Le Quotidien du 21 mars 2023

Le Quotidien

Avocats/Honoraires

[Brèves] Quid de l’honoraire de résultat fondé sur une prétention abandonnée par l’adversaire ?

Réf. : Cass. civ. 2, 9 février 2023, n° 21-20.646, F-D N° Lexbase : A80039CE

Lecture: 3 min

N4731BZA

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Mars 2023

► L'abandon d’une prétention par un adversaire ne prive pas l’avocat de la base même de calcul de son honoraire… 

Faits et procédure. Un client avait confié à une avocate la défense de ses intérêts dans la procédure de divorce qui l'opposait à son épouse et avait signé une convention d'honoraires. Un différend étant survenu sur le montant des honoraires, l'avocat avait saisi le Bâtonnier de son Ordre, qui, par décision du 9 septembre 2020, avait fixé les honoraires dus par le client. L’avocate formait un pourvoi contre l'ordonnance rendue le 4 juin 2021 par le premier président de la cour d'appel de Pau dans cette affaire.

Ordonnance. Pour rejeter la demande de l'avocate au titre d'un honoraire de résultat, l'ordonnance constatait, d'abord, que la convention d'honoraires conclue entre les parties prévoyait un honoraire de résultat, notamment, en fonction des sommes économisées par le client par rapport aux prétentions de l'épouse au titre de la prestation compensatoire. Elle énonçait, ensuite, qu'il était rapidement apparu, postérieurement à l'ordonnance de non-conciliation du 19 juillet 2018 qui autorisait le notaire désigné pour établir un projet de liquidation à consulter la cellule FICOBA, que la situation respective des parties n'ouvrait aucune réelle perspective à la prétention de l'épouse relative à la prestation compensatoire. Elle retenait, encore, que, s'il n'était pas contestable que les diligences de l'avocate avaient favorisé l'émergence d'un accord favorable aux intérêts de son client, force était de constater que l'assiette de calcul de son honoraire de résultat, à savoir la prétention initiale par la suite abandonnée par l'épouse au titre d'une prestation compensatoire, ne pouvait être retenue en l'espèce pour calculer cet honoraire.
L'ordonnance ajoutait, enfin, que l'abandon de cette prétention par l'épouse, sans qu'il ne soit au demeurant démontré que celui-ci soit intervenu du seul fait de la stratégie développée par l'avocate, privait cette dernière de la base même de calcul de son honoraire, alors qu'aucune convention spécifique d'honoraires n'avait par ailleurs été conclue pour prévoir un éventuel honoraire de résultat concernant les négociations conduites devant le notaire.

Réponse de la Cour. La Cour censure le raisonnement de la juridiction du fond. Elle rappelle qu’il se déduit de l'article 10 de loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : Z08982NQ qu'est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu, qui peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu. Dès lors, en statuant comme il l’a fait, alors que la convention d'honoraires prévoyait un honoraire de résultat sans distinguer selon que ce dernier était obtenu de façon contentieuse ou amiable, le premier président, qui a refusé d'évaluer cet honoraire, alors qu'il avait fait ressortir que l'avocate avait contribué au résultat obtenu consistant en une économie pour le client, a violé le texte précité.

La Cour casse et annule l'ordonnance rendue le 4 juin 2021, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Pau.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les honoraires, émoluments, débours et modes de paiement des honoraires, L'appréciation souveraine du montant des honorairesin La profession d’avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E37823RI.

 

newsid:484731

Concurrence

[Brèves] Concentration d’entreprises : analyse d’une opération de dimension non communautaire située en dessous des seuils de contrôle national

Réf. : CJUE, 16 mars 2023, aff. C-449/21 N° Lexbase : A82509HZ

Lecture: 4 min

N4739BZK

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par Vincent Téchené

Le 22 Mars 2023

► Une opération de concentration d’entreprises, dépourvue de dimension communautaire, située en dessous des seuils de contrôle ex ante obligatoire prévus par le droit national et n’ayant pas donné lieu à un renvoi à la Commission européenne, peut être analysée par une autorité de concurrence d’un État membre comme étant constitutive d’un abus de position dominante prohibé à l’article 102 TFUE au regard de la structure de la concurrence sur un marché de dimension nationale.

