La lettre juridique n°851 du 21 janvier 2021

La lettre juridique - Édition n°851

Avocats/Champ de compétence

[Brèves] Modification du RIN afin d'inciter les avocats à recourir aux MARD

Réf. : Décision du 18 décembre 2020 portant modification du règlement intérieur national de la profession d'avocat (N° Lexbase : Z947691A).

Lecture: 2 min

N6103BYP

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Janvier 2021

► A été publié au Journal officiel du 17 janvier 2021, la décision du 18 décembre 2020 portant modification des articles 6.1 et 8.2 du Règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8) relatifs à la mission générale de l’avocat et au règlement amiable.

Sur la base d’un rapport de son groupe de travail « RIN et MARD », l’assemblée générale du CNB avait adopté le 18 décembre 2020, après concertation de la profession, la décision à caractère normatif n° 2020-004 portant modification des deux articles précités. L’objectif affiché : inciter les avocats à recourir aux MARD et à mieux les intégrer dans leurs réflexes.

  • L'article 6.1

Après le troisième alinéa de l'article 6.1, il est inséré un alinéa désormais ainsi rédigé :
« Lorsque la loi ne l'impose pas, il est recommandé à l'avocat d'examiner avec ses clients la possibilité de résoudre leurs différends par le recours aux modes amiables ou alternatifs de règlement des différends préalablement à toute introduction d'une action en justice ou au cours de celle-ci, ou lors de la rédaction d'un acte juridique en introduisant une clause à cet effet. »

  • L’article 8.2

La première phrase du premier alinéa de l'article 8.2 est, elle, remplacée par les dispositions suivantes :
« Avant toute procédure ou lorsqu'une action est déjà pendante devant une juridiction, l'avocat peut, sous réserve de recueillir l'assentiment de son client, prendre contact avec la partie adverse ou la recevoir afin de lui proposer un règlement amiable du différend. ».

Pour aller plus loin : v., ÉTUDE : Les rapports entre avocats et avec les professionnels de Justice, Le règlement amiable avec la partie adverse, in La profession d'Avocat, Lexbase (N° Lexbase : E39473RM).

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Avocats/Déontologie

[Le point sur...] Le secret professionnel de l’avocat garanti par la confidentialité des correspondances

Lecture: 12 min

N5866BYW

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par Michèle Bauer, Avocate au barreau de Bordeaux

Le 21 Juillet 2021

Mots-clefs : Avocat • déontologie • pratique professionnelle • secret • confidentialité • lettres officielles  

« Je peux apposer la mention officielle comme bon me semble » m’a dit un Confrère lors d’une conversation sur la nature des correspondances entre avocats. Son affirmation est fausse, les correspondances entre avocats sont strictement réglementées et garantissent le secret professionnel. Ce secret est essentiel, il est l’essence de la profession d’avocat, il protège le client mais aussi l’avocat. Le principe est la confidentialité des correspondances échangées entre avocats pour permettre une liberté dans les échanges et une possibilité de négocier en toute sérénité. Ce principe connait des exceptions strictement énoncées et interprétées strictement par les Bâtonniers. Il est possible en effet de qualifier une correspondance « d’officielle » à la condition qu’elle soit un acte de procédure ou encore qu’elle ne fasse pas de référence à des échanges confidentiels. Cette exception, pour certains avocats, certains confrères, est parfois la règle.

On assiste malheureusement à des abus de lettre officielle qui nuisent considérablement à la profession d’avocat. Les lettres officielles doivent être « consommées » avec modération. Cet article revient sur les règles déontologiques applicables aux correspondances entre avocats, il essaie d’expliquer les raisons de l’utilisation abusive par certains des lettres officielles et propose des solutions pour officialiser tout en respectant les règles déontologiques de la profession.


 

 

L’avocat est un confident pour son client, il reçoit les confessions de ce dernier, ce rôle le rapproche du prêtre, l’avocat ne porte-il pas la robe ? Comme le prêtre, l’avocat garde le secret de la confession. Ce secret est un secret professionnel. Il est essentiel et permet un exercice serein et apaisé.

Le rapport « Perben » commandé par Madame la ministre de la Justice durant la grève des avocats aborde la question du secret professionnel et préconise son renforcement notamment par une extension de ce secret au domaine du conseil. Il est proposé dans ce rapport un complément à l’article 226-13 du Code pénal : « Le secret professionnel de l’avocat est défini par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 » [1]. Les conversations, les lettres, les mails, tous les échanges entre l'avocat et son client sont confidentiels, couverts par le secret professionnel. Ce secret couvre aussi les lettres entre avocats. Cette étendue est peu connue de nos clients qui s'étonnent souvent de ne pouvoir avoir une copie de la lettre de notre Confrère, conseil de « l'adversaire ».

Nos règles déontologiques échappent aux clients qui n'ont pas suivi de formation et ils peuvent être excusés de ne pas « être avocat ». Parfois, elles sont ignorées aussi par certains confrères qui utilisent plus que de raison les lettres officielles lorsqu'ils correspondent avec leurs pairs. Très fréquemment des lettres officielles sont réceptionnées alors qu'elles devraient rester confidentielles.

Ainsi pour exemples :

« OFFICIELLE- À la suite de nos échanges, je vous confirme que Monsieur ne veut pas de résidence en alternance. »

« OFFICIELLE - je vous remercie de bien vouloir intervenir auprès de votre cliente afin qu'elle respecte le jugement et comme elle s'y est engagée auprès de vous qu'elle ramène la petite Morgane avec des vêtements non troués »

« OFFICIELLE - Par lettre du 14 décembre, vous avez indiqué que votre client exécuterait la décision, or je n’ai toujours pas reçu le chèque CARPA conforme aux condamnations inscrites dans le jugement du Conseil de Prud’hommes. »

Parfois les correspondances officielles sont agressives, comminatoires et peu respectueuses de notre serment. Face à ce dévoiement de la possibilité de caractériser des correspondances comme « officielles », certains Bâtonniers publient régulièrement des circulaires pour sensibiliser leurs confrères à la nécessité de respecter scrupuleusement le secret professionnel. Aussi, il est utile de s'intéresser aux échanges entre avocats et à la réglementation de ces échanges. Quelles sont les dispositions qui s'appliquent en la matière ? Pour quelles raisons ces dispositions ont-elles été mises en œuvre ? Pourquoi cet abus des lettres officielles ? N'existe-t-il pas d'autres moyens d'officialiser certains actes ?

I - Les dispositions qui réglementent les échanges entre avocats et les raisons du secret

Le secret des correspondances entre avocats ne date pas d’hier, en décembre 2021, cela fera 50 ans que ce secret est inscrit dans la loi.

Il est intégré à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 : « En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. (...) »

L'article 3-1 du RIN reprend ce texte : « Principes :
Tous échanges entre avocats, verbaux ou écrits quel qu'en soit le support (papier, télécopie, voie électronique...), sont par nature confidentiels.
Les correspondances entre avocats, quel qu'en soit le support, ne peuvent en aucun cas être produites en justice ni faire l'objet d'une levée de confidentialité. »

Le principe est par conséquent la confidentialité de toutes les correspondances entre avocats.

Il est inutile de mentionner « CONFIDENTIELLE » sur la correspondance que l’on souhaite qualifier ainsi. Il existe une présomption de confidentialité dans les échanges entre avocats français. La règle est différente lorsque l’avocat correspond avec un avocat européen (Code de déontologie des avocats européens, art. 21.5.3) [2], il devra mentionner le caractère confidentiel. Les correspondances sont confidentielles par principe avec tous les documents qui y sont annexés [3]. La confidentialité des correspondances entre avocats protège le client et l’avocat.

Elle protège le client qui peut par l’intermédiaire de son conseil, négocier librement. Les lettres entre son avocat et le confrère, conseil de l’adversaire, ne pourront pas être produites en justice. Il ne pourra jamais être reproché au client d’avoir refusé un montant d’indemnité transactionnelle conséquent.

Elle protège également l’avocat qui sera plus libre à l’égard de son Confrère. Souvent, sous le sceau du secret, certains éléments qui ont une importance pour la procédure peuvent être dévoilés. Le secret des correspondances permet aussi à l’avocat de se préserver contre toute action visant à engager sa responsabilité professionnelle. Les lettres confidentielles entre avocats ne peuvent être produites dans le cadre d’un procès visant à engager cette responsabilité. Il n’y a pas lieu de communiquer la copie de la correspondance confidentielle à son client qui pourrait l’utiliser par la suite. Il est également déconseillé de recopier intégralement la correspondance de son Confrère dans une correspondance à son client en mentionnant le confrère, cette pratique est malheureusement courante.

👉 Conseil pratique : il est vivement recommandé de lire la lettre confidentielle à son client ou de lui la faire lire lors d’un rendez-vous au cabinet.

L’avocat qui communiquerait une lettre confidentielle d’un de ses confrères à son client, en justice ou à un tiers commettrait une infraction, le délit de violation du secret professionnel [4]. Il risque une peine pénale et ceci même si le contenu de la lettre peut être considéré comme officielle. La confidentialité des correspondances entre avocats, ne permet pas « tout » et ne dispense pas l’avocat d’être loyal. L’avocat ne pourra pas :

- revenir sur un accord et sur la parole donnée dans le cadre d’un acte de procédure ;

- écrire dans ses conclusions le contraire de ce qu’il avait indiqué dans le cadre d’une lettre confidentielle.

Cette exigence de loyauté est une règle déontologique qui n’est pas sanctionnée par la loi. En cas de non-respect, l’avocat déloyal pourra être sanctionné disciplinairement.

Pour finir, il est important de mettre fin à une légende : le Bâtonnier n’a pas le pouvoir de « déconfidentialiser » des lettres confidentielles entre avocats. Le Bâtonnier a le pouvoir de régler les litiges entre avocats mais pas celui de décider des pièces pouvant être produites devant une juridiction (Cass. civ. 1, 15 décembre 2011, n° 10-25.437, FS-P+B+I N° Lexbase : A2909H8A).

II - Le caractère exceptionnel des correspondances officielles

L’article 3-2 du RIN (N° Lexbase : L4063IP8) prévoit des exceptions à la confidentialité des échanges entre avocats. Elle donne des précisions par rapport à la loi de 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ) qui laissait penser que les lettres étaient confidentielles et qu’il suffisait de mentionner « officielle » pour qu’elles ne le soient plus. Les exceptions sont strictement énoncées : « Peuvent porter la mention officielle et ne sont pas couverts par le secret professionnel, au sens de l’article 66.5 de la loi du 31 décembre 1971 :

  • une correspondance équivalant à un acte de procédure ;
  • une correspondance ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.

Ces correspondances doivent respecter les principes essentiels de la profession définis par l’article 1 er du présent règlement. »

Tout d’abord, les correspondances équivalentes à des actes de procédure peuvent revêtir le caractère officiel. Il s’agit, par exemple, de sommations de communiquer, de communication de conclusions, de bordereau de pièces, de pièces, de demandes de communication ou notification des voies de recours. Puis, peuvent être qualifiées d’officielles les correspondances ne faisant référence à aucun écrit, propos ou éléments antérieurs confidentiels.

Cette disposition interroge car elle remet presque en cause le principe de confidentialité des correspondances. C’est pourquoi, il convient d’interpréter cette disposition strictement et de considérer qu’une simple allusion à des échanges confidentiels ultérieurs ne permet pas de considérer la correspondance comme officielle. Cette disposition a été intégrée pour faciliter les « transactions officielles » et les échanges entre avocats dans ce cadre. Elle est, souvent, mise en avant par les avocats auxquels il est reproché d’abuser de la mention officielle dans les échanges avec leurs Confrères.

Il arrive, en effet, que l’usage à l’envie de ces correspondances officielles se retourne contre le Confrère qui en a abusé. Comme les correspondances officielles peuvent être produites en justice, un avocat stratège pourrait les utiliser, le proverbe adapté à cette stratégie est sans nul doute « Tel est pris qui croyait prendre ». Ceci d’autant plus que les lettres qualifiées d’officielles ne pourront pas être rendue confidentielles par la suite.

Toutefois, l’avocat stratège se devra d’être loyal, s’il a répondu par des lettres confidentielles le contraire de ce qu’il expose devant le tribunal en utilisant les correspondances officielles de l’adversaire, il pourrait faire l’objet de poursuites disciplinaires.

Il faut insister sur le contenu de ces correspondances officielles qui devront respecter les principes essentiels de la profession inscrits à l’article 1 du Règlement Intérieur des Avocats :

« Les principes essentiels de la profession guident le comportement de l’avocat en toutes circonstances.

L’avocat exerce ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment.

Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, d'égalité* et de non-discrimination*, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie.

Il fait preuve, à l’égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. »

Il est fréquent de constater que ces correspondances sont parfois des « défouloirs » et comportent des jugements sur l’adversaire ou son conseil, ce qui est à proscrire bien entendu car contraire à la délicatesse, la modération ainsi que la courtoisie.

👉 Conseil pratique : Il convient de se contenter de décrire d’une manière objective et détachée les faits ou des demandes du client. 

Souvent, l'abus des lettres officielles peut s'expliquer par un désir de l'avocat de satisfaire son client, de lui montrer qu'il travaille, qu’il le défend avec force et conviction. Peut-être aussi, officieusement, ces lettres officielles permettent de justifier (pour certains) auprès de son client du montant de ses honoraires. Cet abus est « condamnable » car il nuit à la profession tout entière et affaiblit notre secret professionnel auquel nous sommes si attachés. C'est pourquoi, si le but est de satisfaire le client, il convient d'utiliser d'autres moyens que les lettres officielles.III - Les autres moyens permettant d'officialiser une situation ou un acte.

Il faut rappeler que ne pas respecter le caractère confidentiel des correspondances entre avocats constitue un manquement à la confraternité. Même si le client exige une lettre officielle, l’avocat ne doit pas céder, l’ordre du client ne peut être invoqué pour justifier un manquement à la déontologie et à la loi [5]. Les huissiers de justice peuvent aider à délivrer des actes tels que des sommations interpellatives même si leur valeur contraignante est inexistante ou encore des constats peuvent être dressés. Dans le cadre de la vie du dossier devant le tribunal, des sommations de communiquer peuvent être délivrées et des incidents diligentés.

Si l'avocat cherche à se préconstituer des preuves, il ne devra pas utiliser la lettre officielle. Il pourra demander à son client d'écrire directement à l'adversaire en personne, tout en prévenant son Confrère de l'envoi de cette correspondance. Le principe du contradictoire, la confraternité et la loyauté des débats seront ainsi respectés. Cette pratique n’est pas appréciée du client qui ne comprend pas devoir écrire une lettre à l’adversaire alors « qu’il paie un avocat » pour le défendre. Il conviendra de faire preuve de patience et ne pas craindre d’expliquer.

👉 Conseil pratique : Dans le cadre d’un procès, personne n’est dupe de cette stratégie, il est donc conseillé d’y avoir recours avec modération.

