ETUDE : Régime dérogatoire d’exécution des contrats * Rédigée le 09.04.2020
E34283LK
sans cacheDernière modification le 22-06-2020
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E73743LP
L’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 décide, en effet, que « l’état de cessation des paiements est apprécié en considération de la situation du débiteur à la date du 12 mars 2020 » jusqu'à l'expiration d'un délai de trois mois après la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire. Le redressement ou la liquidation attendront : le débiteur échappe à l’obligation de déposer son bilan dans les quarante-cinq jours de la date réelle de la cessation des paiements.
Cependant, ce traitement des difficultés des entreprises semble s’attacher davantage à masquer les symptômes qu’à endiguer le mal : aucun texte ne dispense le débiteur contractuel de ses obligations en raison de la crise.
Force obligatoire des échéances. Le droit des contrats semble immunisé contre le Covid-19 : la prolifération des textes adoptés en vue de faire face à l’épidémie l’a quasiment épargné. Pour preuve, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures ne le touche qu’à la marge. En premier lieu, si l’article 1er de ce texte précise que ses dispositions sont applicables « aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire », cette « période juridiquement protégée » ne profite guère, en principe, aux obligations contractuelles.
En second lieu, l’article 2 de l’ordonnance - qu’il est ici nécessaire de reproduire - précise, en effet, que « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois». Il ajoute qu’« Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit».
Seuls les délais et les mesures « prescrits par la loi ou le règlement » sont ainsi concernés : une interprétation a contrario mais incontestable de l’article 2 de l’ordonnance conduit à exclure les obligations contractuelles. Quoique le Président ait un moment laissé entendre que, par principe, les échéances conventionnelles ont toujours « force de loi à l’égard de ceux qui les ont faites ».
Suspension du cours de certaines clauses sanctionnant l’inexécution. Si elle laisse, ainsi, intactes les obligations contractuelles, l’ordonnance neutralise, cependant, certaines clauses sanctionnant le retard ou l’inexécution de la prestation dans les délais : ainsi que l'on le verra, les clauses pénales, les clauses résolutoires ou bien encore les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées « ne pas avoir pris cours » dès lors que le délai a expiré pendant la période protégée.
L’ordonnance n° 2020-306 accouche, ainsi, d’un curieux système, où seules certaines clauses comminatoires ou sanctionnatrices sont paralysées un temps, cependant que les échéances et obligations contractuelles demeurent : c’est dire que le droit commun des contrats demeure l’instrument essentiel de traitement des difficultés entraînées par l’épidémie.
Exécuter ou ne pas exécuter ? Telle est toujours la question. Les difficultés d’exécution rencontrées par le contractant en raison de l’épidémie le placent au cœur d’une alternative triviale : exécuter ou pas. Le débiteur n’étant pas dispensé de s’exécuter par l’ordonnance, il n’échappera, en principe, à l’engagement de sa responsabilité en cas d’inexécution de ses obligations que si les conditions de la force majeure sont réunies. A moins qu’il ne préfère, notamment si la force majeure n’est pas caractérisée, recourir à la révision pour imprévision, afin de profiter d’un rééquilibrage de la convention à son profit. Somme toute, les circonstances liées au Covid-19 peuvent déboucher sur une inexécution ou sur une modification du contrat.
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Si l’ordonnance ne touche pas, en principe, à la force obligatoire des échéances purement contractuelles, elle suspend, cependant, le cours de certaines clauses.
Si l’ordonnance ne touche pas, en principe, à la force obligatoire des échéances purement contractuelles, elle suspend, cependant, le cours de certaines clauses.
Délai supplémentaire de résiliation. Une autre mesure applicable aux conventions en cours doit être signalée. L’article 5 de l’ordonnance n° 2020-306 prévoit, en effet, que « lorsqu'une convention ne peut être résiliée que durant une période déterminée ou qu'elle est renouvelée en l'absence de dénonciation dans un délai déterminé, cette période ou ce délai sont prolongés s'ils expirent durant la période [juridiquement protégée], de deux mois après la fin de cette période ».
Les difficultés matérielles causées par l’épidémie ne sauraient conduire à confiner les parties dans leurs contrats : la préservation de leur liberté contractuelle -qui, après tout, a valeur constitutionnelle- imposait qu’elles puissent en sortir une fois passé l’état d’urgence.
