Réf. : CA Poitiers, 27 novembre 2018, n° 18/01644 (N° Lexbase : A3026YNE)
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par Vincent Téchené
le 12 Décembre 2018
► Le choix du mandataire judiciaire par la juridiction n'est pas de nature discrétionnaire puisqu'il doit être «spécialement motivé» lorsqu'il ne répond pas à la proposition du ministère public (C. com., art. L. 621-4, al. 5 N° Lexbase : L2760LBT). Et, s'il relève du pouvoir souverain des juges, il doit reposer sur des critères objectifs pour écarter un mandataire et en l'occurrence le mandataire proposé, ceci devant résulter de la motivation spéciale. Il appartient donc à la cour d'un appel sur ce point de contrôler l'existence et la pertinence de la motivation spéciale. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la cour d’appel de Poitiers le 27 novembre 2018 (CA Poitiers, 27 novembre 2018, n° 18/01644 N° Lexbase : A3026YNE).
En l’espèce, pour la cour d’appel, le premier volet de la motivation du tribunal peut être résumé ainsi : constatant une diminution du nombre d'ouverture des procédures collectives, le tribunal choisit de privilégier les études qui embauchent des collaborateurs et qui sont labellisées AGS. Ce faisant, le tribunal introduit une notion de discrimination entre les études de mandataires judiciaires, non eu égard à leur capacité concrète d'exercer la mesure dans l'intérêt du débiteur, lequel n'est à aucun moment évoqué, mais d'ordre général dans le cadre d'un pré-supposé. En outre, il ajoute un critère non visé par la loi, à savoir le label AGS, sans préciser en quoi ce label protégerait particulièrement les intérêts de la société placée en redressement judiciaire. Le deuxième volet de la motivation, est rédigé à la forme interrogative ce qui parait contraire à la notion même de prise de décision et laisse entrevoir l'existence d'une crise de confiance, le cas échéant, réciproque, entre l'étude de mandataire proposée par le ministère public et la juridiction commerciale dans son entier, sans pour autant que ne soit articulé un grief précis. Elle est de ce fait dénuée de pertinence.
Ainsi, pour la cour d’appel, la motivation du tribunal rejetant la proposition de nomination faite par le ministère public, et désignant un autre mandataire n'apporte aucun élément objectif sur la moindre capacité de l’intéressé à assurer la mission, ni sur l'intérêt particulier du débiteur à bénéficier de la désignation d'un autre mandataire que celui proposé par le ministère public. En effet, les critères retenus par le tribunal sont sans lien avec l'intérêt de l'entreprise placée en redressement et il n'est pas précisé en quoi le choix fait aurait une influence sur la qualité de la prestation apportée par l'une ou l'autre des études à la situation concrète du débiteur.
Par conséquent, la cour d’appel infirme le jugement sur la disposition relative à la désignation du mandataire judiciaire et, statuant à nouveau de ce chef, désigne le mandataire proposé par le ministère public en qualité de liquidateur judiciaire (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E9197ETS).
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