Conclusion

Notre secret professionnel est notre force, il nous est envié par les juristes d’entreprises qui rêvent de pouvoir bénéficier d’un statut d’avocat en entreprise, qui n’existe pas encore, pour en user (et en abuser ?). Aussi, il est important de le préserver et de le chouchouter.  L’avocat est un entrepreneur pas comme les autres, il fait partie d’une profession réglementée, il travaille avec des Confrères et non des concurrents. L’exercice de la profession d’avocat est parfois difficile, les combats judiciaires peuvent être éprouvants. Nos principes essentiels permettent d’adoucir les rapports avec « les adversaires », nos Confrères.

Si satisfaire son client est légitime, respecter nos règles déontologiques et de confraternité doit guider notre exercice au détriment parfois de la pleine satisfaction de certains de nos clients. Faut-il rappeler que nous accompagnerons pour un court chemin nos clients alors que nous exercerons avec nos Confrères pendant une longue route menant à notre retraite ? Rassurons-nous tout de même, la plupart de nos clients comprennent notre déontologie si nous leur expliquons d’une manière pédagogique nos règles dont le respect est de leur intérêt. Il est dans l’intérêt de tous les avocats de préserver notre secret, le préserver c’est préserver l’essence même de notre profession et notre raison d’être.

En l’absence de secret, nous deviendrons de vulgaires marchands de droit sans âme.

 

[1] Rapport « Perben » 2020 sur l’avenir de la profession d’avocat.

[2] L’avocat qui entend adresser à un Confrère d’un autre État membre des communications dont il souhaite qu’elles aient un caractère confidentiel ou « without prejudice » doit clairement exprimer cette volonté avant l’envoi de la première de ses communications.

[3] Cass. civ. 1, 2 octobre 2007, n° 04-18.726, F-P+B (N° Lexbase : A6500DYE).

[4] C. Pén., art. 226-13 (N° Lexbase : L5524AIG).

[5] H. Ader, S. Bortoluzzi, A.Damien, D. Piau, Chapitre 422 : Confidentialité des correspondances entre avocats, Règles de la profession d’avocat, Dalloz.

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Construction

[Brèves] Ne pas confondre réception et livraison pour apprécier le caractère apparent du désordre dans le cadre d’une VEFA

Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-21.130, FS-P+R (N° Lexbase : A73024CG)

Lecture: 4 min

N6171BY9

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 21 Janvier 2021

► L’acquéreur bénéficie du concours de l’action en garantie décennale et de celle en réparation des vices apparents ;
► le caractère apparent du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et non en celle de l’accédant à la propriété au jour de la réception.

L’accédant à la propriété, dans le cadre d’une vente en l’état futur d’achèvement, dispose de plusieurs voies de recours à l’encontre du promoteur, en fonction du caractère apparent ou non du désordre. La qualification est déterminante puisque les différentes actions n’obéissent pas aux mêmes prescriptions.

En application des articles 1642-1 (N° Lexbase : L8942IDK) et 1648 (N° Lexbase : L9212IDK) du Code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé ni avant la réception des travaux ni dans un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des vices de construction apparent, étant précisé que l’action doit toutefois être exercée dans le court délai d’un an à compter de la date à laquelle l’acquéreur peut être déchargé des vices apparents.

L’accédant à la propriété devient, d’autre part, à compter de la livraison de son bien, bénéficiaire des actions fondées sur les dispositions des articles 1792 (N° Lexbase : L1920ABQ) et suivants du Code civil, c’est-à-dire du droit spécial de la responsabilité des constructeurs.

Il ressort, en effet, de l’article 1792 du Code civil que l’action en responsabilité décennale suit la chose et qu’elle se transmet aux acquéreurs successifs de l’ouvrage. Il ressort, également, de l’article 1792-1 du Code civil (N° Lexbase : L1921ABR) que le vendeur d’immeuble à construire est débiteur de la responsabilité décennale des constructeurs, comme cela est rappelé à l’article 1646-1 du Code civil (N° Lexbase : L1750ABG).

Cela ne signifie pas pour autant que les conditions de l’action en responsabilité décennale s’en trouvent modifiées. L’action suppose la démonstration d’un désordre caché à la réception, laquelle est définie par l’article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX) comme l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage. Ainsi, quel que soit l’acquéreur qui agit, le caractère apparent ou caché du désordre s’apprécie en la personne du maître de l’ouvrage et au jour de la réception des travaux.

L’arrêt est en cela confirmatif d’une jurisprudence éculée (pour exemple, Cass. civ. 3, 19 septembre 2019, n° 18-19.918, F-D N° Lexbase : A3162ZPS ; Cass. civ. 3, 10 novembre 2016, n° 15-24.379, FS-P+B N° Lexbase : A9068SGX ; Cass. civ. 3, 21 mars 2019, n° 17-28.021, FS-P+B+I N° Lexbase : A5064Y4C). C’est donc en la personne de celui qui signe matériellement la réception que doit être apprécié in concreto le caractère apparent ou caché du désordre (pour exemple encore, Cass. civ. 3, 27 septembre 2000, n° 98-21.397 N° Lexbase : A2667C4K, Constr. Urb. déc. 2000, p. 297). Il appartient donc au juge du fond de l’apprécier (Cass. civ. 3, 3 mai 2001, n° 00-10.021 N° Lexbase : A3324ATB).

L’enjeu est d’importance puisque, pour reprendre l’expression consacrée, la réserve purge le vice. Autrement dit, hormis le cas dans lequel le désordre se révèle dans sa gravité décennale après la réception, le caractère apparent du désordre empêche l’action sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

Tel était précisément le cas en l’espèce. Une SCI a fait construire, en vue de la vente d’appartements en l’état futur d’achèvement, une résidence comportant plusieurs bâtiments dont la réception est prononcée. L’assemblée générale des copropriétaires a autorisé le syndic à prendre livraison des parties communes. Par la suite, se plaignant de la persistance des désordres et non-finitions, le syndicat des copropriétaires (SDC) assigne le promoteur sur le fondement de la responsabilité décennale des constructeurs.

La cour d’appel déclare l’action du SDC forclose. Les désordres relatifs au fonctionnement du portail d’entrée de la résidence, aux trappes de désenfumage, aux finitions de peintures, au carrelage ébréché etc., étaient apparents à la date de livraison, de sorte que l’action aurait dû être engagée dans le court délai de l’article 1648 précité.

La Haute juridiction censure. Le caractère apparent ou caché d’un désordre s’apprécie à la date de la réception, peu importe que le vice de construction ait été apparent à la date de prise de possession par l’acquéreur.

newsid:476171

Droit pénal des affaires

[Jurisprudence] Fusion-absorption : frauder l’article 121-2 du Code pénal (suite… sans fin ?)

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955, FS-P+B+I (N° Lexbase : A551437D)

Lecture: 20 min

N6117BY9

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par Marc Segonds, Agrégé des facultés de droit, Professeur à l’Université Toulouse-Capitole, IRDEIC, Directeur du Master 2 Droit pénal des affaires publiques et privées et du D.U. Compliance officer et sécurité financière.

Le 22 Janvier 2021


Mots-clés : fusion-absorption • revirement • responsabilité pénale • société absorbante • société absorbée

En présence de moyens posant la question de savoir dans quelles conditions, en cas de fusion-absorption, la société absorbante peut être condamnée pénalement pour des faits commis, avant la fusion, par la société absorbée, l’arrêt du 25 novembre 2020 rendu par la Chambre criminelle en formation plénière, opère un revirement majeur et fournit une réponse inédite à cette question essentielle en donnant naissance en réalité à une nouvelle forme de responsabilité pénale sans fraude ou pour fraude à l’endroit des sociétés absorbantes.


 

Le risque de fraude(s) à l’article 121-2 du Code pénal (N° Lexbase : L3167HPY) est un risque que la doctrine pénaliste a fréquemment et… constamment dénoncé notamment – mais pas seulement [1] – à raison des particularités du droit des sociétés et, singulièrement, des conditions et conséquences attachées à l’opération sociale dite de « fusion-absorption » [2].

Loin de n’être qu’une hypothèse d’école, le sort de la société absorbée et le devenir de la société absorbante, en présence d’une infraction imputable à la première commise antérieurement à la fusion-absorption, ont fréquemment été interrogés devant la Chambre criminelle mais aussi jusque devant la Cour de justice de l’Union européenne [3] (CJUE). La jurisprudence de la première est longtemps apparue invariable dans son résultat mais pas dans son fondement. Invariable dans son résultat puisque la fusion-absorption était autorisée à tenir en échec les poursuites pénales, autant à l’endroit de la société absorbée qu’à l’endroit de la société absorbante. Pour ce faire, la Haute juridiction s’était prononcée, dans un premier temps, sur le fondement de l’article 121-1 du Code pénal (N° Lexbase : L2225AMD), estimant que le principe de personnalité des délits et des peines devrait être appelé à régir non seulement les rapports des personnes physiques mais également les rapports entre les personnes morales elles-mêmes [4]. Dans un second temps, a été retenu par la Haute juridiction l’article 6 du Code de procédure pénale qui, pourtant, n’a jamais évoqué que la mort du prévenu [5].

Le principe de solution retenu, autant que ces fondements successifs, étaient loin d’être à l’abri des critiques à raison de l’impunité ainsi offerte à une société absorbée sans que la société absorbante ne puisse être davantage inquiétée. Le droit répressif – à la différence notable du droit para-pénal [6] – faisait ainsi montre d’une faiblesse coupable à l’endroit de ceux qui avaient été capables de déceler, voire de revendiquer, les fragilités de l’article 121-2 du Code pénal [7]. Aussi bien, l’arrêt du 25 novembre 2020 [8] marque-t-il une rupture particulièrement remarquable en affirmant que la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée à raison de l’infraction imputable à la société absorbée, même en l’absence de fraude mais, aussi, de façon plus convaincante mais aussi plus difficile à apprécier, à raison de l’existence d’une fraude. Est ainsi consacrée une nouvelle forme de responsabilité pénale sans fraude (I) qui côtoie une responsabilité pénale pour fraude (II). Des responsabilités qui détonnent autant qu’elles peuvent susciter des interrogations.

I. D’une responsabilité pénale sans fraude…

Au cœur du débat figure le sens qu’il convient de conférer à l’article 121-1 du Code pénal. Par la généralité de ces termes, cet article pouvait s’interpréter comme susceptible de régir autant les rapports des personnes physiques que des personnes morales, entre-elles s’entend. Cette interprétation est nettement abandonnée par l’arrêt du 25 novembre 2020. La Cour de cassation estime que l’article 121-1 du Code pénal doit désormais être interprété « comme permettant – il eut été plus juste d’écrire qu’il ne s’opposait pas…– que la première [la société absorbée] soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde [la société absorbante] avant l’opération de fusion-absorption » (§ 25). La neutralisation de l’article 121-1 Code pénal ainsi actée (A) aboutit alors à une responsabilité sui generis dont l’automaticité doit être redoutée (B).

A. D’une nouvelle interprétation neutralisante de l'article 121-1 du Code pénal…

L’interprétation de l’article 121-1 du Code pénal n’a guère varié… jusqu’à l’arrêt du 25 novembre 2020. Depuis le premier des arrêts rendus en cette matière, daté du 20 juin 2000 [9], il fallait déduire de cet article que dans le cas où une société poursuivie fait l'objet d'une fusion-absorption, la société absorbante ne pouvait être déclarée coupable, l'absorption ayant fait perdre son existence juridique à la société absorbée. Se refusant à faire sienne la jurisprudence (purement opportuniste) de la CJUE [10], la Haute juridiction n’hésitait pas à faire valoir que « l'article 121-1 du Code pénal ne peut s'interpréter que comme interdisant que des poursuites pénales soient engagées à l'encontre de la société absorbante pour des faits commis par la société absorbée avant que cette dernière perde son existence juridique » [11].

Alors que la cause semblait définitivement entendue, l’arrêt du 25 novembre 2020 opère un revirement très net. Explicitant son ancienne jurisprudence, la Chambre criminelle énonce que « cette interprétation de l’article 121-1 du Code pénal se fonde sur la considération que la fusion, qui entraîne la dissolution de la société absorbée, lui fait perdre sa personnalité juridique et entraîne l’extinction de l’action publique en application de l’article 6 du code de procédure pénale. La société absorbante, personne morale distincte, ne saurait en conséquence être poursuivie pour les faits commis par la société absorbée » (§ 19). Et la Haute juridiction de poursuivre « elle repose sur l’assimilation de la situation d’une personne morale dissoute à celle d’une personne physique décédée » (§ 20).

De l’aveu même de la Cour de cassation, il est apparu à cette dernière que « cette approche anthropomorphique de l’opération de fusion-absorption » (§ 21) devait être abandonnée, et ce pour deux raisons. Première raison : « elle ne tient pas compte de la spécificité de la personne morale, qui peut changer de forme sans pour autant être liquidée » (§ 22). Ce faisant, la Haute juridiction a fait sien le grief que la doctrine a pu lui adresser [12] pour, enfin, prendre en considération la mutabilité juridique propre à la personne morale. Seconde raison : « elle est sans rapport avec l’activité économique » (§ 21). Pour justifier cette affirmation, la Chambre criminelle en vient à embrasser la référence à la continuité économique et fonctionnelle, invoquée par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), pour estimer que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), auquel elle lie le principe de personnalité des peines, ne fait pas obstacle au prononcé d’une amende civile à l’encontre d’une société absorbante, pour des actes restrictifs de concurrence commis avant la fusion par la société absorbée [13]. Il n’en fallait pas davantage, alors que l’interprétation retenue intéressait une amende… civile, pour que la Haute juridiction en vienne à considérer « l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme ne s’oppose pas à ce que l’article 121-1 du Code pénal soit désormais interprété comme permettant que la première soit condamnée pénalement pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la seconde avant l’opération de fusion-absorption » (§ 25). Alors que l’article 6 du Code de procédure pénale avait été largement interprété par la Chambre criminelle elle-même, cette dernière en vient même à estimer que « l’article 6 du Code de procédure pénale, qui ne prévoit pas expressément l’extinction de l’action publique lors de l’absorption d’une société, ne s’oppose pas non plus à cette interprétation » (§ 26). Bien davantage encore, la Haute juridiction a entendu adopter le même principe de solution que celui de la CJUE… alors qu’elle s’y était fermement opposée jusqu’alors, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle forme de responsabilité pénale – limitée aux fusions entre sociétés anonymes ou assimilées [14] faisant ainsi fi du principe d’égalité – dont la pertinence peut interroger.

B. …à l’émergence d’une nouvelle responsabilité pénale quasi automatique ?

L’arrêt du 25 novembre 2020 use de l’affirmation suivante : « en l’état actuel du droit interne, l’interprétation de l’article 121-1 du Code pénal autorisant le transfert de responsabilité pénale entre la société absorbée et la société absorbante est la seule voie permettant de sanctionner pécuniairement la société absorbante pour des faits commis avant la fusion par la société absorbée » (§ 34). L’affirmation ne peut manquer d’étonner, au moins autant que celle selon laquelle « il se déduit de ce qui précède qu’en cas de fusion-absorption d’une société par une autre société entrant dans le champ de la directive [78/855], la société absorbante peut être condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée avant l’opération ».