Afin de préserver la force obligatoire des échéances contractuelles tout en neutralisant les sanctions conventionnellement attachées à l’inexécution, le mécanisme invite, ainsi, à distinguer selon que les clauses visées ont pris effet avant ou après le 12 mars 2020. Dans le cas où ils ont pris effet avant cette date, le cours de l’astreinte ou l’application de la clause pénale sont suspendus : ils reprendront le lendemain de l’expiration de la période juridiquement protégée. Dans le cas où la date de l’inexécution censée déclencher les astreintes et les clauses visées est postérieure au 12 mars, elles sont neutralisées : elles ne reprendront leur cours et ne produiront leurs effets qu’un mois après la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, si le débiteur ne s’est pas exécuté d’ici là. Autant dire que ce mécanisme devrait inciter les créanciers d’obligations inexécutées à patienter le temps de la période juridiquement protégée en espérant une exécution spontanée par le débiteur. La neutralisation des clauses résolutoires et autres clauses pénales dissuadera, sans doute, les créanciers d’agir en justice pour obtenir paiement, pour peu que l’engorgement des tribunaux qui résultera de la crise n’y suffise pas : on peut voir là un moyen comme un autre d’inviter à la résolution amiable des conflits.
L’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 pose, du reste, plus généralement, la question de savoir si l’énumération à laquelle il procède est limitative. On est tenté de le penser. Le principe demeurant celui de la force obligatoire et, la neutralisation des clauses étant conçue comme une mesure exceptionnelle et temporaire, l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 devrait s’interpréter restrictivement. Le mécanisme de l’astreinte ou celui de la déchéance sont, cependant, suffisamment flous pour être assez accueillants : la caducité que les parties auraient attachée au non-accomplissement de telle formalité doit-elle par exemple être assimilée à une clause de déchéance ? Au reste, ainsi qu’on l’a dit, la circulaire semble plaider pour une conception relativement extensive des clauses visées… Quoi qu’il en soit, il n’est pas douteux que ce texte suscitera quelques querelles de qualification : il y a, par exemple, fort à parier que les créanciers d’obligations inexécutées seront tentés de prétendre que la clause sanctionnant telle inexécution contractuelle doit être qualifiée de clause indemnitaire ou de dédit.
L’article 1226 du Code civil (N° Lexbase : L0937KZQ), selon lequel « le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable ». Selon le même texte, dans son alinéa 3, « lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent ». A défaut de pouvoir faire valoir la clause résolutoire, le créancier pourrait, donc, résoudre le contrat unilatéralement.
Influence de la bonne foi sur l’exercice des prérogatives unilatérales ? Ces prérogatives unilatérales peuvent-elles être encadrées ? La résolution unilatérale pourrait-elle être adoucie ? Ce n’est pas impossible : la bonne foi pourrait ici se révéler salvatrice. La jurisprudence admet, après tout, que la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, pour peu qu’il ne porte pas atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties. La déloyauté peut, ainsi, déboucher sur la paralysie d’une « prérogative contractuelle », c’est-à-dire un pouvoir unilatéral lié à la qualité de contractant et permettant à l’une des parties de modifier la situation de l’autre. La bonne foi pourrait, ainsi, être utilement sollicitée pour paralyser l’exercice déloyal des prérogatives unilatérales ainsi que des clauses contractuelles non visées par l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306. Séduisante en théorie, cette piste achoppe cependant en pratique sur un obstacle de détail : elle impose à la victime de l’exercice déloyal de la prérogative de contester judiciairement la situation acquise par son cocontractant.
Ainsi, selon son article 4, les astreintes, clauses résolutoires, clauses de déchéance, et clauses pénales qui avaient commencé à courir avant le 12 mars 2020 étaient suspendues jusqu’au 24 juin 2020 et devaient reprendre leur effet dès le lendemain.
Cette suspension a disparu dans l’ordonnance n° 2020-427 du 15 avril 2020 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de Covid-19, qui considère désormais deux situations :
iI n’y a plus de report forfaitaire d’un mois postérieur à la fin de la période juridiquement protégé.
Le report est désormais égal au temps écoulé entre d’une part, le 12 mars ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive, et d’autre part, la date à laquelle l’obligation aurait dû être exécutée.
