Dans un arrêt rendu le 9 décembre 2010, la première chambre civile de la Cour de cassation a retenu la responsabilité délictuelle d'un notaire au motif que ce dernier a manqué à son obligation de conseil en n'informant pas sa cliente de l'existence de solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale (Cass. civ. 1, 9 décembre 2010, n° 09-16.531, F-P+B+I
N° Lexbase : A7107GM8). En l'espèce, le notaire a procédé au partage des biens et à la déclaration de la succession de M. Jacques M. est décédé en laissant pour héritiers, son épouse, ses trois enfants vivants ainsi que deux petites filles venant en représentation de leur père, Henry M. fils prédécédé du défunt. Sans que cela soit mentionné dans l'acte de partage, la veuve a pris en charge et réglé par l'intermédiaire du notaire l'intégralité des droits de succession pour un montant de 9 263 002,30 euros, grâce à la vente d'actions qui lui avaient été transmises en pleine propriété. Estimant que le paiement de ces droits de succession constituait une libéralité déguisée au profit de ses enfants, l'administration fiscale lui a notifié une rectification mais Mme M. est décédée peu de temps après sa fille. Les trois héritières de cette dernière, Corinne, Laëtitia et Sophie D., amenées à payer chacune la somme de 236 958 euros au titre des droits de mutation et la somme de 63 102 euros au titre des intérêts de retard, sans bénéficier de la succession de leur mère dont le patrimoine a été transmis à leur père par l'effet de la clause d'attribution de la communauté universelle au conjoint survivant convenue entre leurs parents, ont assigné le notaire en réparation de leur préjudice sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil. Cette action a été favorablement accueillie par la cour d'appel de Paris qui a retenu que le préjudice des héritières devait s'analyser en une perte de chance de voir leur grand-mère opter, éventuellement, pour une autre solution fiscale. Toutefois, en statuant ainsi, sur le fondement de la perte de chance, quand, en n'informant pas Mme M. des solutions fiscales régulières au regard de son intention libérale, dont il n'était pas contesté qu'elles existaient, le notaire, qui a concouru à la donation déguisée en méconnaissance des dispositions fiscales, a ainsi exposé les héritières de la donatrice au paiement du redressement et des intérêts de retard, lequel constitue un préjudice entièrement consommé dont l'évaluation commande de prendre en compte l'incidence financière des solutions fiscales licitement envisageables, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil (
N° Lexbase : L1488ABQ). L'arrêt attaqué est donc cassé et les parties renvoyées devant la même juridiction autrement composée.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable