Le Quotidien du 14 décembre 2022 : Actualité judiciaire

[A la une] Procès des « écoutes » : à l'heure des réquisitions, le ministère public pointe des « faits d’une gravité sans précédent dans la Ve République »

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par Helena Viana

le 14 Décembre 2022

Ce mardi après-midi la salle est comble pour le procès dit « des écoutes de Paul Bismuth » qui a débuté lundi dernier à la cour d’appel de Paris. Au programme : les réquisitions en binôme de l’accusation.

Une première partie « en droit ». Les premières observations de l’avocate générale Muriel Fusina ont l’allure d’un véritable cours magistral.

Rappelant le caractère « hors norme » de cette affaire, ses premiers développements portent sur les questions de droit soulevées par la défense concernant la régularité de la procédure. Bien que s’étant déjà prononcée lorsqu’avaient été soulevées les questions prioritaires de constitutionnalité et les exceptions in limine litis, la parquetière avait assuré y revenir lorsqu’elle interviendrait sur le fond. Elle proclame le « caractère central des interceptions », et alerte sur la « stratégie de défense au fond » adoptée par les avocats des prévenus tout au long de la procédure et consistant à vouloir les écarter du débat. La magistrate insiste sur la régularité de la procédure parallèle tant contestée par la défense, et revient sur la légalité des différents actes effectués dans ce cadre. Si cette enquête a fait l’objet d’un classement sans suite en raison d’une infraction jugée insuffisamment caractérisée la parquetière rappelle que ce classement est intervenu en raison de l'absence d'identification de l’auteur. Ses observations tendent une par une à revenir sur chaque irrégularité invoquée pour les balayer aussitôt, avant de conclure « à la fin de cette liste, qu’est-ce qui a dysfonctionné exactement ? » S’en suit un argumentaire relatif aux ingérences dans le secret professionnel des avocats, à la valeur probante des preuves constituées par les écoutes, à la liberté de la preuve et l’intime conviction du juge, à la légalité des FADET…

La représentante de l’accusation revient dans un second temps sur chacune des infractions objet de la prévention, en détaillant méthodiquement leurs éléments constitutifs ainsi que les évolutions jurisprudentielles les concernant. Elle développe, entre autres, la caractérisation de la violation du secret professionnel et le principe de non-publicité du contentieux au fond pour une procédure devant la chambre de l’instruction, le trafic d’influence et le « sens profond » de la requalification liée à la qualité de magistrat de Gilbert Azibert en ce qu’il a porté « une atteinte à l’exercice indépendant et impartial de la justice », la corruption, son caractère formel et l’inopérante absence d’honneur de la contrepartie.

Une seconde partie « en faits ». Yves Moculet, second magistrat du parquet à requérir sur le dossier, développera pendant près de trois heures les éléments du dossier permettant de caractériser les délits reprochés. Pour lui comme pour sa Muriel Fusina, les écoutes téléphoniques sont claires et « il est rare qu’elles soient si limpides qu’elles suffisent à caractériser le délit ». Il insiste sur des conversations « extrêmement efficaces », s’intensifiant lors des événements importants caractérisant les délits et invite les juges du fond à les apprécier dans une « vision globale ». Il estime qu’il s’agit d’un « jeu de copieur-menteur » et détaille le rôle et les avantages de chacun dans celui-ci.

Le parquetier consent qu’il existe des « points d’ombre » dans le dossier : l’absence d’identification de la personne ayant relevé l’existence de l’instruction, le moment de l’obtention par Thierry Herzog de cette information, le moyen par lequel Gilbert Azibert a eu accès à l’avis en instance de cassation, la concrétisation du « coup de pouce de Nicolas Sarkozy »… Pour autant, il estime qu’il « ne faut pas voir dans ces incertitudes des éléments qui permettraient de conclure à la relaxe ».

Il relit les transcriptions de certaines conversations téléphoniques, n° 38, n° 57, n° 21… Autant d’éléments dont il se sert pour démontrer l’existence de sollicitations, d’acceptations, d’actes facilités par la fonction, de contreparties pour finir sur l’élément intentionnel de chacun des protagonistes. Pour lui, « en justice comme en politique quand on a les informations en amont, on peut préparer les réponses, on peut préparer son coup ». Enfin, il insiste également sur la notion d’ « influence supposée », estimant que Gilbert Azibert a pu surinterpréter le pouvoir dont il disposait à la Haute juridiction, sans pour autant que cela doive aboutir à écarter la caractérisation du délit.

Réquisitions sur la peine. Introduisant la question du quantum des peines requis, l’avocat général pointe des « faits d’une gravité sans précédent au cours de la Ve République ». Il déplore la « banalisation », la « minimisation », le « mauvais feuilleton » dans une « affaire d’une gravité exceptionnelle » au regard des atteintes portées aux institutions. Les termes choisis percutent : pour le magistrat il est question de participation à l’« image délétère », du « tous pourris », l’affect porté « à l’image de notre pays dans le monde », et ces constats doivent tendre vers une « sanction sévère ». Si la virulence des propos tenus laissait présager des réquisitions plus sévères qu’en première instance, elle s’avère finalement trompeuse puisque trois ans intégralement assortis du sursis simple sont requis pour les trois prévenus. Pour Thierry Herzog il sera également requis la peine complémentaire d’interdiction d'exercice de son activité d’avocat pendant cinq ans, et pour Nicolas Sarkozy et Gilbert Azibert la peine complémentaire de cinq ans de privation des droits civiques.

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