Cette situation permet d’appréhender de manière plus précise les situations impactées par la crise sanitaire en tenant compte de l’impact réel des mesures sur l’exécution des contrats.
Le cours et les effets de ces clauses sont reportés d’une durée égale au temps écoulé entre d’une part, le 12 mars ou la date de naissance de l’obligation si elle est plus tardive, et d’autre part, la fin de la période juridiquement protégée (24 juin 2020, à ce jour).
L’objectif est double : tenir compte des retards qui auront pu être accumulés pendant la crise, même si l’échéance n’intervient qu’après la période juridiquement protégée, mais aussi prendre en compte d’éventuelles difficultés de redémarrage pour l’exécution de certains contrats.
Plus fondamentalement, l’état d’urgence sanitaire ne constitue pas, par lui-même, un cas de force majeure : à l’instar de l’état de catastrophe naturelle, il ne dispense pas d’apprécier les circonstances. Tout au plus, certaines décisions prises -telles que la fermeture des établissements accueillant du public non indispensables à la Nation ou encore les restrictions aux réunions- pourront-elles, ainsi, être prises en compte dans le cadre de la caractérisation de la force majeure, afin de démontrer que l’événement échappait au contrôle du débiteur.
Sur un autre plan, les dispositions de l’article 1218 du Code civil (N° Lexbase : L0930KZH) n’étant pas d’ordre public, rien n’interdit aux parties d’exclure toute influence de la force majeure ou d’en délimiter le domaine par une clause, ce qu’admet le Code civil : selon l’article 1351 (N° Lexbase : L0998KZY), « l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive, à moins qu’il n’ait convenu de s’en charger ou qu’il ait été préalablement mis en demeure ». Pour peu que ces clauses ne soient pas abusives rien n’exclut que ces stipulations produisent tous leurs effets : autant dire que les articles 1171 du Code civil (N° Lexbase : L1981LKL) et L. 212-1 du Code de la consommation (N° Lexbase : L3278K9B), qui sanctionnent les clauses abusives, l’un en matière de contrat d’adhésion, l’autre en cas de contrat conclu entre un consommateur ou un non-professionnel et un professionnel, devraient être fréquemment sollicités en cette matière.
Événement échappant au contrôle du débiteur. La condition de l’extériorité de l’épidémie est, en l’occurrence, la plus facile à vérifier : il est difficilement contestable que cette pandémie échappe à tout contrôle, y compris donc à celui du débiteur ! Cette condition sera d’autant plus facile à démontrer en cas de décision de l’administration ou de fait du prince : à défaut de caractériser, à elles seules, la force majeure, les décisions de fermeture des « lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation », ou d’interdiction des rassemblements de 5.000 personnes ou de 100 attestent de l’impuissance du débiteur.
Événement ne pouvant être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat. La question de savoir si l’événement était imprévisible au moment de la conclusion du contrat dépendra également des circonstances. Certes, on peut affirmer, sans prendre trop de risque, que l’apparition d’un virus létale débouchant en quelques mois sur le confinement d’une moitié de l’humanité était raisonnablement imprévisible. Si le caractère imprévisible d’une épidémie a parfois été écarté par les juges, c’est souvent qu’elle était récurrente : tel n’est pas le cas de l’épidémie de Covid-19, qui n’a pas de précédent contemporain. Il conviendra, cependant, en pratique, de prendre garde à la date de la conclusion du contrat, la force majeure ne pouvant être admise que pour autant que la survenance de l’épidémie ou de ses conséquences n’était pas prévisible à ce moment. Tout dépendra, donc, de l’appréciation plus ou moins sévère de la « prévisibilité » de la survenance en France d’une épidémie de grande ampleur. La jurisprudence a parfois été rigoureuse : la cour d’appel de Saint-Denis a, par exemple, considéré que « l’épidémie de chikungunya a débuté en janvier 2006 [ne pouvait] être retenue comme un événement imprévisible justifiant la rupture du contrat ». Une telle rigueur se comprend d’ailleurs. La force majeure est une exception à force obligatoire du contrat. Il n’en demeure pas moins que le caractère imprévisible de l’épidémie pourra être sujet à débats judiciaires pour peu que le contrat ait été conclu dans le courant du mois de février ou au début du mois de mars. Le contentieux risque, d’ailleurs, d’être d’autant plus nourri que nombre de contrats auront sans doute été conclus par tacite reconduction durant cette période. Les conventions reconduites constituent, en effet, des contrats nouveaux : une appréciation rigoureuse de la force majeure dans le cadre de cette convention pourrait, ainsi, conduire les juges à ne pas l’admettre, au motif que l’événement n’était pas imprévisible à la date de la conclusion de la convention tacitement reconduite…
