Le Quotidien du 25 février 2021

Le Quotidien

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Arbitrage à dire d'expert pour l'évaluation des droits dans l'association d'avocats du retrayant (non)

Réf. : Cass. civ. 1, 17 février 2021, n° 19-22.964, FS-P (N° Lexbase : A61274HE)

Lecture: 3 min

N6543BYY

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par Marie Le Guerroué

Le 03 Mars 2021

► L'article 1843-4 du Code civil (N° Lexbase : L1737LRR), qui prévoit l’arbitrage à dire d’expert, n’est pas applicable à une association d'avocats en l'absence de capital social et ne peut être étendu aux comptes à effectuer lors du départ d'un avocat.

Faits et procédure. Trois avocats, avaient conclu ensemble une convention d'association. L’un des trois avait décidé de se retirer de l'association, ce dont étaient convenus les associés dans le cadre d’une convention. Aucun accord n'étant intervenu sur les modalités de son retrait, il avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Haute-Loire d'une demande d'arbitrage. Devant la Cour de cassation, il faisait grief à l'arrêt rendu par la cour d'appel de Riom de limiter la somme lui demeurant due par ses anciens associés, alors « que l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : Z80327KW), dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 (N° Lexbase : L8851IPI), ne dérogeait pas à l'article 1843-4 du Code civil ; que, dans sa rédaction issue de cette dernière loi, il n'y déroge qu'en ce qu'il donne compétence au Bâtonnier pour procéder à la désignation d'un expert aux fins d'évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d'avocats ; qu'en ayant refusé l'arbitrage à dire d'expert demandé par le premier avocat pour l'évaluation de ses droits dans l'association d'avocats l'ayant lié aux autres, au motif que la procédure d'arbitrage par le Bâtonnier était dérogatoire au droit commun et excluait l'application de l'article 1843-4 du Code civil, la cour d'appel a violé ce texte, ensemble l'article 21 de la loi du 31 décembre 1971. »

Réponse de la Cour. La Haute juridiction rappelle que selon l'article 1843-4 du Code civil, en cas de contestation sur la valeur des droits sociaux cédés par un associé ou rachetés par la société en cause, un expert désigné par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés détermine cette valeur. Si une association d'avocats se trouve soumise aux dispositions des articles 1832 (N° Lexbase : L2001ABQ) à 1844-17 (N° Lexbase : L2037AB3) du Code civil, cependant, l'article 1843-4 ne lui est pas applicable en l'absence de capital social et ne peut être étendu aux comptes à effectuer lors du départ d'un avocat. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, la Cour de cassation conclut que la décision déférée se trouve légalement justifiée.

Rejet. Elle rejette, par conséquent, le pourvoi.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : Les structures d’exercice, Le recours à un expert pour l'évaluation des parts sociales de l'avocat associé retrayantin La profession d'avocat, (dir. H. Bornstein), Lexbase (N° Lexbase : E41443RW).

 

newsid:476543

Congés

[Brèves] Bénéfice pour le salarié porté des congés pour évènements familiaux

Réf. : Cass. avis, 11 février 2021, n° 15001 (N° Lexbase : A80724G3)

Lecture: 1 min

N6566BYT

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par Charlotte Moronval

Le 24 Février 2021

Le salarié porté peut prétendre à un congé à l’occasion d’un événement familial dès lors que l’événement survient pendant qu’il effectue une prestation pour une entreprise cliente.

Rappel. Selon l'article L. 3111-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0289H9L), les dispositions relatives aux congés sont applicables aux entreprises de droit privé ainsi qu'à leurs salariés.

Il en résulte qu'en l'absence de dispositions légales contraires, elles sont applicables aux entreprises de portage salarial ainsi qu'aux salariés portés.

Par ailleurs, tout salarié bénéficie, sur justification et à l'occasion de certains événements familiaux, d'une autorisation exceptionnelle d'absence.

Les jours d'absence pour événements familiaux n'entraînent pas de réduction de la rémunération. Ils sont assimilés à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée du congé annuel.

Enfin, les périodes sans prestation à une entreprise cliente ne sont pas rémunérées.