« Qu’en l’état actuel du droit interne », il soit soutenu que seule la privation du principe de personnalité de la responsabilité des délits et des peines soit à même de justifier l’engagement de la responsabilité pénale de la société absorbante à raison de l’infraction commise par la société absorbée, est contestable pour (au moins) deux raisons. D’une part, parce que la fraude à la loi, ainsi que le démontre aisément la suite de l’arrêt du 25 novembre 2020 permet de ménager une exception sans renoncer au principe même de la personnalité des délits et des peines. D’autre part, parce le fait personnel de la société absorbante n’est jamais véritablement interrogé alors qu’il est parfaitement concevable qu’une société absorbante puisse être poursuivie au moins sur le fondement du recel-profit, dès lors qu’elle bénéficie en connaissance de cause, par l’intermédiaire de ces organes ou représentants, du produit du crime ou du délit commis pour le compte d’une société absorbée [15] sans négliger la possibilité offerte de raisonner sur le fondement du recel du délit d’organisation frauduleuse de l’insolvabilité au sens de l’article 314-7 du Code pénal (N° Lexbase : L1833AMT) [16].

Tout aussi étonnante est la forme de la responsabilité pénale à laquelle la mise à l’écart de l’article 121-1 du Code pénal aboutit puisqu’il s’agit d’une responsabilité pénale limitée au prononcé d’une peine d’amende ou de confiscation. Ceux-mêmes qui approuveront la solution de la Chambre criminelle devront concéder que la fusion-absorption aura pour effet de tenir en échec le prononcé de toutes les autres formes de peines, en particulier les indispensables peines d’interdiction d’une activité, de fermeture d’établissement ou encore les récentes peines de programme de mise en conformité. Cette responsabilité « amputée » compense-t-elle, de par sa plus faible sévérité, le risque de transformer la responsabilité pénale des sociétés absorbantes en responsabilité quasi automatique ? Quand bien même l’arrêt du 25 novembre 2020 précise que la société absorbante « peut être condamnée pénalement […] pour des faits constitutifs d’une infraction commise par la société absorbée » (§ 35), l’on peine à comprendre pourquoi une société absorbante pourrait être condamnée postérieurement à une opération de fusion-absorption alors qu’aucune faute, commise par ses organes ou représentants, ne lui est imputable. L’arrêt du 25 novembre 2020 marque ainsi un renoncement particulièrement inquiétant au fondement nécessairement rétributif de la responsabilité pénale. Pour se convaincre de l’absence d’automaticité d’une telle responsabilité, l’on pourrait se rassurer en observant que la Haute juridiction a nettement précisé que « la personne morale absorbée étant continuée par la société absorbante, cette dernière qui bénéficie des mêmes droits que la société absorbée, peut se prévaloir de tout moyen de défense que celle-ci aurait pu invoquer » (§ 36). Mais qu’est-ce à dire véritablement ? Que la société absorbante pourra a minima contester l’imputation de responsabilité à la société absorbée en se situant au temps de l’action mais… sans pouvoir se prévaloir de son absence de participation à la consommation de l’infraction ou, de façon particulièrement regrettable, de l’absence de volonté de tenir en échec l’engagement de la société absorbée par le biais d’une fusion-absorption. Le principe de la présomption d’innocence autant que le principe de proportionnalité dont procède, selon le Conseil constitutionnel lui-même, le principe de personnalité des délits et des peines [17], subissent là des atteintes particulièrement excessives, que l’absence de rétroactivité de ce véritable revirement de jurisprudence, soulignée par la Chambre criminelle elle-même (§ 38), ne parvient pas à compenser [18]. Par-delà la mise à mal de principes fondamentaux, le péril représenté par le passage d’une responsabilité pénale à une responsabilité patrimoniale, péril annoncé [19] et dénoncé [20] par la doctrine, pouvait sembler conjuré par la jurisprudence du Conseil constitutionnel [21]… Mais la digue a cédé par l’effet de l’arrêt du 25 novembre 2020. De façon beaucoup plus convaincante, ce péril doit être en réalité jugulé en n’admettant qu’une seule limite au principe de personnalité des délits et des peines : la fraude à la loi… dont le maniement s’annonce d’ores et déjà fort délicat.

II. … à une responsabilité pénale pour fraude.

Que la fraude à la loi puisse être la justification de la responsabilité pénale de la société absorbante ne fait guère de doute. L’idée doctrinale a été avancée de longue date, évoquée parfois par les juges du fond [22]… mais jamais véritablement par la Chambre criminelle elle-même. C’est chose faite désormais avec l’arrêt du 25 novembre 2020, arrêt qui invite alors à s’interroger sur le point de savoir comment le juge répressif aura la possibilité, après avoir fait le constat d’une fusion-absorption possiblement suspecte (A), de se convaincre de l’existence d’une fusion-absorption véritablement frauduleuse (B).

A. Du sort d’une fusion-absorption possiblement suspecte…

À la différence de ces prédécesseurs, l’arrêt du 25 novembre 2020 possède le grand mérite de s’être expressément prononcé sur la nécessité de déterminer si un « régime particulier » devait s’appliquer dans l’éventualité d’une fraude à la loi. La réponse fournie par la Chambre criminelle a ainsi été libellée : « il doit être considéré que l’existence d’une fraude à la loi permet au juge de prononcer une sanction pénale à l’encontre de la société absorbante lorsque l’opération de fusion-absorption a eu pour objectif de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale » (§ 41). Et la Haute juridiction de préciser que « cette possibilité est indépendante de la mise en œuvre de la directive du 9 octobre 1978, précitée ».

Qu’une fusion-absorption puisse être décidée en « réaction » à des poursuites pénales a été souligné de longue date par certains juges du fond, ces mêmes juges soulignant alors la nécessité de pouvoir entrer en voie de condamnation afin de faire échec à une telle fraude : « juger le contraire reviendrait à priver de toute utilité les articles 121-2 et suivants (sic) du Code pénal prévoyant la responsabilité pénale des personnes morales qui pourraient tout à loisir frauder à la loi et échapper aux poursuites sans même être dissoutes ou liquidées ». Or, en l’espèce, c’était précisément pour ces motifs que l’auteur d’un pourvoi avait entendu faire grief aux juges du fond d’avoir créé « ainsi de toutes pièces une responsabilité pénale du fait d’autrui ». La suite de ce pourvoi est bien connue puisqu’elle a permis à la Chambre criminelle de se prononcer au visa de l’article 121-1 du Code pénal pour censurer purement et simplement les juges du fond sans avoir, d’aucune manière [23], réservé l’hypothèse d’une fraude à la loi que, par ailleurs, lesdits juges s’étaient bien gardés de motiver. Un arrêt subséquent rendu par la même chambre au visa du même article 121-1 du Code pénal n’avait pas davantage réservé expressément l’hypothèse d’une fraude à la loi [24].

De la sorte, l’affirmation de l’arrêt du 25 novembre 2020 selon laquelle, « si la Cour de cassation n’a pas eu l’occasion de se prononcer sur ce point, sa doctrine, qui ne saurait ainsi constituer un revirement de jurisprudence, n’était pas imprévisible » peine à convaincre et ce d’autant plus que la Haute juridiction s’est ainsi autorisée à estimer que sa doctrine « est donc applicable aux fusions-absorptions conclues avant le présent arrêt » (§ 42). Il eût été beaucoup plus raisonnable de considérer que la Chambre criminelle n’avait pas, jusqu’à présent, rendu prévisible un tel revirement, ainsi qu’en témoignait tout particulièrement l’arrêt du 25 octobre 2016 précité [25], pour réserver l’application de sa nouvelle jurisprudence au fusion-absorption opérée postérieurement au 25 novembre 2020. Différente dans son application dans le temps, la responsabilité pénale pour fraude l’est également dans sa portée puisqu’elle n’est en rien limitée au prononcé d’une peine d’amende ou de confiscation : elle constitue alors une responsabilité pénale « pleine et entière » [26] subordonnée à la démonstration d’une volonté de fraude.

B. ...au devenir d’une fusion-absorption véritablement frauduleuse

Ce n’est pas la nullité de la fusion-absorption qui est recherchée mais uniquement son caractère frauduleux. Estimer que la fusion-absorption n’est pas, en tant que telle opposable au juge répressif impliquerait une remise en l’état bien périlleuse et impliquerait d’engager la responsabilité pénale de la société absorbée. Préférer à la nullité la fraude – nullité que le juge pénal serait bien en peine de pouvoir prononcer – implique de renoncer à l’engagement de la responsabilité pénale de la société absorbée mais autorise à déclarer coupable la société absorbante à raison de l’infraction commise pour le compte de la société absorbée. Autant que la neutralisation d’un montage juridique destinée à tenir en échec les règles de la responsabilité pénale, il faut avoir conscience que la nouvelle doctrine de la Chambre criminelle vient de donner naissance à une nouvelle forme de responsabilité pénale pour les sociétés absorbantes : celle d’une responsabilité pénale justifiée par la fraude à la loi réalisée au bénéfice de la société absorbée. Reste alors à déterminer les critères qui vont autoriser la reconnaissance d’une fraude à la loi. La technique du faisceau d’indices sera évidemment à l’œuvre mais, et la question mérite d’être posée, sur le fondement de quels critères ?

À l’utilité (sociale, économique, stratégique, organisationnelle…) de la fusion-absorption, il faudra alors opposer l’opportunisme de la fusion-absorption qui devra être alors révélateur de la volonté de tenir en échec le déclenchement, l’exercice ou l’issue des poursuites pénales [27]. Si la fraude se comprend aisément dans sa finalité – tenir en échec les poursuites pénales –, le constat dudit échec ne saurait suffire à faire la démonstration de ce que la fusion-absorption a constitué le moyen de la fraude. Que la fusion-absorption ait succédé à la commission d’une infraction ou à l’engagement de poursuites ne pourra, à l’évidence, suffire : son caractère précipité, son absence de rationalité sociale, économique, stratégique ou organisationnelle fourniront autant d’indices d’avoir à faire bien davantage à un « montage juridique » qu’à une décision collective digne de ce nom. Mais, ira-t-on jusqu’à exiger que la fusion-absorption n’ait eu d’autre finalité que de faire échec aux poursuites pénales [28], l’échec des poursuites devant être la cause déterminante de la fusion-absorption ? Ou bien, se contentera-t-on de ce que la fusion-absorption a aussi, parmi d’autres finalités légitimes poursuivies, obéi à un tel but parfaitement illicite ? Les termes employés par l’arrêt du 25 novembre 2020 ne permettent pas de répondre avec certitude à ces interrogations puisque la Haute juridiction a seulement fait référence à l’opération de fusion-absorption qui a eu « pour objectif » – sans qualifier celui-ci – de faire échapper la société absorbée à sa responsabilité pénale.

En tout état de cause, il apparaît alors certain que l’application de la théorie de la fraude à la loi à l’endroit de l’article 121-1 du Code pénal lié à l’article 121-2 du même Code n’a pas encore fini de livrer tous ses mystères. Il est également permis de considérer que la mise en œuvre de la théorie de la fraude à la loi, au détriment d’un principe aussi fondamental que le principe de personnalité des délits et des peines, ne permettra pas de résoudre toutes les difficultés suscitées par les opérations de fusion-absorption, car si la solution est curative, elle n’est en rien préventive. Que le législateur n’ait encore jamais estimé utile de conférer à l’autorité judiciaire le pouvoir d’exercer un contrôle sur le périmètre d’une personne morale dès lors que des poursuites judiciaires ont été intentées à son endroit est consternant. Pourtant, pareille prérogative conférée à l’autorité judiciaire, appelée de ses vœux par la doctrine [29], serait parfaitement justifiée, ne serait-ce qu’au regard de la mutabilité juridique qui fait la spécificité de la personne morale. Après que la Chambre criminelle semble avoir entendu certaines des critiques doctrinales formulées à l’endroit de sa jurisprudence, ne reste plus au législateur qu’à tendre l’oreille à son tour. Mais il est vrai qu’il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…

 

[1] M. Segonds, Frauder l’article 121-2 du Code pénal, Dr. pén., 2009, étude 18.

[2] L. Gamet, Le principe de personnalité des peines à l'épreuve des fusions et des scissions de sociétés : JCP G, 2001, I, 345 ; D. Vich-Y-Llado, La responsabilité des personnes morales en cas de fusion : JCP E, 2001, p. 838 ; F. Stasiak, Fusion et responsabilité pénale des personnes morales en droit boursier : Mélanges B. Bouloc, Dalloz, 2007, p. 1091 ; A. Gallois, La responsabilité pénale de la société absorbante en cas de fusion-absorption frauduleuse : Dr. sociétés, 2010, étude 7.

[3] CJUE, 5 mars 2015, aff. C-343/13, Modelo Continente Hipermercados SA c/ Autoridade para as Condições de Trabalho - Centro Local do Lis (ACT) (N° Lexbase : A6841NCD) : A. Couret, note, Bull. Joly, 2015, p. 200 ; G. Notté, note, Dr. pén., 2015, comm. 74 ; H. Barbier, note, RTD civ., 2015, p. 388 ; C. Mascala, obs., D., 2015, p. 1506 ; M. Segonds, note, Dr. pén., 2015, chr. 9, n° 11 ; Rousille, note, Dr. sociétés, 2015, comm. 89 ; Barrière, note, JCP E, 2015, 1234 ; Adde H. Le Nabasque, Personnalité des délits et des peines et fusions : Bull. Joly, 2015, p. 393 ; C. Soulard, Transfert de la responsabilité pénale d'une société absorbée par voie de fusion : RJDA, 7/15, p. 491.

[4] Cass. crim., 20 juin 2000, n° 99-86.742 (N° Lexbase : A3295AUL) : C. Mascala, obs., Bull. Joly, 2001, p. 39 ; H. Matsopoulou, note, D. affaires, 2001, p. 853 ; E. Fortis et Reygrobellet, obs., D., 2001, p. 1608 ; B. Bouloc, note, RTD com., 2000, p. 1024 ; D. Vich-Y-Llado, JCP E, 2001, p. 838.

[5] Cass. crim., 9 septembre 2009, n°08-87.312 (N° Lexbase : A6004ELX) : R. Salomon, note, Dr. sociétés, 2009, comm. 213 ; Cass. crim., 29 septembre 2009, n° 08-88.527 (N° Lexbase : A2795EMH) : Cass. crim., 18 février 2014, n° 12-85.807 (N° Lexbase : A7658MED) ; Cass. crim. 7 janvier 2020, n° 18-86.293 (N° Lexbase : A5579Z9I) : Ph. Conte, note, Dr. pén., 2020, comm. 74 ; M. Segonds, note, Dr. pén., 2020, chr. 11, n° 11.