Evénement empêchant l'exécution de son obligation par le débiteur. Cette condition prolonge la précédente et participe de l’irrésistibilité : elle s’en distingue d’ailleurs malaisément. Elle exprime, néanmoins, l’impossibilité au cœur de la force majeure. Si tout dépend, ici encore, des circonstances, il reste que l’exécution de certaines obligations est presque toujours considérée comme possible en raison de leur nature : la Cour de cassation a ainsi affirmé que le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne pouvait s’exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure. Dans le même ordre d’idées, la cour d’appel de Paris a estimé qu’une épidémie avérée, « même à la considérer comme un cas de force majeure, ne suffi[sait] pas établir ipso facto [une] baisse ou [une] absence de trésorerie ». On ne saurait, en effet, admettre que le débiteur puisse se prévaloir de son insolvabilité pour échapper à l’exécution de son obligation : tant que la monnaie existe, la prestation demeure possible, même si le débiteur peine à l’exécuter. La solution n’est, cependant, pas si absolue qu’il y paraît. La doctrine admet généralement que même les obligations monétaires laissent prise à la force majeure, pour peu que l’exécution tardive résulte d’une contrainte extérieure et que l’exécution tardive ne soit pas satisfactoire pour le créancier. En pareil cas, la force majeure ne devrait cependant avoir qu’un effet suspensif - qu’autorise d’ailleurs expressément l’article 1218 alinéa 2 du Code civil - évitant au débiteur de supporter les conséquences de l’exécution tardive sans le libérer pour autant de son obligation.
Il convient donc de distinguer ces deux hypothèses.
Empêchement temporaire : suspension du contrat. Les pires choses ayant aussi une fin, la force majeure peut n’être que temporaire. On peut, à cet égard, espérer que cette épidémie ne sera pas éternelle : les contrats dont l’exécution redeviendra possible devraient, dès lors, être simplement suspendus jusque-là, ainsi que l’affirme désormais l’article 1218, alinéa 2, du Code civil. La jurisprudence ancienne l’admettait d’ailleurs déjà et la solution vaut aussi pour les contrats non soumis à la réforme : la Cour de cassation affirme ainsi depuis longtemps qu’« en cas d’impossibilité momentanée d’exécution d’une obligation, le débiteur n’est pas libéré, cette exécution étant seulement suspendue jusqu’au moment où l’impossibilité vient à cesser ». Les parties ne sont alors pas libérées : le contrat est suspendu un temps. L’hypothèse doit être distinguée du retard d’exécution non justifiée par la force majeure. Si l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période neutralise, comme on s’en souvient, certaines clauses liées à l’inexécution, elle ne dispense pas le débiteur de son obligation : au contraire, la force majeure temporaire libère le débiteur de toute obligation le temps qu’elle dure. Cette suspension peut bénéficier aux deux parties ou bien être unilatérale, selon l’économie du contrat. Elle a cependant ses limites. En premier lieu, certaines obligations ne sauraient être suspendues : la force majeure est impuissante à paralyser, serait-ce pour un moment, l’obligation de bonne foi ou ses avatars, telle l’obligation de non-concurrence. En second lieu, il se peut que l’empêchement temporaire prive d’utilité la convention : la livraison de denrée périssable n’a, par exemple, plus de sens, lorsqu’elle est remise à plus tard. Le contrat sera alors résolu de plein droit, comme si l’empêchement avait été définitif.
Les risques. Que le débiteur de l’obligation rendue impossible soit dispensé d’exécuter sa prestation est une chose. Faut-il cependant en déduire qu’il ne pourra non plus bénéficier de la prestation dont son cocontractant est tenu dans le cadre d’un contrat synallagmatique ? La réponse est facile si le contrat est translatif de propriété : les risques se transférant en même temps que la propriété, l’acheteur reste tenu du prix même si la chose a péri. L’épidémie de Coronavirus devrait cependant moins poser cette question que celle des conséquences de l’impossibilité d’exécuter une prestation.
