Le Quotidien du 20 juin 2022

Le Quotidien

Droit médical

[Brèves] Exportation des gamètes vers Israël à la demande de la mère du défunt : la voie de fait écartée !

Réf. : Cass. civ. 1, 15 juin 2022, n° 21-17.654, FS-B N° Lexbase : A468777Q

Lecture: 3 min

N1891BZ3

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par Laïla Bedja

Le 17 Juin 2022

► Des gamètes humains ne constituent pas des biens au sens de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, eu égard à la portée économique et patrimoniale attachée à ce texte (CEDH, 27 août 2015, Req. 46470/11, § 215) ; seule la personne peut en disposer et la liberté de procréer n'entre pas dans le champ de la liberté individuelle au sens de l'article 66 de la Constitution, c'est à bon droit et sans être tenue de procéder à une recherche inopérante que la cour d'appel, faisant application de l'article R. 2141-18 du Code de la santé publique, a retenu que :

  • le refus opposé par l'AP-HP à la restitution des gamètes se rattachait à ses prérogatives ;
  • écarté l'existence d'une voie de fait ;
  • déduit que la juridiction judiciaire était incompétente pour connaître du litige.

Les faits et procédure. M. X est décédé, à l’âge de vingt-trois ans, des suites d’un cancer, après avoir procédé au dépôt de ses gamètes auprès du centre d'étude et de conservation des œufs et du sperme humain. Sa mère a demandé au juge des référés du tribunal administratif, l’exportation des gamètes vers un établissement de santé situé en Israël. Le juge des référés du tribunal administratif et celui du Conseil d’État ont rejeté la requête de la mère.

La Cour européenne des droits de l’Homme, saisie par cette dernière, a déclaré sa requête irrecevable aux motifs, d'une part, que « le sort des gamètes déposés par un individu et la question du respect de sa volonté qu'elles soient mises en œuvre après sa mort concernent le droit d'un individu de décider de quelle manière et à quel moment il souhaite devenir parent qui relève de la catégorie des droits non transférables », d'autre part, que le champ d'application de l'article 8 de la Convention précitée N° Lexbase : L4798AQR ne comprend pas le droit de fonder une famille et ne saurait englober, en l'état de sa jurisprudence, le droit à une descendance pour des grands-parents (CEDH, 5 décembre 2019, Req. 23038/19, Petithory Lanzmann c/ France).

Invoquant une voie de fait, la mère du défunt a assigné l'AP-HP devant la juridiction judiciaire aux fins de lui voir enjoindre de lui restituer les gamètes de son fils. L'AP-HP a soulevé une exception d'incompétence au profit de la juridiction administrative.

La décision. Énonçant la solution précitée et rappelant que la juridiction administrative est compétente pour connaître des demandes dirigées contre un établissement de santé public au titre notamment du transfert et de l'exportation de gamètes ou de tissus germinaux, la Haute juridiction rejette le pourvoi de la mère (CSP, art. R. 2141-18 N° Lexbase : L5926MAQ).  

newsid:481891

Éducation

[Brèves] Refus d'inscription à l'école publique d'un enfant de moins de trois ans : le maire doit justifier de la situation particulière de l’école ou de la classe

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 1er juin 2022, n° 456625, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A67947YB

Lecture: 3 min

N1862BZY

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par Yann Le Foll

Le 17 Juin 2022

► Le maire d’une commune qui refuse l'inscription à l'école publique d'un enfant de moins de trois ans doit justifier de la situation particulière de l’école ou de la classe en cause.

Principe. Les dispositions des articles L. 113-1 N° Lexbase : L5757L4Y et D. 113-1 N° Lexbase : L6475LRA du Code de l'éducation, qui n'instituent pas un droit pour les enfants âgés de moins de trois ans à l'issue de l'année civile où a lieu la rentrée scolaire, qui ne sont pas soumis à l'obligation scolaire, à être accueillis dans les écoles et classes maternelles, impliquent que lorsque cet accueil peut être organisé, il le soit en priorité dans les écoles et classes maternelles situées dans un environnement social défavorisé et dans la limite des places disponibles (CE, 4°-5° s-s-r., 19 décembre 2012, n° 338721, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1338IZL).

