La lettre juridique n°915 du 21 juillet 2022

La lettre juridique - Édition n°915

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Faute inexcusable et régime spécial des industries gazières : de l’inutilité d’appeler la CPAM en déclaration de jugement commun

Réf. : Cass. civ. 2, 7 juillet 2022, n° 21-10.449, F-B N° Lexbase : A05178AE

Lecture: 2 min

N2239BZX

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par Laïla Bedja

Le 22 Juillet 2022

► Il résulte de la combinaison des articles L. 452-4, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale, 16, I, de la loi n° 2004-803, du 9 août 2004 et 1er, I, 1° et 3°, du décret n° 2004-1354, du 10 décembre 2004 que la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) étant chargée d'assurer aux bénéficiaires du régime spécial le paiement des conséquences financières de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, un salarié de la société EDF affilié à ce régime, victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, n'est pas tenu d'appeler la caisse primaire d'assurance maladie en déclaration de jugement commun en cas d'action tendant à cette fin.

Les faits et procédure. Une salariée de la société EDF a établi une déclaration de maladie professionnelle. La caisse primaire d’assurance maladie a notifié aux parties la prise en charge de cette maladie au titre de la législation professionnelle.

L’employeur a saisi une juridiction de Sécurité sociale aux fins d’inopposabilité à son égard de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle et la victime a saisi cette même juridiction d’une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur.

Les deux instances ont été jointes après mise en cause de la CNIEG.

La cour d’appel. Pour déclarer l’appel irrecevable, l’arrêt énonce que les caisses du régime général restent compétentes pour ce qui a trait à la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ou de la maladie, et à la prise en charge des prestations en nature liées à l'accident ou à la maladie. Il en déduit que la CPAM reste concernée par la discussion sur le caractère professionnel de la pathologie déclarée par la victime et sur la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que l'appel de la victime est irrecevable à défaut d'avoir été interjeté à l'encontre de la CPAM.

La décision. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les juges du fond (violation des articles L. 452-4, alinéa 1, du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7788I3T, 16, I, de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 N° Lexbase : L0813GTB et 1er, I, 1° et 3°, du décret n° 2004-1354, du 10 décembre 2004 N° Lexbase : L4783GUP).

newsid:482239

Audiovisuel

[Brèves] Incitation à la haine, à la violence ou à des comportements discriminatoires par un chroniqueur TV : méconnaissance par la chaîne de son obligation de maîtrise de l'antenne

Réf. : CE 5°-6° ch. réunies, 12 juillet 2022, n° 451897, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A20688B9

Lecture: 3 min

N2281BZI

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par Yann Le Foll

Le 20 Juillet 2022

► L’incitation à la haine, à la violence ou à des comportements discriminatoires par un chroniqueur TV constitue une méconnaissance par la chaîne de son obligation de maîtrise de l'antenne.

Faits. Au cours de la séquence litigieuse de l'émission « Face à l'info », dans laquelle un journaliste intervenait régulièrement en qualité de chroniqueur, celui-ci a affirmé à plusieurs reprises, de manière véhémente et sans qu'aucune contradiction sérieuse ne lui soit portée, que les étrangers « mineurs isolés », c'est-à-dire entrés en France sans leur famille, étaient « pour la plupart », des « voleurs », des « violeurs » et des « assassins », que leur présence en France était assimilable à une « invasion » et que le risque que leur présence faisait courir à la population française était tel que plus aucun d'entre eux ne devait être accueilli en France.

Validation décision CSA. En estimant que la diffusion dans ces conditions de tels propos incitant à la haine et à des comportements discriminatoires envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur nationalité caractérisait une méconnaissance des dispositions de l'article 15 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication N° Lexbase : L8240AGB, et des stipulations de l'article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019, le CSA a exactement qualifié les faits de l'espèce (décision CSA n° 2021-218 du 17 mars 2021, portant sanction à l'encontre de la société d'exploitation d'un service d'information N° Lexbase : X8413CMK).

Précision. Pour estimer que l'éditeur de services avait manqué à son obligation de maîtrise de l'antenne, le CSA a relevé qu'aucune réaction suffisamment marquée n'avait été apportée aux propos tenus par l’intéressé par les personnes présentes sur le plateau, que demeurait sans incidence la circonstance qu'il ait été indiqué à l'antenne que ces propos n'émanaient pas de la chaîne, mais du chroniqueur, au demeurant collaborateur de la chaîne et non simple invité, et enfin, que ces propos avaient été diffusés sans modification, alors que l'émission était diffusée avec un léger différé. Il a, ce faisant, exactement qualifié les faits de l'espèce.

Précision bis. La décision a été prise sur le fondement de l'article 42-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, visant à réprimer les manquements imputés à une chaîne de télévision à raison de propos tenus au cours d'une émission diffusée par cette dernière. L'auteur des propos en cause, alors même que cette sanction porterait, selon lui, atteinte à sa réputation, n'est pas recevable à en demander l'annulation (voir dans le même sens, s'agissant de l'AMF, CE, 13 juillet 2006, n° 285081 N° Lexbase : A6577DQN).

Lire à ce sujet. L. Fontaine, Les pouvoirs du CSA à l'égard des radios privées : entre autonomie de qualification et nécessaire prise en compte des particularismes éditoriaux, Lexbase Public n° 400, 2016 N° Lexbase : N0781BWT.

newsid:482281

Autorité parentale

[Brèves] Transfert, en cours de procédure, de la résidence habituelle de l’enfant vers un État tiers : quelle juridiction compétente ?

Réf. : CJUE, 14 juillet 2022, aff. C‑572/21 N° Lexbase : A51838BL

Lecture: 6 min

N2265BZW

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 21 Juillet 2022

► Une juridiction d’un État membre ne demeure pas compétente pour statuer en matière de garde d’enfant sur la base du règlement « Bruxelles II bis » lorsque la résidence habituelle de l’enfant a légalement fait l’objet d’un transfert, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la convention de La Haye de 1996.

Telle est la précision utile apportée par la CJUE dans son arrêt rendu le 14 juillet 2022, qui vient confirmer l’analyse qui avait été retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 30 septembre 2020 (Cass. civ. 1, 30 septembre 2020, n° 19-14.761, FS-P+B N° Lexbase : A68123W9).

Dans cette affaire, la mère d’un enfant né en Suède au cours de l’année 2011, avait obtenu la garde exclusive de l’enfant depuis sa naissance. Jusqu’au mois d’octobre 2019, l’enfant avait toujours résidé en Suède. À compter du mois d’octobre 2019, l’enfant avait commencé à fréquenter un internat en Russie.

Au mois de décembre 2019, le père de l’enfant avait introduit devant un tribunal de première instance suédois une demande visant à ce que lui soit attribuée, à titre principal, la garde exclusive de l’enfant, ainsi qu’à ce que la résidence habituelle de ce dernier soit fixée à son domicile, en Suède.

La mère avait fait valoir que cette juridiction était incompétente au motif que, depuis le mois d’octobre 2019, l’enfant avait sa résidence habituelle en Russie.

Ladite juridiction a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la mère au motif que, au moment de l’introduction du recours, l’enfant n’avait pas transféré sa résidence habituelle en Russie.

La cour d’appel de Malmö (Suède) avait confirmé la décision du tribunal de première instance selon laquelle les juridictions suédoises étaient compétentes.

Question préjudicielle. La Cour suprême (Suède), saisie par la mère d’une demande visant à ce qu’elle autorise le pourvoi contre la décision de la cour d’appel de Malmö, a demandé à la Cour de justice si le règlement « Bruxelles II bis » (règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 N° Lexbase : L0159DYK) devait être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale, demeure compétente pour statuer sur ce litige, au titre de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, lorsque la résidence habituelle de l’enfant en cause a été transférée légalement, en cours de procédure, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la Convention de La Haye de 1996 N° Lexbase : L1526KZK.

Réponse CJUE. Dans son arrêt rendu le 14 juillet, la Cour relève qu’en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », la compétence en matière de responsabilité parentale est attribuée aux juridictions de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle au moment où la juridiction est saisie. En effet, du fait de leur proximité géographique, ces juridictions sont généralement les mieux placées pour apprécier les mesures à adopter dans l’intérêt de l’enfant. En se référant au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, cet article constitue une expression du principe de la « perpétuation du for », selon lequel cette juridiction ne perd pas sa compétence quand bien même un changement du lieu de la résidence habituelle de l’enfant concerné interviendrait en cours de procédure. Il s’ensuit que, pour autant que, au moment où la juridiction de l’État membre est saisie, l’enfant en cause a sa résidence habituelle sur le territoire dudit État membre, cette juridiction est compétente en matière de responsabilité parentale, y compris lorsque le litige implique des rapports avec un État tiers.

Toutefois, l’article 61, sous a), du règlement « Bruxelles II bis » prévoit que, dans les relations avec la Convention de La Haye de 1996, ce règlement s’applique « lorsque l’enfant concerné a sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre » au moment où la juridiction compétente statue. Dès lors, si cette résidence n’est, à ce moment, plus établie sur le territoire d’un État membre, mais sur celui d’un État tiers, partie à la Convention de La Haye de 1996, l’application de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement doit être écartée au profit de cette Convention.

Ainsi, l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement cesse de s’appliquer si la résidence habituelle de l’enfant a été transférée sur le territoire d’un État tiers partie à la Convention de La Haye de 1996 avant que la juridiction compétente d’un État membre, saisie du litige en matière de responsabilité parentale, ait statué.

La Cour souligne que la limitation apportée par l’article 61, sous a), du règlement « Bruxelles II bis » à l’application de l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, à partir du moment où l’enfant n’a plus sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre mais sur celui d’un État tiers, partie à la convention de La Haye de 1996, est également conforme à l’intention du législateur de l’Union de ne pas porter atteinte aux dispositions de cette Convention.