[6] Comp. Cass. com., 15 juin 1999, n° 97-16.439 (N° Lexbase : A8134AGD) : Bull. civ. IV, n° 127 ; CE, 22 novembre 2000, n° 207697 (N° Lexbase : A1832AIP): Boizard, obs., D., 2001, p. 237 ; Cass. com., 28 janvier 2003, n° 01-00.528 (N° Lexbase : A8353A47) : Bull. civ. 2003, IV, n° 12 ; M. Malaurie-Vignal, obs., Contrats, conc. consomm. 2003, comm. 110 ; CE, 17 décembre 2008, n° 316000 (N° Lexbase : A8902EBC) : C. Arsouze, note, Rev. sociétés, 2009, p. 397.

[7] Y. Laisné, Dissolution-confusion. Guide pratique, EFE, 2015.

[8] Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 18-86.955 (N° Lexbase : A551437D) : Bull. crim.; D., 2021, note G. Beaussonie (à paraître) ; D., 2020, note J. Gallois ; JCP E, 2021, 1006, note F. Stasiak ; Dr. pén., 2021, comm. 2, note Ph. Conte ; Dr. sociétés, 2021, comm. 13, note R. Salomon ; Panorama de droit pénal des affaires (2020), Lexbase Pénal, décembre 2020, § 23 obs. N. Catelan (N° Lexbase : N5731BYW).

[9] Cass. crim., 20 juin 2000, op. cit.

[10] CJUE, 5 mars 2015, aff. C-343/13, op.cit. Il faut rappeler que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait fait valoir que « la troisième directive 78/ 855/ CEE du Conseil du 9 octobre 1978 concernant les fusions des sociétés anonymes, qui a été codifiée par la directive 2011/ 35/ UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011, telle qu'interprétée en son article 19 paragraphe 1 par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt du 5 mars 2015 précité, était dépourvue d'effet direct à l'encontre des particuliers » …

[11] Cass. crim., 25 octobre 2016, n° 16-80.366 (N° Lexbase : A3252SCG) ; J. Lassserre-Capedeville, note, AJ pénal, 2017, p. 36 ; R. Salomon, obs., Dr. sociétés, 2017, comm. 34 ; N. Catelan, note, RPDP, 2017, p. 944 ; H. Mastopoulou, note, RSC, 2017, p. 297.

[12] M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Lexisnexis, 32e éd., 2019, p. 797, n° 1986.

[13] CEDH, 24 octobre 2019, Req. 37858/14, Carrefour France c/ France (N° Lexbase : A8015ZSN) : A. Lecourt, note, RTD Com. 2020, p. 109 ; Ph. Bonfils, note, RPDP, 2019, p. 869.

[14] Note explicative à l’arrêt du 25 novembre 2020, p. 2. La même note ajoute en sa page 6 qu’« il convient cependant de préciser que la directive relative aux fusions des sociétés anonymes est également applicable aux sociétés par actions simplifiées (SAS). En effet, les SAS ne sont qu’une catégorie particulière de société par actions et sont soumises, dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières les concernant, aux règles concernant les sociétés anonymes ».

[15] F. Stasiak, note précité, n° 8.

[16] M. Segonds, Frauder l’art. 121-2 C. pén., op. cit., n° 1. En ce sens, il faut noter l’avis exprimé par le parquet général qui rappelle que « la responsabilité pénale de la société absorbante peut être engagée, si elle reprend l’engagement délictueux ou en tire profit. Les faits de nature à engager des poursuites sont directement imputables à cette société, à laquelle est reproché d’avoir perpétué un comportement répréhensible ou de s’être rendue coupable de recel ». Cf. Avis de Monsieur Renaud Salomon, Avocat général, p. 5.

[17] Cons. const., décision n° 99-411 DC, du16 juin 1999 (N° Lexbase : A8780AC8) : Y. Mayaud, note, D., 1999, p. 589 ; Adde M. Segonds, Brèves observations sur le lien unissant la valeur constitutionnelle et le sens des principes de droit pénal, Les Cahiers du Conseil constitutionnel, 2009, p. 6.

[18] Rapp. Ph. Bonfils, note précitée, n° 13.

[19] Ph. Bonfils, note précitée, n°13, sp. p. 874.

[20] G. Beaussonie, note précitée, n° 8.

[21] Ce dernier a nettement considéré qu’ « appliqué en dehors du droit pénal, le principe selon lequel nul n’est punissable que de son propre fait peut faire l’objet d’adaptations, dès lors que celles-ci sont justifiées par la nature de la sanction et par l’objet qu’elle poursuit et qu’elles sont proportionnées à cet objet ». Cons. const., décision n° 2016-542 QPC, du 18 mai 2016, § 6 (N° Lexbase : A3876RPA) : N. Catelan, note, Revue française de droit constitutionnel, 2017, n° 109, p. 231. Las, la Chambre criminelle de la Cour de cassation ne semble n’avoir vu dans les premiers termes de ce considérant qu’une « incise »… du moins si l’on se réfère à la note explicative de l’arrêt en sa page 6.

[22] CA Chambéry, 23 février 2011, n° 10/00716 : M. Segonds, note, Dr. pén., 2011, chr. 9, n° 11.

[23] L’arrêt du 20 juin 2000 précité censure les juges du fond ayant fait état d’un risque de fraude à la loi, en se limitant à considérer au visa de l’article 121-1 du Code pénal que « l’absorption avait fait perdre son existence juridique à la société absorbée ».

[24] Cass. crim., 14 octobre 2003, n° 02-86.376 (N° Lexbase : A9467C9I) ; Cass. crim., 14 octobre 2003, n° 03-84.539, (N° Lexbase : A0864DAA) :M. Véron, obs., Dr. pén., 2004, comm. 20 ; Ch. Sordino, obs., Gaz. Pal., 2004, 2, doctr. p. 2886 ; E. Fortis, obs., RSC, 2004, p. 339.

[25] V. note 11.

[26] Note explicative, p. 9.

[27] Depuis fort longtemps, la matière para-pénale a permis à la Cour de cassation, dans sa formation commerciale, de réserver expressément l’hypothèse d’une fraude à la loi dans l’hypothèse d’une scission, fraude devant alors être caractérisée par « le but avéré d’éluder toute poursuite » (Cass. com., 15 juin 1999, n° 97-16.439 N° Lexbase : A8134AGD : N. Rontchevsky, note, Bull. Joly Bourse, 1999, p. 579 ; M. Germain et M.-A. Frison-Roche, obs., RD bancaire et bourse 1999, p. 123).

[28] Rapp. L. Gamet, Le principe de la personnalité des peines à l’épreuve des fusions et des scissions de sociétés, JCP E, 2001, I, 345, n° 11.

[29] M. Segonds, Frauder l’art. 121-1 du Code pénal, op. cit., n° 1 ; J.-Cl. Planque, Comment limiter le recours aux techniques d’évitement de la responsabilité pénale des personnes morales, Dr. pén., 2018, étude 25, sp. n° 21 et s. ; C. Veltz, Fuir sa responsabilité pénale : l’instrumentalisation des opérations de fusion-absorption, Mémoire, 2020, Master II Lutte contre la délinquance financière et organisée.

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[Brèves] Publication de la loi organique réformant le CESE

Réf. : Loi organique n° 2021-27, du 15 janvier 2021, relative au Conseil économique, social et environnemental (N° Lexbase : Z928361A)

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par Yann Le Foll

Le 20 Janvier 2021

► La loi organique n° 2021-27 du 15 janvier 2021, relative au Conseil économique, social et environnemental (N° Lexbase : Z928361A), modernise l’organisation et le fonctionnement de cette institution et lui attribue également de nouvelles missions, après avoir été validée par le Conseil constitutionnel (Cons. const., décision n° 2020-812 DC du 14  janvier 2021 N° Lexbase : A23104CK).

Saisine par voie de pétition : le CESE peut être saisi par voie de pétition de toute question à caractère économique, social ou environnemental. Elle est présentée dans les mêmes termes par au moins 150 000 personnes âgées de seize ans et plus, de nationalité française ou résidant régulièrement en France. La période de recueil des signatures est d'un an à compter du dépôt de la pétition.

Les informations recueillies auprès des signataires afin de garantir leur identification sont précisées par décret en Conseil d'État, pris après avis de la CNIL. Le bureau statue sur sa recevabilité au regard des conditions fixées au présent article et informe le mandataire de sa décision concernant la recevabilité de la pétition. À compter de cette décision, le Conseil dispose d'un délai de six mois pour se prononcer par un avis en assemblée plénière sur les questions soulevées par les pétitions recevables et sur les suites qu'il propose de leur donner.

Consultation du public : pour l'exercice de ses missions, le Conseil économique, social et environnemental peut, à son initiative ou à la demande du Premier ministre, du président de l'Assemblée nationale ou du président du Sénat, recourir à la consultation du public dans les matières relevant de sa compétence. Il peut organiser une procédure de tirage au sort pour déterminer les participants de la consultation, les Sages ayant bien précisé que le nombre de ces personnes ne saurait que constituer une part limitée du nombre des membres d'une commission, fixée de telle sorte qu'il n'en résulte pas un déséquilibre dans sa composition ou son fonctionnement.

Portée des avis : lorsque le CESE est consulté sur un projet de loi portant sur des questions à caractère économique, social ou environnemental, le Gouvernement ne procède pas aux consultations prévues en application de dispositions législatives ou réglementaires, à l'exception de la consultation des collectivités mentionnées aux articles 72 (N° Lexbase : L0904AHX) et 72-3 (N° Lexbase : L8825HBH) de la Constitution, des instances nationales consultatives dans lesquelles elles sont représentées, des autorités administratives ou publiques indépendantes et des commissions relatives au statut des magistrats, des fonctionnaires et des militaires.

Modification de la composition du CESE : le Conseil économique, social et environnemental est composé de cent soixante-quinze membres (contre deux cent trente-trois auparavant). Il comprend cinquante-deux représentants des salariés, cinquante-deux représentants des entreprises, des exploitants agricoles, des artisans, des professions libérales, des mutuelles, des coopératives et des chambres consulaires, quarante-cinq représentants au titre de la cohésion sociale et territoriale et de la vie associative, dont huit représentants des outre-mer et vingt-six représentants au titre de la protection de la nature et de l'environnement.

Déontologie : dans les deux mois qui suivent leur désignation, les membres du Conseil adressent personnellement à l'organe chargé de la déontologie du Conseil et au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de leur désignation et dans les cinq années précédant cette date. Toute modification substantielle des intérêts détenus donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes. Les membres du Conseil peuvent joindre des observations à leur déclaration d'intérêts.

newsid:476107

Procédure civile

[Brèves] La prescription de l’action en responsabilité est-elle interrompue par la requête en vue de l’obtention d’une mesure in futurum et par la demande en référé en mainlevée des séquestres ?

Réf. : Cass. civ. 2, 14 janvier 2021, n° 19-20.316, FS-P+R+I (N° Lexbase : A22954CY)

Lecture: 4 min

N6106BYS

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 21 Janvier 2021

► Deux principes relatifs aux causes interruptives du délai de prescription sont à retenir de l’arrêt rendu le 14 janvier 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation ; le premier, selon lequel la requête en vue de l’obtention d’une mesure in futurum n’interrompt pas le délai de prescription de l’action au fond ; le second, selon lequel la demande en référé en mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l’huissier de justice ordonné sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1497H49), interrompt quant à elle le délai de prescription de l’action au fond du fait qu’elle est virtuellement comprise dans l’action visant à l’obtention de la mesure in futurum.

Faits et procédure. Dans cette affaire, le président du tribunal de commerce a été saisi le 22 octobre 2010 d’une requête sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile par une société se plaignant de faits de concurrence déloyale. La requête a été accueillie et un huissier de justice a été désigné par ordonnance, aux fins d’effectuer des investigations dans les locaux des deux sociétés défenderesses.

Le 8 février 2011, la société requérante a assigné en référé les défenderesses, sur le même fondement, devant le président de la même juridiction, en vue de voir ordonner la mainlevée du séquestre des documents recueillis et conservés par l’huissier de justice conformément à l’ordonnance. La mainlevée a été ordonnée par un arrêt rendu le 16 novembre 2011 (CA Paris, 16 novembre 2011, n° 11/05787 N° Lexbase : A6344H3D).

Le 25 juin 2014, la demanderesse a assigné les sociétés défenderesses devant le tribunal de commerce aux fins de les voir condamner solidairement à l’indemniser. Les défenderesses ont opposé la prescription de l’action depuis le 18 juin 2013, pour la rupture des relations commerciales, et depuis le 7 septembre 2013, pour les faits de concurrence déloyale.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’arrêt (CA Paris, 10 avril 2019, n° 16/07328 N° Lexbase : A8266Y8N) d’avoir infirmé le jugement entrepris, en déclarant prescrite son action, et en la déboutant de toutes ses demandes.

Dans un premier temps, l’intéressée invoque la violation de l’article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9), faisant grief à la cour d’appel d’avoir ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas et d’avoir entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard du même article. Elle énonce que toute demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, et que le délai de prescription avait été de nouveau interrompu par la signification de la requête.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé le premier principe précité et indiqué que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et de forclusion selon les dispositions de l’article 2241, alinéa 1 ,du Code civil, la Cour de cassation, énonce que la requête reposant sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile, introduisant une procédure non contradictoire, ne constitue pas une demande en justice au sens de l’article énoncé. La cour d’appel a donc exactement déduit que la requête en vue d’obtenir une mesure in futurum n’avait pas interrompu le délai de prescription de l’action au fond.

Dans un second temps, l’intéressée énonce « qu’en principe, l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent aux mêmes fins, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première ». En l’espèce, après avoir retenu que le délai de prescription avait commencé à courir le 18 juin 2008, l'arrêt retient que l’assignation en responsabilité, et l’action en mainlevée n’avaient pas le même « objet ». Les juges d’appel, pour déclarer prescrite l’action avaient rejeté l’argument selon lequel la saisine du juge des référés, dont la finalité était la levée du séquestre avait interrompu la prescription. Ils ont énoncé que la demande au sens de l’article 2241 du Code civil, concerne exclusivement la prescription du droit qui en est l’objet, qui en l’espèce était relatif à l’exécution déloyale du contrat.

Réponse de la Cour. Le raisonnement est censuré par la Cour de cassation qui, après avoir énoncé la seconde solution précitée au visa de l’article 2241 du Code civil, selon lequel par principe l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre ; il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.

Solution. La Cour suprême, casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel.

newsid:476106

Procédure pénale

[Brèves] Droits du gardé à vue : ne constitue pas une audition la communication à un OPJ du code d’accès d’un téléphone portable pour les besoins de son exploitation, assimilable à une perquisition

Réf. : Cass. crim., 12 janvier 2021, n° 20-84.045, F-P+B+I (N° Lexbase : A96684BP)

Lecture: 5 min

N6068BYE

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par Adélaïde Léon

Le 23 Février 2021

► Aucune disposition légale ne prévoit la présence d’un avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable par un officier de police judiciaire (OPJ), laquelle est assimilable à une perquisition ;

Ne constitue pas une audition, au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4968K8I), nécessitant la présence de l’avocat de la personne gardée à vue, la communication, à un OPJ, sur sa sollicitation, du code d’accès d’un téléphone portable, pour les besoins d’une perquisition.

