c’est-à-dire un délai qui court à compter de la réalisation d’un événement futur, à savoir la prise d’effet du congé, et se calcule en remontant dans le temps, en l’espèce six mois au moins, jusqu’à la date de délivrance du congé par le bailleur au locataire ».

     

    Concernant la date d’effet du congé, cette note précise que « s’agissant d’un délai à rebours, protecteur des droits du locataire, le délai de préavis prévu à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 ne saurait être raccourci par la mise en application des dispositions de l’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, permettant la prolongation du délai dont dispose le bailleur pour délivrer son congé. Le bailleur ne pourra donc prétendre à la reprise effective de son logement que six mois après la réception du congé par le locataire. La période qui s’étendra entre le terme contractuel du contrat et la reprise effective du logement pourra être considérée comme une prorogation temporaire du contrat ».

     

    Si une solution analogue était retenue en matière de bail commercial, un congé qui aurait dû être délivré par le bailleur au plus tard le 31 mars 2020, au cours de la PJP, pour le terme du bail au 30 septembre 2020, pourrait encore être délivré dans les deux mois suivant la fin de la PJP (soit en l’état actuel de la législation, le 24 août 2020). Si le congé est délivré le 1er août 2020, devra-t-il prendre effet, à l’instar de la solution exposée pour les baux d’habitation, seulement six mois plus tard et non à la date correspondant au terme contractuel ? Dès lors que le bailleur pourrait aussi notifier un congé pour le 31 décembre 2020 au plus tard le 30 juin 2020 (C. com., art. L. 145-9 N° Lexbase : L2009KGI), on peut douter de la transposition de la solution.

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.