Selon l’article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L0998KZY), « l’impossibilité d’exécuter la prestation libère le débiteur à due concurrence lorsqu’elle procède d’un cas de force majeure et qu’elle est définitive ». Libéré de sa prestation par la force majeure, le débiteur ne peut réclamer la prestation réciproque prévue par le contrat synallagmatique : tel est le sens de la vieille maxime « res perit debitori ». Non seulement le débiteur exonéré ne peut rien espérer, mais il doit restituer s’il a déjà reçu paiement. Ces solutions traditionnelles ne manqueront pas d’avoir d’importantes répercussions. Songeons, ainsi, aux baux commerciaux, où l’obligation de délivrance du bailleur lui impose de veiller à la commercialité des locaux : si le propriétaire des murs a été dans l’incapacité d’assurer celle-ci -par exemple parce que le commerce exploité dans ses murs est un café soumis à l’interdiction des commerces non essentiels - il pourra certes invoquer la force majeure pour échapper à toute responsabilité. Le preneur pourra, en revanche, légitimement refuser le paiement du loyer pour la période considérée. Si les ordonnances du 25 mars 2020 n’ont accordé aucun délai de grâce aux preneurs, ils pourraient donc bien tirer profit de l’impossibilité d’exécuter dans laquelle se trouvent nombre de bailleurs pour ne rien débourser du tout…
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La prévision de l’imprévisible. Les parties peuvent espérer préserver la convention autant que faire se peut. Les stipulations contenues par certains contrats leur permettront, sans doute, de faire face aux conséquences de l’épidémie. Les clauses dites de Hardship - qui prévoient une renégociation du contrat lorsque leurs conditions sont remplies - ou bien encore les MAC (material adverse change) clauses - qui protègent contre la survenance d’événement significativement défavorable entre la signature du contrat et la réalisation de l’opération - préserveront quelques contractants des conséquences de la pandémie. On laissera cependant de côté ici l’étude de ces clauses. Non seulement leur application dépend de leur rédaction, mais nombre de contrats - y compris de « contrats d’affaires » - ne comportent aucune stipulation de cet ordre. Ainsi, imagine-t-on mal, par exemple, qu’un bail commercial comporte une quelconque clause de renégociation du loyer susceptible d’être appliquée en raison de l’épidémie ! On ne s’arrêtera pas davantage sur l’hypothèse « non pathologique » d’un accord entre le créancier et le débiteur pour modifier la convention aux fins de la préserver : on ne s’intéressera, ci-après, qu’aux mécanismes mis en place par le droit commun pour pallier l’absence de telles stipulations ou d’accord.
La modification du contrat en raison des circonstances. Le droit commun autorise désormais les parties à espérer une modification du contrat en raison des circonstances : c’est la « révision pour imprévision ». D’autres mécanismes peuvent cependant être envisagés pour remodeler le contrat en fonction des circonstances induites par l’épidémie.
Il convient d’envisager brièvement les conditions du recours à la révision pour imprévision avant d’étudier ses effets.
Avant d’étudier les conditions posées par l’article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP) pour recourir à la révision pour imprévision, il convient de faire quelques observations sur l’applicabilité du mécanisme.
♦ Applicabilité du mécanisme de l’imprévision
Application de la loi dans le temps et caractère supplétif de l’article 1195 du Code civil. Deux conditions préalables doivent être vérifiées pour espérer recourir à la révision pour imprévision : non seulement le contrat doit être soumis à la réforme, mais le dispositif de l’article 1195 du Code civil ne doit pas avoir été écarté par la loi ou les parties.
a) Application de la loi dans le temps
La révision pour imprévision ne s’applique qu’aux contrats soumis à la réforme du droit des contrats. La consécration de la révision pour imprévision est une innovation de la réforme du droit des contrats : le dispositif de l’article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP) ne s’applique donc qu’aux conventions conclues après le 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance portant réforme du droit des contrats. Les contrats conclus antérieurement à cette date demeurent, en revanche, soumis à une conception rigoureuse de la force obligatoire : à leur égard, ainsi que l’a affirmé en son temps la Cour de cassation, « la règle que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites est générale et absolue : en aucun cas, il n’appartient aux tribunaux de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et ils ne pourront davantage, sous prétexte d’une interprétation que le contrat ne rend pas nécessaire, introduire dans l’exercice du droit constitué par les contractants, des conditions nouvelles, quand bien même le régime ainsi institué paraîtrait plus équitable à raison des circonstances économiques ».