La Cour conclut que l’article 8, paragraphe 1, du règlement « Bruxelles II bis », lu en combinaison avec son article 61, sous a), doit être interprété en ce sens qu’une juridiction d’un État membre, saisie d’un litige en matière de responsabilité parentale, ne conserve pas la compétence pour statuer sur ce litige au titre de cet article 8, paragraphe 1, lorsque la résidence habituelle de l’enfant en cause a été transférée légalement, en cours d’instance, sur le territoire d’un État tiers qui est partie à la Convention de La Haye de 1996.

Pour aller plus loin : v. Fiche pratique, FP063, Déterminer le juge compétent en matière de divorce et de responsabilité parentale, Famille N° Lexbase : X9935CMW.

newsid:482265

Avocats/Discipline

[Brèves] Suspension provisoire d’exercice d’un avocat : le Bâtonnier n’a pas toujours compétence pour demander le renouvellement de la mesure…

Réf. : Cass. civ. 1, 6 juillet 2022, n° 21-10.333, FS-B N° Lexbase : A582479L

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N2166BZA

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Juillet 2022

► Lorsque la mesure de suspension initiale d’exercice d’un avocat est ordonnée en application de l'article 138 alinéa 2, 12°, du Code de procédure pénale, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'Ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le Bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971.

 

Faits et procédure. Le 30 mars 2018, un avocat inscrit au barreau de Paris, avait été mis en examen du chef d'abus de faiblesse et placé sous contrôle judiciaire. Sur saisine des juges d'instruction en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du Code de procédure pénale N° Lexbase : L8128HWX, le conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Paris avait, par un arrêté du 26 avril 2018, prononcé à son égard la mesure de suspension provisoire d'exercice. À la demande du Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris, le conseil de l'Ordre avait renouvelé cette mesure par arrêtés successifs des 10 août 2018, 6 décembre 2018 et 2 avril 2019. L’avocat avait formé des recours contre ces trois dernières décisions.

Réponse de la Cour. La Cour rappelle qu’une mesure de suspension provisoire d'exercice d'un avocat peut être prononcée par le conseil de l'Ordre :

- en application de l'article 24 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 N° Lexbase : L6343AGZ, à la demande du procureur général ou du Bâtonnier lorsque l'avocat fait l'objet d'une poursuite pénale ou disciplinaire et que l'urgence ou la protection du public l'exigent ;

- en application de l'article 138, alinéa 2, 12°, du Code de procédure pénale, lorsqu'un contrôle judiciaire est ordonné par le juge d'instruction ou par le juge des libertés et de la détention visant à astreindre l'avocat à ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle et que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention ont saisi le conseil de l'Ordre à cet effet.

Il résulte de ces textes que, lorsque la mesure de suspension initiale est ordonnée en application de l'article 138 précité, seul le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention a compétence pour saisir le conseil de l'Ordre aux fins d'en solliciter le renouvellement, de sorte que le procureur général ou le Bâtonnier ne peut demander un tel renouvellement en application de l'article 24 précité. Ayant retenu à bon droit que seuls les juges d'instruction saisis et non le Bâtonnier pouvaient saisir le conseil de l'Ordre d'une demande de renouvellement de la mesure de suspension provisoire, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, n'a pu qu'en déduire que les trois arrêtés renouvelant la mesure de suspension provisoire à la requête du Bâtonnier devaient être annulés.

Rejet. La Chambre criminelle rejette, par conséquent, le pourvoi.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les sanctions disciplinaires encourues par l'avocat, Le champ d'application de l'interdiction provisoire d'exercice de la profession d'avocat, in La profession d'avocat (dir. H. Bornstein), Lexbase N° Lexbase : E36153RC.


 

newsid:482166

Construction

[Brèves] La démolition : sanction soumise au critère de proportionnalité

Réf. : Cass. civ. 3, 13 juillet 2022, n° 21-16.407, FS-B N° Lexbase : A09508BS

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N2306BZG

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 01 Août 2022

► La violation du cahier des charges d’un lotissement n’implique pas automatiquement la démolition de l’ouvrage ;
► La démolition d’un immeuble d’habitation collective dans l’unique but d’éviter des désagréments de voisinage est une sanction disproportionnée.

La position de la Haute juridiction est maintenant bien tranchée et la solution ne peut qu’être approuvée. Le principe de réparation intégrale du préjudice doit être concilié avec un autre principe, qui est celui de la proportionnalité de la sanction. L’arrêt rapporté en est une nouvelle illustration.

En l’espèce, des acquéreurs achètent un lot dans un lotissement composé d’une maison d’habitation bâtie sur un terrain. Une SCI devient propriétaire du lot voisin et entreprend la démolition de la maison, également implantée sur ce terrain, pour y faire édifier un bâtiment composé de sept logements et de garages. Invoquant la violation du cahier des charges du lotissement, les acquéreurs de la maison assignent leur voisin aux fins d’obtenir la démolition de l’ouvrage.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 11 mars 2021 (CA Aix-en-Provence, 11 mars 2021, n° 18/10025 N° Lexbase : A74424KT), confirme la décision rendue par les premiers juges. La démolition doit être adaptée au préjudice prouvé par la partie qui la demande. Les juges du fond doivent, également, vérifier si une réparation indemnitaire ne serait pas suffisante à réparer le dommage.

La Cour considère qu’il est totalement disproportionné de demander la destruction d’un immeuble d’habitation collective uniquement pour éviter aux propriétaires d’une villa le désagrément d’un voisinage moins bourgeois alors que le bâtiment en question a été construit dans l’esprit du règlement d’un lotissement, d’autant que seuls ces acquéreurs se plaignent de cette nuisance.

La Haute juridiction ne trouve rien à y redire.

La perte de vue peut, sans nul doute, caractériser un trouble anormal du voisinage. Pour exemple, un mur d’une hauteur de quatre mètres et présentant une façade brute en moellons de couleur grise crée un trouble esthétique (CA Grenoble, 1, 12 mars 2007, n° 05/03208 N° Lexbase : A70458BK), de même que le fait pour un voisin de faire édifier un hangar de dimensions très importantes (CA Riom 5 février 1998, n° 97/01370 N° Lexbase : A1817DI7). Pour autant, la sanction n’est pas nécessairement la démolition, même quand aucune autre mesure réparatoire n’est possible.

Il relève, en effet, du pouvoir souverain des juges du fond d’apprécier :

  • la proportionnalité de la mesure ;
  • si une réparation indemnitaire ne serait pas suffisante.

L’objectif de proportionnalité des sanctions contractuelles s’applique depuis longtemps (pour exemple Cass. civ. 3, 15 octobre 2015, n° 14-23.612, FS-P+B+R N° Lexbase : A5827NTY ; Cass. crim., 16 février 2016, n° 15-82.732, FS-P+B N° Lexbase : A4692PZS) dans le domaine de la construction (P. Malinvaud, Le principe de proportionnalité et le droit de la construction, RDI 2016, p. 437) et le secteur particulièrement protégé de la maison individuelle n’y déroge pas. La solution n’est pas nouvelle et mérite d’être saluée. Ainsi, en cas de non-conformité à la réglementation parasismique, la démolition/reconstruction n’est pas systématiquement ordonnée (pour exemple Cass. civ. 3 14 février 2019, n° 18-11.836, FS-D N° Lexbase : A3357YXM). Elle ne l’est, pas plus, en cas de défaut d’implantation altimétrique (pour exemple Cass. civ. 3, 13 septembre 2006, n° 05-12.938 N° Lexbase : A0293DRB ou encore Cass. civ. 3, 17 novembre 2021, n° 20-17.218, FS-B N° Lexbase : A94677BA).

Il n’est donc pas étonnant que le même raisonnement soit tenu en cas de désagrément de voisinage.

newsid:482306

Élections professionnelles

[Brèves] Répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux : nécessaire loyauté des parties lors de la négation du PAP

Réf. : Cass. soc., 12 juillet 2022, n° 21-11.420, F-B N° Lexbase : A09528BU

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N2276BZC

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par Charlotte Moronval

Le 20 Juillet 2022

Ce n'est que lorsque, à l'issue d'une tentative loyale de négociation, un accord préélectoral n'a pu être conclu, que l'autorité administrative peut décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux.

Faits et procédure. Les sociétés d’une UES ont saisi le DIRECCTE (aujourd’hui DREETS) d'une demande de répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux. Celui-ci a provisoirement rejeté cette demande, au motif qu'il n'était pas compétent en l'absence de négociations loyales et sérieuses préalables à celle-ci.

Les sociétés composant l'UES ont alors saisi le tribunal judiciaire afin d'obtenir l'annulation de cette décision et qu'il soit enjoint au DIRECCTE de procéder à cette répartition, conformément aux dispositions de l'article L. 2314-13 du Code du travail N° Lexbase : L2980LTK.

Rappel. Aux termes de l'article L. 2314-13, alinéas 1 et 3, du Code du travail, la répartition des sièges entre les différentes catégories de personnel et la répartition du personnel dans les collèges électoraux font l'objet d'un accord entre l'employeur et les organisations syndicales. Lorsque au moins une organisation syndicale a répondu à l'invitation à négocier de l'employeur et qu’un accord n’a finalement pas pu être obtenu, l'autorité administrative décide de cette répartition entre les collèges électoraux, en se conformant soit aux modalités de répartition prévues par l'accord mentionné à l'article L. 2314-12 N° Lexbase : L4131LSS, soit, à défaut d'accord, à celles prévues à l'article L. 2314-11 N° Lexbase : L4130LSR.