Position de la Cour de cassation. Il résulte de la combinaison de ces différentes dispositions que le salarié porté qui effectue une prestation pour une entreprise cliente lorsque survient un des événements familiaux ouvrant droit à une autorisation exceptionnelle d’absence bénéficie de jours d’absence dans les conditions prévues par la loi et sans réduction de sa rémunération, et que ces jours d’absence, assimilés à du temps de travail effectif, sont pris en compte pour la détermination de la durée du congé annuel.

newsid:476566

Contrôle fiscal

[Brèves] Données rendues publiques par les utilisateurs de plateformes en ligne : nouvelles précisions par décret

Réf. : Décret n° 2021-148, du 11 février 2021, portant modalités de mise en œuvre par la direction générale des finances publiques et la direction générale des douanes et droits indirects de traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation de données rendues publiques sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne (N° Lexbase : L1395L33) ; CNIL, délibération n° 2020-124, 10 décembre 2020 (N° Lexbase : Z307781C)

Lecture: 5 min

N6498BYC

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par La Rédaction

Le 28 Février 2021

► Le décret n° 2021-148, publié au Journal officiel du 13 février 2021, fixe les modalités de mise en œuvre des traitements informatisés et automatisés permettant la collecte et l'exploitation par les administrations fiscales, des contenus, librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation (N° Lexbase : L4973LAG), dès lors qu'ils sont manifestement rendus publics par leurs utilisateurs ;

► Il précise notamment les conditions assurant que les traitements mis en œuvre sont proportionnés aux finalités poursuivies et en quoi les données personnelles traitées sont adéquates, pertinentes et, au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées, limitées à ce qui est strictement nécessaire.

Sur ce nouveau dispositif

📌 Contexte. L'article 154 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 (N° Lexbase : L5870LUX) autorise, à titre expérimental pour une durée de trois ans, les administrations fiscales et douanières à collecter et exploiter les contenus librement accessibles et manifestement rendus publics par les utilisateurs sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne mentionnés au 2° du I de l'article L. 111-7 du Code de la consommation. Cette collecte doit permettre de rechercher des indices relatifs à la commission de certaines infractions limitativement énumérées par la loi.

📌 Les manquements recherchés :

  • découverte d’une activité occulte ;
  • inexactitudes ou omissions relevées dans une déclaration ;
  • fabrication, détention, vente ou transport illicite de tabac ;
  • certains délits à la règlementation sur les alcools, le tabac et certains métaux précieux ;
  • délits douaniers de première classe punis de trois ans d’emprisonnement ;
  • délits douaniers de deuxième classe punis de cinq ans d’emprisonnement ;
  • délits douaniers de deuxième classe punis de deux à dix ans d’emprisonnement.

📌 Délai de conservation. Les informations collectées sont détruites dans un délai de :

  • 5 jours ouvrés après collecte de données sensibles ;
  • 1 an maximum lorsque les données sont nécessaires à concourir à la constatation des infractions et manquements recherché ;
  • jusqu’au terme de la procédure en cas de procédure pénale ou douanière ;
  • 30 jours dans tous les autres cas.

Publics concernés. Le présent décret vise les opérateurs de plateforme numériques de mise en relation (par exemple : BlaBlaCar, Le Bon Coin, Airbnb, Facebook, YouTube, etc.) les utilisateurs de telles plateformes, et les agents des administrations fiscale et douanière.

Deux phases. Selon l’article 1 du présent décret, le dispositif mis en œuvre est composé de deux phases distinctes pour chacune des administrations concernées : une phase d'apprentissage et de conception suivie d'une phase d'exploitation des données.

Contenus. L’article 2 du présent décret précise quels contenus peuvent être collectés et exploités :

  • seuls les contenus se rapportant à la personne qui les a délibérément divulgués et dont l'accès ne nécessite ni saisie d'un mot de passe ni inscription sur le site en cause peuvent être collectés et exploités ;
  • lorsque la personne est titulaire sur internet d'une page personnelle permettant le dépôt de commentaires ou toute autre forme d'interactions avec des tiers, ces commentaires et interactions ne peuvent faire l'objet d'aucune exploitation.