Application anticipée de la réforme ? Cette dichotomie entre les contrats conclus avant ou après l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats est peu satisfaisante en pratique. On peut donc se demander si les juges ne seront pas tentés d’interpréter le droit antérieur à la lumière des nouvelles dispositions. On sait, en effet, qu’afin d’éviter que la réforme du droit des contrats ne débouche sur trop de distorsions, la Cour régulatrice s’est engagée dans un mouvement d’harmonisation des solutions en interprétant parfois le droit ancien en considération de « l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ». On pourrait, dès lors, imaginer que l’ancien article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) soit interprété à la lueur de « l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance », afin d’en déduire une possibilité judiciaire de modification du contrat, quand bien même il serait antérieur à la réforme. La jurisprudence n’y paraît cependant pas favorable : la cour d’appel de Paris a réaffirmé récemment sur le fondement de l’ancien article 1134 du Code civil, que « le contrat est intangible et que le juge n’a pas le pouvoir de le réviser ». Tout au plus admet-elle l’existence d’une obligation de renégocier le contrat sur le même fondement : selon un récent arrêt de la cour d’appel de Paris, « les dispositions de l’article 1134 du Code civil dans sa version applicable au présent litige posent le principe de l’intangibilité des conventions qui exclut la révision pour imprévision par le juge. Néanmoins, il peut être admis que l’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi doit inciter les parties à renégocier une convention dont le déséquilibre résulte notamment d’une hausse imprévisible du coût de l’énergie qui est susceptible de bouleverser l’économie du contrat ». Peut-être l’importance de l’épidémie conduira-t-elle sur ce point la jurisprudence à assouplir ?
b) Applicabilité du mécanisme de l’article 1195 du Code civil au contrat
Les clauses faisant obstacle à la révision pour imprévision. Le mécanisme de la révision pour imprévision n’est pas d’ordre public, de sorte qu’il est loisible aux parties de l’écarter par une simple clause contractuelle. Ces clauses se sont évidemment multipliées. Certaines d’entre elles peuvent, sans nul doute, être contestées, pour peu qu’elles débouchent sur un déséquilibre significatif : en pareil cas, et pour peu qu’elles soient souscrites entre un professionnel et un non professionnel ou un consommateur, ou bien encore dans le cadre d’un contrat d’adhésion, voire à l’occasion de relations commerciales, ces clauses peuvent être réputées non-écrites sur le fondement des dispositions de lutte contre les clauses abusives. D’autres obstacles peuvent également se dresser sur la voie de l’invocation de la révision pour imprévision.
L’exclusion de l’imprévision par le droit des contrats spéciaux. L’article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP) est une disposition de droit commun. Paradoxalement, cette considération peut parfois nuire à son applicabilité : la jurisprudence tend, en effet, à en déduire son exclusion par certaines règles de droit des contrats spéciaux. La cour d’appel de Douai a par exemple tout récemment jugé que « les circonstances imprévisibles ne sont pas de nature à entraîner la modification du caractère forfaitaire du contrat », excluant ainsi la révision pour imprévision d’un marché à forfait. Quant à la cour d’appel de Versailles, elle a écarté la révision pour imprévision en matière de bail commercial, au prétexte que « le statut des baux commerciaux prévoit de nombreuses dispositions spéciales relatives à la révision du contrat de bail (révision triennale, clause d’indexation), [et qu’] il n’y a pas lieu de faire application des dispositions générales de l’article 1195 précité, ces dernières devant être écartées au profit des règles spéciales du statut des baux commerciaux, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a débouté [le preneur] de sa demande de révision fondée sur les dispositions générales du Code civil ». Si cette dernière décision est plus que contestable - on voit mal en quoi les règles propres à la fixation des loyers ont à voir avec l’imprévision - elles attestent néanmoins d’une certaine réticence à l’égard du mécanisme de l’article 1195 : là encore, l’avenir dira si cette rigueur survivra au coronavirus.
