Le Quotidien du 25 novembre 2020

Le Quotidien

Autorité parentale

[Brèves] Déplacement par un parent d’un enfant préalablement déplacé illicitement par l’autre parent = déplacement non illicite !

Réf. : Cass. civ. 1, 5 novembre 2020, n° 19-24.870, F-D (N° Lexbase : A931233B)

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N5350BYS

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 18 Novembre 2020

► Le parent ayant déplacé illicitement un enfant dans un pays étranger ne saurait se prévaloir ni de l'inaction de l’autre parent (en l’occurrence moins d’un an), ni de l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu, qui n'est que la conséquence de ses agissements unilatéraux, pour se prévaloir à son tour d’un déplacement illicite à l’encontre de l’autre parent ayant ramené l’enfant dans son pays d’origine.

L’affaire. En l’espèce, une femme, de nationalité polonaise, et un homme, de nationalité française, s’étaient mariés le 7 juillet 2012 en Isère (France). De cette union était né un enfant, le 29 octobre 2014, à Saint-Martin-d'Hères (Isère), de nationalité française et polonaise. Le 2 mai 2017, la mère avait quitté la France avec l'enfant pour se rendre en Pologne. Le 22 mai 2018, le père avait ramené l'enfant en France sans l'accord de la mère. Le 3 juin 2018, celle-ci, de passage pour quelques jours en France, avait, à son tour, ramené l'enfant en Pologne sans l'accord du père. Le 19 octobre 2018, le père avait saisi l'autorité centrale en vue d'obtenir des juridictions polonaises le retour de l'enfant en France, en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant. Le 13 février 2019, il avait ramené l'enfant en France sans l'accord de la mère. Par ordonnance du 15 février 2019, le tribunal régional de Cracovie avait prononcé en référé une interdiction de sortie de l'enfant du territoire polonais, sans l'accord de ses deux parents. Le 15 mars 2019, le même tribunal avait clos la procédure engagée par le père en application de la Convention de La Haye en l'état du retour de l'enfant en France.

Le 21 mars 2019, la mère avait assigné le père devant le juge aux affaires familiales afin de voir ordonner le retour de l'enfant en Pologne, par application des dispositions de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980. Elle faisait grief à l'arrêt de dire qu'en l'absence de déplacement illicite de l'enfant imputable au père, la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfant ne pouvait recevoir application et de dire n'y avoir lieu d'ordonner le retour de l'enfant en Pologne. En vain. Elle n’obtiendra pas gain de cause devant la Cour suprême qui rappelle les règles applicables.

Définition du déplacement/non-retour illicite. Au sens des articles 3 et 4 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (N° Lexbase : L0170I8S), 2, 11), et 11, $ 1, du Règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (N° Lexbase : L0159DYK), est illicite tout déplacement ou non-retour d'un enfant fait en violation d'un droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement ou son non-retour.

Détermination de la résidence habituelle de l’enfant. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE 2 avril 2009, aff. C-523/07 N° Lexbase : A3008EE7 ; CJCE, 22 décembre 2010, aff. C-497/10 PPU N° Lexbase : A7112GNQ ; CJUE, 9 octobre 2014, aff. C-376/14 PPU N° Lexbase : A0017MYB ; CJUE, 8 juin 2017, aff. C-111/17 N° Lexbase : A6140WGI ; CJUE, 28 juin 2018, aff. C-512/17 N° Lexbase : A1612XUA) que la résidence habituelle de l'enfant, au sens du Règlement n° 2201/2003, correspond au lieu où se situe, dans les faits, le centre de sa vie et qu'il appartient à la juridiction nationale de déterminer où se situe ce centre sur la base d'un faisceau d'éléments de fait concordants. En particulier, outre la présence physique de l'enfant, la résidence habituelle de l'enfant doit être établie en considération de facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence physique dans un Etat membre n'a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et qu'elle correspond au lieu qui traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial. A cette fin, doivent notamment être pris en considération la durée, la régularité, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d'un Etat et du déménagement de la famille dans cet Etat, la nationalité de l'enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l'enfant dans ledit Etat, mais également l'intention des parents ou de l'un des deux de s'établir avec l'enfant dans un autre Etat, exprimée par certaines mesures tangibles telles que l'acquisition ou la location d'un logement dans cet Etat.