Le jugement confirme la décision du DIRECCTE. Les sociétés comptant l’UES forment donc un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation approuve le tribunal judiciaire d’avoir retenu que les sociétés composant l’UES avaient manqué à leur obligation de loyauté dans la négociation du protocole d’accord préélectoral et que le DIRECCTE ne pouvait de ce fait décider de la répartition des sièges et du personnel entre les collèges électoraux, après avoir relevé les éléments suivants :

  • les effectifs par site et la classification professionnelle des salariés n’ont pas été communiqués aux organisations syndicales invitées à négocier le protocole d’accord préélectoral malgré les demandes formulées à plusieurs reprises par ces dernières ;
  • des informations essentielles relatives aux effectifs n’ont été actualisées que l’avant-veille de la dernière réunion de négociation ;
  • la question de la répartition du personnel n’a été abordée pour la première fois que lors de cette réunion au cours de laquelle les sociétés composant l’UES ont refusé aux organisations syndicales un accès aux registres uniques du personnel autrement que par entité et sur le site de chacune d’elles en indiquant que le fichier des effectifs communiqué était suffisant ;
  • la direction a mis fin de manière unilatérale à la négociation au motif que la même réunion devait être la dernière, demandant aux organisations syndicales de se positionner sur le projet de protocole d’accord préélectoral communiqué l’avant-veille et sans que celles-ci n’aient été en mesure de contrôler les effectifs.

Pour aller plus loin :

  • v. aussi Cass. soc., 17 avril 2019, n° 18-22.948, FS-P N° Lexbase : A3539Y9X ;
  • lire F. Géa, La tentative loyale de négociation comme préalable, Lexbase Social, avril 2021, n° 862 N° Lexbase : N7234BYL
  • v. ÉTUDE : L’organisation des élections des représentants du personnel, La répartition des sièges entre les collèges électoraux pour l'élection des représentants du personnel, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E1609ETR.

newsid:482276

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] Les conséquences de l’absence de revendication d’une œuvre d’art

Réf. : Cass. com., 29 juin 2022, n° 21-13.706, F-D N° Lexbase : A071979I

Lecture: 10 min

N2315BZR

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par Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l’Université Côte d’Azur, Membre du CERDP, Directrice du Master 2 Droit des entreprises en difficulté de la faculté de droit de Nice

Le 21 Juillet 2022

Mots-clés : liquidation judiciaire • demande en acquiescement de revendication • forme • courrier adressé au commissaire-priseur • équivalence à une demande en revendication (non) • absence de revendication régulière • perte du droit de propriété (non) • bien devenant un élément du gage commun (oui) • possibilité de réalisation par le liquidateur

La demande en revendication doit être présentée par courrier recommandé au liquidateur dans le délai de trois mois suivant la publication au Bodacc du jugement d’ouverture. Un courrier adressé au commissaire-priseur ne vaut pas demande en revendication.
En l’absence de revendication régulière, le bien devient un élément du gage commun des créanciers, que peut réaliser le liquidateur.


 

Chaque faillitiste connaît la généralité du domaine d’application de l’action en revendication pour le propriétaire d’un meuble. Peut-être le propriétaire d’une œuvre d’art l’avait-il oubliée.

La société Adyce réalise des prestations de gardiennage pour le compte de ses clients. Elle a été mise en liquidation judiciaire par un jugement du 26 octobre 2016, publié le 15 novembre suivant.

Le commissaire-priseur désigné pour établir l'inventaire ayant constaté l'existence dans un entrepôt de caisses contenant un ensemble artistique en résine moulée représentant des rhinocéros grandeur nature déposé pour le compte de l'association Fondation Rosenblum par la société Powerweb, il a pris contact avec cette dernière le 13 février 2017, un rendez-vous ayant été pris le 17 suivant pour enlèvement des caisses le 24 suivant. Le liquidateur s'est opposé à l'enlèvement, aucune demande de revendication ne lui ayant été adressée.

Le 3 mars 2017, l'association Fondation Rosenblum a formé une demande de restitution au liquidateur judiciaire, qui a refusé la restitution pour cause de forclusion. Le 24 mars suivant, par une lettre recommandée, la société Dotcorp Fine Art, propriétaire de l'œuvre, a adressé une nouvelle demande de revendication, également rejetée.

La société Dotcorp Fine Art a, en conséquence, saisi le juge-commissaire qui a rejeté la demande. Le liquidateur fait grief à l'arrêt d’appel [1], infirmant le jugement rendu sur recours contre l’ordonnance du juge-commissaire, de juger que la société Dotcorp Fine Art, représentée par sa mandataire, la société Powerweb, a exercé son droit de revendication dans le délai requis par la loi et d'ordonner en conséquence au liquidateur judiciaire de la société Adyce, de mettre à la disposition de la revendiquante l'ensemble des éléments constitutifs de l'œuvre d'art en sa possession.

La première question posée à la Cour de cassation était de savoir si le courrier recommandé adressé au commissaire-priseur pour le compte du propriétaire dans le délai de l’action en revendication pouvait valoir demande en revendication régulière.

À cette question, la Cour de cassation répond qu’il « résulte de la combinaison de ces textes [articles L. 624-9 N° Lexbase : L3492ICC, R. 624-13 N° Lexbase : L0913HZT, L. 641-14-1 N° Lexbase : L7245IZD et R. 641-31 N° Lexbase : L6313I39], qu’à peine de forclusion, la revendication des meubles doit être exercée dans le délai de trois mois suivant la publication du jugement ouvrant la procédure par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée à l'organe compétent aux fins d'acquiescement par ce dernier à la demande.

Pour déclarer recevable la demande de revendication formée pour le compte de la société Dotcorp Fine Art, l'arrêt retient que, dans le délai de trois mois à compter de la publication du jugement d'ouverture, le mandataire de la société propriétaire s'est manifesté auprès du commissaire-priseur pour convenir d'une date d'enlèvement des biens et que si la demande n'a pas été directement adressée au liquidateur, elle a été transmise à ce dernier dans le délai légal.

Pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, sans constater que la société Dotcorp Fine Art ou son mandataire avait adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au liquidateur une demande de revendication dans les trois mois suivant la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

L’occasion est ainsi donnée à la Cour de cassation de préciser que la demande en acquiescement de revendication, phase amiable de ladite action, ne connaît qu’une seule forme : un courrier recommandé adressé à un organe précisément déterminé par la loi. Le non-respect de cette forme obligatoire conduit à une revendication irrégulière équipollente à une absence de revendication.

La seconde question posée à la Cour de cassation portait sur les effets attachés à l’absence de revendication régulière.

Il résulte de l'article L. 624-9 du Code de commerce que lorsque le propriétaire n'a pas adressé sa demande de revendication dans le délai prévu au texte, son droit de propriété est inopposable à la liquidation judiciaire, de sorte que, le bien revendiqué devient le gage commun des créanciers, le refus du liquidateur de le restituer à son propriétaire étant alors justifié.

Cette formulation employée par la Cour de cassation, selon laquelle le droit de propriété est inopposable à la liquidation judiciaire, de sorte que le bien revendiqué entre dans le gage commun des créanciers, est classique [2]. À  l’époque récente, l’absence de revendication régulière « a pour effet d’affecter le bien au gage commun des créanciers, permettant ainsi, en tant que de besoin, sa réalisation au profit de leur collectivité ou son utilisation en vue du redressement de l’entreprise, afin d’assurer la poursuite d’activité, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif » [3].

On sait en effet que, en l’absence de revendication, ainsi que lorsque la revendication est rejetée, le droit de propriété de l’intéressé n’est pas éteint. Pareille sanction serait non conforme à la Constitution. Il importe de noter que l’absence d’équivalence entre l’inopposabilité du droit de propriété à la procédure et sa perte a conduit la Cour de cassation à rejeter une question prioritaire de constitutionnalité qui lui a été posée, à propos de la sanction du rejet d’une action en revendication, dans un redressement judiciaire. La Cour a jugé que « les dispositions de l’article L. 624-9 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 décembre 2008 [4], se bornent à unifier le point de départ du délai de l’action en revendication en le faisant courir, dans tous les cas, à compter de la publication au Bodacc du jugement d’ouverture sous peine de rendre inopposable à la procédure collective le droit de propriété du revendiquant ; que les restrictions aux conditions d’exercice du droit de propriété qui peuvent résulter de ce texte répondent à un motif d’intérêt général et n’ont ni pour objet, ni pour effet d’entraîner la privation du droit de propriété ou d’en dénaturer la portée ; que la question posée ne présente donc pas de caractère sérieux au regard des exigences qui s’attachent au principe de valeur constitutionnel invoqué » [5], à savoir l’atteinte au droit de propriété constitutive d’une violation de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 N° Lexbase : L1364A9E.

La Cour de cassation a très tôt énoncé, sous l’empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), que le droit de propriété devenait inopposable à la procédure collective, la solution ayant été reproduite sous l’empire de la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005) [6]. L’intéressé ne peut donc plus, à l’égard de la procédure collective, se prétendre propriétaire.

La Cour de cassation a précisé quelles étaient les personnes comprises dans l’expression « inopposabilité à la procédure collective ». Il s’agit des organes de la procédure collective et des créanciers [7]. La procédure collective n’englobe donc pas le débiteur et c’est pourquoi ce dernier retrouve la plénitude de l’exercice de ses droits si un plan de sauvegarde ou de redressement est adopté. La procédure collective est alors terminée et il n’existe plus de personne à laquelle le droit de propriété serait inopposable. C’est ce qui justifie aussi que si la procédure collective se termine par un tel plan, ensuite résolu, le droit de propriété peut valablement être opposé à la seconde procédure collective [8].

