ETUDE : Le fonctionnement des tribunaux et délais judiciaires (Ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020)
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sans cacheDernière modification le 09-12-2020
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Le Conseil des Ministres a adopté le 15 avril 2020 une nouvelle ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19 aménageant les règles fixées par sa précédente ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 (l’ordonnance dite « Délais »).
L’ordonnance Délais avait pour objectif d’apporter une sécurité juridique en organisant la prorogation de certains délais et la paralysie de certaines clauses ou mesures pendant la période d’urgence sanitaire.
La nouvelle ordonnance modificative – bien qu’elle ne soit pas intitulée comme telle - répond, aujourd’hui, à un certain nombre de critiques et d’hésitations de la part des professionnels, nées de l’interprétation qu’il convenait d’apporter à l’ordonnance « Délais », notamment dans le secteur immobilier.
Cette ordonnance est donc sensée clarifier les choses, à la lumière de la lecture du Rapport au président de la République (N° Lexbase : Z008679T) et de la circulaire de présentation parue le 17 avril 2020 (circulaire DACS, n° 03/20, du 17 avril 2020, de présentation des dispositions du titre I de l'ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19).
Ce qu’il faut en retenir en 4 points :
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On rappelle que ne sont pas concernés par l’ordonnance « Délais » les délais échus avant le 12 mars 2020 ni ceux échus après le 24 juin 2020.
La circulaire vient clairement dire aujourd’hui que cette période juridiquement protégée concerne les délais échus entre le 12 mars et le 23 juin 2020 à minuit.
Mais cette période n’est fixée qu’à titre provisoire. Ainsi, dans la mesure où la fin du confinement devrait s’organiser à partir du 11 mai 2020, la fin de la « période juridiquement protégée » sera adaptée pour accompagner plus rapidement que prévu au départ, la reprise de l’activité économique et le retour aux règles de droit commun de computation des délais.
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Ainsi l’acte qui aurait dû être accompli pendant cette période « sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir dans la limite de 2 mois ».
L’article 2 de l’ordonnance n° 2020-427 vient préciser que ce principe de prorogation automatique n’est pas applicable aux délais de réflexion et de rétractation, et ce manière rétroactive. Cela signifie donc que ces délais s’achèveront dans les conditions habituelles même s’ils expirent durant la période juridiquement protégée.
Pourquoi ? Parce que le Gouvernement n’a pas voulu paralyser toutes les conventions ; il a donc rappelé que le délai de rétractation est le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement, et après l’expiration duquel, le bénéficiaire est engagé définitivement dans un contrat auquel il a consenti. La faculté de rétractation ou de renonciation n’est pas prescrite par la loi à peine d’une sanction ou de déchéance d’un droit.
Cela concerne par exemple :
Quant au délai de réflexion, il correspond au délai avant l’expiration duquel le destinataire d’une offre ne peut pas manifester son acceptation ; il a pour seule finalité d’imposer un certain temps de réflexion avant de s’engager et il ne s’agit donc pas d’un « acte » devant être réalisé dans un certain délai au sens de l’article 2 de l’ordonnance « Délais ». A l’expiration du délai de réflexion, prévu par la loi ou le règlement, le destinataire de l’offre peut donc l’accepter même si ce délai expire pendant la période juridiquement protégée.
On pourrait dire aussi que, dans certains cas, le confinement est propice à la réflexion et que cela ne justifie pas la prorogation d’un tel délai.
Sont concernés par exemple : le délai de réflexion en matière de crédit-immobilier, de prêt viager hypothécaire, le délai de réflexion prévu dans le contrat relatif à l’enseignement à distance, le délai de réflexion du divorce par consentement mutuel…
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L’article 3 de l’Ordonnance n° 2020-427 apporte des précisions : pendant cette période, le juge ou l’autorité compétente peut modifier les mesures, y mettre fin ou encore, lorsque les intérêts dont il a la charge le justifient, prescrire leur application ou en ordonner de nouvelles, sous la seule réserve de prendre en considération les difficultés résultant de la crise sanitaire.
L’objectif poursuivi par cette précision est que la prorogation ne soit pas interprétée comme un dessaisissement du juge ou de l’autorité compétente.
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Le report automatique des échéances de paiement de toutes les dettes contractuelles aurait par exemple, engendré des contentieux multiples et aurait généré des difficultés de trésorerie en cascade pour les entreprises, conduisant à des dépôts de bilan en chaîne.
On a donc préféré renvoyer les parties à résoudre leurs difficultés entre elles en prorogeant par exemple elles-mêmes ces délais par la renégociation amiable du contrat ou en les laissant invoquer la force majeure ou l’imprévision si les conditions en sont réunies.
Cependant, dans l’ordonnance « Délais », le Gouvernement avait quand même souhaité intervenir pour régir certaines situations.
Ainsi, selon son article 4, les astreintes, clauses résolutoires, clauses de déchéance, et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 étaient suspendues jusqu’au 24 juin 2020 et devaient reprendre leur effet dès le lendemain.
Cette suspension a disparu dans l’ordonnance n° 2020-427, qui considère désormais deux situations :
Le report est désormais égal au temps écoulé entre d’une part, le 12 mars ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive, et d’autre part, la date à laquelle l’obligation aurait du être exécutée.
Cette situation permet d’appréhender de manière plus précise les situations impactées par la crise sanitaire en tenant compte de l’impact réel des mesures sur l’exécution des contrats.
Exemple : Un contrat conclu le 1er février 2020 devait être exécuté le 20 mars 2020, une clause résolutoire étant stipulée en cas d’inexécution à cette date ; le débiteur n’exécute pas le contrat au 20 mars 2020. Ici, les effets de la clause sont reportés d’une durée de 8 jours (délai écoulé entre le 12 et le 20 mars) à compter de la fin de la période juridiquement protégée : la clause résolutoire prendra ainsi effet le 3 juillet 2020 (24 juin + 8 jours).
L’objectif est double : tenir compte des retards qui auront pu être accumulés pendant la crise, même si l’échéance n’intervient qu’après la période juridiquement protégée, mais aussi prendre en compte d’éventuelles difficultés de redémarrage pour l’exécution de certains contrats.
On pense ici aux chantiers de construction pour lesquels la livraison devait intervenir plus de 2 mois après la fin de l’état d’urgence.
Exemple : Un contrat conclu le 1er avril 2020 devait être achevé avant le 1er juillet 2020, une clause pénale prévoyant le versement d’une indemnité forfaitaire en cas d’inexécution à cette date. Le débiteur ne s’exécute pas à la date prévue.
Les effets de la clause sont reportés d’une durée égale au temps écoulé entre le 1er avril et la fin de la période juridiquement protégée, ce report courant à compter du 1er juillet 2020. Ainsi si la période juridiquement protégée prend fin le 24 juin 2020, le report serait de 2 mois + 23 jours à compter du 1er juillet 2020, et la clause prendrait effet le 24 septembre 2020.
Les parties sont donc libres d’aménager contractuellement les délais d’exécution et les conséquences d’une éventuelle inexécution.
Enfin, la circulaire rappelle que les dispositions de l’article 4 de l’Ordonnance n° 2020-427 sont une loi de police au sens de l’article 9 du règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I.
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