Compétence des juridictions de l’Etat membre d’origine. Il résulte encore de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJCE, 11 juillet 2008, aff. C-195/08 PPU ; CJUE, 23 décembre 2009, aff. C-403/09 PPU, Deticek N° Lexbase : A9030EP7 ; et CJUE, 1er juillet 2010, aff. C-211/10 PPU Povse), que le Règlement n° 2201/2003 visant à dissuader les enlèvements d'enfants entre Etats membres et, en cas d'enlèvement, à obtenir que le retour de l'enfant soit effectué sans délai, l'enlèvement illicite d'un enfant est exclusif, sauf circonstances particulières limitativement énumérées à l'article 10 du règlement, d'un transfert de compétence des juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement à celles de l'Etat membre dans lequel l'enfant a été emmené.

Il s'ensuit que les juridictions de l'Etat membre d'origine conservent leur compétence lorsque l'enfant, après avoir été enlevé illicitement, a été ramené sur le territoire de ce pays par le parent en fraude des droits duquel cet enlèvement a eu lieu.

Rejet des arguments de l’inaction de l’autre parent/de l'intégration de l’enfant dans son nouveau milieu. L'arrêt relève que l’enfant, né en France, d'un père français et d'une mère polonaise, avait deux ans et demi quand il a quitté la France pour la Pologne avec sa mère le 2 mai 2017 et qu'il était intégré dans son environnement jusqu'à son départ. Il constate que ses parents se sont rencontrés en France en 2007 et y ont toujours vécu du temps de la vie commune, le père ayant un emploi fixe dans un laboratoire de recherche à Grenoble et ayant acheté une maison en 2012 et la mère ayant toujours travaillé en France depuis 2007 jusqu'à son départ en mai 2017. Il ajoute que les deux parents exerçaient conjointement l'autorité parentale et que, si le père avait accepté le départ de la mère avec l'enfant en Pologne, il n'avait jamais consenti au transfert de la résidence habituelle de l'enfant, ayant seulement donné son accord pour un séjour ponctuel. Il précisait que la mère est partie avec des bagages légers, avait attendu le 23 mars 2018 pour radier son entreprise personnelle du registre du commerce et des sociétés et n'avait évoqué avec son époux aucun projet de déménagement, ce qui démontrait que le départ en Pologne ne s'inscrivait pas, à l'origine, sur la durée. Il relevait que ce n'était qu'à compter du début de l'année 2018 que la mère avait laissé percevoir sa volonté de fixer sa résidence en Pologne et que le père l'avait alors sommée de revenir en France avec l'enfant, dans un courriel du 6 avril 2018, puis lors d'échanges postérieurs. Il avait retenu que la mère ne pouvait se prévaloir ni de l'inaction du père, qui avait mis moins d'un an à compter de cette date pour saisir, le 19 octobre 2018, l'autorité centrale en vue d'obtenir des juridictions polonaises le retour de l'enfant en France, sur le fondement de la Convention de La Haye, ni de l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu, en Pologne, qui n’était que la conséquence de ses agissements unilatéraux.

Solution de l'arrêt de la Cour de cassation. Selon la Cour suprême, la cour d'appel, dont l'incompétence pour statuer sur la demande de retour n'était pas soulevée par la mère, qui avait elle-même saisi les juridictions françaises, en avait souverainement déduit qu'en dépit de la succession d'événements et d'enlèvements survenus dans la vie de l'enfant, la résidence habituelle de celui-ci était située en France avant le non-retour illicite et avant le déplacement illicite, survenus, tous deux, à l'initiative de la mère, respectivement au début de l'année 2018 puis le 3 juin 2018, de sorte que le déplacement, survenu à l'initiative du père, le 13 février 2019, n'était pas illicite.