Si le droit de propriété n’est pas perdu pour son titulaire, l’inopposabilité de ce droit à la procédure collective emporte cependant d’importantes conséquences, qui se révèlent spécialement lorsque la procédure collective est une liquidation judiciaire ou évolue vers un plan de cession, ce dernier fût-il adopté en redressement judiciaire. En ces deux cas, l’inopposabilité du droit de propriété emporte cette conséquence que le bien, sans devenir la propriété du débiteur, devient un élément du gage commun des créanciers. Il peut donc être réalisé par le liquidateur ou intégré par un administrateur judiciaire dans un plan de cession. Le bien n’appartient pas au débiteur, certes, puisqu’il ne s’opère pas à son profit un transfert de propriété [9], mais le véritable propriétaire ne peut se présenter comme tel face à la procédure collective. Il est donc contraint de laisser s’exercer les prérogatives du liquidateur ou de l’administrateur, qui ont ainsi la possibilité de transmettre le bien à un tiers.

Pour autant, le propriétaire est-il totalement désarmé ? Vis-à-vis de la procédure collective, c’est certain, et c’est pourquoi, dans l’espèce commentée, la Cour de cassation juge qu’il ne peut être ordonné au liquidateur de restituer les éléments de l'œuvre d'art à la société Dotcorp Fine Art.

Cependant, vis-à-vis du tiers acquéreur, les règles de droit commun retrouvent leur emprise. Il n’est plus question d’exercer les droits d’un propriétaire dans la procédure collective et face à cette dernière, mais d’exercer ses droits à l’égard d’un tiers. En matière mobilière, la règle est simple. Celui qui est entré en possession de bonne foi, c’est-à-dire dans l’ignorance que le bien vendu n’appartenait pas au vendeur, est protégé contre la revendication du véritable propriétaire. En revanche, si le possesseur actuel est de mauvaise foi, autrement dit si l’acquéreur du bien acheté dans le cadre de liquidation judiciaire sait que le bien n’appartient pas au débiteur, alors il est de mauvaise foi et cela autorise le véritable propriétaire à exercer son droit de revendication dans les conditions du droit commun, contre cette personne [10]. C’est cette solution qui conduit, en l’espèce, la Cour de cassation à censurer la cour d’appel qui avait cru à la possibilité de s’émanciper du respect des règles relatives à la possession de bonne foi.

Par conséquent, il appartient au véritable propriétaire, confronté à des difficultés dans le cadre d’une procédure collective pour récupérer le bien qui lui appartient, au prétexte qu’il n’a pas exercé régulièrement sa demande en acquiescement de revendication auprès de l’organe compétent, dans les délais, d’informer le tiers acquéreur, s’il réussit à le déterminer, qu’il est le véritable propriétaire du bien. Il le constitue alors de mauvaise foi et peut exercer à son encontre sa revendication.


[1] CA Rennes, 5 janvier 2021, n° 18/01656 N° Lexbase : A44804BK.

[2] Cass. com., 23 mai 1995, n° 93-10.439, publié N° Lexbase : A8218ABY, Gaz. Pal., 1996., Pan. 59 – Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.177, F-D N° Lexbase : A3562DA8.

[3] Cass. com., 3 avril 2019, n° 18-11.247, FS-P+B+R N° Lexbase : A3144Y8X, Act. proc. coll., 2019/8, comm. 114, note L. Fin-Langer ; LEDEN, 2019/5, n° 112m0, note F.-X. Lucas.

[4] Ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 N° Lexbase : L2777ICT.

[5] Cass. com., 15 mars 2011, n° 10-40.073, FS-P+B, QPC N° Lexbase : A6681HDS, D., 2011, Actu. 815, obs. A. Lienhard ; D., 2011. 2689, note F. Arbellot ; Rev. sociétés, 2011, 387, note Ph. Roussel Galle ; Gaz. Pal., 8 juillet 2011, n° 189, note E. Le Corre-Broly ; Bull. Joly Entrep. en diff., 2011, 194, note M. Laroche ; RTD com., 2011, 642, n° 7, obs. A. Martin-Serf ; E. Le Corre-Broly, in Chron., Lexbase Affaires, avril 2011, n° 247 N° Lexbase : N9647BRQ.

[6] Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-19.511, inédit N° Lexbase : A7857BSS – Cass. com., 3 décembre 2003, n° 01-02.177, F-D N° Lexbase : A3562DA8 – Cass. com., 15 décembre 2015, n° 13-25.566, F-P+B N° Lexbase : A8702NZC – Cass. com., 3 avril 2019, n° 18-11.247, FS-P+B+R, préc. et les obs. préc., Bull. Joly Entrep. en diff., juillet/août 2019, 117a3, p. 33, note M. Laroche ; JCP E, 2019, chron. 1375, n° 17, obs. Ph. Pétel.

[7] Cass. com., 7 mars 2017, n° 16-22.000, F-D, QPC N° Lexbase : A4503T38, RTD com., 2017, 430, n° 4, note A. Martin-Serf –  Rappr. Cass. com., 3 avril 2019, n° 18-11.247, FS-P+B+R, préc.

[8] Cass. com., 20 juin 1995, n° 93-17.009, inéditN° Lexbase : A8095AHB, Rev. proc. coll., 1995, 482, n° 21, obs. B. Soinne – Cass. com., 20 mai 1997, n° 94-16.733, inédit N° Lexbase : A3888A77, D. Affaires, 1997, 860.

[9] Ainsi : Cass. com., 26 novembre 2002, n° 01-03.980, FS-P N° Lexbase : A1231A4D, D., 2003, AJ 67, obs. A. Lienhard ; Act. proc. coll., 2003, n° 7 ; RTD civ., 2003. 316, n° 3, obs. T. Revet ; Gaz. Pal., 5-6 septembre 2003, Somm. 9, note Denner ; RTD com., 2003, 570, n° 7, obs. A. Martin-Serf ; Rev. proc. coll., 2003, p. 309, n° 8, obs. M.-H. Monsérié-Bon – Cass. com., 3 avril 2019, n° 18-11.247, FS-P+B+R, préc.

[10] Cass. com., 15 décembre 2015, n° 13-25.566, F-P+B, préc., D., 2016, pan. 1898, note F.-X. Lucas ; Gaz. Pal., 12 avril 2016, n° 14, p. 69, note E. Le Corre-Broly ; Rev. sociétés, 2016, 199, note L.-C.Henry ; Bull. Joly Entrep. en diff., 2016, 112, note M. Laroche ; JCP E, 2016, chron. 1198, n° 9, note Ph. Pétel ; RTD com., 2016, 204, n° 9, note A. Martin-Serf.

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Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Pacte Dutreil et holding animatrice : un amendement au PLFR vient contrecarrer les plans de la Cour de cassation !

Réf. : Assemblée nationale, projet de loi de finances rectificative pour 2022, amendement n° 730

Lecture: 3 min

N2299BZ8

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Juillet 2022

C’est un bien étrange mais non moins attendu amendement qui a été déposé le 18 juillet 2022 dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022 [en ligne].

Petit retour en arrière. Dans un arrêt en date du 25 mai 2022, la Cour de cassation avait semé le trouble et jugé que le fait pour une holding animatrice de cesser, postérieurement à la transmission de ses titres, d’exercer de manière prépondérante son activité éligible n’entraîne pas la remise en cause du régime de faveur Dutreil (Cass. com., 25 mai 2022, n° 19-25.513, F-B N° Lexbase : A14897YS). Cette décision favorable au contribuable constituait une aide également pour les praticiens.

Lire en ce sens, J. Mazeres, À quelle date apprécier le rôle d’animateur de groupe d’une société holding pour l’application du pacte Dutreil ? La Cour de cassation vient-elle d’ouvrir la boîte de Pandore ?, Lexbase Fiscal, juin 2022, n° 911 N° Lexbase : N1901BZG.

Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022 [en ligne], un amendement a été déposé et vient clairement remettre en cause cette position de la Cour de cassation.

Cet amendement apporte, à des fins d'anti-abus, une correction technique à l'article 787 B du CGI N° Lexbase : L5936LQW, relatif au « pacte Dutreil », qui précise l'intention du législateur à la suite de l’arrêt de la Cour de cassation du 25 mai dernier.

Il indique que, pour l’application du « pacte Dutreil », la condition d’activité opérationnelle exercée par la société transmise doit bien être satisfaite dès la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.

L’arrêt de la Cour de cassation a pour effet de permettre aux sociétés dont les titres auront été transmis de ne plus exercer une activité éligible de manière prépondérante pendant la durée de conservation individuelle par chacun des héritiers.

Rendue en matière de holding animatrice, cette décision aurait également pour effet de permettre qu'une société opérationnelle puisse, pendant la période d'engagement individuel, céder ses activités opérationnelles au profit d’activités purement civiles, comme la gestion d'un patrimoine immobilier ou financier.

« Cela remettrait en cause la raison d’être du dispositif "Dutreil", qui est d’assurer, dans le contexte d'une transmission, la pérennité des seules entreprises exerçant une activité économique opérationnelle. C’est en effet pour ce motif d’intérêt général que la loi accorde aux héritiers une réduction de 75% sur les droits de succession ou de donation applicables ».

En conséquence, le I du présent amendement apporte la précision expresse nécessaire, dans un c bis inséré à l'article 787 B du CGI.

Il indique que la condition d’exercice par la société d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, doit être satisfaite à compter de la conclusion de l’engagement collectif de conservation de deux ans et jusqu’au terme des quatre années de l'engagement individuel de conservation par chacun des héritiers. Il est tenu compte des cas où l'engagement collectif de conservation est constaté après le décès ou est « réputé acquis ».