Rappel des faits. À la suite de livraisons surveillées par les douaniers de colis postaux concernant de la cocaïne, envoyés depuis la Martinique à destination de l’Ile-de-France, une information judiciaire a été ouverte. Dans ce cadre, une femme a été placée en garde à vue et a sollicité l’assistance d’un avocat.

Au cours de la garde à vue, un OPJ a demandé à l’intéressée, hors la présence de son avocat, le code d’accès à son téléphone et, après l’avoir obtenu, a procédé à son exploitation.

La gardée à vue a été mise en examen. Son avocat a, par la suite, présenté une requête en nullité du procès-verbal d’exploitation du téléphone de sa cliente et de l’audition consécutive, pour violation des dispositions des articles 63-3-1 (N° Lexbase : L4969K8K) et 63-4-2 du Code de procédure pénale relatifs au droit à l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue, au cours des auditions et confrontations.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction écarte le moyen de nullité, selon lequel l’intéressée a été entendue hors la présence de son avocat. La juridiction a souligné que le procès-verbal d’exploitation du téléphone de la gardée à vue n’avait pas le caractère d’une audition et qu'aucune question sur les faits ayant fondé la garde à vue n’avait été posée à l’intéressée. Par ailleurs, la chambre de l’instruction a précisé que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination ne s’étendait pas à l’usage de données obtenues de la personne en recourant à des pouvoirs coercitifs, mais qui existent indépendamment de sa volonté. Selon les juges, il n’avait pas été rapporté la preuve d’une atteinte à ce droit.

La mise en examen a formé un pourvoi.

Moyen du pourvoi. L’intéressée faisait grief à l’arrêt attaqué d’avoir refusé d’annuler le procès-verbal d’exploitation du téléphone et de retranscription des résultats de cette exploitation, ainsi que l’ensemble des actes dont ce procès-verbal était le support nécessaire. Selon le moyen, l’acte accompli par les enquêteurs, lesquels avaient interpellé la gardée à vue sur la nécessité de donner le code de son téléphone pour permettre l’exploitation des données, relevait du régime de l’audition et nécessitait la présence de l’avocat.

Décision de la Cour. La Chambre criminelle rejette le pourvoi au visa des articles 63-3-1 et 63-4-2 du Code de procédure pénale. La Cour affirme qu’aucune disposition légale ne prévoit la présence de l’avocat lors de l’exploitation d’un téléphone portable, laquelle est assimilable à une perquisition.

La Haute juridiction précise d’autre part que la communication à un OPJ, sur sa sollicitation, d’une information permettant l’accès à un espace privé préalablement identifié, qu’il soit ou non dématérialisé, pour les besoins d’une perquisition ne constitue pas une audition au sens de l’article 63-4-2 du Code de procédure pénale.

Cette décision peut surprendre car, si la déclaration faite par la personne gardée à vue se limite à l’énonciation de son code d’accès, les conséquences de cette communication sont considérables en raison des données auxquelles les policiers peuvent dès lors accéder, lesquelles sont susceptibles de contribuer à l’incrimination de l’intéressée. Cet arrêt intervient alors que la Chambre criminelle avait, encore très récemment, précisé sa position sur le refus de remettre, au cours d’une garde à vue, le code de déverrouillage d’un téléphone portable trouvé en possession du suspect à l’occasion de son arrestation (Cass. crim., 13 octobre 2020, n° 20-80.150, FS-P+B+I (N° Lexbase : A50033XL). Selon cette jurisprudence récente, ce refus constitue le délit de l’article 434-15-2 du Code pénal (N° Lexbase : L4889K8L). On relèvera toutefois que dans l'arrêt rendu en octobre, la demande de l’OPJ était intervenue au cours d’une audition et donc dans un régime plus protecteur que celui retenu le 12 janvier par la Haute juridiction.

Pour aller plus loin :

C. Lanta de Bérard, ÉTUDE : La garde à vue et les auditions, Le droit à l’assistance d’un avocat, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E56643CR).

W. Azoulay, Présomption d’usage d’un téléphone : l’obligation d’en fournir le code est conventionnelle, Lexbase Pénal, janvier 2020 (N° Lexbase : N1859BYI).

L. Saenko, Du refus de remettre une convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie au cours d’une garde à vue, Lexbase Pénal, novembre 2020 (N° Lexbase : N5308BYA).

 

newsid:476068

Représentation du personnel

[Brèves] Recours au vote électronique : prévalence de l'accord d'entreprise sur la décision unilatérale de l'employeur

Réf. : Cass. soc., 13 janvier 2021, n° 19-23.533, F-P+R+I (N° Lexbase : A23054CD)

Lecture: 2 min

N6091BYA

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par Charlotte Moronval

Le 20 Janvier 2021

► Ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pu être conclu, que l’employeur peut prévoir par décision unilatérale la possibilité et les modalités d’un vote électronique ;

Toutefois, en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise ou dans le groupe, l'employeur peut recourir à une décision unilatérale directement sans tenter préalablement de recourir à la négociation dérogatoire.

Faits et procédure. Une entreprise engage le processus de mise en place d’un comité social et économique. Dans ce cadre, l’employeur décide, par déclaration unilatérale, la possibilité d’un recours au vote électronique.

Un syndicat demande au tribunal judiciaire d’annuler cette déclaration mais il est débouté de sa demande. Il forme donc un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.

En l’espèce, le tribunal d’instance, qui a constaté qu’il n’y avait plus dans l’entreprise de délégué syndical depuis le mois de février 2018, en a exactement déduit, par ces seuls motifs, que la décision unilatérale, prise par l’employeur le 22 août 2018, sur le recours au vote électronique, était valide.

Nouvelles précisions jurisprudentielles.

→ La Chambre sociale rappelle ainsi que la prévalence accordée par le législateur à la négociation collective pour la détermination du processus électoral conduit à privilégier l’accord collectif à la décision unilatérale lorsque la loi autorise la décision unilatérale à défaut ou en l’absence d’accord.

→ Elle précise également que l’absence de délégué syndical dans l’entreprise est une des situations dans lesquelles, à défaut d’accord collectif possible, l’employeur peut décider du recours au vote électronique par décision unilatérale.

→ Enfin, la Chambre sociale souligne que le recours au vote électronique, qu’il soit prévu par accord collectif ou par décision unilatérale de l’employeur, constitue une modalité d’organisation des élections, et relève en conséquence du contentieux de la régularité des opérations électorales (tribunal judiciaire statuant en dernier ressort).

En savoir plus. Lire la note explicative.

 

newsid:476091

Rupture du contrat de travail

[Jurisprudence] Le refus du salarié d’un accord de mobilité interne : vers un droit conventionnel du licenciement ?

Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2020, n° 19-11.986, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A410738M)

Lecture: 19 min

N6123BYG

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par Sébastien Ranc, Maître de conférences à l’Université de Toulouse 1 Capitole

Le 20 Janvier 2021

 


Mots clefs : accord de mobilité interne • refus d'application • motif de licenciement

Constitue une mesure collective d’organisation courante, au sens de l’article L. 2242-21 du Code du travail (N° Lexbase : L7336LH8), dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, le projet visant à apporter des solutions à des pertes de marché sur certains territoires et ayant conduit à la conclusion d’un accord de mobilité interne négocié en dehors de tout projet de réduction d’effectifs au niveau de l’entreprise, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes.

La rupture du contrat de travail résultant du refus d’un ou plusieurs salariés de l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne, constitue un licenciement pour motif économique sans qu’il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur.

Il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard, d’une part, de la conformité de l’accord aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 (N° Lexbase : L0636IXT) et L. 2242-23 (N° Lexbase : L0637IXU) du Code du travail et, d’autre part, conformément aux dispositions des article 4, 9.1 et 9.3 de la Convention internationale du travail n° 158 sur le licenciement de l’OIT, de la justification de l’accord par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise.


L’espèce. À la suite de la perte d’un marché de France Telecom dans les départements du Gard et de la Lozère, l’employeur a proposé aux 82 salariés de l’agence Sud-Est des affectations temporaires dans d’autres régions à compter du 1er juillet 2013. Ayant refusé ces mutations géographiques, plusieurs salariés ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation de leur contrat de travail, demeurant ainsi dans l’entreprise.

Le 29 juillet 2013, un accord de mobilité interne (AMI) a été conclu entre l’employeur et plusieurs organisations syndicales représentatives. Plusieurs de ces mêmes salariés ont refusé les mutations professionnelles proposées dans le cadre de cet accord collectif. Ils ont été licenciés pour motif économique en raison de leur refus de mobilité interne. Ces salariés ont alors saisi la juridiction prud’homale d’une demande subsidiaire contestant le bien-fondé de leur licenciement. Dans un arrêt publié du 2 décembre 2020 [1], la Cour de cassation donne raison aux juges du fond qui avaient débouté les salariés de l’ensemble de leur prétentions [2].

Le « droit du travail futur » [3]. L’intérêt d’étudier cet arrêt réside dans l’analyse de ces accords collectifs de « nouvelle génération », dont fait partie l’AMI qui, même s’il n’est plus de droit positif, permet d’entrevoir le régime juridique applicable demain à l’accord de performance collective (APC). L’AMI relève de ces accords collectifs bouleversant l’ordonnancement classique des sources du droit du travail. Au-delà du recul du principe de faveur, ces accords collectifs mettent à mal la force obligatoire du contrat de travail [4]. Pour ce faire, deux techniques sont utilisées par le législateur. Soit il considère que la modification du contrat de travail consécutive à l’application de l’accord collectif n’en est fictivement pas une [5]. Soit il répute que la rupture du contrat de travail, consécutive au refus du salarié de se voir appliquer l’accord collectif, constitue un motif de licenciement. Cette seconde méthode est celle privilégiée par le législateur contemporain, comme en témoigne le régime juridique de l’AMI.

Des accords collectifs de « nouvelle génération ». Le législateur a créé plusieurs dispositifs conventionnels, où si le salarié dispose d’un droit d’inopposabilité, il s’expose en contrepartie à un motif de licenciement préconstitué. Au commencement, les lois « Aubry » n° 98-461 du 13 juin 1998 (N° Lexbase : L7982AIH) et n° 2000-37 du 19 janvier 2000 (N° Lexbase : L0988AH3) créèrent les accords de réduction du temps de travail. Vinrent ensuite les accords de maintien de l’emploi (AME) et les accords de mobilité interne, conçus par les partenaires sociaux dans un accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, puis consacrés aux articles L. 2242-21 (N° Lexbase : L7336LH8) à L. 2242-23 (N° Lexbase : L0637IXU) du Code du travail par la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l’emploi (N° Lexbase : L0394IXU) [6]. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 (N° Lexbase : L8436K9C) a ajouté un nouvel accord collectif en vue de la préservation ou du développement de l’emploi (APDE) [7]. L’ensemble de ces accords collectifs, mise à part les accords de réduction de temps de travail, a été refondu par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7631LGQ) en un seul et unique dispositif, en l’occurrence l’accord de performance collective [8]. La nouveauté de ces accords collectifs ne réside pas tant dans leur date de création, mais plutôt dans leur champ d’application. Cantonnés hier au temps de travail, ces accords disposent aujourd’hui d’un champ beaucoup plus large relatif à la gestion de l’emploi [9], voire relatif à l’entier droit du travail pour certains praticiens [10].

Un nouveau droit du licenciement ? En créant ces accords collectifs, le législateur a tenté d’écarter le droit légal du licenciement, ou du moins une partie, en l’occurrence le contrôle du juge. C’était oublier que deux autres sources du droit se substitueraient à la loi, que l’on peut réunir sous le terme polysémique d’un droit « conventionnel » du licenciement. D’une part, lorsque l’on tente d’écarter la loi, le droit international fait figure de rempart. L’assertion vaut pour le contrôle du licenciement qui ne repose pas exclusivement sur la loi, mais aussi sur le droit international du travail [11] (I.). D’autre part, ces licenciements procédant de l’accord collectif déplacent le contrôle judiciaire de la décision unilatérale de congédiement vers l’accord en lui-même (II.). Ce nouveau droit conventionnel du licenciement complexifie encore un peu plus un droit déjà difficile à maîtriser. Il n’est pas certain que le droit du licenciement en ressorte grandi, ou du moins plus intelligible.

I. Le contrôle du licenciement à l’aune du droit international du travail

Dans un attendu relativement long, la Cour de cassation rappelle le contenu de la Convention international du travail n° 158 sur le licenciement. Elle cite d’abord l’emblématique article 4 relatif à la justification du licenciement, selon lequel « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités de l’entreprise, de l’établissement ou du service ». Elle en profite pour rappeler l’applicabilité directe de cet article. Ensuite, elle mentionne l’article 9.1 relatif à la procédure de recours contre le licenciement, selon lequel « le tribunal auquel est soumis un recours devra être habilité à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié ». Elle cite enfin l’article 9.3, selon lequel « en cas de licenciement motivé par les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, le tribunal devra être habilité à déterminer si le licenciement est intervenu véritablement pour ces motifs, et l’étendue de ses pouvoirs éventuels pour décider si ces motifs sont suffisants pour justifier ce licenciement sera définie par voie de conventions collectives, de sentences arbitrales ou de décisions judiciaires, ou de toute autre manière conforme à la pratique nationale, ou par voie de législation nationale ».

Le motif international de licenciement, un faux espoir. Le droit international du travail distingue le licenciement inhérent à la personne du travailleur, fondé sur l’aptitude ou la conduite, et le licenciement non inhérent à sa personne, fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. La rupture du contrat de travail découlant d’un AMI appartient au second type de licenciement. La question reste de savoir ce que recouvre ce motif international de licenciement.

La notion de « nécessité du fonctionnement de l’entreprise » n’est pas définie par la Convention n° 158. Pour autant, un rapport publié par l’OIT en 1995 précise que « la définition proposée par le Bureau à la première discussion de la Conférence expose que les motifs de licenciement comprennent en général des raisons de nature économique, technique, structurelle ou analogue. Les licenciements décidés pour de tels motifs peuvent être individuels ou collectifs et peuvent impliquer une compression des effectifs ou la fermeture de l’entreprise. La commission d’experts a également indiqué que le motif fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service pourrait encore être défini de manière négative comme celui exigé par les besoins économiques, technologiques, structurels ou similaires, mais qui n’est pas inhérent à la personne du salarié » [12]. Cette notion de nécessité du fonctionnement de l’entreprise ne semble pas restreinte au licenciement pour motif économique issu de l’article L. 1233-3 du Code français du travail (N° Lexbase : L1446LKR). Elle pourrait englober les licenciements consécutifs au refus d’un AMI. Lors d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du décret n° 2016-1909 du 28 décembre 2016, relatif aux accords de préservation et de développement de l’emploi (APDE) (N° Lexbase : L0074LCQ), le Conseil d’État a d’ailleurs décidé que « le licenciement d’un salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail résultant de l’application de cet accord peut ainsi être regardé comme fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise » [13]. Par parallélisme, la conformité de l’AMI avec le motif international de licenciement semble plus que probable, ce qu’il appartiendra au juge de contrôler dans chaque espèce.