Finalités. L’article 3 du présent décret détaille les finalités du traitement pour chacune des deux phases citées à l’article 1 : 

« 1° Pendant la phase d'apprentissage et de conception :
a) Le développement d'outils permettant la collecte et le traitement automatisés des contenus mentionnés à l'article 2 et leur nettoyage automatisé après collecte ;
b) La modélisation et l'identification des caractéristiques des comportements susceptibles de révéler la commission des infractions et manquements mentionnés au I de l'article 154 de la loi du 28 décembre 2019 susvisée et l'identification d'indicateurs et de critères de pertinence ;
c) Le développement des capacités d'analyse de données non structurées et la mise en place des dispositifs de croisement avec des bases de données de lieux géographiques et des moteurs de recherche spécialisés dans l'identification des lieux correspondant à des images, afin d'identifier des indicateurs de lieux géographiques ;
d) La collecte et la sélection des données pertinentes ;
2° Pendant la phase d'exploitation :
a) La collecte et la sélection des données pertinentes ;
b) Le transfert des données pour analyse vers les traitements visés au II des articles 6, 7 et 8 ;
c) La transmission des données prévue par l'article 10. »

Modalités de mise en œuvre des traitements. Les modalités de mise en œuvre des traitements pendant la phase d'apprentissage et de conception font l’objet des articles 4 à 5 du présent décret, tandis que les modalités de mise en œuvre des traitements pendant la phase d'exploitation font l’objet des articles 6 à 10.

Une distinction est faite en fonction des infractions au Code général des impôts concernées telles que les activités occultes ou encore les manquements aux règles de la domiciliation fiscale.

Garanties. L’article 11 du présent décret concerne les droits des personnes concernées par le traitement automatisé de données à caractère personnel.

Entrée en vigueur. Le présent décret est en vigueur depuis le 14 février.

Avis de la CNIL. Dans sa délibération n° 2020-124 du 10 décembre 2020, la CNIL rappelle qu'il est expressément prévu que l'expérimentation devra faire l'objet d'une première évaluation dont les résultats lui seront transmis ainsi qu'au Parlement au plus tard dix-huit mois avant son terme d'une part, et qu'un bilan définitif devra également leur être transmis six mois avant son terme d'autre part. Elle rappelle également qu'elle sera particulièrement attentive aux contenus des documents transmis ainsi qu'aux suites que le ministère entendra donner à l'expérimentation menée. La Commission renvoie à sa délibération n° 2019-114 du 12 septembre 2019 (N° Lexbase : X4503CHA) s'agissant des informations qu'elle souhaite a minima lui être communiquées.

newsid:476498

Couple - Mariage

[Brèves] Ordonnance de protection : caractérisation d’une « mise en danger » et appréciation souveraine des juges du fond

Réf. : Cass. civ. 1, 10 février 2021, n° 19-22.793, F-P (N° Lexbase : A79614GX)

Lecture: 5 min

N6583BYH

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 24 Février 2021

► C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui a examiné les dépôts de plainte effectués par les deux parties et les certificats médicaux versés aux débats, sans être tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que le prononcé d'une ordonnance de protection était justifié à l’égard du seul conjoint.

Faits et procédure. En l’espèce, par requête du 20 avril 2017, une femme avait saisi le juge aux affaires familiales afin d'obtenir une ordonnance de protection à l'égard de son conjoint.

Décision cour d’appel. La cour d’appel avait retenu que l’épouse était fondée à solliciter une mesure de protection et, en conséquence, lui avait attribué la jouissance du logement et du mobilier du ménage se trouvant au domicile conjugal, ordonné que l’époux quitte sans délai le domicile conjugal, ordonné en tant que de besoin son expulsion, avec l'assistance de la force publique, et interdit aux époux de se troubler mutuellement à leur domicile respectif en les autorisant, à défaut, à faire cesser ce trouble par toute voie de droit appropriée, si besoin avec le concours de la force publique.

Pour se prononcer ainsi, la cour d’appel avait retenu qu'il ressortait des éléments de preuve produits que l’épouse avait été victime de violences conjugales à plusieurs reprises, alors que les faits dénoncés à son encontre par l’époux correspondaient à des dégradations matérielles, sans violence physique, ou à des violences réactionnelles à une agression subie par l'épouse. La cour constatait qu'à cela s'ajoutaient un contexte de violences psychologiques et un syndrome dépressif réactionnel, dont souffrait l'intéressée depuis plusieurs années, comme en attestait son médecin, et qui n'était pas dû, contrairement à ce que soutenait l’époux, à ses difficultés professionnelles. La cour relevait que l’époux ne démontrait pas que son épouse s’était rendue coupable, à son égard, de violences psychologiques ou économiques.

