Lexbase Affaires n°162 du 7 avril 2005 : Contrats et obligations

[Jurisprudence] Entre vices cachés et défaut de conformité

Réf. : Cass. civ. 1, 8 mars 2005, n° 02-11.594, Mme Régine Moncassin c/ M. Jean-François Lacoste, F-P+B (N° Lexbase : A2458DHI) et 15 mars 2005, n° 02-12.497, Mme Valérie Delhorbe c/ M. Jean-Christophe Jucla, F-P+B (N° Lexbase : A2948DHN)

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le 01 Octobre 2012

La distinction du défaut de conformité et du vice caché, sur laquelle l'occasion a, à de nombreuses reprises, été donnée, ici même, d'insister, a, nul ne n'ignore, fait l'objet de nombreuses hésitations doctrinales et, surtout, jurisprudentielles. Deux arrêts de la première chambre civile de la Cour de cassation des 8 et 15 mars dernier, à paraître au Bulletin, en sont d'ailleurs encore un exemple. A cet égard, le parti pris par la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (directive 1999/44 N° Lexbase : L0050AWR), transposée en droit français par une ordonnance du 17 février 2005 (Ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005, relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur N° Lexbase : L9672G7D ; et notre commentaire N° Lexbase : N4843ABY), consistant à ne retenir qu'une action uniforme englobant défaut de conformité et vice caché devrait, au moins dans le domaine qui est le sien, en l'occurrence dans les rapports entre professionnels et consommateurs, permettre de limiter le contentieux sur la question. Dans le premier arrêt, l'acquéreur d'un véhicule automobile d'occasion, ayant découvert que les désordres affectant le véhicule étaient nettement plus importants que ceux dont il avait été informés par le vendeur, avait assigné celui-ci en résolution de la vente pour vice caché. Et le vendeur de reprocher aux juges du fond d'avoir fait droit à cette demande alors que, selon lui, le fait que l'acquéreur ait été mis au courant par lui du choc dont avait été l'objet le véhicule et des désordres qui en étaient résultés excluait, par hypothèse, l'existence de vices cachés, un vice étant considéré comme apparent lorsque l'acquéreur a été informé par le vendeur du défaut dont est affecté la chose vendue.

L'argumentation n'a toutefois pas convaincu, et à juste raison, la Cour de cassation qui, pour rejeter le pourvoi, relève qu'il n'était pas établi que l'acquéreur "avait été informé de l'importance du choc subi par le véhicule et connaissait l'étendue et la gravité des désordres, par ailleurs indécelables par un acquéreur non professionnel", de telle sorte que "la cour d'appel en a souverainement déduit que ces vices étaient cachés pour l'acquéreur". Autrement dit, afin de savoir si le défaut est ou non caché, il ne suffit pas de se demander, comme le préconisait le pourvoi, si l'acquéreur a été informé, abstraitement ou, si l'on préfère, dans son principe, de l'existence d'un défaut ; encore faut-il savoir s'il a pu avoir connaissance de l'étendue et/ou de la gravité du défaut en question.

Dans le second arrêt, l'acquéreur, ici encore d'un véhicule d'occasion avait appris, par expertise judiciaire ordonnée à la suite d'incidents mécaniques, que le kilométrage réel du véhicule n'était pas celui affiché au compteur, mais lui était supérieur d'au moins cinquante milles kilomètres, et avait, en outre, découvert que le numéro de série du véhicule avait été maquillé. Aussi bien avait-il assigné son vendeur en paiement de dommages et intérêts lui reprochant la dissimulation de ces deux éléments. Les juges du fond, pour le débouter de sa demande, avaient estimé que, s'agissant d'un véhicule d'occasion, le défaut de conformité à sa destination ne pouvait avoir d'autre fondement légal que le vice caché prévu par les articles 1641 et suivants du Code civil (N° Lexbase : L1743AB8) et que, précisément, l'acquéreur n'avait pas fondé expressément sa demande sur la garantie de la chose que le vendeur lui devait. Sans surprise (1), la Cour de cassation censure les premiers juges, sous le visa des articles 1604 (N° Lexbase : L1704ABQ) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, énonçant "qu'en statuant ainsi, alors que les griefs formulés par (l'acquéreur), qu'il s'agisse du kilométrage erroné ou du numéro de série falsifié, caractérisent un manquement à l'obligation de délivrer une chose conforme aux spécifications convenues par les parties, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

David Bakouche
Professeur agrégé des Facultés de droit


(1) D'autant que, selon la jurisprudence, saisis sur le fondement de la garantie des vices cachés, les juges du fond ne peuvent se borner à déclarer l'action irrecevable comme tardive sans rechercher si les faits par eux relevés ne devaient pas s'analyser en un manquement du vendeur à son obligation de délivrance : Cass. civ. 1, 14 février 1989, n° 87-13.539, M. Caudron c/ Société à responsabilité limitée Téléconfort et autre (N° Lexbase : A8921AAN), Bull. civ. I, n° 83, RTDCiv. 1990, p. 158, obs. Normand ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2005, n° 02-12.072, M. Benoit Durand c/ M. Jean-Philippe Blin, F-P+B (N° Lexbase : A2853DGR et notre commentaire N° Lexbase : N4694ABH) ; ou n'étaient pas constitutifs d'un dol : Cass. civ. 1, 16 avril 1991, n° 88-18.530, M. Ravon c/ Etablissements Louis Croquet et autre (N° Lexbase : A3907AH8), Bull. civ. I, n° 144, RTDCiv. 1992, p. 175, obs. Normand ; comp., inversement, sur la requalification d'une action en nullité en demande en garantie des vices cachés, Cass. civ. 1, 12 juillet 2001, n° 99-16.687, Mme Huguette Durrenberger, épouse Fini (N° Lexbase : A1969AUH), JCP éd. G, 2001, IV, 2679.

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