Faits et procédure. La libéralisation de l’espace audiovisuel français en 2005 a notamment permis à Towercast et Itas, opérateurs concurrents de TDF qui détenait alors un monopole, d’entrer sur le marché de la diffusion. En 2016, TDF a pris le contrôle exclusif d’Itas grâce à une opération d’acquisition située en dessous des seuils prévus par le Règlement sur le contrôle des concentrations  (Règlement n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises N° Lexbase : L6036DNU) et par le Code de commerce français (C. com., art. L. 430-2 N° Lexbase : L2044KGS) : elle n’a donc pas fait l’objet d’une notification ni d’un examen au titre du contrôle préalable des concentrations. Cette opération n’a pas davantage donné lieu à une procédure de renvoi à la Commission en application de l’article 22 du Règlement sur le contrôle des concentrations.

Towercast estime que la prise de contrôle d’Itas par TDF constitue une infraction à l’interdiction de l’abus de position dominante prévue par le droit primaire de l’Union (TFUE, art 102 N° Lexbase : L2399IPK). Selon Towercast, TDF entrave la concurrence sur les marchés de gros amont et aval de la diffusion des services de TNT, en renforçant significativement sa position dominante sur ces marchés.

L’Autorité française de la concurrence ayant rejeté la plainte de Towercast, cette dernière a interjeté appel devant la cour d’appel de Paris (CA Paris, 5-7, 1er juillet 2021, n° 20/04300 N° Lexbase : A21829IN).

Question préjudicielle. Cette juridiction demande à la CJUE s’il est possible pour une autorité nationale de concurrence de contrôler a posteriori, compte tenu de l’interdiction de l’abus de position dominante prévue par le droit de l’Union, une opération de concentration réalisée par une entreprise en position dominante, lorsque cette concentration reste en deçà des seuils de chiffres d’affaires pertinents prévus par le Règlement sur le contrôle des concentrations et par le droit national des concentrations et qu’elle n’a donc pas fait l’objet d’un contrôle ex ante en ce sens.

Décision. La CJUE juge qu’une opération de concentration de dimension non communautaire peut faire l’objet d’un contrôle par les autorités nationales de concurrence et par les juridictions nationales au titre de l’effet direct de l’interdiction de l’abus de position dominante prévue par le droit de l’Union, recourant pour cela à leurs propres règles procédurales. La Cour souligne en effet que, nonobstant le principe d’application exclusive du Règlement précité aux opérations de concentration, c’est bien le droit procédural des États membres qui trouve à s’appliquer aux concentrations de dimension non communautaire.

Elle précise que le système du guichet unique instauré par le Règlement sur le contrôle des concentrations constitue un instrument procédural spécifique. Il est exclusivement applicable aux concentrations d’entreprises impliquant des modifications structurelles importantes dont l’effet sur le marché s’étend au-delà des frontières d’un État membre. Il n’y a pas lieu, selon la Cour, d’en déduire que le législateur de l’Union a entendu rendre sans objet le contrôle opéré au niveau national d’une opération de concentration au regard de l’interdiction des abus de position dominante prévue par le droit primaire.

Par conséquent, elle considère que le contrôle préalable des opérations de dimension communautaire mis en place par le Règlement sur le contrôle des concentrations n’exclut pas un contrôle ultérieur des opérations de concentration n’atteignant pas ce seuil : certaines concentrations peuvent, tout à la fois, échapper à un contrôle préalable et faire l’objet d’un contrôle ultérieur.