Saisi d'une demande d'admission dans une classe ou une école maternelle d'un enfant de moins de trois ans non soumis à l'obligation scolaire, il appartient au maire de se prononcer conformément aux dispositions précitées des articles L. 113-1 et D. 113-1 précités, en prenant en considération la situation particulière de l'école ou de la classe en cause, le cas échéant en lien avec les services de l'Éducation nationale.

Il ne peut, en revanche, refuser une telle admission sur le fondement de considérations de principe portant sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans qu'il n'est pas compétent pour édicter.

Position CE.  Pour refuser l’inscription en classe de très petite section à l'école maternelle de la commune, le maire s'est fondé sur trois motifs.

S'il résulte du principe précédent qu’il ne pouvait légalement ni refuser par principe d'admettre à l'école maternelle les enfants âgés de moins de trois ans en invoquant des considérations générales relatives au bien-être de l'enfant et à la « bienveillance éducative » ni se borner à invoquer l'absence de droit pour les enfants de moins de trois ans à être accueillis dans les écoles et classes maternelles, il ressort des pièces des dossiers qu'il aurait pris la même décision s'il était fondé uniquement sur le motif tenant à l'absence de projet éducatif relatif à l'accueil des enfants non encore soumis à l'obligation scolaire et à l'insuffisance des moyens humains et matériels nécessaires à l'accueil de ces très jeunes enfants, alors même que de tels enfants étaient, au cours des années scolaires précédentes, accueillis au sein des classes de petite et moyenne sections de l'école maternelle.

Décision. Eu égard à ces motifs, les moyens tirés de ce que les décisions attaquées méconnaîtraient les dispositions des articles L. 113-1 et D. 113-1 du Code de l'éducation et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation ne sont pas, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité.

newsid:481862

Entreprises en difficulté

[Brèves] Modalités procédurales de la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire

Réf. : Cass. com., 9 juin 2022, n° 21-10.309, F-B N° Lexbase : A790774M

Lecture: 3 min

N1830BZS

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par Vincent Téchené

Le 17 Juin 2022

► Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9 et L. 622-23 du Code de commerce que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier et se poursuit selon celles du second.

Faits et procédure. Une société (l’affilié) a conclu, avec une autre société (l’affiliant), un contrat d'affiliation pour la distribution de vêtements d'enfants, selon lequel elle avait le droit d'utiliser la marque, propriété de l’affiliant, à titre d'enseigne et de disposer d'un stock de marchandises laissées en dépôt jusqu'à ce qu'elles soient vendues et payées par les clients. L’affilié devait alors en régler le prix à l’affiliant sous déduction d'une commission. Ce dernier avait également donné en dépôt du matériel et du mobilier. Constatant le non-paiement de factures, l’affiliant a, le 17 novembre 2016, assigné l’affilié en paiement et en restitution des marchandises, du matériel et du mobilier.

L’affilié a ensuite été mis en liquidation judiciaire. Après la déclaration de sa créance par l’affiliant, le liquidateur est intervenu à l'instance.

C’est dans ces conditions que l’affiliant a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel (CA Pau, 5 novembre 2020, n° 18/02120 N° Lexbase : A646533T) qui a rejeté sa demande de restitution.

Pourvoi. La société créancière faisait en effet valoir que la demande en restitution de biens meubles présentée avant la mise en liquidation judiciaire de leur détenteur par le propriétaire mobilier non titulaire d'un contrat publié n'est pas soumise aux dispositions des articles L. 624-9 N° Lexbase : L3492ICC et L. 624-10 N° Lexbase : L5569HDM du Code de commerce et se poursuit selon les dispositions de l'article L. 622-23 du même Code N° Lexbase : L3488IC8.

Décision. Cet argument convainc la Cour de cassation qui énonce donc, au visa des articles L. 624-9 et L. 622-23 du Code de commerce, qu’il résulte de leur combinaison que la demande de restitution de meubles présentée avant l'ouverture de la procédure collective de leur détenteur précaire n'est pas soumise aux dispositions du premier et se poursuit selon celles du second. 

Elle relève alors que, pour rejeter la demande de restitution de la créancière, l'arrêt d’appel retient qu'en l'absence de dispositions légales à cet égard, celle-ci ne peut valablement soutenir qu'elle est dispensée de l'action en revendication alors que seul l'article L. 624-10 du Code de commerce prévoit l'absence de nécessité d'une revendication lorsque le contrat porte sur un bien ayant fait l'objet d'une publicité avant le jugement d'ouverture, ce qui n'est pas le cas du contrat d'affiliation.

Or, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, après avoir constaté que l'assignation en paiement des factures et restitution des biens mis en dépôt était antérieure à l'ouverture de la liquidation judiciaire, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par fausse application, le second par refus d'application.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les vendeurs de meubles, les revendications et restitutions, Le domaine de l'action en revendication, in Entreprises en difficulté, (dir. P.-M. Le Corre), Lexbase N° Lexbase : E4427EYM.

 

newsid:481830

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Imposition commune des époux en matière d’IR et prélèvements sociaux

Réf. : CE, 9°-10° ch.-réunies, 9 juin 2022, n° 456544, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A789774A

Lecture: 2 min

N1889BZY

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Juin 2022

► L’imposition commune des époux en matière d’impôt sur le revenu s’étend également aux prélèvements sociaux.

Les faits :

  • à la suite de la vérification de comptabilité d’une SARL, dont le requérant était le gérant, et d’une SCI, dont il était associé avec son épouse au moment des faits (divorcés en 2013), l'administration fiscale a mis à la charge des intéressés des cotisations supplémentaires de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011 ;
  • le TA de Montreuil a rejeté la demande de l’épouse tendant à la décharge de ces cotisations ; la CAA de Versailles a partiellement fait droit à l'appel de cette dernière en la déchargeant de la part des cotisations en cause correspondant aux revenus de son mari au moment des faits (CAA Versailles, 16 juillet 2021, n° 19VE03146 N° Lexbase : A310773H).

Rappel. Les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu. Cette contribution est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu (CSS, art. L. 136-6 N° Lexbase : L8450LQZ).

Solution du CE. En prévoyant que la contribution sur les revenus du patrimoine est assise selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, le législateur a rendu applicable à cette contribution sociale, le principe de l'imposition commune entre époux prévu par l'article 6 du CGI N° Lexbase : L1177ITR.

Par suite, en jugeant que la requérante, ne pouvait faire l'objet d'une imposition commune à ces contributions avec son mari au moment des faits, et qu'il y avait lieu de distinguer entre les revenus des deux époux, la cour a commis une erreur de droit.

Précisions sur la solidarité de paiement. Le Conseil d’État a jugé, dans un arrêt du 10 juillet 2012, que les époux ne sont pas solidairement tenus au paiement des prélèvements sociaux (CE 9° et 10° ssr., 10 juillet 2012, n° 336492, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7062IQM).

 

newsid:481889

Fiscalité internationale

[Brèves] Principe de subsidiarité des conventions fiscales et application de la règle du butoir : illustration dans le cas de la convention franco-chinoise

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 31 mai 2022, n° 461519, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A62107YN

Lecture: 9 min

N1819BZE

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par Marie-Claire Sgarra

Le 17 Juin 2022

Le Conseil d’État a été saisi d’une affaire portant sur l’application de la convention fiscale franco-chinoise et de la « règle du butoir ».

Les faits :

  • une société de droit anglais dispose d'un établissement stable en France qui s'est constitué seul redevable de l'impôt sur les sociétés dû en France par les entités membres d'un groupe fiscalement intégré au sens des dispositions de l'article 223 A du CGI ;
  • elle a bénéficié, en vue d'éliminer une double imposition, à raison de la perception par la société membre de ce groupe en France, d'intérêts rémunérant des prêts accordés à des sociétés chinoises au titre des exercices clos en 2013 et 2014, de crédits d'impôt dont la convention fiscale, conclu entre la France et la Chine prévoit qu'ils sont calculés forfaitairement à un taux de 10 % ;
  • lors de la liquidation de l’IS dû par le groupe au titre de ces exercices, ces crédits d'impôt étrangers ont été imputés, pour tenir compte de leur inclusion dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés dû en France, à hauteur de deux tiers de 10 % des intérêts perçus ;
  • la société de droit anglais a demandé que le montant des crédits d'impôts imputés soit porté, pour chacun de ces deux exercices, à 11 % des intérêts reçus, ce dernier taux étant justifié par un calcul « en dehors », c'est-à-dire incluant l'impôt réputé prélevé en Chine dans l'assiette sur laquelle est appliqué le taux forfaitaire de 10 % prévu par la convention franco-chinoise ; l'administration a partiellement fait droit à cette réclamation, admettant que le crédit d'impôt n'avait pas à être inclus dans l'assiette de l'impôt sur les sociétés mais persistant à estimer que celui-ci ne devait pas être calculé « en dehors » ;
  • la société a saisi le tribunal administratif de Montreuil d'une demande tendant, notamment, à ce que celui-ci prononce la réduction des cotisations d’IS en litige à concurrence de la différence entre le montant sollicité dans sa réclamation et le dégrèvement prononcé ;
  • le TA a rejeté cette demande ; la CAA de Versailles a annulé le jugement et fait droit à la demande de la société (CAA Versailles, 20 décembre 2021, n° 19VE03903 N° Lexbase : A27027HK).