Dépassement du délai d'un an/intégration de l'enfant dans son nouveau milieu. Il convient de rappeler que l'article 12 de la Convention de La Haye du 28 octobre 1980 prévoit que « lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l'article 3 et qu'une période de moins d'un an s'est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l'introduction de la demande devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat contractant où se trouve l'enfant, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat. L'autorité judiciaire ou administrative, même saisie après l'expiration de la période d'un an prévue à l'alinéa précédent, doit aussi ordonner le retour de l'enfant, à moins qu'il ne soit établi que l'enfant s'est intégré dans son nouveau milieu ». C’est au regard de cette disposition qu'il faut comprendre la référence, faite par les juges d’appel dans l’affaire soumise à la Cour de cassation le 5 novembre 2020, au délai inférieur à un an en l’espèce, quant à la prétendue inaction du père.

On relèvera ainsi que, dans un arrêt rendu le 12 décembre 2006, la Haute juridiction avait retenu que c'est par une appréciation souveraine et après avoir relevé que l'article 12 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants prévoit, dans son deuxième alinéa, l'hypothèse où, quand la demande est introduite, comme en l'espèce, le parquet ayant saisi la juridiction plus d'un an après le déplacement, l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu doit être examinée, qu'une cour d'appel avait estimé, après audition de l'enfant, que son intégration scolaire est excellente, ainsi que son adaptation à son nouveau milieu et que son intérêt supérieur ne commandait pas son retour auprès de son père aux Etats-Unis.

Pour aller plus loin, cf. ETUDE : L'autorité parentale sur la personne de l'enfant, Les aspects civils de l'enlèvement d'enfant, in L’autorité parentale (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E5830EYL).

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Cotisations sociales

[Brèves] Point de départ de l’action en recouvrement des cotisations fixé à la fin du délai imparti par la mise en demeure

Réf. : Cass. civ. 2, 12 novembre 2020, n° 19-15.239, F-P+B+I (N° Lexbase : A512334I)

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N5324BYT

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par Laïla Bedja

Le 18 Novembre 2020

► La prescription quinquennale de l'action en recouvrement des cotisations prévue par l’article L. 244-11 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1237I7X) ne commence à courir qu'à l'expiration du délai imparti par la mise en demeure au redevable des cotisations pour régulariser sa situation ;

Nota : pour les cotisations et contributions sociales au titre desquelles une mise en demeure a été notifiée à compter du 1er janvier 2017, la prescription est de trois ans à compter de l'expiration du délai imparti par les avertissements ou mises en demeure (CSS, art. L. 244-8-1 N° Lexbase : L0181LCP).

Faits et procédure. Pour annuler une contrainte en raison de la prescription de l’action en recouvrement de la caisse, une cour d’appel (CA Saint-Denis de la Réunion, 19 février 2019, n° 17/00389 N° Lexbase : A7395YZW) a retenu que cette contrainte a été signifiée le 1er octobre 2015, soit plus de cinq ans après la mise en demeure du 10 septembre 2010. À tort.

Cassation. Rappelant les conditions relatives à la prescription de l’action en recouvrement des cotisations, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la cour d’appel rendu en violation de l’article L. 244-1 du Code de la Sécurité sociale. En effet, le cotisant avait reçu le 10 septembre 2010, une mise en demeure l’invitant à régulariser sa situation dans un délai de trente jours, c’est-à-dire avant le 10 octobre 2010. Le délai de cinq années dont disposait la caisse pour faire signifier sa contrainte avait donc commencé à courir le 11 octobre 2010 et n’avait donc pas fini de courir le 1er octobre 2015.

Pour en savoir plus : V. F. Taquet, ETUDE : Le contentieux du recouvrement, La contrainte, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E34873PT).

newsid:475324

Droit des étrangers

[Brèves] Exclusion de la protection subsidiaire pour crime grave : le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 13 novembre 2020, n° 428582, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A545034M)

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N5287BYH

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par Marie Le Guerroué

Le 18 Novembre 2020

►Le juge de cassation exerce un contrôle de qualification juridique des faits sur la commission d'un crime grave justifiant l'exclusion de la protection subsidiaire en application du b) de l'article L. 712-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1900LMC) (CE 9° et 10° ch.-r., 13 novembre 2020, n° 428582, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A545034M).