Lors d’un tel contrôle ultérieur au regard de l’interdiction d’abus de position dominante, l’autorité saisie doit vérifier si l’acquéreur qui est en position dominante sur un marché donné et qui a pris le contrôle d’une autre entreprise sur ce marché a, par ce comportement, entravé substantiellement la concurrence sur le même marché.

newsid:484739

Contrat de travail

[Brèves] CDD successifs : pas de rupture anticipée du CDD pour faute grave si les faits reprochés sont commis au cours du CDD précédent

Réf. : Cass. soc., 15 mars 2023, n° 21-17.227, FS-B N° Lexbase : A80089H3

Lecture: 2 min

N4749BZW

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par Charlotte Moronval

Le 20 Mars 2023

► La faute de nature à justifier la rupture anticipée d’un CDD doit avoir été commise durant l’exécution de ce contrat : l’employeur ne peut pas se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d'effet du contrat pour justifier sa rupture.

Faits et procédure. En l’espèce, une salariée est embauchée sans interruption dans le cadre de trois CDD successifs. Son employeur rompt de manière anticipée son dernier contrat pour faute grave. Il évoque des fautes que la salariée aurait commises au cours du CDD précédent.

La salariée saisit la justice afin que la rupture anticipée de son contrat soit déclarée illicite et sollicite le paiement d’indemnités. L’employeur se défend en expliquant qu’il a pris connaissance des faits fautifs qu’au cours de l’exécution du dernier CDD.

La cour d’appel accède aux demandes de la salariée. Elle juge la rupture anticipée du troisième CDD abusive et condamne l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour rupture abusive et d’une indemnité spécifique de précarité. Celui-ci se pourvoit en cassation.

La solution de la Cour de cassation. La Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi.

Elle rappelle que, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme qu'en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail. Il en résulte que la faute de nature à justifier la rupture anticipée d'un contrat à durée déterminée doit avoir été commise durant l'exécution de ce contrat.

En l’espèce, la cour d'appel a relevé que les faits reprochés à la salariée étaient antérieurs à la prise d'effet du troisième contrat. Elle a retenu, à bon droit, que l’employeur ne pouvait se fonder sur des fautes prétendument commises antérieurement à la prise d'effet du contrat pour justifier la rupture de celui-ci.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : La rupture ou la fin du contrat à durée déterminée, La faute grave du salarié dans le CDD, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E18663XE.

newsid:484749

Droit rural

[Brèves] Indemnisation du preneur sortant : attention au délai de forclusion

Réf. : Cass. civ. 3, 9 mars 2023, n° 21-13.646, FS-B N° Lexbase : A09029HU

Lecture: 1 min

N4680BZD

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 20 Mars 2023

► Le délai de douze mois imparti au preneur sortant pour former une demande relative à l'indemnisation des améliorations apportées au fonds loué sur le fondement de l'article L. 411-69 du Code rural et de la pêche maritime est un délai de forclusion, courant à compter de la fin du bail, et, comme tel, insusceptible, sauf dispositions contraires, d'interruption et de suspension.

Le texte (C. rur., art. L. 411-69, al. 4 N° Lexbase : L4468I4A) est très clair : « La demande du preneur sortant relative à une indemnisation des améliorations apportées au fonds loué se prescrit par douze mois à compter de la date de fin de bail, à peine de forclusion ».

C’est donc sans surprise que la Cour de cassation vient censurer l’arrêt rendu par la cour d’appel de Montpellier qui, pour recevoir la demande de la locataire, sur ce fondement, au titre des améliorations apportées au fonds loué, avait retenu qu'elle ne pouvait être considérée comme atteinte par la prescription qui n'avait pu courir qu'à compter de l'arrêt du 28 juin 2018 (pour comprendre : cet arrêt s’était prononcé en faveur de la demande d’annulation par le locataire de la clause, prévue dans le contrat de bail, de restructuration du vignoble à ses frais exclusifs ; or il est vrai que les demandes d’indemnisation avaient été présentées par le locataire en conséquence de ladite annulation).

