Le Quotidien du 24 février 2021

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Prescription quinquennale applicable au recours de l’employeur aux fins d’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle

Réf. : Cass. civ. 2, 18 février 2021, n° 19-25.887, FS-P (N° Lexbase : A60924H4) et n° 19-25.886 (N° Lexbase : A62204HT)

Lecture: 3 min

N6531BYK

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par Laïla Bedja

Le 24 Février 2021

► Ni l'indépendance des rapports entre, d'une part, la caisse et la victime et, d'autre part, la caisse et l'employeur, ni le particularisme du recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute ne justifient que ce recours ne puisse constituer une action en justice et que, dès lors, il ne soit pas soumis à un délai de prescription ;

En l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) ; la Cour de cassation opère ici un revirement de jurisprudence mettant fin à sa jurisprudence du 9 mai 2019 (Cass. civ. 2, 9 mai 2019, n° 18-10.909, FS-P+B+I N° Lexbase : A9352ZAM), par laquelle elle interprétait les articles R. 142-18 (N° Lexbase : L2854K9L), dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et R. 441-14 (N° Lexbase : L7292ADG), dans sa rédaction antérieure au décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009, du Code de la Sécurité sociale, en retenant que si la décision de la caisse primaire qui reconnaît le caractère professionnel de l’accident, de la maladie ou de la rechute fait grief à l’employeur, qui est recevable à en contester l’opposabilité ou le bien-fondé dans les conditions fixées par ces textes, le recours de l’employeur ne revêt pas le caractère d’une action au sens de l’article 2224 du Code civil.

Les faits et procédure. Une société a été informée, le 3 septembre 2009, par la caisse primaire d’assurance maladie de la prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie de l’une de ses salariés. Après avoir saisi en vain, le 22 février 2013, la commission de recours amiable, l’employeur a porté son recours devant la juridiction de Sécurité sociale, le 24 février 2016.

La cour d’appel. Adoptant la position de la Cour de cassation du 9 mai 2019 précitée, la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 13ème ch., 18 octobre 2019, n° 18/02442 N° Lexbase : A5502ZR9), pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la caisse et dire recevable l’action de l’employeur, retient que l’action diligentée par l’employeur en contestation de la décision de prise en charge d’une maladie professionnelle ne constitue pas une action personnelle ou mobilière au sens de l’article 2224 du Code civil, de sorte que la prescription de droit commun de cinq ans ne lui est pas applicable.

Cassation. Entendant les critiques soulevées par la jurisprudence de 2019, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel. En effet, son interprétation des textes pouvait conduire à une imprescriptibilité de ce recours et a suscité des divergences de jurisprudence des juridictions du fond, qui en justifient le réexamen.

Une solution identique est énoncée dans l’arrêt n° 19-25.886 (N° Lexbase : A62204HT, cassation CA Paris, Pôle 6, 13ème ch., 18 octobre 2019, n° 18/02431 N° Lexbase : A5771ZR8).

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle, La contestation de la décision de la caisse, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E3092ETP).

newsid:476531

Construction

[Brèves] La clause d’exclusion d’un contrat de vente par laquelle l’acquéreur renonce à recourir sur le fondement des vices cachés ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité décennale contre le vendeur constructeur

Réf. : Cass. civ. 3, 28 janvier 2021, n° 19-13.490 F-D (N° Lexbase : A15984EW)

Lecture: 3 min

N6448BYH

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 17 Février 2021

► Le fait que les acquéreurs de l’immeuble aient connu, lors de l’achat du bien, la nature des travaux entrepris et l’absence de souscription d’une assurance dommages-ouvrage, est sans incidence sur la responsabilité des vendeurs dans la survenance des désordres de nature décennale postérieurement à la vente ;
► la clause de non-recours contre le vendeur en cas de vices de construction contrevient aux dispositions d’ordre public des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil.

La clause de non-recours par laquelle l’acquéreur renonce à exercer tout recours contre quiconque relativement à l’état du bien ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la responsabilité décennale des constructeurs à l’encontre des vendeurs. Cette solution avait été affirmée avec force par la Cour de cassation dans un arrêt destiné à la plus large publication rendu il y a quelques mois (Cass. civ. 3, 19 mars 2020, n° 18-22.983 N° Lexbase : A49393K7 et pour l’arrêt de principe, Cass. civ. 3, 14 mai 1996, n° 94-13.921 N° Lexbase : A9787AB4).