Sur les dispositions de la convention fiscale conclue entre la France et la Chine le 30 mai 1984 N° Lexbase : E0508EUD :

  • les intérêts provenant d'un État contractant et payés à un résident de l'autre État contractant sont imposables dans cet autre État ; toutefois, ces intérêts sont aussi imposables dans l'État contractant d'où ils proviennent et selon la législation de cet État, mais si la personne qui reçoit les intérêts en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 % du montant brut des intérêts (art. 10) ;
  • la double imposition est évitée de la manière suivante pour les deux États contractants, en ce qui concerne la France :
    • les revenus visés aux articles 9, 10, 11, 12, 15 et 16 provenant de Chine sont imposables en France, conformément aux dispositions de ces articles, pour leur montant brut,
    • il est accordé aux résidents de France un crédit d'impôt français correspondant au montant de l'impôt chinois perçu sur ces revenus mais qui ne peut excéder le montant de l'impôt français afférent à ces revenus,
    • le montant de l'impôt chinois perçu est considéré comme étant égal à 10 % sur les intérêts, du montant brut de ces éléments de revenu (art. 22).

En appel, la CAA de Versailles juge si ces stipulations conventionnelles confèrent un droit à un crédit d'impôt forfaitaire qui, par hypothèse, ne correspond pas à une imposition prélevée dans l'État de source, aucune autre disposition législative de droit interne n'a pour objet ou pour effet d'inclure un tel crédit d'impôt, qui ne constitue pas un revenu taxable, dans la base imposable à l'impôt sur les sociétés en France. Par suite, seul le montant du revenu perçu, hors crédit d'impôt, est imposable en France.

Solution du Conseil d’État :

  • une convention bilatérale conclue en vue d’éviter les doubles impositions ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l’imposition et, par suite, il incombe au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à une telle convention, de se placer d’abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l’imposition contestée a été valablement établie avant de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l’application de la loi fiscale ;
  • il appartient néanmoins au juge, pour la mise en œuvre des stipulations d’une convention qui sont relatives, non à la répartition du pouvoir d’imposer entre les deux États parties, mais aux modalités d’élimination des doubles impositions, de faire application des stipulations claires subordonnant l’imputation du crédit d’impôt forfaitaire qu’elles prévoient à raison de l’impôt réputé perçu dans l’État où les revenus en cause trouvent leur source à l’inclusion dans l’assiette de l’impôt sur les bénéfices dû en France du revenu en cause augmenté de cet impôt.

► L'article 10 et l'article 22 de la convention conclue le 30 mai 1984 entre la France et la Chine prévoient, pour l’élimination de la double imposition née de la possibilité reconnue concurremment à la France et à la Chine de taxer les intérêts de source chinoise perçus par une entreprise établie en France, que cette entreprise est imposable en France sur ces revenus, retenus pour leur montant brut, c’est-à-dire incluant le montant de l’impôt chinois tel que défini à l’article 22, pour pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt imputable sur l’impôt sur les sociétés dû en France, égal à 10 % du même montant brut de ces revenus, dans la limite du montant de l’impôt français dû à raison de ceux-ci.

► Par suite, alors que ces stipulations claires subordonnent l’imputation du crédit d’impôt forfaitaire qu’elles prévoient à raison de l’impôt réputé prélevé en Chine sur les intérêts y trouvant leur source à l’inclusion dans l’assiette de l’impôt sur les bénéfices dû en France de ces intérêts augmentés de cet impôt, et alors même qu’aucune disposition législative de droit interne ne prévoit l’inclusion de cet impôt forfaitaire dans l’assiette de l’impôt sur les sociétés dû en France, une société n’est pas en droit d’imputer sur cet impôt, calculé, en ce qui concerne les opérations en cause, sur le seul montant des intérêts de source chinoise perçus par elle, un crédit d’impôt égal au montant total de l’impôt réputé prélevé à la source sur ces intérêts.