Mais la Cour de cassation fait preuve de fermeté : l'article précité a instauré un délai de forclusion d'un an courant à compter de la fin du bail, insusceptible, sauf dispositions contraires, d'interruption et de suspension.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Indemnisation du preneur sortant, in Droit rural, (dir. Ch. Lebel),  Lexbase N° Lexbase : E9189E99.

newsid:484680

Entreprises en difficulté

[Brèves] Insuffisance d’actif : quid de l’antériorité de la faute de gestion en cas de conversion de procédure ?

Réf. : Cass. com., 8 mars 2023, n° 21-24.650, F-B N° Lexbase : A92149GD

Lecture: 3 min

N4682BZG

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par Vincent Téchené

Le 20 Mars 2023

► En cas de conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire au cours ou à l'issue de la période d'observation, l'insuffisance d'actif ne peut être prononcée en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.

Faits et procédure. Le 13 juillet 2016, une société a été mise en redressement judiciaire. La procédure a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 12 juillet 2017, la date de cessation des paiements étant fixée au 13 janvier 2015. Soutenant que le gérant avait commis différentes fautes de gestion, le liquidateur l'a assigné en responsabilité pour insuffisance d'actif.

La cour d’appel (CA Amiens, 23 septembre 2021, n° 21/00452 N° Lexbase : A211447G) a rejeté la demande de sanction en raison de la poursuite d'une activité déficitaire depuis le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du 13 juillet 2016 jusqu’à l'arrêt du 24 mai 2018. Le liquidateur a donc formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation rappelle que seules des fautes de gestion antérieures au jugement d'ouverture de la procédure collective peuvent être prises en compte pour l'application de l'article L. 651-2 du Code de commerce N° Lexbase : L3796HB9. En outre, lorsque la liquidation judiciaire d'un débiteur est prononcée, au cours ou à l'issue de la période d'observation d'un redressement judiciaire, le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure. Il s'en déduit, selon la Cour, qu'une sanction ne peut, dans cette dernière hypothèse, être prononcée sur le fondement de ce texte en raison de fautes commises pendant la période d'observation du redressement judiciaire.

En l’espèce la cour d’appel statuait bien sur une action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercée par le liquidateur contre le dirigeant de la débitrice dont le redressement judiciaire avait été converti en liquidation judiciaire. Par conséquent, pour la Haute juridiction, l'arrêt d’appel en a exactement déduit que la poursuite d'une activité déficitaire entre le 13 juillet 2016, date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire et l'arrêt de la cour d'appel du 24 mai 2018 confirmant, après l'arrêt par le premier président de son exécution provisoire, le jugement ayant prononcé la liquidation judiciaire, c'est-à-dire pendant la période d'observation du redressement judiciaire, ne peut justifier une mesure de sanction sur le fondement de l'article L. 651-2 du Code de commerce.

Observations. Au contraire, la Cour de cassation  a retenu qu’en cas de résolution du plan de redressement et ouverture d’une liquidation judiciaire, ni le jugement ouvrant le redressement judiciaire, ni celui arrêtant le plan de redressement n’exonèrent le dirigeant social de sa responsabilité et les fautes de gestion commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire, comme pendant l’exécution du plan, peuvent être prises en considération pour fonder l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dès lors qu’elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire (Cass. com., 22 janvier 2020, n° 18-17.030, F-P+B N° Lexbase : A60653CM, Ch. Lebel, comm., Lexbase Affaires, février 2020, n° 623 N° Lexbase : N2159BYM). La situation est donc différente selon que le redressement est converti en liquidation judiciaire ou qu’on est en présence d’une résolution du plan et ouverture d’une procédure de liquidation : dans le premier cas le prononcé de la liquidation judiciaire n'ouvre pas une nouvelle procédure ; au contraire dans le second cas, le jugement ouvre une procédure.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, La nécessite de caractériser une faute de gestion antérieure à l'ouverture de la procédure de la personne morale, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E0856E9L.