Pourvoi. Pour contester la décision, l’époux faisait valoir que c’était, au contraire, lui-même qui était exposé à un danger ; il soutenait que constitue un acte de violence tout acte dommageable pour la personne ou les biens de la victime qui est de nature à lui causer un trouble physique ou moral ; qu'en affirmant que la matérialité des violences psychologiques commises à son préjudice n'était pas avérée par la production d'éléments objectifs et qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte du fait que l’épouse avait quitté le domicile conjugal munie d'un couteau, en 2016, pour se rendre au lieu où s'était réfugié l’époux, afin de lacérer la capote et crever les pneus de son véhicule dès lors que ces faits, aussi désagréables soient-ils, n'étaient pas constitutifs des violences physiques dénoncées par l'intéressé, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si ces faits n'étaient pas de nature à caractériser des violences morales, en ce qu'ils étaient constitutifs d'un acte prémédité d'intimidation avec arme, la cour d'appel avait privé sa décision de base légale au regard des articles 515-9 (N° Lexbase : L2997LUK) et 515-11 (N° Lexbase : L8563LXG) du Code civil.

Rejet du pourvoi. Mais les arguments sont écartés par la Haute juridiction, qui rappelle qu’aux termes de l'article 515-9 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019, lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection.

Selon la Haute juridiction, en l'état des constatations et appréciations susmentionnées, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, qui a examiné les dépôts de plainte effectués par les deux parties et les certificats médicaux versés aux débats, sans être tenue de s'expliquer sur les pièces qu'elle décidait d'écarter ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que le prononcé d'une ordonnance de protection était justifié.

Observations. Par cette décision, la Cour de cassation rappelle, d’une part, que le juge aux affaires familiales dispose d’un pouvoir souverain d’appréciation pour décider si les conditions de délivrance d’une ordonnance de protection sont réunies (cf. Cass. civ. 1, 5 octobre 2016, n° 15-24.180, F-P+B N° Lexbase : A4507R73).

Cette décision rappelle, d’autre part, que la caractérisation d’une mise en danger est déterminante pour justifier la délivrance d’une ordonnance de protection (cf. également Cass. civ. 1, 13 février 2020, n° 19-22.192, F-D N° Lexbase : A75143EZ ; et notre brève N° Lexbase : N2354BYT).

En l’espèce, s’agissant des violences dénoncées par l’époux, la cour d’appel a ainsi estimé (souverainement) que la condition d’existence d’une mise en danger n’était pas caractérisée (contrairement aux violences dénoncées par l’épouse, les faits dénoncés par l’époux correspondant à des dégradations matérielles, sans violence physique, ou à des violences réactionnelles à une agression subie par l'épouse).

Pour aller plus loin :

- cf. A. Gouttenoire, L’ordonnance de protection : une véritable mesure d’urgence, Lexbase, Droit privé, n° 828, 2020 (N° Lexbase : N3763BYZ) ;

- cf. ETUDE : Les mesures de protection pour les victimes de violences conjugales, Les conditions et la procédure de délivrance d'une ordonnance de protection (N° Lexbase : E1144EUW) in L’Ouvrage « Mariage - Couple - PACS » (dir. A. Gouttenoire).

newsid:476583

Droit des personnes

[Brèves] Publication sur internet de condamnations pénales dont une personne a fait l’objet : sauf à s’inscrire dans un débat d’intérêt général, une telle publication ne saurait justifier l’atteinte à la vie privée

Réf. : Cass. civ. 1, 17 février 2021, n° 19-24.780, FS-P (N° Lexbase : A61674HU)

Lecture: 5 min

N6586BYL

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 24 Février 2021

► En retenant, pour écarter l'existence d'une atteinte à la vie privée de l’intéressé, que les condamnations pénales ayant fait l’objet d’une publication avaient été rendues publiquement et concernaient son activité professionnelle et que celui-ci ne pouvait alléguer de l'ancienneté des faits et d'un droit à l'oubli, sans rechercher, comme il le lui incombait au regard de l'atteinte portée à la vie privée de l’intéressé, si la publication en cause s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Faits et procédure. En l’espèce, le représentant légal d’une société spécialisée dans la supplémentation nutritionnelle avait été déclaré coupable, par arrêt du 18 mars 2009, devenu définitif, des faits d'exercice illégal de la pharmacie, commercialisation de médicaments sans autorisation de mise sur le marché, infraction à la réglementation de la publicité des médicaments et, par arrêt du 4 mai 2011, de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité, cette condamnation ayant été annulée par décision du 11 avril 2019 de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

Par acte du 20 juillet 2016, l’intéressé, invoquant avoir découvert fortuitement qu'une page lui était consacrée sur le site Internet, faisait état de ces condamnations pénales et invitait au moyen d'un lien hypertexte à consulter l'avis de décès de son père publié sur le site www.dansnoscoeurs.fr et soutenant que cette publication portait atteinte à l'intimité de sa vie privée, avait assigné l’auteure de la page litigieuse, sur le fondement de l'article 9 du Code civil, en indemnisation de son préjudice et suppression de cette page.