Le pourvoi de la société est rejeté.

Rappels.

► Sur la naissance du principe de subsidiarité des conventions fiscales, le Conseil d’État a jugé dans un arrêt du 28 juin 2002 que « si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; [...] par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer -en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office- si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ». Par cette décision, le Conseil d'État consacra pleinement le principe dit de subsidiarité des conventions fiscales (CE Contentieux, 8 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0219AZ7).

► S’agissant des stipulations claires d'une convention excluant la possibilité de déduire l'impôt acquitté dans cet autre État d'un bénéfice imposable en France, le Conseil d’État a jugé qu’une convention fiscale qui interdisait expressément la déductibilité des impôts étrangers s’y opposait y compris lorsque le contribuable ne pouvait pas bénéficier du crédit d’impôt (CE, 9°-10° ssr., 12 mars 2014, n° 362528, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6800MGX).

Lire en ce sens, T. Massart, Principe de subsidiarité : une évolution sans retenue (à la source) - À  propos de l'arrêt « Céline » du 12 mars 2014, Lexbase Fiscal, mai 2014, n° 570 N° Lexbase : N2194BUS.

► Sur les modalités d’application de la règle du butoir dans le cadre d’intérêts reçus par un siège français au titre des sommes mises à disposition de sa succursale chinoise (CE 3°-8° ch. réunies, 10 décembre 2021, n° 449637, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A83327EC), lire les conclusions du rapporteur public, K. Ciavaldini, Lexbase Fiscal, février 2022, n° 895 N° Lexbase : N0442BZE.

 

newsid:481819

Procédure civile

[Brèves] Nullité d’un acte de procédure : date d’appréciation et éléments de preuve extérieurs

Réf. : Cass. civ. 2, 9 juin 2022, n° 21-12.738, F-B N° Lexbase : A792474A

Lecture: 4 min

N1821BZH

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 17 Juin 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 9 juin 2022, vient préciser que si la nullité d'un acte de procédure doit être appréciée à la date de ce dernier, cette appréciation peut se fonder sur des éléments de preuve extérieurs à cet acte

Faits et procédure. Dans cette affaire, la société Victor Heinrich a commandé auprès de la société Dam, l’étude et la réalisation d’un moule dans le but d’une fabrication en série de lampadaires comprenant des réflecteurs aluminisés. La société Bertrandt a été désignée en tant que sous-traitant concepteur du produit et l’aluminisation des réflecteurs a été confiée à la société Orphel. À la suite de la liquidation judiciaire de cette dernière, la fabrication des réflecteurs de pré-série a été confiée à la société Sarplast. Compte tenu du fait que la production des pièces conformes à la commande n’a pas été possible, la société Victor Heinrich n’a pas été en mesure d’honorer ses commandes. Plusieurs expertises judiciaires ont été ordonnées, et la société Heinrich éclairage est intervenue volontairement à l’instance. Par assignations signifiées à cinq dates différentes entre le 1er décembre 2016 et le 11 janvier 2017, la société Victor Heinrich a recherché la responsabilité des sociétés Dam, Bertrandt, Sarplast et de leurs assureurs respectifs devant le tribunal de grande instance. Par ordonnance, le juge de la mise en état a notamment rejeté les exceptions de nullité de l’assignation délivrées le 11 janvier 2017 et a déclaré valable cette assignation délivrée par la société Heinrich éclairage dénommée à tort Victor Heinrich éclairage. L’assureur de la société Bertrandt a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Le pourvoi. La société Heinrich éclairage fait grief à l’arrêt (CA Colmar, 30 décembre 2020, n° 19/04056 N° Lexbase : A36434BK) d’avoir déclaré nulles les cinq assignations. En l’espèce, la cour d’appel a relevé que les assignations délivrées au nom d’une société, n’étaient pas affectées d’un vice de forme mais d’un vice de fond, insusceptible de régularisation, à raison de l’inexistence légale de la société, et de son incapacité d’ester en justice.