Faits et procédure.  La Cour nationale du droit d'asile avait rejeté le recours formé par le requérant contre la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) lui avait retiré le bénéfice de la protection subsidiaire sur le fondement de l'article L. 712-3 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L1899LMB), au motif qu'il existait des raisons sérieuses de penser qu'il avait commis un crime grave.

CNDA. Pour statuer sur l'application de la clause d'exclusion, la Cour nationale du droit d'asile avait relevé que le requérant de nationalité albanaise, avait été reconnu coupable de détention, offre ou cession, transport et acquisition non autorisés de stupéfiants et condamné à une peine d'emprisonnement de trois ans dont un an avec sursis, assortie d'une mise à l'épreuve de deux ans. Elle avait retenu qu'au nombre des faits constatés par le juge pénal se trouvait une organisation très active en relation avec de nombreux groupes d'Albanais, impliquant le transport de stupéfiants dans plusieurs pays européens, la dissimulation d'importantes sommes d'argent et la couverture de ces activités par des contrats de travail de complaisance, les complices de l’intéressé s'étant en outre livrés à du trafic de munitions et de matériel informatique et téléphonique. Elle avait relevé que, sur appel formé par les complices ce dernier, la cour d'appel de Limoges avait confirmé que les transports de stupéfiants aux Pays-Bas s'effectuaient sous la « haute surveillance » du requérant. L’interessé se pourvoit en cassation.

Communication du mémoire en défense. La Haute juridiction précise d’abord que le défaut de communication du mémoire en défense produit par l'Office devant la Cour nationale du droit d'asile ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme ayant pu préjudicier aux droits du requérant ni, par suite, comme entachant la procédure d'irrégularité.

Rappel des textes. Le Conseil rappelle que selon l'article L. 712-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que « la protection subsidiaire n'est pas accordée à une personne s'il existe des raisons sérieuses de penser : [...] b) Qu'elle a commis un crime grave ». Et, aux termes de l'article L. 712-3 du même code que : « l'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque : / 1° Son bénéficiaire aurait dû être exclu de cette protection pour l'un des motifs prévus à l'article L. 712-2 ».

Solution. Les juges du droit estiment que, eu égard au rôle de premier plan joué par le requérant dans le trafic de stupéfiants d'ampleur transnationale et à la gravité de ces faits, punis d'une peine de dix ans d'emprisonnement et 7 500 000 euros d'amende, la Cour nationale du droit d'asile, qui n'est pas liée dans son appréciation par la qualification donnée aux faits par les dispositions pénales de droit français, n'a pas inexactement qualifié ces faits en jugeant qu'il existait des raisons sérieuses de penser que le requérant s'était rendu coupable d'un crime grave au sens et pour l'application du b) de l'article L. 712-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Rejet. Le pourvoi est donc rejeté.  

newsid:475287

Droit disciplinaire

[Brèves] Affaire « Théo » : la Défenseure des droits recommande des poursuites disciplinaires et la réalisation d’une inspection

Réf. : Décision 2020-199 du 23 novembre 2020 relative à l'usage de la force par des fonctionnaires de police au cours d’un contrôle d’identité et d’une interpellation (N° Lexbase : X1224CKK)

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N5410BYZ

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par Adélaïde Léon

Le 16 Décembre 2020

► À l’heure où la faculté de diffuser les images des violences policières est plus que jamais fragilisée par l’article 24 de la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale – lequel puni la diffusion malveillante d’images permettant l’identification de forces de l’ordre agissant dans le cadre d’une opération de police – la Défenseure des droits publie une décision imparable sur l’usage de la force par des fonctionnaires de police dans le cadre de l’affaire dite « Théo ».

« Rappelle qu’en application des dispositions de l’article R. 434-14 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9236IYQ), le fonctionnaire de police est respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d’une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ;

Rappelle que l’article R. 434-18 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L9240IYU) prévoit que le policier ou le gendarme emploie la force dans le cadre fixé par la loi, seulement lorsque c’est nécessaire, et de façon proportionnée au but à atteindre ou à la gravité de la menace »

C’est ainsi que débute la décision n° 2020-199 rendue ce 23 novembre 2020 par la Défenseure des droits. La suite est une « démonstration implacable » [1] au cours de laquelle l’Autorité administrative indépendante documente et délivre son analyse des manquements déontologiques dont ont fait preuve non seulement les agents présents lors des faits mais également leur hiérarchie.