Dans l’arrêt à commenter, la Cour de cassation n’a pas eu à se prononcer sur la justification de l’AMI par la nécessité du fonctionnement de l’entreprise, car un tel moyen n’avait pas été soulevé devant les juridictions du fond. S’agissant de l’APC, le législateur a anticipé tout risque d’inconventionnalité [14], en prévoyant qu’un tel accord puisse être conclu « afin de répondre aux nécessités liées au fonctionnement de l’entreprise » [15]. Cette légistique incite les partenaires sociaux à respecter le motif international de licenciement.

Le droit à une procédure de recours contre le licenciement, un véritable espoir. Si le recours au droit international déçoit s’agissant du motif de licenciement, il est porteur d’espoir en ce qu’il réhabilite l’office du juge. Personne n’a jamais véritablement envisagé une exclusion totale du juge lors du contrôle des licenciements consécutifs au refus de se voir appliquer un accord collectif de « nouvelle génération » [16]. Après avoir visé la Convention international de travail n° 158 et l’ancien article L. 2242-23 du Code du travail (N° Lexbase : L0637IXU) relatif à l’AMI, la Cour de cassation décide dans un attendu de principe qu’« il en résulte qu’il appartient au juge d’apprécier la cause réelle et sérieuse du motif de licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l’accord de mobilité [aux dispositions légales le régissant] et de sa justification par l’existence des nécessités de fonctionnement de l’entreprise ». Autrement dit, « chassée » par le législateur, l’office du juge est réhabilitée grâce au droit international du travail [17], lequel ouvre la voie à un contrôle judiciaire du licenciement à travers l’accord collectif [18]. La question qui reste en suspens est celle d’identifier le contour de ce contrôle judiciaire.

II. Le contrôle du licenciement à l’aune de l’accord de mobilité interne

La Cour de cassation délivre, en partie, la méthode relative au contrôle du licenciement découlant d’un AMI : si le licenciement dispose automatiquement d’un motif, la licéité de sa cause dépend de la conformité de l’accord collectif aux dispositions légales le régissant (A.). Au regard des moyens soulevés par les parties, le contrôle de la Cour de cassation s’est cantonné au respect du motif de recours à l’accord collectif (B.).

A. La licéité de la cause du licenciement induite de la conformité de l’accord collectif aux dispositions législatives le régissant

L’autonomie du motif de licenciement. Après avoir rappelé que « selon l’article L. 2242-23 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, lorsqu’un ou plusieurs salariés refusent l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord relatives à la mobilité interne, leur licenciement repose sur un motif économique », la Cour de cassation décide « qu’il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard de la conformité de l’accord de mobilité aux dispositions des articles L. 2242-21, L. 2242-22 et L. 2242-23 du Code du travail et de sa justification par l’existence des nécessités du fonctionnement de l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire que la modification, refusée par le salarié, soit consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète de l’activité de l’employeur ».

Le motif du licenciement consécutif à un refus du salarié de se voir appliquer l’AMI est autonome des motifs économiques issus de l’article L. 1233-3 du Code du travail. Autrement dit, l’employeur n’a pas à justifier que sa décision de congédiement découlant de l’AMI est consécutive à des difficultés économiques, des mutations technologiques, une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ou une cessation complète d’activité.

L’absence d’autonomie de la cause de licenciement. L’autonomie du motif de licenciement est à distinguer de l’autonomie de sa cause réelle et sérieuse. Par exemple, la cessation d’activité constitue une cause autonome de licenciement, en ce que le juge n’a pas en principe à contrôler la décision de cesser l’activité [19]. La cause du licenciement découlant d’un AMI ne dispose pas d’une telle autonomie. Si tel était le cas, le juge ne pourrait pas contrôler l’accord collectif. Au contraire, le caractère réel et sérieux du licenciement consécutif au refus du salarié de se voir appliquer l’AMI suppose que cet accord soit conforme aux dispositions légales le régissant. Le contrôle judiciaire se déplace ainsi de la décision unilatérale de licenciement vers l’accord collectif en lui-même.

La Cour de cassation avait déjà procédé à un tel contrôle en matière d’accord de réduction de travail, auxquels la note explicative de l’arrêt du 2 décembre 2020 renvoie d’ailleurs. Elle avait par exemple cassé l’arrêt qui avait retenu qu’il était possible d’analyser les causes du refus du salarié à l’origine du licenciement, car « il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement consécutif à ce refus au regard des seules dispositions de l’accord collectif de réduction du temps de travail » [20]. Elle avait aussi précisé que la lettre de licenciement d’un salarié ayant refusé la modification de son contrat de travail proposée en application d’un accord de réduction du temps de travail, devait faire référence à cet accord, à défaut de quoi le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse [21]. Ces arrêts rendus hier par la Cour de cassation en matière d’accord de réduction du temps de travail semblent transposables aux accords collectifs plus contemporains [22].

S’agissant de l’AMI, la Cour de cassation s’est déjà prononcée sur le contrôle d’une partie de son contenu, plus précisément sur une de ses garanties individuelles. Pour mémoire, le 1° de l’ancien article L. 2242-22 du Code du travail (N° Lexbase : L0636IXT) dispose que l’AMI comporte notamment « les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d’emploi du salarié, elle-même précisée par l’accord, dans le respect de la vie professionnelle et familiale du salarié conformément à l’article L. 1121-1 ». La Cour de cassation a précisé que « la clause de l’accord qui prévoyait que les propositions de mobilité pourront concerner tous les établissements de l’entreprise existant à la date de sa conclusion, était [suffisamment] précise, peu important qu’elle ne dresse pas la liste de ces établissements » [23]. Autrement dit, le juge doit contrôler que l’accord collectif stipule précisément le secteur géographique au sein duquel le salarié peut être muté unilatéralement par l’employeur, la zone plus large de mobilité prévue par l’accord collectif, et les mesures permettant de concilier la mobilité avec la vie personnelle du salarié. À défaut, le licenciement consécutif à un refus d’AMI serait dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Dans notre arrêt à commenter, la Cour de cassation s’est exclusivement prononcée sur la question du motif de recours à l’AMI, en raison des moyens soulevés par les parties. Mais demain, rien n’empêche le juge de contrôler d’autres aspects du contenu de l’accord (garantie individuelle, clause obligatoire, etc.), ou la procédure de négociation de l’accord (obligation de loyauté [24], qualité ou représentativité des signataires, règle de majorité, formalisme de l’écrit, notification et publicité, etc.).

B. Le contrôle du motif de recours de l’accord collectif

Après avoir rappelé le motif de recours de l’AMI issu de l’article L. 2242-21 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, et relevé que les juges du fond avaient constaté que « l’accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d’effectifs au niveau de l’entreprise, afin d’apporter des solutions pérennes d’organisation de l’entreprise confrontée à des pertes de marché sur des territoires géographiques peu actifs », la Cour de cassation en déduit que « cette réorganisation constituait une mesure collective d’organisation courante, quand bien même les mesures envisagées entraînaient la suppression de certains postes et la ré-affectation des salariés concernés sur d’autres postes ».

La notion de mesures collectives d’organisation courantes. C’est la seconde fois que la Cour de cassation se prononce sur la portée du critère issu de l’article L. 2242-21 du Code du travail (N° Lexbase : L7336LH8), selon lequel les conditions de la mobilité interne doivent s’inscrire « dans le cadre de mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs ». En effet, la Haute juridiction avait déjà précisé qu’une « mobilité individuelle du salarié […] envisagée dans le cadre d’une réorganisation de la direction centrale commerciale ne s’accompagnant pas d’une réduction d’effectifs » caractérisait une telle mesure collective d’organisation [25].

Dans la note relative à l’arrêt du 2 décembre 2020, il est expliqué que « la Chambre sociale juge que, dès lors que l’accord de mobilité interne avait été négocié en dehors de tout projet de réduction d’effectifs au niveau de l’entreprise, même si, ayant pour objet de répondre à des situations de perte de marché, il entraînait des suppressions de postes impliquant la réaffectation de salariés concernés, il répondait au critère des mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs ».

Interprétations exégétiques. S’agissant de l’intention des concepteurs de l’AMI, le projet de loi associait à l’origine l’AMI à des « mesures collectives d’organisation sans projet de licenciement ». Finalement, le législateur est revenu aux termes stipulés dans l’ANI, à savoir des « mesures collectives d’organisation courantes sans projet de réduction d’effectifs », excluant ainsi les restructurations conduisant à une réduction de l’effectif de l’entreprise et les décisions autres que les licenciements (plan de départ volontaire, mise en retraite anticipée, rupture conventionnelle individuelle ou collective, etc.) [26]. Une autre conception de l’AMI ressort des débats parlementaires : il s’agit d’un accord collectif négocié « à froid », tous les 3 ans et en lien avec la GPEC, toujours dans l’objectif d’éviter la réduction de l’effectif de l’entreprise [27].

S’agissant de l’intention des partenaires sociaux au niveau l’entreprise, le préambule est un indice précieux pour le juge. En l’espèce, il y était stipulé que « le dispositif, en ce qu’il favorise la réallocation fonctionnelle et/ou géographique de personnels à effectif constant est apparu aux partenaires sociaux, après information/consultation des instances représentatives du personnel compétentes, comme pouvant répondre aux contraintes de fonctionnement inhérentes à l’activité courante de la société Inéo Infracom confrontée, en fonction de son cœur d’activité régulièrement aux effets induits par des pertes de marchés sur des territoires géographiques peu actifs ». Il y est ajouté que « le processus de réallocation interne à Inéo Infracom des ressources humaines est conçu à effectif constant, chaque salarié concerné ayant de manière absolument garantie un poste d’arrivée » [28]. L’intention des partenaires sociaux était bien de préserver l’effectif de l’entreprise, raison pour laquelle la Cour de cassation a décidé que l’AMI était conforme aux dispositions de l’article L. 2241-21 du Code du travail.

L’absence de réduction d’effectif. Ainsi, ce qui constitue l’essence même de la notion de mesures collectives d’organisation courantes issue de l’article L. 2242-21 est l’absence de réduction d’effectif de l’entreprise. C’est la raison d’être de l’AMI : réorganiser grâce à la mobilité pour ne pas avoir ni à restructurer, ni à licencier. Partant, il faut bien distinguer la notion de poste de celle de l’effectif. Dans le cadre d’une réorganisation encadrée par un AMI, des suppressions de postes dans l’entreprise peuvent être envisagées, à partir du moment où les salariés dont les postes ont été supprimés sont affectés à d’autres postes (mobilité professionnelle). Ce qui compte est qu’au terme de la réorganisation, aucun salarié ne soit évincé de l’effectif de l’entreprise. La dimension collective de la réorganisation (préserver l’effectif) prévaut sur sa dimension individuelle (la suppression d’un poste en particulier).

 

[1] Cass. soc., 2 décembre 2020, n° 19-11.986 FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A410738M), SSL, 2020, n° 1933, p. 13, note F. Morel ; Bull. Joly Travail, janvier 2020, p. 20, note J. Icard ; D. actualité, 18 décembre 2020, note L. de Montvalon.

[2] V. not. CA Nîmes, 23 octobre 2018, n° 16/04825 (N° Lexbase : A9795YHA).

[3] Pour reprendre les termes du Professeur Gérard Lyon-Caen, selon lequel « le droit du travail futur dispose ainsi de vastes espaces nouveaux à annexer. Il est dans cette mesure non derrière nous mais devant nous » : Permanence et renouvellement du Droit du travail dans une économie globalisée, Dr. ouvrier, 2004, p. 49, spéc. p. 52.

[4] « Redoutable instrument de destruction contractuelle, l’APC dont les couleurs ont été ravivées à l’occasion de la période post-covid, soit pour augmenter le temps de travail, soit pour le réduire, n’est pas sans susciter un certains nombres d’interrogations et de mystères » : M. Morand, L’APC, un accord né sous X, SSL, 2020, n° 1933, p. 8.

[5] Il suffit de prendre pour exemple les accords d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine (C. trav., art. L. 3121-43 N° Lexbase : L6870K9C), ou les accords de réduction du temps de travail (C. trav., anc. art. L. 1222-7 N° Lexbase : L0819H99, abrogé par l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 [LXB=L7631LGQ).

[6] Ces dispositions ont été transférées aux articles L. 2242-17 (N° Lexbase : L3212LUI) à L. 2242-19 (N° Lexbase : L7337LH9) du Code du travail par la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l’emploi (N° Lexbase : L2618KG3).

[7] C. trav., anc. art. L. 2254-2 (N° Lexbase : L9871LL8) à L. 2254-6 (N° Lexbase : L6658K9H).

[8] C. trav., art. L. 2254-2 (N° Lexbase : L9871LL8).

[9] V. not. I. Meftah, Les accords collectifs de gestion de l’emploi, RJS, 2019, p. 675.

[10] L’on pense à la promotion, pour ne pas dire le marketing, des APC faite par la branche de la plasturgie. V. not. Guide de l’accord de performance collective comme socle social de l’entreprise, Plastalliance, septembre 2020 [en ligne]. Adde P. Lockiec, L’accord de performance collective ou le champ infini des possibles, SSL, 2020, n° 1918, p. 3 ; Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social et aux relations de travail. Rapport intermédiaire du comité d’évaluation, France Stratégie, juillet 2020, spéc. p. 79 [en ligne].

[11] Viennent ici à l’esprit les stratégies issues du contentieux relatif au barème Macron.

[12] Rapport III, partie 4 B, Protection contre le licenciement injustifié, Conférence international du travail, 82ème session, 1995 [en ligne], cité dans le Rapport de Mme le Conseiller Marguerite, spéc. p. 39.

[13] CE, 1° et 6° ch.-r., 7 décembre 2017, n° 408379, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A6860W4T), spéc. n° 15.

[14] « Selon la Direction générale du travail, les partenaires sociaux ont poursuivi plusieurs objectifs : l’harmonisation du statut collectif à la suite d’une opération de fusion ou de transfert, la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise et le très large et très flou “bon fonctionnement de l’entreprise” qui reprend au mot près l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT sur la justification du licenciement. Les rédacteurs du texte ont manifestement anticipé les contestations futures sur le terrain de la conventionnalité » : F. Champeaux, Les accords de performance collective en route vers le succès ?, SSL, 2020, n° 1918, p. 2.

[15] C. trav., art. L. 2254-2, I (N° Lexbase : L9871LL8).