 

newsid:484682

Environnement

[Brèves] Extinction des publicités lumineuses : illégalité d’une entrée en vigueur immédiate

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 24 février 2023, n° 468221, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A56409EM

Lecture: 2 min

N4686BZL

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par Yann Le Foll

Le 20 Mars 2023

► Méconnaît le principe de sécurité juridique un décret prévoyant, au lendemain de sa publication, une obligation généralisée d'extinction des publicités lumineuses.

Faits. Est ici demandée l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-1294, du 5 octobre 2022, portant modification de certaines dispositions du Code de l'environnement relatives aux règles d'extinction des publicités lumineuses et aux enseignes lumineuses N° Lexbase : L4843ME4.

Le syndicat requérant soutient que les nouvelles dispositions de l'article R. 581-35 du Code de l'environnement, qui rendent obligatoire la règle d'extinction nocturne dans l'ensemble des communes comprises dans des unités urbaines de plus de 800 000 habitants, ont méconnu le principe de sécurité juridique en ce qu'elles sont immédiatement applicables. En outre, elles ne ménagent pas de régime transitoire pour permettre aux professionnels d'intervenir sur les dispositifs d'éclairage des publicités lumineuses dont le fonctionnement n'est pas pilotable à distance.

Rappel. Il incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Il en va ainsi lorsque l'application immédiate de celle-ci entraîne, au regard de l'objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause (CE, 24 mars 2006, n° 288460, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7837DNL).

Position CE.  Pour les dispositifs publicitaires dont le fonctionnement ou l'éclairage n'est pas pilotable à distance, les entreprises les exploitant doivent intervenir pour régler ces dispositifs et programmer leur extinction nocturne.

Dans ces conditions, alors qu'une absence de mise en conformité peut conduire au prononcé de contraventions de la cinquième classe, il incombait au pouvoir réglementaire, pour des motifs de sécurité juridique, de permettre à ces entreprises de disposer d'un délai pour procéder à cette mise en conformité.

Ainsi, comme le soutient le syndicat requérant, l'entrée en vigueur de l'obligation généralisée d'extinction nocturne le lendemain de la publication du décret porte une atteinte excessive aux intérêts des entreprises du secteur.

Décision. L'article 4 du décret du 6 octobre 2022 est annulé en tant qu'il n'a pas différé d'un mois l'entrée en vigueur de l'obligation d'extinction nocturne pour les publicités lumineuses autres que celles supportées par le mobilier urbain et dont le fonctionnement ou l'éclairage n'est pas pilotable à distance.

newsid:484686

Procédure prud'homale

[Brèves] Badge : la production en justice d’une preuve illicite est-elle possible ?

Réf. : Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-20.798, FS-D N° Lexbase : A08949HL

Lecture: 5 min

N4659BZL

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par Lisa Poinsot

Le 20 Mars 2023

Si les données démontrant la faute du salarié ont été collectées par un dispositif de badgeage illicite, mais que leur production en justice présente un caractère indispensable, alors la preuve est recevable.

Faits et procédure. Contestant son licenciement pour faute grave, un salarié saisit la juridiction prud’homale.

La cour d’appel (CA Paris, 16 juin 2021, n° 19/03043 N° Lexbase : A21424WA) relève que, situé à l’entrée des bâtiments de l’entreprise, le système de badgeage a pour seule finalité déclarée le contrôle des accès aux locaux et aux parkings. Aucune autre finalité de contrôle individuel de l'activité des salariés n'avait été déclarée concernant ce dispositif de collecte de données personnelles.

En outre, elle relève que l’employeur a utilisé ce système de badgeage afin de recueillir des informations personnelles concernant les salariés. Il a par la suite rapproché ces données à celles issues du logiciel de contrôle du temps de travail afin de contrôler l’activité et les horaires de travail de ces salariés. Or, il a effectué ce contrôle sans avoir procédé à une déclaration auprès du correspondant informatique et liberté au sein de l’entreprise et sans avoir informé au préalable les salariés et les IRP.