En l’espèce, l’arrêt retient que l’assignation initiale l’a été au nom d’une société n’existant pas sous cette raison sociale précise. Il relève également « que l'assignation initiale, délivrée au nom de la société Victor Heinrich éclairage, l'a été au nom d'une société n'existant pas sous cette raison sociale précise. Il ajoute que, comme le soutiennent les défenderesses, les conclusions de première instance remises par la demanderesse le 19 décembre 2017 établissent que cette assignation n'est pas seulement affectée d'un seul vice de forme, le fait que la société Victor Heinrich y soit présentée comme demanderesse principale, comme si elle était venue aux droits de la société Victor Heinrich éclairage, au nom de laquelle l'assignation a été prise, et que la société Heinrich éclairage soit intervenue volontairement, alléguant explicitement agir distinctement de la société Victor Heinrich éclairage, établissant que l'assignation, selon la propre présentation des intéressées, a été délivrée au nom d'une société distincte. »

Il convient de rappeler, comme l’illustre le cas d’espèce, que les nullités tirées d’une irrégularité de fond ne peuvent pas toujours être régularisées, tel est le cas lorsque la partie qui accomplit les actes est dépourvue d’existence juridique (déjà en ce sens : Cass. soc., 17 janvier 1996, n° 91-43.757 N° Lexbase : A2217ABQ).

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation valide le raisonnement de la cour d’appel et rejette le pourvoi, relevant que le moyen pour partie manque en fait, et n’est pas fondé pour le surplus, dès lors, il ne peut être accueilli.

Pour aller plus loin : v. N. Hoffschir, ÉTUDE : La nullité des actes de procédure, in Procédure civile (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E24067LP.

newsid:481821

Procédure pénale/Instruction

[Brèves] Refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique : inconstitutionnalité de l’impossibilité pour le témoin assisté d’interjeter appel

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-999 QPC, du 17 juin 2022 N° Lexbase : A500777L

Lecture: 5 min

N1892BZ4

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par Adélaïde Léon

Le 21 Juin 2022

► Il résulte de l’impossibilité pour le témoin assisté d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique une distinction injustifiée entre les personnes mises en examen, selon qu’elles ont précédemment eu ou non le statut de témoin assisté.

Rappel de la procédure. Par un arrêt du 20 avril 2022 (Cass. crim., 20 avril 2022, n° 21-86.542, F-D N° Lexbase : A87597UX), la Chambre criminelle a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution :

  • de l’article 113-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3174I3X, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2014-535 du 17 mai 2014, portant transposition de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L2680I3N ;
  • et du premier alinéa de l’article 186-1 du même code N° Lexbase : L8650HWB, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-291, du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale N° Lexbase : L5930HU8.

Motifs et portée de la QPC. L’établissement public requérant reprochait à ces dispositions de ne pas permettre au témoin assisté d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction de constater la prescription de l’action publique, alors qu’un tel droit est ouvert au mis en examen.

Selon, le requérant, il résulterait de cette différence une méconnaissance des principes d’égalité devant la loi et devant la justice ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif.

Il s’agissait donc, pour le Conseil, de déterminer si la différence de traitement entre le mis en examen et le témoin assisté pouvait constituer une distinction injustifiée au détriment du témoin assisté, lequel était privé du bénéfice du double degré de juridiction. La Chambre criminelle soulignait dans son renvoi que le constat de l’acquisition de la prescription de l’action publique entraînait la même conséquence favorable pour le témoin assisté et le mis en examen, soit la fin de tout risque de poursuite.

Le Conseil constitutionnel déduit de son analyse de la QPC que celle-ci porte sur les mots « et 82-3 » figurant au premier alinéa de l’article 186-1 du Code de procédure pénale.

Décision. Le Conseil déclare contraires à la Constitution les mots « et 82-3 » figurant au premier alinéa de l’article 186-1 du Code de procédure pénale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2007-291, du 5 mars 2007, tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale.

Pour ce faire, le Conseil rappelle que, conformément aux dispositions de l’article 82-3 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L5033K8W, un mis en examen ou un témoin assisté peut saisir le juge d’instruction d’une demande tendant à voir constater l’acquisition de la prescription de l’action publique.

Les dispositions litigieuses prévoient quant à elle que les parties peuvent interjeter appel des ordonnances prises en application dudit article 82-3. Sur ce fondement, le mis en examen peut interjeter appel de l’ordonnance par laquelle le juge d’instruction refuse de constater la prescription de l’action publique. La situation du témoin assisté est, à ce stade, différente. En effet, la Cour de cassation juge de manière constante qu’un tel droit d’appel n’est pas ouvert au témoin assisté.