[16] Le Conseil constitutionnel a rappelé, s’agissant des APDE, que « le fait que la loi ait réputé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse n’interdit pas au salarié de contester ce licenciement devant le juge afin que ce dernier examine si les conditions prévues au paragraphe II de l’article L. 2254-2 du Code du travail sont réunies » (Cons. const., décision n° 2017-665 QPC du 20 octobre 2017 N° Lexbase : A1283WWG, spéc. n° 10). S’agissant des APC, le Conseil s’est prononcé dans le même sens (Cons. const., décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 N° Lexbase : A4835XHK, spéc. n° 28). Adde P. Lockiec, A. Cormier Le Goff et I. Taraud, Juges et accords de performance collective, Dr. soc., 2020, p. 511.

[17] « L’arrêt est surtout important par le lien qu’il établit avec la Convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement et sur le droit de contester le bien-fondé de celui-ci devant une juridiction » : F. Morel, Licenciement à la suite d’un accord de performance collective : quel contrôle du juge ?, SSL, 2020, n° 1933, p. 13.

[18] « Pour que les articles L. 2242-21 à L. 2242-23 soient conformes à la convention n° 158, il faut donc que le juge contrôle l’accord lui-même, à l’origine de la suspension ou de la modification des clauses du contrat de travail, et non le motif formel du licenciement individuel » : Avis de Mme l’avocate générale Berriat, spéc. p. 8.

[19] Cass. soc., 16 janvier 2001, n° 98-44.647 (N° Lexbase : A2160AIT).

[20] Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-43.066, F-D (N° Lexbase : A9494DZN).

[21] Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-40.504, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7999DNL).

[22] Pour d’autres arrêts relatifs aux accords de réduction de temps de travail, v. not. les trois autres arrêts publiés et rendus le 15 mars 2006 (Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-41.935, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8017DNA ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 04-40.504, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7999DNL ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 05-42.946, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8105DNI) ; Cass. soc., 30 mars 2007, n° 05-44.926, F-D (N° Lexbase : A5536DWX) ; Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 07-44.712, FS-P+B (N° Lexbase : A3388EL3).

[23] Cass. soc., 9 octobre 2019, n° 18-14.872, FS-D (N° Lexbase : A0112ZRL).

[24] G. Meyer, L’exigence de loyauté dans la négociation des accords de performance collective, SSL, 2020, n° 1918, p. 9.

[25] Cass. soc., 11 décembre 2019, n° 18-13.599, FS-P+B (N° Lexbase : A1557Z88), RDT, 2020, p. 119, note M. Kocher.

[26] « À partir du moment où il est question d’organisation courante, tout projet de restructuration est écarté ; en outre, ces mesures ne doivent pas comporter de réduction d’effectifs ; autrement dit, non seulement, les projets de licenciements sont exclus, mais également les plans de départs volontaires ou encore les mises en retraite anticipée. Votre rapporteur suggère donc de revenir à la formulation choisie par l’accord sur ce point » : J.-M. Germain (rapporteur), Rapport en 1ère lecture de la commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale, cité dans le rapport de Mme le conseiller Marguerite, spéc. p. 15.

[27] « Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a précisé lors du débat public que “ces accords à froid auront pour objet de définir des règles générales, pas de fermer un établissement ou de demander à 150 salariés de se déplacer d’un établissement à un autre”. Cette conception d’un accord de mobilité négocié “à froid” se traduit également par l’ajout en première lecture à l’Assemblée de son intégration dans la GPEC » : avis de Mme l’avocate générale Berriat, spéc. p. 9.

[28] Préambule cité par Mme l’avocate générale Berriat dans son rapport, spéc. p. 10.

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Sociétés

[Jurisprudence] Plan de vigilance : le tribunal de commerce est seul compétent pour apprécier son contenu

Réf. : CA Versailles, 10 décembre 2020, n° 20/01692 (N° Lexbase : A458439N)

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par Philippe Duprat, Avocat à la cour, ancien Bâtonnier du barreau de Bordeaux, chargé d’enseignement à l’Université de Bordeaux

Le 17 Décembre 2021


Mots-clés : devoir de vigilance • plan de vigilance • obligation de faire • contestation • juridiction compétente  

À raison de son objet et de sa finalité le plan de vigilance relevant des dispositions de l’article L 225-102-4 du Code de commerce participe de la gestion de la société. Dès lors, la cour d’appel de Versailles juge que le contentieux de son établissement ressortit à la compétence du tribunal de commerce, selon l’article L. 721-3, 2° du même code, sans qu’il puisse y être dérogé en soutenant qu’il s’agirait d’un acte mixte, étant au contraire un acte unilatéral.


L’évolution contemporaine du droit des sociétés a intégré le rôle politique, social et environnemental des sociétés. Ces notions au contenu protéiforme, dont les juristes sont assez peu familiers, font peu à peu l’objet d’un arsenal juridique complexe dont il faut apprendre à maîtriser les données.

Paradoxalement, la loi récente du 22 mai 2019 (loi n° 2019-486 N° Lexbase : L3415LQK, dite loi « PACTE »), qui a modifié l’article 1833 du Code civil (N° Lexbase : L8681LQL) et pose un principe général applicable à toutes les sociétés, a été précédée de dispositions tendant aux mêmes fins, mais dont le domaine d’application est plus circonscrit. Il en est ainsi de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017, relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres (N° Lexbase : L3894LDL). Fruit d’un long parcours législatif, ce texte a complété le dispositif normatif applicable en France en matière de responsabilité sociale des entreprises en insérant de nouvelles dispositions sous l’article L. 225-102-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L2119LGL).

Schématiquement, toute société mère répondant aux critères énoncés à l’alinéa 1 du texte (nombre minimal de salariés employés sur deux exercices consécutifs tant par la société mère que par toutes ses filiales détenues directement ou indirectement) « établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance. »

Ce dernier doit comporter « les mesures de vigilance raisonnables propres à identifier et à prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement résultant des activités de la société », des sociétés qu’elle contrôle directement ou indirectement ainsi que de l’activité de ses sous-traitants ou fournisseurs avec lesquels elle entretient une relation commerciale établie.

Pour s’assurer de l’efficacité du dispositif, le législateur s’est d’abord attaché à définir le contenu intrinsèque du plan de vigilance. Il a également prévu un processus de suivi des mesures mises en œuvre et d’évaluation de leur efficacité. Il a ensuite estimé que l’objet même du plan de vigilance imposait qu’il fut élaboré « en association avec les parties prenantes de la société », soulignant ainsi que le plan de vigilance présentait un intérêt qui dépassait la seule sphère de la société ou de ses associés. Enfin, conscient que la sanction est gage d’effectivité, le législateur a prévu un système de sanction. Il a sur ce point opté pour le mécanisme de l’obligation de faire qui permet à toute personne, justifiant d’un intérêt à agir, de saisir la juridiction compétente passé un délai de trois mois à compter d’une mise en demeure adressée à la société demeurée infructueuse, pour que lui soit enjoint, le cas échéant sous astreinte, de respecter ses obligations (C. com., art. L. 225-102-4, II).

L’arrêt sous examen s’est, pour la première fois à notre connaissance, prononcé dans les circonstances suivantes, sur la portée exacte du dispositif légal.

La société Total, qui détient en Ouganda à 100 % deux filiales, exploite deux projets dont le premier concerne six champs pétroliers situés dans l’aire naturelle protégée du parc national du Merchison Falls et le second, consistant à construire un oléoduc de plus de 1 400 km traversant l’Ouganda et la Tanzanie.

Soumise au dispositif de l’article L. 225-102-4, la société Total a publié le 20 mars 2019 son plan de vigilance, intégré dans son rapport annuel de gestion. Mise en demeure le 24 juin 2019 par trois associations de respecter ses obligations, la société Total leur a adressé une réponse le 24 septembre 2019. Insatisfaites de cette réponse, trois associations assignaient la société Total en référé pour voir ordonner les actions urgentes pour faire cesser le trouble manifestement illicite résultant, selon elles, de la méconnaissance par la société Total de ses obligations au titre de son devoir de vigilance. À titre subsidiaire les associations sollicitaient, sous astreinte, la condamnation de la société Total à établir dans son plan de vigilance les mesures prévues à l’article L. 225-102, I, 2° à 5°, de nature à prévenir les risques identifiés dans la cartographie des risques.

Le tribunal judicaire de Nanterre, qui avait été initialement saisi en référé, s’était déclaré incompétent au bénéfice du tribunal de commerce de Nanterre statuant en référé. Saisie d’un appel à l’initiative des trois associations demanderesses, et en présence, en cause d’appel, de trois intervenants volontaires, dont le syndicat CFDT, la cour d’appel de Versailles, recevant les interventions volontaires, par son arrêt sous examen, refusant d’évoquer au fond, confirmait en tout point, la décision déférée.

La cour d’appel de Versailles apparaît donc comme la première juridiction qui se prononce au regard du dispositif de l’article L. 225-102-4, sur les titulaires du droit d’agir (I) ainsi que sur la détermination de la juridiction compétente aux fins de statuer sur l’action en injonction de faire de l’article L. 225-102-4 (II).

I. Les titulaires du droit d’agir au titre de l’action en injonction de faire de l’article L. 225-102-4, II

L’action en justice appartient à ceux que la loi désigne comme titulaires du droit d’agir, à défaut il convient d’avoir qualité, capacité et intérêt à agir pour être recevable. Le juge apprécie souverainement s’il est justifié de la réunion cumulative de ces trois conditions. La loi n’a pas imaginé fournir a priori la liste de ceux qui pourraient agir sur le fondement de l’article L 225-102-4, II. L’action est en conséquence ici abstraitement ouverte à « toute personne justifiant d’un intérêt à agir ».

Ce dernier s’apprécie toujours au regard de l’objet de la demande dont le juge est saisi et du cadre dans lequel il est saisi. Il convient donc de distinguer la situation de ceux qui peuvent agir à titre principal, de celle de ceux qui agissent dans le cadre d’une intervention volontaire.

L’action à titre principal sera assurément ouverte à toutes les parties prenantes avec lesquelles la société aura vocation à élaborer le plan de vigilance (C. com., art L. 225-102-4, I, al. 4).

Cette catégorie de justiciables n’est juridiquement pas identifiée avec précision. Il existe même une double incertitude : (i) celle inhérente à l’absence de critères déterminés a priori qui ne facilite pas l’identification de ceux qui pourront agir et (ii) celle qui résulte ensuite de la nature et de l’ampleur même du plan de vigilance mis en œuvre par l’entreprise. L’ampleur du plan élaboré aura pour effet d’accroître le nombre des parties prenantes concernées, susceptibles de pourvoir agir.

Dès lors, on admettra volontiers que ces demandeurs potentiels auront tous en commun de devoir justifier que leur situation personnelle, ainsi que celle de ceux qu’ils représentent, pourra être affectée par la nature, l’ampleur, les modalités de l’activité de l’entreprise et donc du plan. Il faudra également admettre que pourront agir en qualité de parties prenantes toute organisation quelle que soit sa forme (association, syndicat, ONG, collectif, club…) qui justifiera d’une représentativité certaine, d’une expertise établie, d’une efficacité démontrée, d’un objet social en lien avec les critères de l’article L. 225-102-4, ainsi que d’un intérêt local ou plus largement conçu, tel que par exemple la protection de l’environnement ou des populations.

À côté des parties prenantes, le droit d’agir appartient également aux organisations syndicales représentatives dans la société. Elles sont d’ailleurs expressément visées par les dispositions qui invitent l’entreprise à concevoir un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements relatifs à l’existence ou à la réalisation des risques (C. com., art L. 225-102-4, I, 4°).

Le sort des parties intervenantes mérite également de retenir l’attention.

En l’espèce la cour d’appel de Versailles n’était saisie que d’une seule difficulté : celle de savoir si, en cause d’appel, les deux associations et le syndicat CFDT, intervenants volontaires, étaient recevables et justifiaient d’un intérêt à agir.

En cause d’appel, l'intervention n'est recevable que si le demandeur à l'intervention est un tiers à l'instance, c'est-à-dire une personne qui n'a été ni partie, ni représentée en première instance, du moins en la même qualité que celle qu'il invoque en tant qu'intervenant (C. proc. civ., art. 554 N° Lexbase : L6705H7H) [1].

Selon l’article 325 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1992H4K), l'intervenant doit justifier en outre d'un intérêt, d'un droit, d'une qualité juridique et que son intervention se rattache par un lien suffisant à l'instance principale [2].

Les trois intervenants volontaires justifiaient incontestablement n’avoir été ni présents, ni représentés en première instance.

La cour a par ailleurs retenu qu’ils avaient un intérêt à soutenir, comme les parties principales appelantes, que de leur point de vue, il existait un risque, pour le cas où la compétence du juge commercial serait retenue, que l’obligation de vigilance prévue par la loi du 17 mars 2017 soit dénaturée.

Dit autrement le juge judiciaire, serait pour les parties intervenantes, un meilleur garant, que le juge consulaire, du contenu, et donc de l’efficacité de l’obligation de vigilance, car il serait le juge naturel des actions relatives notamment aux droits humains et au droit de l’environnement.

Cette prétention émise par les intervenants volontaires en ce qu’elle appuyait les prétentions des associations appelantes contestant la compétence du juge consulaire, rendait à l’évidence l’intervention volontaire accessoire (C. proc. civ., art. 330 N° Lexbase : L2007H44) recevable.

C’est ce qu’a jugé la cour de Versailles qui a pris soin de distinguer dans son analyse la recevabilité de l’intervention volontaire de son bien-fondé. On doit en effet rappeler que selon l’article 30 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1167H4Y) « L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée. » On peut en conséquence être recevable mais mal fondé. C’est ce qu’a retenu la cour de Versailles en identifiant, comme juridiction compétente le tribunal de commerce.

II. La juridiction compétente pour connaître du contentieux de l’injonction de faire de l’article L. 225-102-4, II

L’identification de la juridiction compétente à saisir pour faire trancher les contestations qui opposent les parties à un litige constitue toujours un préalable à la mise œuvre de la procédure, et parfois une difficulté à laquelle les praticiens sont en peine de pouvoir répondre avec certitude. En l’absence de toute précision, législative ou réglementaire, l’identification de la juridiction compétente pour connaître de l’action en injonction de faire de l’article L 225-102-4, II ne va pas de soi.

Si la cour d’appel de Versailles, confirmant la décision déférée, a considéré que seul le tribunal de commerce était compétent, force est de constater que chacune des positions exprimées, en faveur de l’une ou de l’autre des compétences revendiquées, pouvait se réclamer d’arguments sérieux.

L’intérêt de l’arrêt est d’avoir mis fin à une controverse née des différentes opinions soutenues, dont les éléments méritent d’être repris avant que ne soit approuvée la décision rendue.

Pour le clan des appelants plusieurs arguments, parfois communs à certains d’entre eux, militaient pour la compétence du juge judiciaire.

