Réf. : Cass. civ. 1, 2 octobre 2024, n° 23-50.002, FS-B+R N° Lexbase : A778457G et n° 22-20.883, FS-B+R N° Lexbase : A7775574 ; communiqué de la Cour de cassation
Lecture: 5 min
N0576B3Q
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné-Clément
le 14 Octobre 2024
► La Cour de cassation détermine les éléments qui doivent figurer dans la décision de justice étrangère relative à une GPA pratiquée dans un autre pays, fixant ainsi un certain nombre de garanties pour admettre qu’une telle décision produise des effets en France ; lorsque la décision présente ces garanties, la filiation doit alors être reconnue en France conformément à la spécificité de la filiation construite par le droit étranger.
Affaires. Dans chacune de ces deux affaires, un couple d’hommes résidant en France s’était rendu à l’étranger (au Canada, dans l’affaire n° 1 : Cass. civ. 1, 2 octobre 2024, n° 22-20.883, FS-B+R N° Lexbase : A7775574 ; en Californie dans l’affaire n° 2 : Cass. civ. 1, 2 octobre 2024, n° 23-50.002, FS-B+R N° Lexbase : A778457G) pour recourir à une GPA. Dans chacun de ces pays, une décision de justice avait déclaré que les deux hommes étaient les pères légaux des enfants.
Le couple avait ensuite saisi la justice française pour demander l’exequatur de ces décisions :
Contrôle du juge sur l’application en France des décisions de justice étrangères. Dans l’affaire n° 1, la question soulevée devant la Cour de cassation était de savoir quel contrôle le juge français doit-il exercer lorsqu’il lui est demandé l’exequatur d’une décision de justice étrangère qui établit la filiation d’un enfant né d’un GPA faite à l’étranger ? Il s’agissait plus particulièrement de savoir quel est le degré de motivation attendu d’un jugement étranger.
Il ressort de la décision de la Cour de cassation que, pour être reconnu en France et permettre ainsi à l’enfant d’obtenir un acte de l’état civil français, un jugement étranger établissant une filiation sur le fondement d’un contrat de GPA doit avoir été rendu par un juge compétent, ne pas avoir été obtenu par fraude et respecter l’ordre public français en matière internationale.
Au-delà, la motivation sur laquelle repose la décision de justice étrangère doit permettre de vérifier :
Ces vérifications sont fondées sur l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au respect de la vie privée.
Dans cette affaire, ayant relevé que le jugement étranger ne précisait pas les qualités des différentes personnes qui y étaient mentionnées ni, le cas échéant, leur consentement à une renonciation à leurs éventuels droits parentaux, la cour d'appel avait justement retenu que la motivation de cette décision était défaillante.
Après avoir constaté que, malgré la réouverture des débats ordonnée à cette fin par le tribunal judiciaire et la position soutenue en ce sens devant elle par le ministère public, les pères d’intention n'avaient produit aucun élément de nature à servir d'équivalent à une telle motivation, la cour d'appel n'avait pu qu'en déduire que le jugement heurtait l'ordre public international français.
La Cour de cassation rejette alors le pourvoi.
Dans la seconde affaire, la question soulevée était de savoir si, en ayant bénéficié de l’exequatur, une décision de justice étrangère qui déclare que des parents d’intention sont les parents légaux d’un enfant né d’une GPA faite à l’étranger, peut-elle produire les effets d’une adoption plénière en France ?
La réponse de la Cour de cassation est très claire : lorsque, sans prononcer d'adoption, un jugement étranger établissant la filiation d'un enfant né d'une gestation pour autrui est revêtu de l'exequatur, cette filiation est reconnue en tant que telle en France et produit les effets qui lui sont attachés conformément à la loi applicable à chacun de ces effets.
Autrement dit, la filiation doit être reconnue par la France dans le respect de la spécificité de la filiation construite par le droit étranger.
Aussi, en l’espèce, dès lors que la décision revêtue de l'exequatur n'était pas un jugement d'adoption, la Cour de cassation censure l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris qui avait décidé que cette décision produirait en France les effets d'une adoption plénière.
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:490576