Décision cour d’appel. Par décision rendue le 25 septembre 2019, la cour d’appel de Paris, avait écarté l'existence d'une atteinte à la vie privée de l’intéressé et rejeté ses demandes. Elle avait retenu que les condamnations pénales avaient été rendues publiquement et concernaient son activité professionnelle et que celui-ci ne pouvait alléguer de l'ancienneté des faits et d'un droit à l'oubli, alors qu'à la date de leur publication sur le site Internet litigieux, ces condamnations n'avaient pas été amnistiées. Les juges parisiens ajoutaient que l’auteure de la publication avait mentionné le fait que l'arrêt du 4 mai 2011 avait été annulé par la décision de la Cour de révision et de réexamen des condamnations pénales.

Censure de la Cour de cassation. La décision est censurée par la Haute juridiction qui reproche aux juges parisiens de s’être déterminés ainsi, sans rechercher, comme il le leur incombait au regard de l'atteinte portée à la vie privée de l’intéressé, si la publication en cause s'inscrivait dans un débat d'intérêt général, justifiant la reproduction des condamnations pénales le concernant.

La Haute juridiction rappelle, en effet, que selon l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQE), toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, et que, si ce texte ne peut être invoqué pour se plaindre d'une atteinte à la réputation qui résulterait de manière prévisible des propres actions de la personne, telle une infraction pénale, la mention dans une publication des condamnations pénales dont une personne a fait l'objet, y compris à l'occasion de son activité professionnelle, porte atteinte à son droit au respect dû à sa vie privée (CEDH, arrêt du 28 juin 2018, Req. 60798/10 et 65599/10, M.L. et W.W. c. Allemagne N° Lexbase : A0396XU9).

Selon son article 10 (N° Lexbase : L4743AQQ), toute personne a droit à la liberté d'expression mais son exercice peut être soumis à certaines restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, notamment à la protection de la réputation ou des droits d'autrui.

Le droit au respect de la vie privée, également protégé par l'article 9 du Code civil, et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de mettre ces droits en balance en fonction des intérêts en jeu et de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime.

La Cour suprême rappelle, enfin, que cette mise en balance doit être effectuée en prenant en considération la contribution de la publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que, le cas échéant, les circonstances de la prise des photographies (CEDH, 10 novembre 2015, Req. 40454/07, Couderc et Hachette Filipacchi associés c/ France, § 99, 100 et 102 N° Lexbase : A2074NWQ) et, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (CEDH, arrêt du 29 mars 2016, Req. 56925/08, Bédat c/ Suisse, § 64 N° Lexbase : A3892RAE).

Il incombe au juge de procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (Cass. civ. 1, 21 mars 2018, n° 16-28.741 N° Lexbase : A8014XHB).

newsid:476586

Procédure pénale

[Brèves] Appel du parquet à l’encontre de l’ordonnance du JLD rejetant une requête aux fins de saisie : office de la chambre de l’instruction vis-à-vis du propriétaire non appelant

Réf. : Cass. crim., 17 février 2021, n° 20-81.397, F-P+B+I (N° Lexbase : A18454HS)

Lecture: 4 min

N6564BYR

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par Adélaïde Léon

Le 24 Février 2021

En cas d’appel du procureur de la République à l’encontre de l’ordonnance du JLD rejetant sa requête aux fins de saisie de ce bien ou droit incorporel, le propriétaire et, s’ils sont connus, les tiers ayant des droits sur ce bien ou ce droit, doivent être convoqués devant la chambre de l’instruction et peuvent prétendre dans ce cadre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie ;

Il appartient à la chambre de l’instruction de s’assurer que la requête du procureur de la République aux fins de saisie et l’ordonnance du juge des libertés et de la détention ont été mises à la disposition des titulaires de droits, et au besoin de renvoyer l’examen de l’affaire à une audience ultérieure pour permettre le respect de cette formalité.

Rappel des faits. Par requête le procureur de la République a saisi le juge des libertés et de la détention (JLD) aux fins de saisie d’une créance figurant sur un contrat d’assurance-vie.