D’abord celui du risque de la complexité du contentieux. Désigner comme compétente une seule juridiction pour connaitre du contentieux de l’obligation de faire et celui de la responsabilité des dirigeants sur le fondement de l’article L. 225-102-5 (N° Lexbase : L3956LDU) c’est assurer une évidente unité et couper court à toute incertitude. L’argument pouvait être présenté sous l’angle de la sécurité juridique, ce que fera d’ailleurs l’un des intervenants volontaires.

Ensuite les appelants, se fondant sur la théorie des actes mixtes, invoquaient en leur qualité de non commerçants leur droit d’option à saisir le tribunal judiciaire.

À cela, ils ajoutaient de manière divergente : pour les uns, que si l’élaboration du plan de vigilance relevait du fonctionnement de la société aucun lien direct et suffisant n’était établi avec la gestion de la société, alors que pour d’autres, (associations intervenantes) le lien avec la gestion de la société était inopérant car il ne trouvait à s’appliquer que dans les litiges mettant en cause la responsabilité des dirigeants.

Il était enfin soutenu, notamment par le syndicat intervenant, que le plan de vigilance à raison de son objet était au cœur des libertés fondamentales et droits humains dont « le juge civil est le gardien en vertu de la Constitution », là où d’autres parlaient « de juge naturel ».

La société intimée soutenait la compétence du tribunal de commerce au visa de l’article L. 721-3, 2° (N° Lexbase : L2068KGP) en affirmant que le plan de vigilance constituait tant par son objet que par sa forme un des aspects de sa gestion.

Amenée à apprécier chacun des arguments invoqués, la cour a balayé celui tiré de la complexité du contentieux ainsi que celui dit du « juge naturel ». Elle a en revanche retenu le lien direct avec la gestion de la société.

Si la complexité est potentiellement source d’insécurité, nombreuses sont les matières à connaitre d’un éclatement du contentieux. L’attribution de compétence pour juger des actions en responsabilité contre les dirigeants est jugée par la cour d’appel sans incidence sur la détermination de la juridiction compétente pour connaitre de l’action au titre de l’obligation de faire de l’article L. 225-102-4. À l’autonomie de chacune des actions correspond l’autonomie du contentieux et, par voie de conséquence, une compétence différente pour en connaitre.

L’argument du « juge naturel » n’a pas davantage convaincu la cour. Il est vrai que la notion de juge naturel se heurte avant tout à une absence de juridicité qui ne facilite pas son identification [3]

Au surplus, le moyen paraissait écrit à l’encre de la défiance à l’égard du juge consulaire, ce pourquoi la cour a pris soin de rappeler que, membre de l’autorité judiciaire, il était de son rôle de protéger et garantir les libertés individuelles. Le juge consulaire n’est pas un juge diminué et rien, par principe, ne s’oppose à ce qu’il soit reconnu compétent.

En revanche, le moyen tiré de l’absence de qualité de commerçant des appelants et intervenants justifiant la compétence du juge judiciaire apparaissait plus sérieux. Si l’acte mixte est commercial au regard du commerçant et civil pour celui qui n’est pas commerçant il est avant tout un contrat conclu entre deux parties qui ont des qualités différentes. Toutefois, la thèse des appelants s’est heurtée à un obstacle dirimant. En effet, le plan de vigilance est essentiellement un acte unilatéral de la société qui relève de sa seule initiative. Seule la société est tenue des exigences de la loi. Les modalités d’établissement du plan ne sont pas, pour la cour, de nature à le faire entrer dans la catégorie des actes mixtes, de sorte que le droit d’option n’est pas ouvert.

C’est donc en décortiquant le processus d’établissement du plan, de son compte rendu, de sa diffusion et du contrôle de sa mise en œuvre que la cour considère que le lien direct avec la gestion de la société est établi. Ce lien est avant tout établi au fond. Les dispositions prises dans le plan à raison de leur importance et de leur nature ont une incidence sur le fonctionnement interne et externe de la société à raison de ses interactions sociales avec tous ses partenaires. Le contenu du plan déterminera ce en quoi le fonctionnement, interne et externe, de la société sera affecté par les dispositions que la société accepte de prendre. Le lien est également établi en la forme. Le plan de vigilance est un élément du rapport de gestion soumis à publicité. Il est placé au cœur de la gestion de la société, de sorte que toute contestation s’y rapportant relèvera du tribunal de commerce par application des dispositions de l’article L. 721-3, 2° du Code de commerce réservant au tribunal de commerce compétence pour connaitre des contestations relatives aux sociétés commerciales.

La cour a ainsi construit une solution cohérente. L’importance récemment donnée aux préoccupations sociétales et environnementales que la loi « PACTE » a fait entrer dans le droit des sociétés sont désormais l’un des aspects concrets de la gestion des sociétés. Ces dernières doivent intégrer dans leur fonctionnement ces nouvelles exigences. Les organes sociaux compétents doivent impérativement en faire l’un des axes de leur politique de gestion à laquelle sont désormais intégrés les enjeux sociaux et environnementaux (C. com., art. L. 225-35 N° Lexbase : L2369LR8). Le contrôle par la société du respect de ces nouvelles obligations s’effectuera par le tribunal de commerce dont la compétence élargie par la dernière rédaction de l’article L. 721-3 du Code de commerce, au surplus largement interprété [4], permet d’accueillir le contentieux.

 

[1] V. par ex. Cass. com., 14 janvier 2014, n° 12-28.008, F-P+B (N° Lexbase : A7970KTD), JCP G, 2014, act. 165.

[2] Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-17.123, F-D (N° Lexbase : A7087X3U), Procédures, 2018, comm. H. Croze.

[3] Pour une vision historique voir M. Dupuis Berruex, Le juge naturel dans le droit de l’ancienne France, thèse Grenoble, Institut Universitaire Varenne, 2013.

[4] V., pour une vision d’ensemble B. Saintourens, Rev. Sociétés, 2010, p. 30, note sous Cass. com., 27 octobre 2009, n° 08-20.384, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A5573EMD).

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Sociétés

[Brèves] Pacte d’actionnaires : étendue et pleine efficacité de l’engagement conclu pour la durée de la société

Réf. : CA Paris, Pôle 5, 16ème ch., 15 décembre 2020, n° 20/00220 (N° Lexbase : A7916393)

Lecture: 7 min

N6152BYI

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par Vincent Téchené

Le 20 Janvier 2021

► Est à durée déterminée et ne peut donc pas faire l’objet d’une résiliation unilatérale, un pacte d'actionnaires conclu pour la durée de la société, la prorogation éventuelle de la société ne pouvant avoir pour effet d'entraîner la prorogation du pacte et la durée du pacte ne pouvant être assimilée à un engagement perpétuel, alors notamment qu’il faisait partie d'un ensemble conventionnel prévoyant un mécanisme de vente forcée de l'intégralité des actions détenues par l'une des parties au plus tard sept années après leur acquisition ;

En outre, le pacte d'actionnaires ayant été conclu aux fins de donner à l'actionnaire bénéficiant du droit à l'information des garanties sur la valeur de sa participation dans la société et la preuve d'un abus de droit n'étant pas rapportée, la caducité du pacte et la demande de l'un des actionnaires d'être déchargé de son obligation d'information au titre du pacte doivent être rejetées.

Faits et procédure. Le directeur de la création d’une importante maison de couture et une société créée par ce dernier pour l'exploitation de ses droits commerciaux, d'une part, et la maison de couture et sa société mère, d'autre part, ont conclu diverses conventions organisant leurs relations, dont un pacte d'actionnaires. À la suite du départ du créateur, puis de son engagement auprès d'un concurrent, plusieurs procédures ont été initiées. Plus spécifiquement, estimant la résiliation du pacte d'actionnaires irrégulière et abusive, la société gérant l’exploitation des droits commerciaux du célèbre couturier a assigné en référé la holding de la maison de couture, pour qu'il lui soit enjoint de poursuivre l'exécution du pacte jusqu'à son terme. Puis, la holding a saisi au fond le tribunal de commerce de Paris pour faire juger valable la résiliation du pacte d'actionnaires, à effet au 30 juin 2016, date à laquelle les relations entre la maison de couture et son créateur ont cessé.

Décision. La Chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris devait se prononcer sur deux points : la validité de la résiliation du pacte et la caducité de ce dernier.

  • Sur la résiliation du pacte d’actionnaires 

En ce qui concerne la résiliation du pacte, les parties s'opposaient sur la stipulation d'un terme de nature à conférer au pacte d'actionnaires la qualité de contrat à durée déterminée. La cour relève que le pacte d’actionnaires a été conclu pour la durée de la société. En outre, il est prévu que « le pacte se terminera de plein droit et par anticipation [...] à l'égard de tout actionnaire ayant cessé de détenir directement ou indirectement une ou des actions de la société […] ».

Ainsi, pour les juges, à la date de résiliation du pacte, la société du créateur étant encore actionnaire de la maison de couture, cette situation n'autorisait pas la mise en oeuvre de la cessation de plein droit du pacte. Par ailleurs, il s'induit de la stipulation expresse d'une clause de durée dans le pacte et de sa référence à la durée de la société, qui est affectée du terme de 99 ans, que les parties ont bien entendu appliquer un terme précis à leurs engagements au titre du pacte d'actionnaires, ce qui est conforté par la rédaction du pacte en ce qu'il vise la fin « anticipée », dont les conditions sont parfaitement déterminées. De plus, la prorogation éventuelle de la société ne peut avoir pour effet d'entraîner la prorogation du pacte d'actionnaires, dès lors notamment que les parties au pacte ne l'ont pas expressément prévu.
Enfin, le pacte d'actionnaires fait partie d'un ensemble conventionnel cohérent comportant un document intitulé « annexe participation », qui prévoit qu'une fois la mission du créateur arrivée à son terme, l'intégralité des lots d'actions devra être revendu suivant un calendrier précis et au plus tard sept années après l'acquisition du dernier lot. Il en résulte, selon les juges, que cela constitue un terme, que la durée du pacte est précise et déterminée et ne peut en aucun cas être assimilée à un engagement perpétuel au seul motif que la durée de la société serait de 99 années.

La cour précise, en outre, que la durée de 99 ans n'apparaît pas excessive s'agissant d'actionnaires, personnes morales, de sorte que c'est à tort qu’il est soutenu qu'une telle durée contreviendrait à la prohibition des engagements perpétuels.

Dès lors, pour les juges d’appel, le pacte litigieux est un contrat à durée déterminée.

Observations. On rappellera que la stipulation d'un délai n'est pas une condition de validité du pacte d’actionnaires (Cass. civ. 1, 6 juin 2001, n° 98-20.673 N° Lexbase : A5333ATP). Ainsi, il a déjà été retenu qu’un pacte prévoyant seulement que ses dispositions « s'appliqueront aussi longtemps que [les parties] ou leurs substitués demeureront ensemble actionnaires » n'est affecté d'aucun terme et est donc à durée indéterminée, de sorte qu’il peut être résilié unilatéralement par l’un des cocontractants (Cass. com., 6 novembre 2007, n° 07-10.620, FS-D N° Lexbase : A4290DZW ; CA Paris, 3ème ch., sect. B, 15 décembre 2006, n° 06/18133 N° Lexbase : A0202DUZ)

  • Sur la caducité du pacte d'actionnaires et l’abus de droit

La société holding soutenait à titre subsidiaire que le pacte d'actionnaires est devenu caduc dès la décision du créateur de ne pas renouveler le contrat de conseil et du désengagement concomitant de sa société du capital social de la maison de couture, matérialisant la disparition de l'affectio societatis, élément essentiel du pacte d'actionnaires. Ainsi, elle reproche au créateur et à sa société de vouloir obtenir des informations confidentielles en exécution du pacte d'actionnaires, alors qu'ils sont entièrement dépourvus d'affectio societatis à l'égard de la société.

La cour d’appel rejette cette demande et donne pleine efficacité au pacte. Selon elle, le droit renforcé à l'information organisé par le pacte d'actionnaires trouve une justification supplémentaire dans le schéma de rémunération mis en place dans le contrat de conseil. Ainsi, la conclusion du pacte d'actionnaires se comprend essentiellement comme ayant été conclu au bénéfice de la société du créateur pour lui permettre d'optimiser la valeur de sa participation dans la société. En outre, il n'est pas établi que les parties aient souhaité que le sort du pacte d'actionnaires dépende de celui du contrat de conseil. En effet, aucune stipulation contractuelle n'a été convenue à cet effet, et la fin du contrat de conseil ne rend techniquement pas impossible l'exécution du pacte d'actionnaires.

Enfin, la cour retient qu’à défaut pour la holding de rapporter la preuve d'un détournement par la société du créateur de la finalité de son droit à l'information, et notamment de son exercice dans l'intention de lui nuire, elle est déboutée de cette demande.

À noter. Dans cette importante affaire, un autre contentieux relatif à l’engagement de non-concurrence qui liait les parties opposait ces dernières. Un arrêt de la Chambre commerciale internationale de la cour d'appel de Paris, également rendu le 15 décembre 2020, a statué sur cette question (CA Paris, Pôle 5, 16ème ch., 15 décembre 2020, n° 20/00218 N° Lexbase : A775939A ; lire N° Lexbase : N6154BYL).

Pour aller plus loin : v. Étude : Les pactes d'actionnaires, La durée du pacte d'actionnaire, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E7619EQA).

 

newsid:476152

Vente d'immeubles

[Brèves] Attention à la rédaction des conditions suspensives : qui peut le plus, peut le moins !

Réf. : Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 20-11.224, F-P (N° Lexbase : A72614CW)

Lecture: 2 min

N6167BY3

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 20 Janvier 2021

► La condition suspensive d’obtention d’un prêt, prévoyant uniquement un montant maximum pour ce dernier, est réalisée même si le montant du prêt obtenu est inférieur au montant maximum prévu.

Faits et procédure. Une vente sous condition suspensive de l’obtention d’un prêt, rien de plus banal. Il n’y avait pas davantage d’originalité quant à la rédaction, très fréquente en pratique, de la condition suspensive, laquelle précisait le montant maximum du prêt sollicité. Les acquéreurs avaient certes obtenu un prêt mais pour un montant inférieur au montant maximum mentionné dans l’acte. La condition suspensive était-elle réalisée ? Si, pour la cour d’appel, tel n’était pas le cas (CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2019, n° 17/20186 N° Lexbase : A6797ZN3), il en va différemment pour la troisième chambre civile de la Cour de cassation.

Solution. Dans un arrêt qui ne laisse pas place au doute et qui va imposer à la pratique à rapidement modifier la rédaction des conditions suspensives, la Cour de cassation considère, au visa de l’article 1103 du Code civil (N° Lexbase : L0822KZH) lequel dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits », elle considère « qu’un prêt accordé à un montant inférieur au montant maximal prévu est conforme aux stipulations contractuelles ». Il faut ainsi en déduire que la condition suspensive était réalisée ; un prêt d’un montant inférieur au montant maximum mentionné dans l’acte ne peut être considéré comme constituant une défaillance de la condition suspensive. Aussi faut-il faire preuve de vigilance dans la rédaction des clauses et préciser davantage les modalités des conditions suspensives.

newsid:476167

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