♦ Conditions d’application
Le Covid-19 : une circonstance imprévisible. A supposer que les conditions qui viennent d’être dites soient remplies - c’est-à-dire que le contrat soit soumis la réforme et qu’aucune disposition ni stipulation n’écarte l’application de l’article 1195 du Code civil (N° Lexbase : L0909KZP) - la partie subissant les conséquences de l’épidémie pourra songer à se prévaloir de la révision pour imprévision. Si une telle imprévision se définit traditionnellement comme un bouleversement imprévisible des circonstances économiques ayant présidé à la conclusion du contrat, le nouvel article 1195 du Code civil la présente plus largement comme « un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat [qui] rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». Il est donc peu douteux que la survenance de l’épidémie sera invoquée à ce titre. Les conséquences de cette imprévision se déclinent alors en deux temps.
Renégociation. Le premier alinéa de l’article 1195 du Code civil instaure une obligation préalable de renégociation : « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ». Ce dispositif aboutit à une obligation de renégocier fort proche de celles qu’avait admise la jurisprudence antérieurement à l’entrée en vigueur de l’article 1195 du Code civil et que les parties liées par un contrat antérieur à la réforme peuvent du reste à défaut d’accord toujours invoquer. Encore faut-il, pour qu’elle se déclenche, que le changement de circonstances ait été imprévisible au moment où le contrat a été conclu : comme s’agissant de la force majeure - et ainsi qu’on l’a évoqué plus haut - il conviendra d’être particulièrement attentif, dans l’appréciation de cette condition, à la date de conclusion du contrat.
L’objet de cette obligation de renégocier est par ailleurs cantonné. Elle est limitée aux modalités du contrat : l’obligation de renégociation ne saurait, en effet, imposer la conclusion d’un nouveau contrat, ne serait-ce que pour des raisons tenant à la liberté contractuelle. Cette obligation n’est par ailleurs que de moyens : il ne saurait pas non plus être imposé aux parties d’aboutir dans leurs négociations, encore moins de consentir aux modifications du contrat. Au vrai, la partie subissant le bouleversement des circonstances devra se garder de nourrir trop d’espoirs dans ces négociations. Non seulement leur cours ne suspend guère la force obligatoire du contrat - qui demeure obligatoire dans l’entretemps - mais ces négociations tendent davantage à la survie du contrat qu’à un retour à l’équilibre : si la partie profitant du déséquilibre doit « prendre en compte » la modification des circonstances, il n’en résulte pas qu’il lui revienne d’assurer le maintien de ses bénéfices au cocontractant, ni même de lui garantir une absence de perte.
Révision en cas d’échec des négociations. Selon l’article 1195, alinéa 2, du Code civil, « en cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation ». S’il n’est pas étonnant que la résolution du contrat puisse être convenue, on peut en revanche douter de l’accord des parties pour solliciter « l’adaptation » du contrat par le juge. Au reste, selon le même article 1195 du Code civil, « dans un délai raisonnable, le juge peut à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe ». Le coronavirus donnera à la jurisprudence l’occasion de faire les preuves de l’efficacité ou non de ce mécanisme. Il n’est, cependant, pas certain que les juges s’engagent avec enthousiasme dans une magistrature économique. Ajoutons que la simple difficulté à obtenir une date d’audience pour obtenir la révision du contrat devrait dissuader nombre de contractants de recourir à ce mécanisme pour lui préférer des solutions se dispensant du juge.
Décision unilatérale de réduire le prix. Issu de la réforme du droit des contrats, le nouvel article 1223 du Code civil (N° Lexbase : L1984LKP) permet en substance au créancier d’une obligation imparfaitement exécutée d’obtenir une réduction du prix. Dans sa réduction issue de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, applicable à compter du 1er octobre 2018, l’article 1223 du Code civil prévoit qu’« en cas d’exécution imparfaite de la prestation, le créancier peut, après mise en demeure et s’il n’a pas encore payé tout ou partie de la prestation, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit ». L’alinéa suivant dispose que « si le créancier a déjà payé, à défaut d’accord entre les parties, il peut demander au juge la réduction de prix ». Si cette dernière possibilité est de peu de secours pour le créancier, la possibilité de réduire le prix sans recourir au juge qu’organise le premier alinéa paraît en revanche prometteuse.