Ainsi, le résultat de ce rapprochement constitue un moyen de preuve illicite.

Les juges du fond retiennent par ailleurs que l’employeur invoque vainement une atteinte à son droit à la preuve. Or, il lui aurait suffi de déclarer de manière simplifiée au correspondant CNIL la finalité de contrôle du temps de travail du système de badgeage lors de l'accès aux locaux et d'en informer les salariés ainsi que les IRP habilitées pour préserver son droit à la preuve.

Rappel. La mise en place d’un système de badgeage doit être au préalable communiquée à la CNIL en cas de recueil de données nominatives. Si un correspondant informatique et libertés est mis en place dans l’entreprise, aucune démarche auprès de la CNIL n’est réalisée.

Par ailleurs, les badgeuses à reconnaissance biométrique sont interdites pour le contrôle des horaires et sont seulement autorisées pour le contrôle des accès aux zones restreintes.

Enfin, les données sont collectées pour un but bien déterminé et légitime et ne sont pas traitées ultérieurement de façon incompatible avec cet objectif initial. Ce principe de finalité limite la manière dont le responsable de traitement peut utiliser ou réutiliser ces données dans le futur.

En conséquence, selon la cour d’appel, en l’absence d’autres preuves établissant la fraude reprochée, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle condamne alors l’employeur à payer au salarié des sommes au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.  

Rappel. L'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail à condition de ne pas le faire de manière dissimulée et de respecter leur vie privée. Il est alors tenu lors de l'introduction de nouvelles technologies dans l'entreprise et par conséquent lors de la mise en place dans l'entreprise de traitement de données à caractère personnel, d'en informer préalablement les salariés, mais aussi le CSE.

L’employeur forme dès lors un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel en application des articles 6 et 22 de la loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2018-1125, du 12 décembre 2018 N° Lexbase : L3271LNH et le second dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-493, du 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles, applicables au litige N° Lexbase : L7645LKD, de l'article L. 1222-4 du Code du travail N° Lexbase : L0814H9Z et des articles 6 N° Lexbase : L7558AIR et 8 N° Lexbase : L4798AQR de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales,

La Haute juridiction affirme qu’il appartenait aux juges du fond de vérifier :

  • si la preuve litigieuse n’était pas indispensable à l’exercice du droit de la preuve de l’employeur et ;
  • si l’atteinte au respect de la vie personnelle du salarié n’était pas strictement proportionnée au but poursuivi.

La preuve illicite peut être recevable à condition que :

  • l’atteinte à la vie personnelle du salarié (liberté fondamentale) soit proportionnée au but poursuivi (la preuve de la faute commise par le salarié) ;
  • ce but soit légitime ;
  • la preuve illicite soit le seul moyen d’apporter la preuve de la faute du salarié.

Pour aller plus loin :

  • v. déjà : Cass. soc., 8 mars 2023, n° 21-17.802, FS-B N° Lexbase : A92179GH : si les enregistrements démontrant la faute du salarié ont été collectés par un dispositif de vidéosurveillance illicite, mais que leur production en justice n’a pas un caractère indispensable, alors ces éléments de preuve doivent être déclarés irrecevables ;
  • v. ÉTUDES : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, Les modes de preuves de la cause réelle et sérieuse N° Lexbase : E0803ZN3 et L’instance prud’homale, L’administration de la preuve lors d’un procès prud’homal N° Lexbase : E6441ZKR, in Droit du travail, Lexbase ;
  • v. aussi : ÉTUDE : Droit du travail et nouvelles technologies de l’information et de la communication, L’utilisation abusive des NTIC par le salarié, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1370Y9M ;
  • v. É. Vergès, ÉTUDE : La preuve civile, Les deux volets du droit à la preuve : droit de produire et droit d’obtenir une preuve, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E9359B4E.

    newsid:484659

    Responsabilité

    [Brèves] Le « risque » de trouble anormal du voisinage est réparable

    Réf. : Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-19.716, F-D N° Lexbase : A57189GU

    Lecture: 3 min

    N4713BZL

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    par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

    Le 20 Mars 2023

    ► En cas de tempête, les arbres risquent d’endommager gravement la maison du voisin ; ce risque afférent à la sécurité des biens caractérise un trouble anormal du voisinage.