La présente espèce est l’occasion d’y revenir. Il faut dire que les clauses de non-recours sont fréquentes dans les actes de vente. Elles sont souvent rédigées en des termes généraux tels que l’acquéreur déclare avoir une parfaite connaissance du bien et de la situation et vouloir en faire son affaire personnelle. Ces clauses conduisent alors les vendeurs constructeurs à penser qu’ils peuvent être exonérés de la mise en œuvre de la responsabilité civile décennale à leur encontre par l’acquéreur qui découvre des désordres de nature décennale après la vente (pour exemple encore, Cass. civ. 3, 11 avril 2012, n° 11-13.198, F-D N° Lexbase : A5866II4).

Dans l’arrêt rapporté, les vendeurs, condamnés par les juges du fond, faisaient valoir que l’acceptation des risques par l’acquéreur constitue une cause d’exonération totale ou partielle du vendeur de l’immeuble. En refusant tout effet exonératoire au fait que les acquéreurs aient connu, lors de l’achat du bien, la nature des travaux entrepris, les risques de survenance des désordres et aient su qu’aucune assurance dommages-ouvrage ou garantie décennale n’avait été souscrite, les conseillers d’appel auraient méconnu les dispositions de l’article 1792 du Code civil.

L’acte authentique reprenait la formule type selon laquelle l’acquéreur prendrait le bien dans l’état où il se trouverait au jour de l’entrée en jouissance sans aucune garantie de la part du vendeur en raison de l’état des constructions ou de leurs vices cachés.

La Haute juridiction rejette le pourvoi. Les juges du fond n’avaient même pas à s’interroger sur l’existence et la validité d’une clause excluant la garantie des vendeurs de l’immeuble. Les vendeurs, réputés constructeurs sur le fondement de l’article 1792-1, sont responsables de plein droit, peu importe que les acquéreurs aient connu, lors de l’achat, la nature des travaux, l’état du bien et l’absence d’assurances.

Cette jurisprudence est, évidemment, favorable à l’acquéreur. Il faut tout de même rappeler qu’en application de l’article 1792-5 du Code civil (N° Lexbase : L1925ABW), les dispositions relatives à la responsabilité décennale des constructeurs sont d’ordre public. Il n’est donc pas possible d’y déroger conventionnellement.

Se pose alors la question de savoir pourquoi ce type de clause continue d’être stipulée dans les contrats de vente d’immeuble. Elles produisent leurs effets en dehors du champ d’application de la responsabilité des constructeurs (Voir contra par exemple Cass. civ. 3, 16 mai 2019, n° 18-14.483, F-D N° Lexbase : A8349ZBT et sur l’ensemble de cette question C.E. Bucher, La clause d’exclusion de la garantie des vices cachés dans la vente, CCC fev. 2018, form. 2).

newsid:476448

Contrôle fiscal

[Brèves] Sur la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré : rappels du Conseil d’État

Réf. : CE 9° ch., 11 février 2021, n° 432960, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A82774GN)

Lecture: 4 min

N6521BY8

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par Marie-Claire Sgarra

Le 23 Février 2021

Le Conseil d’État est venu apporter certains rappels sur l’application de la pénalité pour manquement délibéré dans le cadre d’une vérification.

Les faits.

⇒ le requérant a fait l'objet d'un ESFP à l'issue duquel l'administration fiscale a réintégré dans son revenu imposable au titre de l'année 2009, d'une part, des revenus fonciers non déclarés selon la procédure de rectification contradictoire, et, d'autre part, des sommes regardées comme des revenus d'origine indéterminée, selon la procédure de taxation d'office, et l'a en conséquence assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assortis d'une pénalité de 40 % pour manquement délibéré ;

⇒ le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement intervenu en cours d'instance et résultant de la substitution de la pénalité de 10 % pour inexactitude ou omission de déclaration à la majoration de 40 % pour manquement délibéré appliquée au rappel notifié en matière de revenus fonciers, et rejeté le surplus de la demande en décharge de ces impositions ;

⇒ la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l’appel contre ce jugement (CAA Douai, 21 mai 2019, n° 18DA00450 N° Lexbase : A4641ZDA).

Rappels :

🔎 Sur les pénalités fiscales :

  • les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de 40 % en cas de manquement délibéré,
  • cette majoration est portée à 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d’abus de droit.

🔎 Sur la charge de la preuve. L’administration doit apporter la preuve :

  • de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations déposées par le contribuable. On parle d’élément matériel du manquement délibéré,
  • de l’intention du contribuable d’éluder l’impôt.

