Réf. : CEDH, 18 décembre 2018, Req. 36658/05, M. c/ Russie (N° Lexbase : A9222YQM)
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N6974BXL
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par June Perot
le 09 Janvier 2019
► Il n’y a pas de violation de l’article 6 §§ 1 et 3 b) (N° Lexbase : L7558AIR) s’il n’est pas établi en quoi la requérante a été empêchée de visionner une vidéo de surveillance policière, cela n’ayant, en tout état de cause, eu aucune conséquence sur l’équité du procès puisque le but poursuivi par le visionnage était de vérifier l’exactitude de la transcription de l’enregistrement projeté et qu’il suffisait pour cela d’en écouter la bande audio ;
► après avoir révisé sa jurisprudence sur la convocation et l’interrogation de témoins à décharge, la Cour juge en particulier que la défense n’a pas précisé en quoi les dépositions de ces témoins auraient renforcé sa position, que les juridictions internes ont suffisamment motivé leurs décisions et que l’absence d’audition de ces deux témoins au procès n’a pas nui à l’équité globale du procès ; enfin, la Cour, à la majorité, déclare irrecevable pour défaut de fondement un grief fondé sur l’article 6 §§ 1 et 3 d) concernant le défaut de comparution d’un autre témoin, un policier ; la Cour conclut que la requérante a effectivement renoncé à son droit de l’interroger.
Telle est la substance d’un arrêt rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme le 18 décembre 2018 (CEDH, 18 décembre 2018, Req. 36658/05, M. c/ Russie N° Lexbase : A9222YQM).
Les faits de l’espèce concernaient une ressortissante russe qui se plaignait de sa condamnation pour des faits de terrorisme. Elle soutenait que son procès n’avait pas été équitable car, d’une part, elle n’avait pas eu la possibilité de bien visionner une vidéo de surveillance policière projetée lors de l’audience et, d’autre part, parce qu’elle n’avait pas eu la possibilité d’interroger trois témoins à décharge que les juridictions internes avaient refusé de citer à comparaître.
La Cour européenne des droits de l’Homme a été saisie.
Sur la question du visionnage de la vidéo de surveillance lors de l’audience, la Cour observe qu’une seule vidéo de surveillance a été projetée à l’audience, à la demande de la défense qui souhaitait visionner cette cassette précise de manière à vérifier l’exactitude de la transcription. A aucun moment la défense n’a demandé à visionner les autres vidéocassettes dont il est incontesté qu’elles auraient pu être projetées au prétoire si l’une des parties en avait fait la demande. En outre, les transcriptions des conversations tirées de ces enregistrements ont été versées au dossier pénal et pouvaient être examinées.
Quant aux difficultés techniques que, selon ce qui était allégué en appel, la projection de la vidéocassette avait connues, la requérante n’a précisé ni devant les tribunaux internes ni devant la Cour en quoi elles consistaient. Par ailleurs, ni le procès-verbal d’audience ni les autres pièces du dossier n’indiquent qu’elle se serait plainte de la qualité de la bande audio de l’enregistrement. Aucune «conséquence» quant à un manque d’équité de la procédure ne peut être tirée du seul défaut de production par le Gouvernement des schémas du prétoire et du système de projection vidéo, que dénonce la requérante.
Ensuite, sur l’audition des témoins, la Cour estime que, la défense ayant argué que les témoins instrumentaires n’auraient pas simplement témoigné sur les modalités de la fouille, ces témoins pouvaient être considérés comme des «témoins à décharge» au sens de la Convention.
La Cour révise et précise ensuite les principes précédemment énoncés dans l’arrêt «Perna c/ Italie» (CEDH, 6 mai 2003, Req. 48898/99, P. c/ Italie N° Lexbase : A9170B4E) concernant les demandes d’interrogation de témoins à décharge. Ces principes consistaient à examiner si le requérant avait étayé sa demande d’audition de témoin et si le refus par les juridictions internes d’auditionner le témoin avait nui à l’équité globale du procès. La Cour observe qu’elle a toujours analysé la manière dont les juridictions internes se sont prononcées sur une demande d’audition de témoin, ce qui signifie qu’un troisième élément doit être pris en considération, celui de savoir si les juridictions internes ont examiné la pertinence du témoignage en question et ont suffisamment motivé leur décision de ne pas auditionner le témoin.
La Cour formule ainsi un nouveau critère en trois branches pour l’examen des futures affaires et apporte des indications sur son application. Dans l’espèce, la Cour estime que la défense n’a formulé aucun argument de fait ou de droit particulier ni précisé en des termes concrets en quoi ces deux témoignages auraient pu renforcer la position de la défense. Sur le deuxième élément du critère, elle observe que si le tribunal de première instance n’a pas motivé son rejet de la demande d’audition de témoins formulée par la défense, la Cour suprême a avancé des motifs appropriés et correspondant à ceux de la défense.
Elle conclut enfin que la décision des juridictions internes de ne pas auditionner les deux témoins n’a pas nui à l’équité globale du procès en ce que la condamnation la requérante reposait sur d’abondantes pièces à conviction et que ses défenseurs ont pu confronter les témoins à charge et exposer leur version des faits.
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