    Quand la théorie prétorienne des troubles anormaux du voisinage rencontre le principe de réparation du dommage futur dès lors qu’il est certain, cela permet d’étendre, encore plus, le champ d’application du principe général du droit en cas de risque d’atteinte aux biens des voisins. L’arrêt rapporté en est une belle illustration.

    En l’espèce, un bien jouxte une parcelle sur laquelle se trouvent six cèdres bleus. Les propriétaires de ce bien assignent les voisins aux fins d’abattage des cèdres et indemnisation des préjudices subis sur le fondement des troubles anormaux du voisinage.

    La cour d’appel de Pau, dans un arrêt du 18 mai 2021 (CA Pau, 18 mai 2021, n° 19/00430 N° Lexbase : A04004SM), ordonne l’abattage des arbres. Les propriétaires de la parcelle forment un pourvoi en cassation dans lequel ils exposent, notamment, que l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage suppose caractérisée l’existence d’un trouble. Ils exposent, en tout état, que la probabilité de réalisation de ce risque doit être élevée et non se réduire à une simple éventualité.

    La Haute juridiction rejette le pourvoi. Après avoir rappelé que l’appréciation de l’anormalité du trouble est une question de fait qui relève de la libre appréciation des juges du fond, elle exerce un contrôle de motivation. La cour d’appel a, au présent cas, caractérisé l’anormalité du trouble en relevant souverainement que les arbres avaient atteint une hauteur conséquente et qu’en cas de tempête, ils risquaient d’endommager gravement la maison du voisin.

    La décision, quoique juridiquement fondée puisque le dommage futur est réparable, conduit à une extension significative du champ d’application de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

    Longtemps fondé sur les dispositions des articles 544 N° Lexbase : L3118AB4 et 1240 N° Lexbase : L0950KZ9 du Code civil, la formule selon laquelle « Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage » est aujourd’hui un principe général du droit. Autrement dit, cette création prétorienne s’applique en tant que principe, sans fondement textuel particulier. Ainsi, un voisin qui s’estime victime d’un trouble anormal peut assigner le voisin qu’il soit propriétaire ou non. C’est ainsi que la jurisprudence a pu admettre l’action du voisin contre les constructeurs d’un chantier situé sur le fonds contigu au sien (pour exemple, Cass. civ. 3, 19 mai 2016, n° 15-16.248, FS-D N° Lexbase : A0868RQ9). Mais, la plupart du temps, le voisin agira contre son voisin propriétaire.

    La mise en œuvre de l’action fondée sur les troubles anormaux du voisinage est redoutable. D’abord, parce qu’il s’agit d’une responsabilité objective. La preuve de l’absence de faute du voisin est indifférente (pour exemple, Cass. civ. 3, 25 octobre 1972, n° 71-12.434, publié au bulletin N° Lexbase : A9839CIA). Ensuite parce que la notion de trouble, forcément subjective, est, pour le moins, protéiforme (bruit, odeur, poussière, construction, végétation, glissement de terrain, eaux de pluie, etc.). Enfin, parce que seule l’anormalité du trouble importe (pour exemple toujours Cass. civ. 3, 2 décembre 1982, n° 80-13.159, publié au bulletin N° Lexbase : A7994CES), ce qui rend inopérant le respect de la règlementation applicable.

    Le trouble anormal du voisinage permet donc l’exercice d’une action préventive. Il y avait déjà eu des décisions en ce sens (pour exemple, Cass. civ. 2, 14 octobre 2019, n° 18-20.701, F-D N° Lexbase : A6411ZSA)

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