Solution du Conseil d’État. En l’espèce, le Conseil d’État rappelle que :

👉 la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives ;

👉 pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt ;

👉 pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (sur ce point : CE 8° et 3° ssr., 27 juin 2012, n° 342991, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0610IQN) ;

👉 si l'administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que le manquement délibéré soit regardé comme établi dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

✔ La cour a jugé que l'administration fiscale, en faisant valoir l'absence de toute explication probante sur l'origine des sommes en cause et l'absence de collaboration du requérant lors des opérations de contrôle, apportait la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement déclaratif reproché au requérant en ce qui concerne les revenus d'origine indéterminée. En se fondant ainsi exclusivement sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, alors qu'ils ne pouvaient en eux-mêmes justifier l'application de la pénalité, la cour a commis une erreur de droit.

newsid:476521

Covid-19

[Brèves] Nouvelle adaptation du fonds de solidarité

Réf. : Décret n° 2021-192 du 22 février 2021, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L3754L3G)

Lecture: 1 min

N6527BYE

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par Vincent Téchené

Le 24 Février 2021

► Un décret, publié au Journal officiel du 23 février 2021, apporte de nouvelles adaptations au fonds de solidarité.

Le décret apporte, d’abord, une modification à l'aide à laquelle sont éligibles les entreprises des secteurs dits « S1 bis » et celles exerçant leur activité principale dans le commerce de détail (à l'exception des automobiles et des motocycles) ou la location de biens immobiliers résidentiels et étant domiciliées dans une commune mentionnée à l'annexe 3. Au titre du mois de janvier, si ces entreprises ont subi une perte de chiffre d'affaires inférieure à 70 %, alors le montant de la subvention est dorénavant égal soit à 15 % du chiffre d'affaires de référence (nouvelle option) soit à 80 % de la perte de chiffre d'affaires dans la limite de 10 000 euros.

Le décret apporte ensuite des ajustements techniques pour l'aide au titre du mois de janvier, notamment en ce qui concerne le chiffre d'affaires de référence des entreprises créées en octobre 2020 et interdites d'accueil du public en décembre 2020 ainsi qu'en ce qui concerne les indemnités journalières et les pensions de retraite.  

Par ailleurs, les délais de dépôts des demandes pour les associés des groupements agricoles d'exploitation en commun pour les aides d'octobre à décembre sont prolongés du 28 février 2021 jusqu'au 31 mars 2021.

Enfin, un nouvel article 3-21 est ajouté au décret n° 2020-371 du 30 mars 2020, relatif au fonds de solidarité (N° Lexbase : L6019LWT), prévoyant une aide complémentaire au titre du mois de novembre pour les exploitations agricoles des filières dites « festives ».

newsid:476527

Fiscalité internationale

[Brèves] Actualisation de la liste des États et territoires dispensés d’une déclaration pays par pays par les multinationales

Réf. : Arrêté du 3 février 2021, portant modification de l'arrêté du 6 juillet 2017, modifié pris en application du II de l'article 223 quinquies C du Code général des impôts (N° Lexbase : L0670L39)

Lecture: 2 min

N6396BYK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 10 Février 2021

L’arrêté du 3 février 2021, n° NOR : ECOE2100179A, publié au Journal officiel du 5 février 2021, actualise la liste des États et territoires mentionnée à l'article 223 quinquies C du Code général des impôts (N° Lexbase : L2943KWW).

Pour rappel, l'article 223 quinquies C du CGI rend obligatoire le dépôt d'une déclaration pays par pays par les multinationales réalisant un chiffre d'affaires mondial consolidé supérieur ou égal à 750 millions d’euros.

L'introduction de cette nouvelle obligation déclarative (formulaire n° 2258-SD) s'inscrit dans le projet international de lutte contre l'érosion des bases de l'impôt sur les sociétés et les transferts de bénéfices.

Les entités détenues ou contrôlées par une personne morale établie dans un État ou territoire figurant sur la liste mentionnée au II de cet article sont dispensées de cette obligation.

👉 Cette liste désigne les États membres de l'Union européenne et les autres États ou territoires qui ont adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d'une déclaration pays par pays similaire à celle figurant au 1 du I de cet article, qui ont conclu avec la France un accord permettant d'échanger de façon automatique les informations y figurant, et qui respectent les obligations résultant de ce dernier.