Le II prévoit une application à compter de la date de dépôt du présent amendement, afin d'éviter des cessions d’actifs d’exploitation ou de filiales opérationnelles entre la présentation de l’amendement et l’entrée en vigueur de la loi.

Sont ainsi visées les transmissions réalisées à compter de la date de dépôt de l'amendement ainsi que celles réalisées avant cette date et pour lesquelles des engagements de conservation seraient encore en cours et dont les sociétés concernées n’ont pas cessé l’exercice d’une activité opérationnelle.

 

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Licenciement

[Jurisprudence] L’appréciation des difficultés économiques : le juge face aux indicateurs

Réf. : Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-19.957, FS-B N° Lexbase : A58547YH

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N2340BZP

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par Stéphane Vernac, Professeur de droit privé à l'Université Jean Monnet de Saint-Étienne et Directeur scientifique de la Revue Lexbase Social

Le 27 Juillet 2022

Mots clés : licenciement pour motif économique • difficultés économiques • C. trav., art. L. 1233-3 • baisse significative du chiffre d’affaires

La durée d'une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires, de nature à caractériser des difficultés économiques, comme motif de licenciement, s'apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d'affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l'année précédente à la même période.


Les (bonnes) intentions réformatrices, et en particulier celles guidées par les ambitions sécurisatrices et simplificatrices, ne tardent jamais bien longtemps à faire naître de nouvelles interrogations et zones d’ombre. Les exemples sont légion, tout particulièrement dans le champ du droit du licenciement pour motif économique. En témoigne l’arrêt « CWF », rendu le 1er juin 2022 par la Chambre sociale de la Cour de cassation [1], au sujet de l’appréciation des difficultés économiques aptes à justifier un licenciement pour motif économique. Les précisions apportées par cet arrêt contrastent, il est vrai, avec les intentions énoncées dans l’exposé des motifs de la loi du 8 août 2016 dite loi « Travail » [2] : « l’objectif de cette codification est de rendre accessible aux petites et moyennes entreprises, à tous ceux qui ne disposent pas de conseils juridiques ou de services de ressources humaines, les critères qui permettent de savoir si le motif économique est ou non fondé. Il lève ainsi les freins à l’embauche lorsque le chef d’une PME hésite à recruter » [3]. Voilà qui expliquerait la réécriture de l’article L. 1233-3 du Code du travail N° Lexbase : L1446LKR. Cette disposition prévoit notamment que les difficultés économiques sont « caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ». Le législateur livre ensuite une méthode d’appréciation de la « baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires », en précisant que celle-ci « est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à » une période comprise entre un à quatre trimestres et définie en fonction des effectifs de l’entreprise. L’arrêt « CWF » apporte une utile précision s’agissant de la détermination de la période au cours de laquelle doit être caractérisée la baisse d’un indicateur (I.). En revanche, il ne répond que partiellement à la délicate question du statut de la démarche comptable posée par la loi : s’impose-t-elle au juge ? (II.).

I. L’appréciation de la « baisse significative » d’un indicateur

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, une salariée, engagée en 1982 en qualité d'ouvrière en confection, est licenciée en raison de difficultés économiques par la société CWF qui emploie plus de trois cents salariés. Contestant le bien-fondé de son licenciement, qui lui a été notifié en juillet 2017, la salariée est déboutée par les juges du fond. Constatant que la procédure de licenciement économique collectif a été engagée au second trimestre 2017, la cour d’appel, a notamment considéré qu’il convenait d’apprécier les difficultés économiques au regard de l'évolution d'un des indicateurs énumérés par l'article L. 1233-3 du Code du travail connus à ce moment-là. Puisque seul le premier trimestre 2017 était alors connu et non l’entier exercice 2017, le juge d’appel prend en considération les données comptables relatives au chiffre d’affaires du dernier exercice clos, soit l’exercice 2016. Et le recul de quatre trimestres consécutifs du chiffre d'affaires sur l'année 2016 par rapport à l'année 2015 suffisait à caractériser l’existence de difficultés économiques, l’augmentation de 0,50 % du chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016, n'étant alors pas suffisante pour signifier une amélioration tangible des indicateurs. L’arrêt est censuré pour violation de la loi, au motif qu’il résultait des propres constatations de la cour d’appel que « la durée de la baisse du chiffre d'affaires, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de trois cents salariés ». L’article L. 1233-3 du Code du travail caractérise une « baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires » en référence à la durée de cette baisse qui doit être « en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à : a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ; b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ; c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ; d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ». Ce décompte trimestriel pouvait susciter une interrogation, principalement pour l’appréciation de la baisse de chiffre d’affaires : convient-il de se référer, pour apprécier la baisse significative, aux trimestres successifs du précédent exercice clos ou aux trimestres successifs précédant immédiatement la notification du licenciement ? La réponse est contenue, pour les Hauts magistrats, dans une solution jurisprudentielle constante posée il y a plus de trois décennies :  le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci [4]. Il est en effet acquis que le juge doit apprécier le bien-fondé du motif du licenciement à la date de son prononcé, bien qu’il puisse, pour cette appréciation, tenir compte d'éléments postérieurs [5]. Il ne peut se placer à une date antérieure à la notification du licenciement pour apprécier le motif économique. D’ailleurs, toute appréciation du motif économique précédant la notification du licenciement est condamnée par la Haute juridiction, au point de faire obstacle à toute contestation du motif économique engagée antérieurement à la notification du licenciement. La Cour de cassation a ainsi jugé en 2021, dans un arrêt « Ford Aquitaine Industries », que « la régularité de la procédure de licenciement économique ne s'apprécie pas en considération de la cause économique de licenciement » et que « le juge judiciaire, saisi avant la notification des licenciements pour motif économique, ne peut faire droit à des demandes tendant à constater l'absence de cause économique et à enjoindre en conséquence à l'employeur de mettre fin au projet de fermeture du site et au projet de licenciement économique collectif soumis à la consultation des instances représentatives du personnel » [6].

Partant, la période trimestrielle qu’il convient de prendre en compte doit être celle qui précède immédiatement la notification du licenciement. Le juge d’appel ne pouvait apprécier les difficultés économiques à la date du déclenchement de la procédure, ni se contenter de se référer à l'exercice clos 2016, alors que le licenciement a été notifié au cours du troisième trimestre 2017. Un observateur relève très justement que « c'est là une manière de situer cette période en fonction de la date à laquelle le juge doit apprécier la légitimité du licenciement (ou de la rupture), et non pas à l'aune d'échéances comptables » [7]. Les indicateurs sont présumés connus, avant même la clôture d’un exercice comptable, et doivent être comparés avec la même période de l'année précédente, jusqu’à la date de notification du licenciement.

II. La portée de l’évolution significative des indicateurs  

Il ressort de l’arrêt « CWF » qu’un regain d’activité, même faible, peut empêcher toute caractérisation des difficultés économiques [8]. La baisse significative, au sens de l’article L. 1233-3, doit être caractérisée pendant plusieurs trimestres pleins et consécutifs. Les juges d’appel ne pouvaient donc considérer que les difficultés économiques étaient caractérisées, tout en constatant l’augmentation de 0,50 % du chiffre d'affaires du premier trimestre 2017 par rapport à celui de 2016. Les juges auraient dû, pour caractériser des difficultés économiques, s’assurer que la durée de la baisse du chiffre d'affaires, en comparaison avec la même période de l'année précédente, n'égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de trois cents salariés. C’est là un autre apport de l’arrêt « CWF » : l’identification d’une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est une condition nécessaire à la caractérisation des difficultés économiques [9], du moins lorsque l’employeur invoque l’évolution de l’un ou de l’autre de ces indicateurs. Cette solution pourrait sans doute concerner l’évolution significative de tout autre indicateur invoqué par un employeur, tel que l’évolution des pertes d'exploitation, de la dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation. S’il s’agit d’une condition nécessaire, suffit-elle pour autant à caractériser l’existence de difficultés économiques ? Il serait infondé d’ériger la démarche comptable posée par l’article L. 1233-3 du Code du travail en présomption, et encore moins en « présomption irréfragable » [10] de difficultés économiques qui « prive le salarié du droit de contester l'existence d'un tel motif » [11]. Bien au contraire, si l’article L. 1233-3 du Code du travail guide l’appréciation judiciaire relative à l’évolution significative d’un indicateur, sa rédaction ménage une marge de manœuvre aux juges. Ainsi, les difficultés économiques peuvent être caractérisées soit par l’évolution significative « d’au moins un indicateur » - expression qui reconnaît au juge une faculté de prendre en compte une pluralité d’indicateurs - « soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés ». De surcroît, le caractère significatif de la baisse d’un indicateur peut-il se réduire à une durée, indépendamment de l’ampleur de cette baisse [12] ? En tout état de cause, sous couvert d’une prétendue objectivité comptable [13], l’appréciation des difficultés économiques ne saurait se satisfaire du ou des seuls indicateurs choisis par l’employeur [14], et parfois élaborés pour les besoins de la cause. En définitive, l’article L. 1233-3 du Code du travail doit être interprété à la lumière du principe posé par l’article L. 1233-2 du même code, en vertu duquel le licenciement pour motif économique doit être « justifié par une cause réelle et sérieuse », et conformément à la Convention n° 158 de l’OIT [15], qui prévoit notamment, en son article 9, que les juges doivent être habilités « à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas », « à former leur conviction quant aux motifs du licenciement au vu des éléments de preuve fournis par les parties », et « à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs ».


[1] Cass. soc., 1er juin 2022, n° 20-19.957, FS-B N° Lexbase : A58547YH, RDT, 2022, p. 384, obs. F. Géa ; JCP S, 2022, n° 26, 1184, obs. P. Morvan ; D. actualités, 13 juin 2022, obs. L. Malfettes.