Après rejet de sa requête par le JLD, le procureur a interjeté appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a ordonné la saisie de la créance figurant sur le contrat d’assurance-vie.

La juridiction a d’abord écarté le moyen pris du caractère inconventionnel des dispositions de l’article 706-153 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7453LPQ) tiré de ce que ce texte ne prévoit pas, en cas d’appel interjeté par le procureur de la République à l’encontre de l’ordonnance du JLD rejetant sa requête aux fins de saisie, la mise à disposition des pièces de la procédure de saisie au titulaire du contrat.

Selon la chambre de l’instruction, en matière de contentieux des saisies dans le cadre d’une enquête préliminaire, seules les pièces soumises par le ministère public au JLD sont communicables aux parties. Par ailleurs, le titulaire du contrat pouvait, à sa demande, avoir régulièrement communication des pièces relatives à la procédure de saisie créance.

Le titulaire du contrat a formé un pourvoi contre l’arrêt de la chambre de l’instruction.

Moyens du pourvoi. Le moyen critique l’arrêt en ce qu’il a déclaré la procédure régulière et autorisé la saisie de la créance figurant sur le contrat d’assurance-vie.

Selon le demandeur, la procédure de saisie spéciale prévue par les articles 706-153 et suivants du Code de procédure pénale est inconventionnelle en ce qu’elle ne prévoit pas la notification de la décision du premier juge au titulaire du compte en cas de rejet de la demande de saisie, ni la mise à disposition des pièces de la procédure de saisie au titulaire du compte lorsqu’il n’est pas appelant.

Le demandeur estimait qu’il pouvait être entendu par la chambre de l’instruction ou son président sans prétendre à la mise à disposition de la procédure et que c’est à tort que la chambre de l’instruction lui a reproché de ne pas avoir, en sa qualité de propriétaire du bien et non appelant, prétendu à la mise à disposition de la procédure.

Décision de la Cour. La Chambre criminelle censure l’arrêt de la chambre de l’instruction au visa des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (N° Lexbase : L7558AIR), préliminaire (N° Lexbase : L3311LTS) et 706-153 du Code de procédure pénale.

La Cour vient déduire de ces textes les droits des personnes ayant des droits sur un bien ou un droit incorporel lorsque le procureur de la République interjette appel à l’encontre de l’ordonnance du JLD rejetant sa requête aux fins de saisie de ce bien ou droit. Dans ce cas, le propriétaire et, s’ils sont connus, les tiers ayant des droits sur ce bien ou ce droit, doivent être convoqués devant la chambre de l’instruction et peuvent prétendre dans ce cadre à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie.

La nouveauté dans cette décision vient de ce que la Haute juridiction ajoute, après avoir rappelé que la chambre de l’instruction devait s’assurer que la requête du procureur de la République aux fins de saisie et l’ordonnance du JLD avaient été mises à la disposition du demandeur, qu’il appartenait à la juridiction d’appel de renvoyer, au besoin, l’examen de l’affaire à une audience ultérieure pour permettre le respect de cette formalité.

newsid:476564

Santé publique

[Brèves] Instauration des périmètres de protection des captages d'eau potable : rupture du principe d’égalité

Réf. : Cons. const., décision n° 2020-883 QPC du 12 février 2021 (N° Lexbase : A56444G7)

Lecture: 2 min

N6541BYW

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par Yann Le Foll

Le 23 Février 2021

► Les mesures transitoires accompagnant les nouvelles dispositions relatives à l'instauration des périmètres de protection des captages d'eau potable constituent une rupture du principe d’égalité.

Grief. Par la disposition contestée, l'article 61 de la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (N° Lexbase : L3022LRD), le législateur a établi une différence de traitement entre les propriétaires de terrains situés à proximité de captages d'eau, selon qu'a ou non été publié, au jour de la publication de la loi, un arrêté d'ouverture d'une enquête publique en vue de l'éventuelle instauration d'un périmètre de protection.

Position des Sages. Le critère ainsi retenu ne rend pas compte d'une différence de situation, au regard de l'objet de la loi modifiant le régime des périmètres de protection, entre les propriétaires qui ne sont pas déjà soumis à un tel périmètre. Il vise, non à éviter la remise en cause des périmètres existants, mais seulement, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des travaux préparatoires, à dispenser les personnes publiques ayant engagé une procédure d'instauration de périmètres avant la publication de la loi d'avoir à la reprendre pour la compléter.