Cette liste est mise à jour pour tenir compte de l'évolution de la législation des partenaires de la France et de la prise d'effet des instruments internationaux utiles à l'échange de renseignements.

Sont ajoutés à la suite de cette nouvelle actualisation les pays suivants :

  • Anguilla,
  • Arabie saoudite,
  • Belize,
  • Émirats arabes unis,
  • Hong Kong,
  • Île Maurice,
  • Îles Vierges britanniques,
  • Kazakhstan,
  • Panama,
  • Saint-Marin.

Le texte est entré en vigueur le 6 février 2021.

newsid:476396

Justice

[A la une] Derrière le procès d’Édouard Balladur et de François Léotard, celui de la Cour de justice de la République

Lecture: 7 min

N6509BYQ

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

Le 04 Mars 2021

Cela n’a pas dû lui arriver souvent dans sa carrière quand le 2 février, à l’heure de requérir, François Molins s’est levé dans la magnifique première chambre civile de la cour d’appel de Paris où siège la Cour de justice de la République (CJR), deux fauteuils vides lui faisaient face. Celui d’Édouard Balladur dans le fond et de François Léotard juste devant lui. Jugés pour « complicité d’abus de biens sociaux » et « recel » dans le cadre de l’affaire dite « de Karachi », l’ancien locataire de Matignon et son ministre de la Défense de l’époque n’ont pas daigné se présenter pour entendre le ministère public réclamer des peines légères à leur encontre : un an de prison avec sursis et 50 000 euros d’amende pour Édouard Balladur, le double pour François Léotard.

François Molins était évidemment prévenu de leur absence. Et cela ne l’a pas gêné au moment de revenir sur « l’origine frauduleuse » du financement de la campagne présidentielle de 1995 de celui que l’on surnommait alors « Doudou ». Dénonçant des explications « totalement fantaisistes » et des « zones d’ombre propres à cette délinquance astucieuse », le procureur général a fini par asséner son analyse du dossier dans le prétoire : « On a entendu tout et son contraire et s’il y a une vérité qui saute aux yeux […], c’est qu’il y a forcément des menteurs ! »

Un sur deux, selon la CJR. Le 4 mars, elle a finalement relaxé Edouard Balladur, 91 ans. Mais elle a condamné François Léotard, 78 ans, à deux ans de prison avec sursis et 100.000 euros d’amende. Et cette fois encore, les deux prévenus n’avaient pas souhaité faire le déplacement pour entendre cette décision.

Comme s’il fallait encore montrer le peu de considération qu’ils ont porté, durant toute la procédure, à cette Cour de justice de la République, la seule habilitée à juger les ministres pour les délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Dès l’ouverture du procès, les deux prévenus avaient montré la légèreté avec laquelle ils considèrent cette formation de jugement. À l’opposé des douze parlementaires fiers de poster sur les réseaux sociaux les images de la robe noire leur permettant de siéger aux côtés des trois magistrats professionnels, les deux prévenus ont tout fait pour discréditer le procès.

Édouard Balladur fixe le tempo de son procès

À ce petit jeu, c’est François Léotard qui a marqué les premiers points. Arrivé vêtu d’un simple pull noir, sans avocat, il a ostensiblement posé, dès le 13 janvier, deux livres sur son pupitre. Antigone de Bertolt Brecht et Œdipe sur la route d’Henry Bauchau. Façon élégante de dire qu’il avait bien mieux à faire que d’écouter Dominique Pauthe, le président de la CJR, discourir pendant des heures sur les soupçons de financement occulte qui lui valent d’être là. Et d’ailleurs, si cela ne suffisait pas, il s’est même fendu d’une question audacieuse, dès le premier jour d’audience. « A-t-on une idée du programme de ce procès ? Pour pouvoir m’organiser ? C’est que j’habite à 800 kilomètres d’ici quand même... ». Difficile d’imaginer ce que risquerait un prévenu à formuler la même demande en comparution immédiate…

Mais la Cour de justice de la République n’est pas chargée de juger le tout-venant. Seulement les ministres. Et Édouard Balladur n’est pas n’importe lequel d’entre eux. Bon pied bon œil, malgré ses 91 ans, il a montré, lui aussi, dès le premier jour qu’il n’avait rien perdu de sa superbe ni de son phrasé. Invité par le président à faire sa déclaration liminaire, il a pris le micro pour indiquer qu’il faudrait attendre… le lendemain pour l’entendre. « Je reviendrai demain en fait... ». Et puisque personne n’y trouvait rien à redire, il s’est autorisé une remarque supplémentaire : « En attendant, j’aimerais que le conditionnel soit plus souvent utilisé pour parler de ce que l’on me reproche... ».

