Réf. : Cass. civ. 3, 25 janvier 2023, n° 21-21.943, FS-B N° Lexbase : A06409AX
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N4160BZ4
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par Vincent Téchené
le 08 Mars 2023
► Le dispositif d’étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application ;
Ainsi, saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, la cour d’appel ne peut statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, de sorte qu’elle n’est pas compétente pour fixer l'étalement de l'augmentation du loyer.
Faits et procédure. Les propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.
La locataire a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Insatisfaite de la décision des juges du fond (CA Bordeaux, 8 juin 2021, n° 18/05176 N° Lexbase : A59594UA), la bailleresse a formé un pourvoi en cassation.
Décision. La Cour de cassation répond aux deux moyens soulevés, le second étant celui qui retiendra particulièrement l’attention.
En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que selon l'article R. 145-8 du Code de commerce N° Lexbase : L5745AIM, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.
Aussi, elle approuve l’arrêt d’appel d’avoir retenu que l'impôt foncier mis à la charge de la locataire par le bail constituait une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative qu'elle a souverainement estimée.
La Haute juridiction opère ici un simple rappel d’une solution aujourd’hui acquise (v. not., Cass. civ. 3, 23 mai 2019, n° 18-14.917, F-D N° Lexbase : A5914ZCZ, approuvant CA Colmar, 26 février 2018, n° 13/03021 N° Lexbase : A7517XE7 ; CA Colmar, 7 décembre 2020, n° 16/05806 N° Lexbase : A177839Q, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 663 N° Lexbase : N6241BYS ; Cass. civ. 3, 8 avril 2021, n° 19-23.183, F-D N° Lexbase : A12164PQ ; Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 20-21.570, F-D N° Lexbase : A50497DD ; CA Agen, 8 décembre 2021, n° 20/00469 N° Lexbase : A51297EP, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 702 N° Lexbase : N0111BZ7).
La bailleresse reprochait ensuite à la cour d’appel d’avoir fixé l’étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé.
Pour y répondre la Cour de cassation rappelle que selon le dernier alinéa de l’article L. 145-34 N° Lexbase : L5035I3U, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce N° Lexbase : L5761AI9 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
En outre, selon l’article R. 145-23 du Code de commerce N° Lexbase : L4149LTT, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les premières.
Ainsi, selon la Haute juridiction, ce dernier alinéa de l'article L. 145-34 n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.
Dès lors, ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application.
Par conséquent, saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, la cour d’appel ne pouvait statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, de sorte qu’en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier (en l’occurrence sur quatre ans), elle a violé les textes précités.
Cet arrêt reprend une solution dégagée par la Cour régulatrice dans un avis du 9 mars 2018 (Cass. avis, 9 mars 2018, n° 15004 N° Lexbase : A6836XGB). Elle y avait alors précisé qu’« il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par [l’article L. 145-34 du Code de commerce] ». On rappellera, par ailleurs, que le Conseil constitutionnel a retenu que le lissage de l’augmentation du loyer déplafonné, prévu par les dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété (Cons. constit., décision n° 2020-887 QPC, du 5 mars 2021 N° Lexbase : A80334ID, J.-P. Dumur, comm., Lexbase Affaires, mars 2021, n° 669 N° Lexbase : N6826BYH).
Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les exceptions au plafonnement du loyer commercial renouvelé, Le lissage du plafonnement pour certains baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E0323E74. |
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