Toutefois, compte tenu des conséquences limitées de l'application des nouvelles règles sur les procédures en cours, ce motif n'est pas de nature à justifier que les propriétaires en cause soient exclus du bénéfice de ces règles et, de ce fait, soient susceptibles de se voir imposer les servitudes afférentes à un périmètre de protection rapprochée.

Décision. Les dispositions contestées méconnaissent le principe d'égalité devant la loi. Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs, elles doivent être déclarées contraires à la Constitution.

newsid:476541

Transport

[Brèves] Indemnisation des passagers en cas d’annulation ou de retard important d’un vol : notions de « circonstances extraordinaires » et de « destination finale »

Réf. : Cass. civ. 1, 17 février 2021, n° 19-21.362, F-P (N° Lexbase : A61134HU)

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N6548BY8

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par Vincent Téchené

Le 24 Février 2021

► Ne constitue pas une circonstance extraordinaire au sens du Règlement n° 261/2004 du 11 février 2004 sur l’indemnisation des voyageurs (N° Lexbase : L0330DYU), la décision ministérielle du 4 avril 1968 portant réglementation de l'utilisation de nuit de l'aéroport d'Orly qui exclut tout mouvement aérien entre 23h30 et 6h15 ;

Par ailleurs, il incombe au transporteur aérien de démontrer que le passager avait atteint l’aéroport – et non la ville – de destination avec un retard inférieur à trois heures.  

Faits et procédure. Un voyageur a acheté un billet d'avion pour un vol Milan - Paris (aéroport d'Orly), prévu le 11 juin 2018, devant décoller à 21h et atterrir à 22h30. L'avion a décollé à 23h04 et atterri à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à 0h18, en raison de la fermeture de l'aéroport d'Orly après 23 heures 30. Le voyageur a alors attrait le transporteur aérien en indemnisation sur le fondement du Règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004.

Sa demande ayant été rejetée, il a formé un pourvoi en cassation.

Décision. En premier lieu, la Cour de cassation rappelle qu’en application du Règlement, peut bénéficier de l'indemnisation prévue à son article 7, le passager d'un vol qui a atteint sa destination finale avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l'heure prévue initialement et cette destination finale est définie comme étant celle figurant sur le billet présenté au comptoir d'enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondance, la destination du dernier vol. En outre, il incombe au transporteur aérien de démontrer qu'il s'est acquitté de ses obligations.

Or, le jugement a constaté que l'avion avait atterri à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à 0h18 et non à celui d'Orly, sa destination finale, à 22h30. Il retient alors qu'il n'est pas établi un retard supérieur à trois heures.

La Haute juridiction censure les premier juges : en statuant ainsi, alors qu'il incombait au transporteur aérien de démontrer que le passager avait atteint l’aéroport d’Orly avec un retard inférieur à trois heures, le tribunal a inversé la charge de la preuve.

En second lieu, la Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l'article 5, paragraphe 3, du Règlement n° 261/2004, un transporteur aérien effectif n'est pas tenu de verser l'indemnisation prévue à l'article 7 s'il est en mesure de prouver que l'annulation ou le retard à l'arrivée à destination d'un vol sont dus à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises.

En outre, selon la jurisprudence de la CJUE, peuvent être qualifiés de circonstances extraordinaires, au sens de ce texte, les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l'exercice normal de l'activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci (CJCE, 22 décembre 2008, aff. C-549/07 N° Lexbase : A9984EBE – CJUE, du 17 avril 2018, aff. jointes C-195/17, C-197/17 à C-203/17, C-226/17, C-228-17, C-254/17, C-274/17, C-275/17, C-278/17 à C-286/17 et C-290/17 à C-292/17 N° Lexbase : A2034XLW).

Or, pour rejeter la demande, le jugement retient que le transporteur aérien a dû faire face à des circonstances extraordinaires en dirigeant son aéronef vers l'aéroport Charles de Gaulle, celui d'Orly étant impraticable à l'heure prévue, en exécution de la décision ministérielle du 4 avril 1968 portant réglementation de l'utilisation de nuit de l'aéroport d'Orly qui exclut tout mouvement aérien entre 23h30 et 6h15.

La Haute juridiction censure également sur ce point le jugement : en statuant ainsi, alors qu'une telle réglementation ne saurait constituer une circonstance extraordinaire, le tribunal a violé le texte précité.

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