Réf. : Cass. civ. 3, 28 janvier 2021, n° 19-13.490 F-D (N° Lexbase : A15984EW)
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 17 Février 2021
► Le fait que les acquéreurs de l’immeuble aient connu, lors de l’achat du bien, la nature des travaux entrepris et l’absence de souscription d’une assurance dommages-ouvrage, est sans incidence sur la responsabilité des vendeurs dans la survenance des désordres de nature décennale postérieurement à la vente ;
► la clause de non-recours contre le vendeur en cas de vices de construction contrevient aux dispositions d’ordre public des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil.
La clause de non-recours par laquelle l’acquéreur renonce à exercer tout recours contre quiconque relativement à l’état du bien ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité décennale des constructeurs à l’encontre des vendeurs. Cette solution avait été affirmée avec force par la Cour de cassation dans un arrêt destiné à la plus large publication rendu il y a quelques mois (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-22.983 N° Lexbase : A49393K7 et pour l’arrêt de principe, Cass. civ. 3, 14 mai 1996, n° 94-13.921 N° Lexbase : A9787AB4).
La présente espèce est l’occasion d’y revenir. Il faut dire que les clauses de non-recours sont fréquentes dans les actes de vente. Elles sont souvent rédigées en des termes généraux tels que l’acquéreur déclare avoir une parfaite connaissance du bien et de la situation et vouloir en faire son affaire personnelle. Ces clauses conduisent alors les vendeurs constructeurs à penser qu’ils peuvent être exonérés de la mise en œuvre de la responsabilité civile décennale à leur encontre par l’acquéreur qui découvre des désordres de nature décennale après la vente (pour exemple encore, Cass. civ. 3, 11 avril 2012, n° 11-13.198, F-D N° Lexbase : A5866II4).
Dans l’arrêt rapporté, les vendeurs, condamnés par les juges du fond, faisaient valoir que l’acceptation des risques par l’acquéreur constitue une cause d’exonération totale ou partielle du vendeur de l’immeuble. En refusant tout effet exonératoire au fait que les acquéreurs aient connu, lors de l’achat du bien, la nature des travaux entrepris, les risques de survenance des désordres et aient su qu’aucune assurance dommages-ouvrage ou garantie décennale n’avait été souscrite, les conseillers d’appel auraient méconnu les dispositions de l’article 1792 du Code civil.
L’acte authentique reprenait la formule type selon laquelle l’acquéreur prendrait le bien dans l’état où il se trouverait au jour de l’entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur en raison de l’état des constructions ou de leurs vices cachés.
La Haute juridiction rejette le pourvoi. Les juges du fond n’avaient même pas à s’interroger sur l’existence et la validité d’une clause excluant la garantie des vendeurs de l’immeuble. Les vendeurs, réputés constructeurs sur le fondement de l’article 1792-1, sont responsables de plein droit, peu importe que les acquéreurs aient connu, lors de l’achat, la nature des travaux, l’état du bien et l’absence d’assurances.
Cette jurisprudence est, évidemment, favorable à l’acquéreur. Il faut tout de même rappeler qu’en application de l’article 1792-5 du Code civil (N° Lexbase : L1925ABW), les dispositions relatives à la responsabilité décennale des constructeurs sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible d’y déroger conventionnellement.
Se pose alors la question de savoir pourquoi ce type de clause continue d’être stipulée dans les contrats de vente d’immeuble. Elles produisent leurs effets en dehors du champ d’application de la responsabilité des constructeurs (Voir contra par exemple Cass. civ. 3, 16 mai 2019, n° 18-14.483, F-D N° Lexbase : A8349ZBT et sur l’ensemble de cette question C.E. Bucher, La clause d’exclusion de la garantie des vices cachés dans la vente, CCC fev. 2018, form. 2).
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