[2] Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels N° Lexbase : L8436K9C.

[3] Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, 24 mars 2016, exposé des motifs.

[4] V. not. Cass. soc., 21 novembre 1990, n° 87-44.940 N° Lexbase : A3369AHA, Bull. civ. V, 1990, n° 574 ; Cass. soc., 26 février 1992, n° 90-41.247 N° Lexbase : A1759AAE, Bull. civ. V, 1992, n° 130.

[5] Cass. soc., 16 mars 2004, n° 02-41.356, inédit N° Lexbase : A6066DBB.

[6] Cass. soc., 29 septembre 2021, n° 19-23.248, FS-B N° Lexbase : A054448N, F. Géa et S. Vernac, L'arrêt Ford Aquitaine Industries : un (double) déni de justice ?, RDT, 2021, p. 647.

[7] F. Géa, Les indicateurs comptables des difficultés économiques : quelle portée ?, préc..

[8] V. en particulier l’interrogation formulée par Y. Tarasewicz et E. Coulombel dès 2016 : « une très légère reprise économique à la suite d'une baisse du chiffre d'affaires pendant le nombre de trimestres exigé par la loi exclura-t-elle automatiquement toute caractérisation d'un motif réel de licenciement, alors même qu'une telle situation est admise, à ce jour, par la jurisprudence [Cass. soc., 2 juillet 2015, n° 14-16.213, F-D N° Lexbase : A5431NM4] », in La définition comptable du motif économique de licenciement : un guide plutôt qu'une contrainte, Controverse, RDT, 2016, p. 662.

[9] F. Géa, Les indicateurs comptables des difficultés économiques : quelle portée ?, préc..

[10] P. Morvan, JCl. Travail, Fasc. 31-1 (Licenciement pour motif économique - Définition du motif économique), spéc. n° 83 ; v. également le commentaire de l’arrêt « CWF » par ce même auteur, JCP S, 2022, n° 26, 1184.

[11] Op. cit..

[12] C. Wolmark, Les difficultés économiques à l'épreuve du droit à l'emploi, RDT, 2016, 764.

[13] Par exemple, une diminution de chiffre d’affaires ou du volume des commandes ne s’accompagne pas nécessairement d’une réduction des bénéfices, en particulier lorsque le taux de marge augmente. 

[14] C. Wolmark, Les difficultés économiques à l'épreuve du droit à l'emploi, préc.. ; V. aussi T. Sachs, De l'objectivation comptable des difficultés économiques à l'enrichissement du contrôle de la décision de l'employeur, Controverse, RDT, 2016, 662.

[15] Convention OIT n° 158, concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, 1982.

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Procédure civile

[Jurisprudence] Utilisation de l’annexe dans la déclaration d’appel : les précisions de la Cour de cassation

Réf. : Cass. avis, 8 juillet 2022, n° 22-70.005, FS-B N° Lexbase : A72698AH

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N2262BZS

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par Yannick Ratineau, Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Directeur adjoint de l’Institut d’Études Judiciaires de Grenoble, Centre de Recherches Juridiques – EA 1965

Le 06 Novembre 2023

Mots-clés : appel • déclaration d’appel • annexe • décret n° 2022-245, du 25 février 2022 • communication électronique • application dans le temps

Dans son avis du 8 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation indique, d’une part, que le décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 sont immédiatement applicables aux déclarations d'appel qui ont été formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; d’autre part, qu’une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile même en l'absence d'empêchement technique.


 

Depuis le 1er septembre 2017, l’ensemble des déclarations d’appel introduites le sont au moyen d'une annexe. Pourquoi ? Parce que l'article 901 du Code de procédure civile [1], modifié par le décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile [2], précise que la déclaration d'appel est faite par un acte contenant, notamment, « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Or, le problème qui est apparu dès les premières déclarations d'appel réside dans la capacité limitée du RPVA. En effet, lorsque les chefs du jugement critiqués dépassent 4 080 caractères – limite maximale du RPVA – l'acte d'appel ne peut être adressé, générant un message de refus d'enregistrement. Il faudra donc attendre une circulaire de la chancellerie en date du 4 août 2017 [3] pour qu’une solution se dessine, celle-ci disposant que, « dans la mesure où le RPVA ne permet l'envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d'appel une pièce jointe la complétant afin de lister l'ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d'appel ».

Nombre d'avocats ont donc renseigné les éléments d'identification des appelants, des intimés et de la décision attaquée, comme d'habitude par voie électronique, et ont annexé un fichier joint afin de préciser les chefs de jugement critiqués. Le problème est que la circulaire précitée conditionne la possibilité de joindre une annexe à la déclaration d’appel à la contrainte technique liée aux 4 080 caractères.

Et c'est ainsi que devait naître un contentieux particulièrement nourri de l'annexe à la déclaration d'appel qui a divisé les cours d'appel. Souhaitant mettre visiblement fin à une pratique qui devait rester exceptionnelle, mais qui s’était en réalité généralisée, la Cour de cassation a affirmé que les chefs de jugement critiqués doivent figurer dans la déclaration d'appel qui est un acte de procédure se suffisant à lui seul, et que l'appelant peut la compléter par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer, à la condition de justifier d'un empêchement technique [4]. Cette jurisprudence, qui a fortement déstabilisé les avocats, était pourtant prévisible au regard de la position de la Cour de cassation en matière de cause étrangère où elle avait déjà affirmé que la possibilité de mentionner les chefs critiqués dans un acte séparé n'est ouverte que lorsqu'il est démontré une impossibilité technique, ce qui est le cas lorsque le fichier joint excède la taille de 4 Mo et qu'il ne peut en conséquence être envoyé par voie électronique [5].

À la suite de l’arrêt du 13 janvier 2022, le décret n° 2022-245, du 25 février 2022, favorisant le recours à la médiation, portant application de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire et modifiant diverses dispositions N° Lexbase : L5564MBP, accompagné d’un arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel [6], était alors intervenu pour modifier le contenu de l’article 901 du Code de procédure civile, qui disposait désormais en son alinéa 1er que : « La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité […] ».

Ainsi, à compter du 27 février 2022 date d’entrée en vigueur de ces textes, la déclaration d'appel devenait un acte de procédure qui, le cas échéant lorsque la communication électronique est imposée, peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML (qui fait l’objet d’un traitement automatisé) et un fichier PDF contenant une annexe éventuelle [7].

Le 13 avril dernier, la Cour de cassation était saisie d’une demande d'avis par la cour d'appel de Paris, dans une instance opposant un plaideur à deux sociétés.

En l’espèce, la cour d’appel de Paris posait deux questions à la Cour de cassation. La première était relative à l’application des dispositions du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et l'arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant la cour d'appel aux déclarations d'appel formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes. La seconde portait sur la possibilité pour l’appelant de joindre à sa déclaration d’appel une annexe en l’absence d’empêchement technique.

Dans son avis du 8 juillet 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation répond, à la première question, que les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; à la deuxième question, qu'une déclaration d'appel à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du Code de procédure civile, dans sa nouvelle rédaction et ce, même en l'absence d'empêchement technique.

L’avis rendu le 8 juillet 2022 mérite d’être commenté sur les deux points de réponse apportés par la Cour de cassation à la demande dont elle était saisie. Il conviendra donc d’aborder en premier lieu la question de l’application dans le temps des dispositions du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l'arrêté du même jour (I), et dans un second temps, celle de la généralisation de la possibilité pour l’appelant de compléter sa déclaration d’appel par une annexe, même en l’absence d’un empêchement technique (II).

I. Application dans le temps des dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022

Il était acquis que les dispositions résultant du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l’arrêté du même jour modifiant l’arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d’appel, entrées en vigueur le lendemain de leur publication (soit le 27 février 2022), étaient en principe applicables aux instances en cours, ce qui avait notamment pour effet de régulariser les déclarations d’appel antérieures dès lors que l’instance était en cours et que la déclaration d’appel renvoyait expressément au fichier joint listant les chefs du jugement. Si la Cour de cassation confirme cette interprétation en reconnaissant que les dispositions litigieuses sont d’application immédiate dans les instances en cours (A), elle rejette l’éventualité d’appliquer ces dernières rétroactivement aux déclarations d’appel annulées par le conseiller de la mise en état ou la cour d’appel (B).

A. Application immédiate du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 aux instances en cours

En l'absence de textes spécifiques, les conflits résultant de l’application des lois dans le temps en procédure civile obéissent à l'article 2 du Code civil, ce que rappelle la Cour de cassation. C’est à partir de ce texte que la jurisprudence a dégagé des solutions de principe, dont celle de l'application immédiate aux instances en cours [8].

En vertu de ce principe de l'application immédiate de la loi nouvelle, celle-ci peut être appliquée aux instances en cours et aux instances à venir, ce qui provoque l’exclusion de son champ d’application des actes valablement passés sous l'empire de la loi ancienne, lesquels ne peuvent pas être remis en cause par la loi nouvelle, ainsi que les actes irrégulièrement pris dans le passé, lesquels ne peuvent être validés par la loi nouvelle. Naturellement, la loi nouvelle ne peut davantage produire effet lorsqu’un pourvoi est pendant devant la Cour de cassation. S'agissant plus spécifiquement des modalités d'exercice du recours, comme pour les autres lois de forme, la loi applicable est la loi en vigueur à la date de l'acte [9].