Le Défenseur des droits est, en France, l’autorité chargée de veiller notamment au respect des règles de déontologie qui encadrent les activités des professionnels de la sécurité, que celle-ci soit publique ou privée.

Dans le cadre de cette mission, l’institution avait été saisie par Monsieur Théodore Luhaka aux fins d’analyser les conditions dans lesquelles il avait, le 2 février 2017 à Aulnay-sous-bois, été interpellé et blessé à la suite d’un contrôle d’identité. Comme la Défenseure des Droits prend soin de le rappeler, lorsqu’elle rédige sa décision, une information judiciaire est en cours et il ne lui appartient pas de se substituer au juge judiciaire en se prononçant sur l’existence d’une infraction. La décision rendue ce 23 novembre 2020 étudie donc les circonstances de l’interpellation au regard des seules règles déontologiques applicables aux agents mis en cause.

Cette analyse intervient aux termes d’un rappel des faits particulièrement documenté, couvrant l’intervention depuis la décision des agents de réaliser un contrôle d’identité jusqu’à l’opération de Monsieur Lukaha aux urgences, et décrivant le comportement de chacun des protagonistes tel qu’il résulte « de l’analyse des pièces de l’information judiciaire, des procédures administratives diligentées par l’inspection générale de la police nationale, et de l’enquête réalisée par le Défenseur des droits ».

Sur le comportement des agents de la brigade spécialisée de terrain (BST). La Défenseure des droits estime notamment qu’au cours du contrôle un gardien de la paix n’a pas fait preuve « du calme et du professionnalisme que l’on peut attendre d’un fonctionnaire de police » augmentant ainsi le risque de dégradation de la situation. Elle relève ensuite qu’il existe un doute sur les motifs d’interpellation avant de constater qu’avant et après le menottage de l’intéressé, les agents de la brigade spécialisée de terrain ont fait usage de la force et que, dans ce cadre, plusieurs gestes réalisés étaient dangereux, non nécessaires, ni proportionnés. Il est particulièrement souligné qu’une fois l’intéressé maitrisé, assis au sol et menotté, « rien ne pouvait justifier l’exercice de la force à son égard ».

Sur la prise de photographie de la personne interpellée. S’agissant de la prise de photo de la personne interpellée durant son transport, la Défenseure des droits déclare que celle-ci, réalisée en dehors de tout cadre légal, était vexatoire et portait atteinte à sa dignité.

Sur le comportement des agents de la brigade anti-criminalité (BAC). L’autorité analyse également les agissements des agents de la BAC venus en « renfort ». Elle constate tout d’abord qu’aucun de ces derniers n’était porteur d’élément d’identification au mépris de leurs obligations professionnelles. La Défenseure des droits relève par ailleurs que plusieurs agents ont employé la force et utilisé des armes (notamment la grenade de désencerclement et le lanceur de balle de défense) en dehors de tout cadre légal et parfois sans même y être habilités.

Sur le rôle de la hiérarchie. Enfin, l’autorité administrative indépendante dénonce des manquements aux obligations de contrôle et de préservation des preuves attribués au commissaire divisionnaire en sa qualité d’autorité hiérarchique.

Décision de l’Autorité. Au terme de cette décision, et constatant la faiblesse des sanctions disciplinaires prononcées et l’accumulation des manquements, la Défenseure des droits recommande la réalisation d’une inspection, ainsi que des poursuites disciplinaires.