Le ton était donné. Le jour suivant, l’ancien « ami de trente ans » de Jacques Chirac a enchaîné. À la barre, il a commencé par expliquer qu’il avait, lui-même lorsqu’il était Premier ministre, soutenu la création de la Cour de justice de la République devant laquelle il se trouve désormais. « Je serais un personnage d’une singulière perversité si j’avais dans le même temps prétendu assainir [ainsi] notre vie publique et tenté de la polluer en mettant en place un système de financement électoral immoral destiné à me favoriser. »

Voilà pour la position de principe. Voilà surtout ce avec quoi la Cour a dû composer durant toute la durée du procès. Interrogé, questionné, relancé, Édouard Balladur n’a jamais vraiment accepté de répondre aux questions sur les soupçons le visant. « C’est extraordinairement compliqué et j’aurais trop peur de commettre des erreurs » a-t-il même eu l’impudence de répondre lors de son interrogatoire.

Quand Hollande et Macron voulaient supprimer la CJR

François Léotard a adopté la même attitude. Passé au gril sur la question du financement de la campagne de son ancien mentor sur fond de rétrocommissions liées aux contrats d’armement passés avec l’Arabie Saoudite et le Pakistan, il a préféré parler de la guerre en Bosnie, des bottines des soldats français et surtout du génocide au Rwanda. « Un million de morts, c’est quand même plus important que ces histoires-là ! »

Sans doute. Peut-être. On ne le saura jamais en fait. Puisque ni les magistrats professionnels ni les parlementaires n’ont poussé les deux prévenus dans leurs ultimes retranchements pour en savoir plus. Comme s’ils avaient peur des conséquences, même 25 ans après les faits. Comme s’ils marchaient sur des œufs. Et c’est sans doute pour cela qu’Édouard Balladur et François Léotard se sont sentis autorisés à parler de la sorte, à la barre.

Sans doute aussi parce qu’ils savent que le travail de la Cour de justice de la République est rendu compliqué par le fait que les autres protagonistes du dossier dit « de Karachi » ont déjà été jugés et condamnés par la justice ordinaire et qu’ils ont donc, logiquement, refusé de venir témoigner cette fois-ci. Dans l’attente de leur procès en appel...

Sans doute aussi parce que cette même Cour n’a prononcé, en vingt ans, que huit décisions pour le moins légères. Trois peines de prison avec sursis, trois dispenses de peine et deux relaxes…

Sans doute surtout parce qu’elle est plus que jamais menacée. François Hollande avait prévu de la supprimer. Tout comme Emmanuel Macron. Ils ne l’ont pas fait. Mais les magistrats de la Cour de justice de la République savent qu’ils sont en sursis pour toutes les raisons évoquées juste avant. Et qu’un jour ou l’autre, leur juridiction aura vécu.

François Léotard aussi le sait. Faisant référence à l’enquête en cours sur la gestion par le Gouvernement actuel de la crise sanitaire due à l’épidémie de covid-19, il s’est permis une ultime bravade à l’attention des magistrats : « On verra bien comment vous ferez avec Jean Castex et Édouard Philippe quand il faudra les juger ! ». Ce ne sera sans doute pas avant 2022. Ce ne sera sans doute pas avant l’élection présidentielle qui pourrait bien tout changer à nouveau.

newsid:476509

Responsabilité

[Brèves] La réparation du préjudice moral de l’enfant conçu du fait du décès de ses grands-parents

Réf. : Cass. civ. 2, 11 février 2021, n° 19-23.525, F-P+I (N° Lexbase : A80064GM)

Lecture: 2 min

N6535BYP

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 25 Février 2021

► Le préjudice moral de l’enfant conçu avant l’accident ayant causé le décès de l’un de ses grands-parents, mais né après cet accident, est réparable.

Faits et solution. La réparation du préjudice moral de l’enfant conçu avant l’accident ayant causé le décès de l’un de ses ascendants, mais né après cet accident, fait décidément couler beaucoup d’encre ces derniers mois.