Pour la Cour de cassation, l’application de la loi nouvelle aux instances en cours ne doit pas avoir pour conséquence de priver d'effet les actes qui ont été régulièrement accomplis sous l'empire de la loi ancienne [10], ce principe découlant tant du principe de non-rétroactivité de la loi que de l'exigence de protection des droits acquis, liée au principe de sécurité juridique. Elle ne peut donc s’appliquer qu’à des situations qui, ayant leur origine dans le passé, ne sont pas définitivement acquises. Toutes ces solutions de principe dégagées à propos de la loi sont naturellement applicables aux dispositions nouvelles issues d’actes réglementaires, ce qui est conforme à la jurisprudence du Conseil d’État qui décide de longue date que les décrets et arrêtés ne peuvent avoir un caractère rétroactif [11], ces derniers ne disposant que pour l’avenir [12].

Reste que, pour la Haute juridiction administrative, une réglementation nouvelle a, en principe, vocation à s'appliquer immédiatement, sous réserve, d'une part, du respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, d'autre part, de l'obligation qui incombe à l'autorité investie du pouvoir réglementaire, agissant dans les limites de sa compétence et dans le respect des règles qui s'imposent à elle, d'édicter, pour des motifs de sécurité juridique, les mesures transitoires qu'implique, s'il y a lieu, cette réglementation nouvelle. Tel est le cas, par exemple, lorsque l'application immédiate des règles nouvelles de procédure, entraînerait, au regard de leur objet et de leurs effets, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause [13].

B. Rejet de l’application rétroactive du décret et de l’arrêté du 25 février 2022

Le principe de non-rétroactivité des lois en procédure civile s’impose au pouvoir réglementaire, ainsi qu’aux juges et aux parties. Seul le législateur peut s’y soustraire. Cela tient au fait que, contrairement à la matière pénale au sein de laquelle ce principe a une valeur constitutionnelle et conventionnelle, il n'a qu’une valeur législative en matière civile, de sorte que le législateur peut y déroger pour édicter des lois rétroactives. Toutefois, pour qu’une loi de procédure civile puisse s’appliquer de manière rétroactive, encore faut-il que le législateur manifeste nettement sa volonté en ce sens dans la loi nouvelle, auquel cas elle sera appliquée par le juge, conformément à l'article 2 du Code civil N° Lexbase : L2227AB4.

Au regard de ce qui vient d’être dit, l’on ne peut donc qu’être surpris de constater que la Cour de cassation prend bien soin d’écarter cette hypothèse alors même que la question de l’application rétroactive des dispositions issues du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 ne lui était nullement posée. La Cour de cassation, à l’image de ce pauvre chat dans l’expression populaire « chat échaudé craint l’eau froide », s’inquiéterait-elle d’une possible intervention législative tendant à introduire la possibilité d’appliquer les solutions retenues par le décret et l’arrêté du 25 février 2022 de manière rétroactive ? L’hypothèse prête à sourire, et pourtant, les dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022 ont été prises en réaction à l’arrêt que la Cour de cassation a rendu le 13 janvier 2022.

Peut-être la Cour de cassation souhaite-t-elle ainsi rappeler au législateur que la possibilité dont il dispose de se soustraire au principe de non-rétroactivité des lois nouvelles trouve une limite dans la prohibition des lois ayant pour effet la remise en cause des décisions de justice passées en force de chose jugée, laquelle a été consacrée par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 [14] ? Il nous semble plus probable que la Cour de cassation, de manière implicite le plus souvent, se contente de rappeler aux juges du fond et aux avocats la distinction qu’il convient d’opérer entre l’application immédiate d’une norme nouvelle en procédure civile et son application rétroactive, soucieuse d’endiguer préventivement un contentieux futur dont elle pourrait être éventuellement saisie.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre l’argumentation de la Cour de cassation lorsqu’elle prend la peine de préciser que, si ces textes réglementaires ne peuvent remettre en cause des actes régulièrement accomplis sous l'empire de textes antérieurs, ils peuvent, en revanche, conférer validité à des actes antérieurs, pour autant qu'ils n'ont pas, à la suite d'une exception de nullité, été annulés par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l' arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré ; ou lorsque, dans la réponse qu’elle apporte à la première question dont elle est saisie, elle réaffirme que, si les nouvelles dispositions régissent, dans les instances en cours, les déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur et qu'elles ont pour effet de conférer validité aux déclarations d'appel formées antérieurement à leur entrée en vigueur, pour autant qu’elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du magistrat compétent qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.

II. La généralisation de l’annexe actée par la Cour de cassation ?

Dans son avis du 8 juillet 2022, la Cour de cassation semble prendre acte de ce que le recours à l’annexe est généralisé par la suppression de l’exigence d’un empêchement technique qui conditionnait jusqu’à présent son utilisation (A). Toutefois, la rédaction même de l’avis laisse planer des zones d’ombre, et nous nous permettrons donc quelques recommandations relatives au formalisme de la déclaration d’appel et de son annexe (B).

A. La possibilité de recourir à l’annexe même en l’absence d’empêchement technique

L’on se souvient que, dans son arrêt du 13 janvier 2022, la Cour de cassation avait approuvé une cour d'appel d'avoir dit que le document joint (l’annexe) ne valait pas déclaration d'appel, en tempérant immédiatement, sauf à justifier d'un « empêchement technique à renseigner la déclaration ». Cette précision avait soulevé de nombreuses interrogations : l'annexe est-elle le complément de l'acte d'appel uniquement en cas de contrainte technique ? Lorsque l'avocat constate que les chefs de jugement qu'il va reprendre dépassent 4 080 caractères (ce qui concerne en pratique des dispositifs particulièrement longs), peut-il tous les mentionner directement sur une annexe qui fait corps avec la déclaration d'appel ou doit-il commencer par les préciser sur l'acte d'appel et poursuivre sur une annexe pour que celle-ci fasse corps avec l'acte d'appel ? Et à suivre le raisonnement qui était proposé alors par la haute juridiction, puisque la déclaration d'appel « est un acte de procédure se suffisant à lui seul » lorsqu'y sont mentionnés les chefs de jugement critiqués, une déclaration d'appel avec seulement les éléments d'identification des parties et la décision attaquée peut-elle être complétée, en cas de contrainte technique, par une annexe sur laquelle figure l'ensemble des chefs de jugement ? Plusieurs solutions s’offraient aux praticiens pour éviter une éventuelle sanction sans qu’aucune ne soit clairement satisfaisante, y compris sur le renvoi à l’annexe qui a donné lieu à des pratiques disparates selon les ressorts. Si certains cabinets ont préféré inclure une phrase de type « compte tenu de la contrainte technique liée au nombre limité de caractères, une annexe à la déclaration d'appel est établie », d’autres se sont contentés d’une simple indication du renvoi à une annexe dans la déclaration d’appel. De ce point de vue, la reconnaissance par la Cour de cassation, de la possibilité d’utiliser l’annexe même en l’absence d’empêchement technique est un soulagement. Deux observations doivent toutefois être faites.

La première porte sur le fait que la Cour de cassation rappelle le pouvoir réglementaire à ses obligations en ce qui concerne l’intelligibilité des textes qu’il produit en faisant remarquer que l'expression « le cas échéant » figurant à l'article 901 modifié par le décret du 25 février 2022 est ambigüe, et elle pourrait renvoyer à une condition d'utilisation de l'annexe, tel l'empêchement technique, lequel pourrait résulter du dépassement du nombre de caractères maximum prévus par le RPVA… L’on ne peut raisonnablement donner tort à la Haute juridiction de pointer ainsi la maladresse du pouvoir réglementaire qui procède une réforme en réaction à un arrêt de la Cour de cassation, sans finalement désavouer clairement la solution retenue par cette dernière en précisant, dans les textes, la pratique qu’il souhaite effectivement supprimer ou valoriser. Il faut savoir appeler un chat, un chat !

La deuxième porte sur le fait que la Cour de cassation sème le doute quant à la nécessité de mentionner expressément la présence d’une annexe dans la déclaration d’appel. En effet, l’on peine à comprendre la raison qui pousse la Haute juridiction à préciser, préalablement à son avis, que le présupposé introduit dans la formulation de la question, telle que posée par la cour d'appel de Paris, par la locution « dès lors que la déclaration d'appel mentionne expressément l'existence d'une annexe », doit être regardé comme une simple donnée du litige à l'occasion duquel a été formulée la demande d'avis. Faut-il comprendre que l’exigence d’une mention expresse de l’annexe dans la déclaration d’appel n’est plus d’actualité ? Il est vrai que l’article 901 du Code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 25 février 2022 n’impose pas à l’appelant de mentionner expressément dans sa déclaration d’appel l’existence d’une annexe. Mais tel n'est pas le cas de l’article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par l'arrêté du 25 février 2022, qui précise que lorsqu'un document doit être joint à un acte (soit, en l'espèce, l'annexe qui liste les chefs du jugement critiqués), ledit acte doit renvoyer expressément à ce document.

Il est donc impératif que la déclaration d'appel (sous fichier XML) renvoie expressément à l'annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l'absence de renvoi exprès, il y a tout lieu de penser que l'annexe ne fait pas corps avec la déclaration d'appel, ce qui signifie qu'il n'y aura pas d'effet dévolutif ! Il est regrettable que, dans un avis, la Cour de cassation trouve le moyen de distiller le doute sur un élément qui ne fait pas partie de l’équation qui lui est demandée de résoudre…

B. Le formalisme renouvelé de la déclaration d’appel… et son annexe

Dans sa décision du 13 janvier 2022, qui avait soulevé de vives critiques, la Cour de cassation avait considéré qu’un appel formé par une déclaration d’appel qui ne contient pas, dans le fichier XML lui-même, l’énoncé des chefs du jugement expressément critiqués jusqu’à hauteur de 4 080 caractères, éventuellement complété par un fichier PDF, ne produisait aucun effet dévolutif.