Il existe donc une différence de traitement.

Le Conseil souligne ensuite qu’aux termes de l’article 113-5 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9458IEZ, le témoin assisté ne peut, à la différence du mis en examen, être placé sous contrôle judiciaire, sous assignation à résidence avec surveillance électronique ou en détention provisoire, ni faire l’objet d’une ordonnance de renvoi ou de mise en accusation devant une juridiction de jugement.

Il existe donc une différence de situation entre ces deux protagonistes, au regard de la prescription de l’action publique.

Au terme de ces deux constatations, le Conseil constitutionnel estimait que le législateur pouvait, sans méconnaître le principe d’égalité devant la justice, prévoir des règles procédurales différentes pour le mis en examen et le témoin assisté aux fins de constater la prescription de l’action publique.

Toutefois, la Haute juridiction rappelait également que « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent, c'est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales. »

Or, en application de l’article 82-3 du Code de procédure pénale, la demande tendant à voir constater la prescription de l’action publique doit être présentée dans les six mois suivant la mise en examen ou la première audition comme témoin assisté. Le Conseil précise que cette forclusion demeure opposable à une personne initialement placée sous le statut de témoin assisté qui est ensuite mise en examen. Dès lors, une personne mise en examen, alors qu’elle avait été précédemment placée sous le statut de témoin assisté, peut être privée du droit d’interjeter appel de la décision de refus du juge d’instruction.

Les Sages jugent qu’il résulte des dispositions en cause une distinction injustifiée entre les personnes mises en examen, selon qu’elles ont précédemment eu, ou non, le statut de témoin assisté. Ces dispositions méconnaissent donc le principe d’égalité devant la justice.

Effets de la déclaration d’inconstitutionnalité. Estimant que l’abrogation immédiate des dispositions déclarées constitutionnelles aurait pour effet de priver les parties du droit d’interjeter appel des ordonnances rendues par le juge d’instruction sur le fondement de l’article 82-3 du Code de procédure pénale, et entrainerait ainsi des conséquences manifestement excessives, le Conseil constitutionnel reporte leur abrogation au 31 mars 2023.

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Procédure prud'homale

[Brèves] Clause de médiation préalable et saisine du juge prud’homal

Réf. : Cass. avis, 14 juin 2022, n° 22-70.004, FS-B N° Lexbase : A090977S

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N1857BZS

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par Lisa Poinsot

Le 17 Juin 2022

► Dès lors qu'en matière prud'homale, il existe une procédure de conciliation préliminaire et obligatoire, une clause du contrat de travail qui institue une procédure de médiation préalable en cas de litige survenant à l'occasion de ce contrat n'empêche pas les parties de saisir directement le juge prud'homal de leur différend.

Demande d’avis. « La convention instituant un préliminaire obligatoire de médiation s'impose-t-elle au juge du fond dès lors que les parties l'invoquent et doit-elle en conséquence entraîner l'irrecevabilité d'une demande formée sans que la procédure de médiation ait été mise en œuvre ? ». Telle est la question posée à la Cour de cassation par une cour d’appel, dans une instance opposant un salarié à son employeur.

L’avis. La Chambre sociale de la Cour de cassation motive son avis en visant l’article L. 1411-1 du Code du travail N° Lexbase : L1878H9G, selon lequel le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent Code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient. Il juge les litiges lorsque la conciliation n'a pas abouti.

Pour aller plus loin :

  • v. Cass. ch. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423 N° Lexbase : A1830A7W : « il résulte des articles 122 N° Lexbase : L1414H47 et 124 N° Lexbase : L1417H4A du nouveau Code de procédure civile que les fins de non-recevoir ne sont pas limitativement énumérées. Licite, la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge, dont la mise en œuvre suspend jusqu'à son issue le cours de la prescription, constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoque ». La Chambre sociale, dans cet avis du 14 juin 2022, pose une solution contraire en raison de la spécificité de la procédure prud’homale, qui connaît une phase de conciliation préliminaire et obligatoire ;
  • v. aussi ÉTUDE : L’instance prud’homale, Le principe du caractère obligatoire de la conciliation, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3777ET3.

 

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