Alors que le 10 novembre 2020, la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’alignait sur la position retenue par la deuxième chambre civile et admettait que le préjudice de l’enfant ayant perdu son père à la suite d’un accident de la circulation est un préjudice réparable (Cass. crim., 10 novembre 2020, n° 19-87.136, FS-P+B+I N° Lexbase : A512734N), cette même chambre civile admet aujourd’hui que « l’enfant conçu au moment du décès de la victime directe de faits présentant le caractère matériel d’une infraction peut demander réparation du préjudice que lui cause ce décès ».

En l’espèce, le représentant légal d’un enfant demandait réparation en son nom du préjudice moral subi du fait du décès de son grand-père lequel avait été tué par arme blanche. Ce faisant, la deuxième chambre civile rejette le pourvoi formé par le fonds d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infraction contre l’arrêt d’appel (CA Bordeaux, 16 mai 2019), qui considérait, pour l’essentiel, que le lien de causalité entre le décès de la victime et le dommage moral n’était pas caractérisé.

Apport de l’arrêt. En admettant la possibilité pour l’enfant conçu au jour du décès d’obtenir réparation de son préjudice, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation abandonne la solution qu’elle retenait par le passé, considérant alors « qu’il n’existait aucun lien de causalité entre le décès (du grand-père de l’enfant) et le préjudice subi par sa petite-fille (…), née postérieurement à ce décès » (Cass. civ. 2, 4 octobre 2012, n° 11-22.764, F-D N° Lexbase : A9633ITX, v. également Cass. civ. 2, 4 novembre 2010, n° 09-68.903, FS-P+B N° Lexbase : A5619GDH).

newsid:476535

Urbanisme

[Brèves] Pouvoir d’agir conjoint de la commune et de l’EPCI compétent en matière de PLU pour agir en démolition ou en mise en conformité d’un ouvrage

Réf. : Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 20-10.602, FS-P+L (N° Lexbase : A24934E3)

Lecture: 3 min

N6441BY9

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par Yann Le Foll

Le 10 Février 2021

Une commune a, concurremment avec l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme, qualité pour agir en démolition ou en mise en conformité d’un ouvrage sur le fondement de l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme (N° Lexbase : L5020LUH).

Faits. Mme X est propriétaire d’un terrain situé sur la commune de Lussac (Gironde), en zone naturelle. Après avoir obtenu, le 1er avril 2005, un permis de construire, elle y a entrepris la construction d’un chalet en bois. Le 25 août 2013, soutenant que la construction n’était conforme ni au permis de construire, ni au plan d’occupation des sols, lequel interdisait en zone naturelle les constructions nouvelles à usage d’habitation, la commune de Lussac l’a assignée en démolition.

Principe. Le transfert de la compétence en matière de plan local d’urbanisme au profit d’un EPCI ne prive pas la commune de toute compétence pour délivrer les autorisations et faire sanctionner la violation des règles d’urbanisme. De surcroît, la réalisation de l’objectif d’intérêt général qui s’attache au respect de ces règles et justifie l’action en démolition ou en mise en conformité implique la faculté pour la commune d’exercer cette action en cas d’abstention de l’établissement public compétent en matière de plan local d’urbanisme, alors même qu’une violation de la règle d’urbanisme a été constatée.

En cause d’appel. Pour déclarer irrecevables les demandes de la commune, l’arrêt attaqué (CA Bordeaux, 24 octobre 2019, n° 17/00442 N° Lexbase : A6024ZSW) retient que seule la compétence en matière de PLU détermine qui, de la commune ou de l’établissement, a qualité pour agir en démolition. Il ajoute que la commune verse au dossier les statuts de la communauté de communes du Grand Saint-Emilionnais qui attribuent expressément à cette communauté la compétence d’élaboration, de gestion et de suivi des documents d’urbanisme, dont le plan local d’urbanisme intercommunautaire, et qu’il est constant que ce transfert s’est opéré à partir du 1er janvier 2013. Il en déduit qu’à la date de l’assignation, la communauté de communes avait seule qualité pour agir en démolition de la construction en litige, quand bien même la commune détenait la compétence du PLU au moment de la délivrance du permis de construire.

Décision. Énonçant le principe précité, la Cour suprême énonce que la cour d’appel a violé l’article L. 480-14 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable, selon lequel « la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’un ouvrage édifié sans autorisation ».

Pour aller plus loin : ETUDE, L'action civile du contentieux répressif de l'urbanisme : la méconnaissance ou l'absence d'autorisation, in Droit de l’urbanisme (dir. A. Le Gall), Lexbase (N° Lexbase : E4938E7Z).

 

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