La lettre juridique n°255 du 5 avril 2007 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] ISF : délai de prescription applicable en cas de contrôle de la qualification de biens professionnels

Réf. : Cass. com., 20 février 2007, n° 05-17.953, Directeur général des impôts, F-P+B (N° Lexbase : A4256DU8)

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N6222BAP

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

Confirmant la doctrine administrative, la Cour de cassation vient de préciser, le 20 février 2007, que seule la prescription décennale était applicable pour le contrôle de la qualification de biens professionnels déclarés. Selon la Cour, l'administration avait été conduite à procéder à des recherches ultérieures pour prouver l'exigibilité des droits éventuellement omis. Or, la nécessité d'effectuer de telles recherches permet d'écarter la courte prescription, dite "abrégée", prévue à l'article L. 180 du LPF (N° Lexbase : L8488AE4). En effet, on sait que cette prescription abrégée, qui permet d'exercer un contrôle jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle de l'enregistrement, n'est applicable que lorsque l'administration a été mise à même de constater, dès le jour du dépôt de la déclaration d'impôt sur la fortune, l'existence du fait juridique imposable, sans qu'il soit nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.
1. Conditions d'application de la prescription abrégée

Lorsque l'exigibilité des droits est suffisamment révélée par l'enregistrement d'un acte ou d'une déclaration, l'administration ne dispose que du délai de prescription abrégée pour effectuer un redressement. Mais, ce délai ne lui est pas opposable s'il est nécessaire d'effectuer des recherches pour constater l'omission, auquel cas le droit de reprise de l'administration s'exerce pendant dix ans à compter du fait générateur de l'impôt (LPF, art. L. 186 N° Lexbase : L8360AED). L'appréciation de cette notion de "recherches" s'avère délicate. Selon la doctrine administrative, l'obligation de rapprocher deux actes pour déceler l'opération imposable permet, en principe, d'écarter la courte prescription (Doc. adm. 13 L 1214, du 1er juillet 2002, n° 17). Cependant, il a été jugé que le rapprochement de deux actes, présentés à l'enregistrement à la même recette à quelques jours d'intervalle, révélant une mutation non taxée, doit être réalisée dans le délai de prescription abrégée (Cass. com., 19 juin 1990, n° 89-11.936, DGI c/ SA BJ N° Lexbase : A7585AX9 ; dissimulation d'une cession de fonds de commerce sous couvert, d'une part, d'une résiliation de bail moyennant indemnité et, d'autre part, d'une vente de matériel et de mobilier par le preneur au bailleur). En revanche, lorsque les indications mentionnées dans les testaments enregistrés ne permettent, à eux seuls, de déterminer la situation exacte et la consistance des biens dépendant de l'hérédité et que des investigations complémentaires sont nécessaires, de même que le rapprochement avec d'autres actes, la prescription décennale est applicable (Cass. com., 23 octobre 1979, n° 78-10.044, Consorts Nouri N° Lexbase : A8308DUA). De même, la prescription abrégée ne peut être revendiquée par les héritiers, lorsque le montant du solde créditeur d'un livret de Caisse d'épargne est indiqué dans la déclaration de succession pour un montant inférieur au montant réel (Cass. com., 9 mars 1993, n° 91-11.303, Mlle Carrère-Bourdou N° Lexbase : A5541ABT). Dans cette espèce, les héritiers soutenaient qu'il n'y avait pas omission partielle mais une simple insuffisance d'évaluation, dont on sait qu'elle doit être réparée dans le délai de prescription abrégée.

2. Prescription abrégée et impôt de solidarité sur la fortune

L'article 885 D du CGI (N° Lexbase : L8776HLM) a pour conséquence de rendre applicable à l'ISF les délais de prescription prévus aux articles L. 180 et L. 186 du LPF. La nature de la prescription applicable se pose, tout d'abord, en matière de recherche de défaillants ou lorsqu'une personne dépose une déclaration selon laquelle il n'est pas redevable de cet impôt. Elle se pose, également, s'agissant du contrôle de la valeur de certains biens ou à propos de la qualification de biens professionnels.

En matière de recherche de défaillants, ce qui vise les redevables de l'ISF qui ne procèdent pas au dépôt d'une déclaration, la prescription ne peut être que décennale, le service ayant besoin de recourir à des recherches, soit dans le dossier du contribuable, comme, par exemple, l'examen des extraits d'actes et des déclarations d'impôt sur le revenu permettant de reconstituer un patrimoine en fonction des revenus mobiliers ou immobiliers déclarés, soit auprès de tiers, comme l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires. Par ailleurs, si un redevable de cet impôt adresse une déclaration faisant apparaître un patrimoine d'une valeur inférieure au seuil d'imposition, seule la prescription décennale est applicable, puisque la courte prescription ne court que dans l'hypothèse où l'exigibilité de l'impôt est suffisamment révélée à l'administration par le document (Doc. adm. 7 S 61, du 1er octobre 1999, n° 2). Il en est de même lorsque la cession d'un bien immobilier de grande valeur révèle la situation d'assujetti de l'ISF du vendeur. En effet, cette cession ne peut valoir connaissance de l'intégralité des biens détenus par le redevable (Cass. com., 13 décembre 2005, n° 03-19.698, F-D N° Lexbase : A1209DMQ). La prescription décennale est, également, applicable quand bien même les diverses déclarations faites par le contribuable, déclaration de droit de bail, de cessation d'activité professionnelle, aurait permis à l'administration de connaître une partie de son patrimoine (Cass. com., 27 janvier 1998, n° 96-13.260, Monsieur Bourlon de Rouvre N° Lexbase : A2674ACZ). Pour établir l'assiette exacte à soumettre à l'impôt de solidarité sur la fortune, le service était dans l'obligation d'effectuer des recherches ultérieures.

Quand il s'agit de contrôler la valeur des biens mentionnés dans la déclaration, il doit être distingué selon la nature des biens. La valeur des biens immobiliers doit être contestée dans le délai de prescription abrégée. Un tel contrôle ne porte que sur la liquidation des droits et non sur leur exigibilité. Cependant la frontière entre liquidation des droits et omission n'est pas solidement établie. En effet, s'agissant de titres de sociétés non cotées, le juge exige, pour l'application de la courte prescription, que l'annexe de la déclaration fasse état de la méthode d'évaluation retenue et des tous les éléments de calcul permettant de justifier la valeur déclarée (CA Paris, 1ère ch., sect. B, 3 mars 2006, n° 04/03456, M. Jean Buffat et autres N° Lexbase : A6128DPN). Autrement dit, en exigeant du redevable, comme condition de l'application de la prescription abrégée, qu'il indique tous les éléments de ses calculs, le juge fait de cette prescription l'exception, la règle étant la prescription décennale. De même, la prescription "longue" est applicable lorsque le service doit effectuer des recherches pour constater la participation exacte du redevable, celle-ci étant présentée comme minoritaire et s'avérant, en réalité, majoritaire (TGI Paris, 13 juillet 1983, Matarasso).

S'agissant du contrôle de la qualification de biens professionnels déclarés, la doctrine administrative précise que, l'administration étant conduite à procéder à des recherches pour contester cette qualification, seule la prescription décennale est applicable (Rép. min. Féron, 29 avril 1996, p. 2318). C'est cette doctrine qui vient d'être confirmée par la Haute juridiction dans la décision du 20 février 2007.

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