Pouvoir unilatéral de modification du contrat en l’absence de paiement intégral par le créancier. Le pouvoir de réduction conféré au créancier dans l’hypothèse où il n’a pas intégralement payé le prix est particulièrement important : il permet de tirer unilatéralement les conséquences de la dégradation de la prestation de l’autre partie. Ce pouvoir unilatéral est du reste indépendant des circonstances : peu importe que la prestation n’ait pas été correctement accomplie en raison du coronavirus ou d’autre chose. Ainsi, le créancier qui n’a par exemple pas été intégralement livré des fournitures promises n’aura qu’à procéder à un paiement partiel, en fonction de l’évaluation proportionnelle du prix à laquelle il aura unilatéralement procédé.
Conditions. Le texte subordonne la mise en œuvre de la réduction du prix au respect de quelques conditions. Il impose d’abord une mise en demeure, afin d’offrir au débiteur une dernière chance de s’exécuter correctement. S’il ne le fait pas, le créancier qui n’a pas intégralement réglé la prestation notifie sa décision de réduire - « proportionnellement » - le prix. Si le débiteur accepte par écrit cette décision, les choses en reste là : le contrat est en quelque sorte refait par les parties qui ont toutes les deux manifesté leur volonté. S’il conteste cette décision, il appartiendra en revanche au débiteur de saisir le juge pour la contester.
Utilité du dispositif. Ainsi qu’on le voit, si le mécanisme n’écarte pas totalement le juge, il fait toutefois peser les conséquences du recours judiciaire - que l’épidémie rend particulièrement lourdes - sur la partie ayant imparfaitement exécuté la prestation. Même si la charge de la preuve pèse sur lui, le créancier bénéficiera ainsi de la réduction qu’il se sera appliquée à lui-même tant qu’un juge ne l’aura pas condamné à payer davantage. Le temps jouera pour lui, ceci d’autant plus que l’appréciation de cette réduction ressortit à la compétence du juge du fond, à l’exclusion de celle du juge des référés. La réduction du prix confère ainsi au créancier un moyen de pression en l’autorisant à placer le débiteur devant le fait accompli et à faire peser sur lui la contrainte et l’aléa de la procédure judiciaire.
Perte d’intérêt du contrat et intérêt de la caducité. L’épidémie de coronavirus pourrait conduire à un regain d’intérêt pour la caducité du contrat. Il se peut en effet qu’une partie n’ait plus d’intérêt à poursuivre l’exécution d’une convention, sans pour autant qu’elle puisse se prévaloir d’un quelconque cas de force majeure ou d’une imprévision. Voici par exemple un commerçant de détail frappé par le coronavirus et dans l’impossibilité de tenir sa boutique : il ne pourra se prévaloir de cette situation pour refuser de payer les denrées périssables que son fournisseur est disposé à lui livrer conformément à la convention. A supposer qu’aucune stipulation contractuelle ne règle cette question, l’article 1186, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L0892KZ3) pourrait permettre au créancier d’échapper à la poursuite du contrat.
Selon cette disposition, « un contrat valablement formé devient caduc si l'un de ses éléments essentiels disparaît ». Les conditions de mise en œuvre de ce mécanisme sont, il est vrai, incertaines. La question se pose ainsi de savoir si la caducité opère de plein droit, ou si elle doit être prononcée par le juge. Les textes invitent à trancher en faveur de la première branche de l’alternative : quoiqu’une telle interprétation n’écarte pas le rôle du juge, elle permettrait à la partie se prévalant de la caducité d’imposer à l’autre le risque de contester la situation acquise. L’article 1186 du Code civil pose également la question de savoir ce que recouvre la notion « d’élément essentiel » : l’intérêt du contrat pour une partie peut-il passer pour un tel élément entraînant la fin du contrat en cas de disparition ? Ce n’est pas certain : la jurisprudence qui l’a un temps admis sur le terrain de la cause de l’obligation s’est éteinte en même temps que cette notion a disparu. Il n’est pas certain que le coronavirus ne la ressuscite pas.
Et demain : prévoir l’imprévisible ? Comme on le voit, le droit des contrats est décidément immunisé contre le Covid-19 : les règles séculaires qui le régissent ont connu d’autres bouleversements, d’autres pandémies même, sans vaciller. L’épidémie participera sans doute au perfectionnement de ses règles plutôt qu’à leur effondrement. Elle devrait cependant inciter à l’avenir à davantage encore de précaution dans la rédaction d’actes : le contrat n’est-il pas après tout un acte de prévision si hardi qu’il permet même d’envisager l’imprévisible ?