Désormais, au lendemain de l’entrée en vigueur des dispositions du décret et de l’arrêté du 25 février 2022, lesquels sont applicables immédiatement aux instances en cours, lorsque la communication électronique est imposée, la déclaration d’appel peut prendre la forme de deux fichiers, un fichier XML et un fichier PDF, contenant le cas échéant une annexe, qui doit comprendre obligatoirement les mentions des alinéas 1 à 4 de l’article 901 du Code de procédure civile (autrement dit, les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 N° Lexbase : L8645LYT et par le cinquième alinéa de l’article 57 N° Lexbase : L9288LT8 ; la constitution de l’avocat de l’appelant ; l’indication de la décision attaquée ; et l’indication de la cour devant laquelle l’appel est porté). De fait, l’alinéa 5 de l’article 901 qui prévoit que « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » ne figure pas parmi les mentions obligatoires dans le fichier XML de la déclaration d’appel.

Cette solution est logique puisque les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe jointe sous la forme d’un fichier PDF, sans aucune considération du nombre de caractères, et ce, contrairement à ce que la Cour de cassation avait affirmé dans son arrêt du 13 janvier 2022. L’annexe est en effet régulière quel que soit le nombre de signes qu’elle comporte, fut-il inférieur à 4 080 caractères et même si le fichier XML de la déclaration d’appel, qui, lui, est limité à 4 080 caractères, ne contient aucun chef de jugement critiqué. Il faut bien comprendre que, matériellement, les chefs du jugement critiqués peuvent figurer dans une annexe. Mais attention, si ce fichier PDF n’est pas joint et transmis à la cour d’appel avec le fichier XML, la sanction de l’absence d’effet dévolutif et de la nullité pour vice de forme s’appliqueront !

Concernant cette annexe justement, elle se présente sous la forme d’un fichier au format PDF, produit soit au moyen d’un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l’outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique. Elle est communiquée sous la forme d’un fichier séparé de la déclaration d’appel XML. Pour faire corps avec la déclaration d’appel, l’arrêté du 25 février 2022 précise que lorsque l’annexe qui liste les chefs du jugement critiqués doit être joint à un acte, ledit acte doit renvoyer expressément à ce document. Il est donc impératif que la déclaration d’appel (le fichier XML) renvoie expressément à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l’absence de renvoi exprès, l’annexe ne fait pas corps avec la déclaration d’appel, ce qui signifie qu’il n’y aura pas d’effet dévolutif ! La nouvelle formulation de l’article 4 de l’arrêté semble aussi imposer un renvoi exprès au fichier PDF qui contient le jugement attaqué (l’article 901 du Code de procédure civile, dernier alinéa, rappelle que la déclaration d’appel est accompagnée d’une copie de la décision, mais il ne s’agit pas d’une formalité prévue à peine de nullité de la déclaration d’appel), à moins de considérer que l’indication contenue dans le fichier XML suffise à remplir cette exigence ! En cas de contradiction entre les mentions contenues dans la déclaration d’appel (fichier XML) et le document joint (annexe fichier PDF), les mentions de la déclaration d’appel XML prévalent sur le fichier PDF.

Si, au regard de l’article 901 du Code de procédure civile, l’annexe est toujours possible, il nous semble toutefois qu’il existe des hypothèses dans lesquelles elle n’est pas nécessaire (par exemple, lorsque les 4080 caractères du fichier XML suffisent à remplir la déclaration d’appel). Naturellement, outre le fait que la déclaration d’appel (fichier XML) doive impérativement contenir l’objet de l’appel, à savoir la réformation ou l’annulation, qui doit être expressément mentionné, la notification de l’annexe contenant les chefs du jugement critiqués à l’intimé en même temps que la déclaration d’appel s’impose pour garantir les droits de la défense.

À retenir : Les dispositions issues du décret n° 2022-245, du 25 février 2022 et de l'arrêté du 25 février 2022 sont immédiatement applicables aux déclarations d'appel formées antérieurement à l'entrée en vigueur de ces deux textes, dès lors qu'elles n'ont pas été annulées par une ordonnance du conseiller de la mise en état qui n'a pas fait l'objet d'un déféré dans le délai requis, ou par l'arrêt d'une cour d'appel statuant sur déféré.
Il est possible de joindre une annexe comportant les chefs de jugement critiqués à la déclaration d’appel, même en l’absence d’empêchement technique. La déclaration d’appel doit expressément renvoyer à l’annexe contenant la liste des chefs du jugement critiqués. En l'absence de renvoi exprès, l'annexe ne faisant pas corps avec la déclaration d'appel, il n'y aura donc pas d'effet dévolutif !

Néanmoins, il convient de relever qu’un changement majeur est intervenu récemment dans l’usage du RPVA. L’espace qui y était limité à 4080 signes pour régulariser une déclaration d’appel a été augmenté à hauteur à 8000 signes. En cas de dépassement de cette limite, un message d’alerte est généré.


[2] Décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L2696LEL.

[3] Circ. DACS, NOR : JUSC1721995C du 4 août 2017, de présentation des dispositions du décret n° 2017-891, du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, modifié par le décret n° 2017-1227, du 2 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD.

[4] Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU, C. Bléry, Application inopportune de la notion d’accessoire à la déclaration d’appel, Lexbase Droit privé, janvier 2022 N° Lexbase : N0197BZC ; A. Martinez-Ohayon, Annexe à la déclaration d’appel : valable uniquement en présence d’un empêchement d’ordre technique !, Lexbase Droit privé, janvier 2022  N° Lexbase : N0084BZ7 ; D. 2022, 325, note M. Barba ; AJ fam. 2022, 63, obs. F. Eudier et D. D’Ambra.

[5] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935WZP.

[6] Arrêté du 25 février 2022 modifiant l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel N° Lexbase : L5628MB3.

[7] Sur cette question et les enjeux pratiques qu’elle porte, Y. Joseph-Ratineau, Précisions des chefs de jugement critiqués dans le dispositif des conclusions d’appel : Tout va bien (ou presque), Lexbase Droit privé, mars 2022 N° Lexbase : N0911BZR sur Cass. civ. 2, 3 mars 2022, n° 20-20.017, F-B N° Lexbase : A24677P3.

[8] Cass. avis, 22 mars 1999, n° 09-00.005, Bull. avis, n°2 N° Lexbase : A70458BK.

[9] Cass. 5 mars 1862, S. 1863. 1. 28. ; Cass. 21 mars 1908, S. 1910. 1. 525 ; V. plus récem. : CE, 26 janvier 2015, n° 373715 N° Lexbase : A6912NAA.

[10] Cass. civ. 3, 18 juin 2008, n° 07-10.915, FS-D N° Lexbase : A2174D9E ; v. déjà : Cass. civ. 2, 30 avril 2003, n° 00-14.333, FS-P+B N° Lexbase : A7482BSW.

[11] CE, Ass., 25 juin 1948, n° 94511, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7255B89.

[12] CE, 4 octobre 1974, n° 88930, Dame David N° Lexbase : A3098B7U.

[13] CE, 24 mars 2006, n° 288460, KPMG N° Lexbase : A7837DNL ; CE, 23 juillet 2008, n° 310157 N° Lexbase : A7930D9L.

[14] Cons. const., décision, n° 2008-571, 11 décembre 2008 N° Lexbase : A6887EBP.

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Procédure civile

[Brèves] Procédure sans représentation obligatoire : quid de l’effet dévolutif de la DA omettant d’indiquer les chefs du jugement critiqués ?

Réf. : Cass. civ. 2, 30 juin 2022, n° 21-15.003, F-B N° Lexbase : A857378Z

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N2331BZD

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 22 Juillet 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 30 juin énonce qu’en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne que l'appel tend à la réformation de la décision déférée à la cour d'appel, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement ; les Hauts magistrats énoncent qu’encourt la cassation l'arrêt qui, dans un litige relevant du contentieux de la sécurité sociale, dit n'y avoir lieu de statuer sur les demandes d'une caisse, dont la déclaration d'appel ne mentionnait aucun chef de jugement critiqué.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un salarié a été victime d’un accident pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie. Contestant le taux d’incapacité permanente partielle attribué par la caisse, son employeur a saisi un tribunal de grande instance d’une contestation.

Par un arrêt (CA Paris, 6, 13, 12 février 2021, n° 19/06575 N° Lexbase : A69744GE), la cour d’appel a dit n’y avoir lieu de statuer sur ses demandes en l'absence d'effet dévolutif de l'appel.

Le pourvoi. Un pourvoi a été formé par la caisse. La demanderesse reproche aux juges du fond d’avoir violé les articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 933 N° Lexbase : L8616LYR du Code de procédure civile. En l’espèce, les juges d’appel ont retenu que dès lors que la caisse indiquait dans sa déclaration interjeter appel du jugement, dans le litige l'opposant à l'employeur, sans mentionner aucun chef de jugement critiqué, qu’en ne mentionnant pas le chef du jugement critiqué, l'appel n'opérait pas d'effet dévolutif et que la cour n'était donc investie de la connaissance d'aucun litige.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 562 et 933 du Code de procédure civile, la Haute juridiction précisant que :

  • selon le premier de ces textes, l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ;
  • selon le second, régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, la déclaration désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour.

Par ailleurs, la Cour relève, « que si, pour les procédures avec représentation obligatoire, il a été déduit de l'article 562, alinéa 1er que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas (Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, pourvoi n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4), et que de telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit (Cass. civ. 2, 2 juillet 2020, pourvoi n° 19-16.954, F-P+B+I N° Lexbase : A56913QT), un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant en matière de procédure sans représentation obligatoire constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait pas de nature à y remédier (Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, pourvoi n° 20-13.673, FS-B+R N° Lexbase : A256044L). »

La Haute juridiction censure le raisonnement de la cour d’appel et casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt rendu.

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