Le Quotidien du 13 juin 2024 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Conditions de l’atteinte au droit moral de l’auteur d’une musique de film

Réf. : Cass. civ. 1, 5 juin 2024, n° 22-24.462, F-B N° Lexbase : A23865GH

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[Brèves] Conditions de l’atteinte au droit moral de l’auteur d’une musique de film. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/108493524-brevesconditionsdelatteinteaudroitmoraldelauteurdunemusiquedefilm
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par Vincent Téchené

le 14 Juin 2024

► L'exploitation d'une musique de film n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur, y ayant consenti, qu'autant qu'elle risque d'altérer l'œuvre ou de déconsidérer celui-ci ;

Dès lors que l'éditeur est tenu d'assurer à l'œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu'une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession et de rendre compte au moins une fois par an, des manquements prolongés de l'éditeur à ses obligations au cours des cinq années précédant l'assignation peuvent justifier une résolution de contrat conclu avec l'auteur.

Faits et procédure. Une société de production a confié l'écriture et l'enregistrement de la bande sonore d'un documentaire consacré à un film intitulé L'Enfer à un auteur-compositeur et conclu, en avril 2009, avec celui-ci un contrat de commande et un contrat de cession et d'édition d'œuvre musicale.

En 2018, à la suite de la transmission par l’auteur-compositeur d'une proposition d'achat de droits d'exploitation d'un extrait de cette œuvre musicale émanant d'une agence de publicité new-yorkaise en vue d'illustrer des films publicitaires, la société de production a accordé à cette agence une licence d'exploitation.

Le 22 février 2019, l’auteur, estimant, d'une part, que cette utilisation de son œuvre constituait une altération de celle-ci et avait donné lieu à une rémunération insuffisante et, d'autre part, que le producteur n'avait pas satisfait à son obligation d'exploitation et de lui rendre des comptes, a assigné celui-ci en résiliation des contrats de commande et de cession et d'édition et paiement d'indemnités.

La cour d’appel (CA Paris, 5-1, 11 janvier 2023, n° 21/05478 N° Lexbase : A34809DA) ayant rejeté l’ensemble des demandes de l’auteur, ce dernier a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation approuve d’abord l’arrêt d’appel d’avoir énoncé que l'exploitation d'une musique de film n'est de nature à porter atteinte au droit moral de l'auteur, y ayant consenti, qu'autant qu'elle risque d'altérer l'œuvre ou de déconsidérer celui-ci.

Or, l’auteur avait autorisé l'utilisation secondaire d'extraits de la musique pour la sonorisation de films publicitaires, par essence de courte durée, impliquant donc des coupes de l'œuvre musicale. En outre, la suppression de la fin d'une phrase mélodique, l'adjonction d'un « reverb » et d'un bruitage ne constituaient pas une dénaturation ou un détournement de l'œuvre ou de son interprétation. Par ailleurs, les vidéos incriminées, reprenant l'univers sensuel et aquatique de l'œuvre originale et associant un créateur réputé dans le domaine du luxe, étaient exemptes de toute circonstance dévalorisante pour l'œuvre, son auteur ou son interprète. Ainsi, pour la Haute juridiction, la cour d'appel n'a pu qu'écarter comme non caractérisées les atteintes invoquées au droit de l'auteur au respect de son œuvre et au droit de l'artiste au respect de son interprétation.

Ensuite, sur la prescription, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Cependant, elle énonce que dès lors que l'éditeur est tenu, selon l’article L. 132-12 du Code de la propriété intellectuelle N° Lexbase : L8384I4B, d'assurer à l'œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu'une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession et, selon l’article L. 132-13 N° Lexbase : L8383I4A, de rendre compte au moins une fois par an, des manquements prolongés de l'éditeur à ses obligations au cours des cinq années précédant l'assignation peuvent justifier une résolution de contrat conclu avec l'auteur.

La cour d’appel aurait dû rechercher si les manquements imputés au producteur ne s'étaient pas poursuivis pendant la période non prescrite.  

La Cour de cassation censure donc l’arrêt d’appel en ce qu’il a déclaré prescrites les demandes en résiliation des contrats de commande ainsi que de cession et d'édition de la musique originale et en dommages-intérêts de ces chefs.

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