Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 9 mai 2025, n° 496935, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A71790RC
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N2567B3H
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par Adèle Chikouche, Avocate, Droit des affaires
le 28 Juillet 2025
Mots-clés : droit à l’erreur • contribuable • revenus de capitaux mobiliers • déclaration fiscale • réclamation contentieuse
Dans une décision du 9 mai 2025, le Conseil d’État rappelle avec fermeté le régime applicable aux corrections tardives de déclaration fiscale ainsi que la portée de la convention fiscale franco-espagnole en matière d’imposition des revenus de capitaux mobiliers. Saisi pour la seconde fois dans cette affaire, il statue définitivement sur un litige opposant des contribuables résidents français à l’administration fiscale, à la suite de la remise en cause de revenus déclarés au titre de l’année 2016.
M. et Mme A. B. avaient perçu des intérêts à hauteur de 692 069 euros issus de prêts participatifs consentis à une société espagnole, Publiolimpia SL. À la suite d’une enquête pénale visant le gérant de cette société, soupçonné de fraude consistant à rembourser certains investisseurs avec les apports d'autres, ils avaient entrepris, via le dispositif de « correction en ligne », de réduire drastiquement les revenus initialement déclarés, en les ramenant à 5 012 euros. L’administration avait rejeté cette correction qu’elle avait regardée comme une réclamation contentieuse tardive.
La Cour administrative d’appel de Paris, statuant sur renvoi du Conseil d’État, avait accueilli leur demande. Toutefois, le Conseil d’État, saisi en second pourvoi, censure cette décision : la Cour a, selon lui, méconnu les dispositions des articles L. 190 N° Lexbase : L1450MD3 et R. 190-1 N° Lexbase : L5264MMW du Livre des procédures fiscales en considérant que l'administration devait engager une procédure de rectification. Il rappelle qu’une déclaration rectificative opérée après l’expiration du délai de déclaration constitue une réclamation contentieuse. En l’espèce, la démarche initiée via l’espace personnel impots.gouv.fr postérieurement au 31 mai 2017 s’analysait comme telle. Le communiqué du 21 juillet 2017 relatif au service de télé correction, qui ne comporte aucune interprétation de la loi fiscale, ne saurait fonder une exception sur le fondement de l’article L. 80 A LPF N° Lexbase : L6958LLB.
Dès lors, l’administration était fondée à asseoir l’imposition sur la base des revenus initialement déclarés. Il appartenait donc aux contribuables de démontrer le caractère exagéré de cette imposition, preuve qu’ils ne rapportaient pas. Le Conseil d’État rappelle ici une jurisprudence constante : il revient au requérant, dans une instance sur réclamation contentieuse, d’apporter les justifications nécessaires quant à l’erreur d’imposition.
Sur le fond, le Conseil confirme que les intérêts litigieux entraient bien dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers imposables en France. Le domicile fiscal des contribuables n’était pas discuté : résidents français au sens de l’article 4 B CGI N° Lexbase : L5561M8H, ils étaient imposables à raison de l’ensemble de leurs revenus mondiaux (CGI, art. 4 A N° Lexbase : L1009HLX). La source étrangère des intérêts ne modifiait pas ce régime : la rémunération perçue correspondait bien à des produits de créances au sens des articles 124 et 125 CGI. La circonstance que le capital prêté n’aurait pas été remboursé restait, au surplus, non établie et inopérante.
L’argumentation fondée sur la convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 est également écartée. Certes, en application de l’article 11, les intérêts de source espagnole sont imposables dans l’État de résidence du bénéficiaire (la France), et peuvent l’être également en Espagne dans la limite de 10 % du montant brut. Cependant, pour prétendre à un crédit d’impôt en France, encore faut-il établir que l’impôt espagnol a effectivement été acquitté. Or, les requérants n’apportaient aucune preuve en ce sens. La double imposition visée à l’article 24 de la convention ne pouvait donc être écartée que sur le fondement d’un crédit d’impôt constaté, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Ainsi, le Conseil d’État annule l’arrêt d’appel et, statuant définitivement au fond conformément à l’article L. 821-2 CJA, rejette l’appel de M. et Mme A. B. Il leur rappelle implicitement l’importance du respect des délais et procédures déclaratives, y compris dans le cadre, a priori assoupli, des corrections en ligne. L'administration conserve une grande marge d’appréciation sur la recevabilité des rectifications tardives. Le recours aux services numériques ne saurait, en soi, modifier la nature contentieuse d’une démarche ou inverser la charge de la preuve.
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