Cette décision est publiée le jour même du vote solennel à l’Assemblée nationale de la proposition de loi n° 3452 relative à la sécurité globale (adoptée à 388 voix contre 104) dont l’article 24 punit la diffusion d’images permettant l’identification de forces de l’ordre, agissant dans le cadre d’une opération de police, lorsqu’elle a pour but qu’il soit porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique des fonctionnaires filmés. Hasard du calendrier ? On peut en tout cas envisager cette nouvelle loi à la lumière des dispositions du Code de la sécurité intérieure rappelées par la Défenseure des droits elle-même, lesquelles commandent aux fonctionnaires de police d’adopter une comportement « propre à inspirer en retour respect et considération ». Des dispositions propres à entraver la documentation des opérations de police ne conduiraient-elles pas, au contraire, à susciter méfiance et défiance ?

 

[1] N. Chapuis, Affaire Théo : la démonstration implacable d’une lourde série de manquements policiers, Le Monde, 24 novembre 2020 [en ligne].

 

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Plus-values de cession d’immeubles et notion de modèle économique de l’entreprise

Réf. : CAA de Versailles, 10 novembre 2020, n° 19VE02497 (N° Lexbase : A812834S)

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N5396BYI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 25 Novembre 2020

Les plus-values de cession d’immeubles qui ne s’inscrivent pas dans le modèle économique de l’entreprise sont exclues du chiffre d’affaires.

Les faits. Une société dont le siège est situé en Allemagne, a pour activité en France l'administration et la gestion d'immeubles, pour le compte de fonds d'investissements. Saisi par la société, le tribunal administratif de Montreuil a, par un jugement du 2 juin 2015, prononcé la décharge de la contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qu'elle a spontanément acquittée, sur le fondement de l'article 235 ter ZAA du Code général des impôts (N° Lexbase : L9725I3L) au titre de l'exercice clos en 2012 et rejeté sa demande de décharge présentée au titre de l'année 2011.

La cour administrative d'appel de Versailles a confirmé cette solution (CAA Versailles, 1er juin 2017, n° 15VE02458 N° Lexbase : A2899WGH). Le Conseil d'État a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d’appel de Versailles (CE 9° et 10° ch.-r., 10 juillet 2019, n° 412968, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6821ZIH).

Le Conseil d’État avait confirmé sa jurisprudence précédente (CE 8° et 3° ssr., 9 décembre 2016, n° 396160, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4020SPL) en rappelant qu’il convient de prendre en compte non seulement le chiffre d’affaires réalisé en France, mais également le chiffre d’affaires réalisé hors de France. Puis, le Conseil d’État avait jugé que la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en ne recherchant pas si les cessions d’immeubles en cause s’inscrivaient dans le modèle économique de l’entreprise.

Lire en ce sens : F. Chidaine, Chiffre d’affaires au sens de l’article 235 ter ZAA du Code général des impôts, Lexbase Fiscal, juillet 2019, n° 792 (N° Lexbase : N0045BYC).

Principe. Aux termes de l’article 235 ter ZAA du Code général des impôts, les redevables de l’impôt sur les sociétés qui réalisent plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires sont assujettis à une contribution exceptionnelle égale à 10,7 % de l’IS calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés à l’article 219 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6218LUT). Cette contribution exceptionnelle s’applique au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2011 et jusqu’au 30 décembre 2016.

Solution. « […] nonobstant le caractère récurrent des cessions en cause ainsi que leur importance et leur nombre, la réalisation de ces plus-values suite à la cession d'immeubles ne fait pas partie du modèle économique de la société requérante, et ne peut, dès lors, être regardée comme entrant dans l'activité normale et courante de la société. Par suite, ces plus-values revêtent le caractère de produits exceptionnels […] ».

 

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Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Précisions sur l’assiette de l’ISF : les comptes courants d’associés détenus dans une société en participation ne sont pas des biens professionnels

Réf. : Cass. com., 4 novembre 2020, n° 18-11.696, F-D (N° Lexbase : A9281337)

Lecture: 4 min

N5276BY3

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par Sarah Bessedik

Le 17 Novembre 2020

Par un arrêt rendu le 4 novembre 2020, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter des précisions relatives au champ d’application de l’impôt de solidarité sur la fortune en matière de comptes courants d’associés d’une société en participation.

En l’espèce, M. L et Mme L, étaient associés dans la société en participation (SEP) L N/P (la société L). Le 1er avril 2010, l'administration fiscale leur a notifié une proposition de rectification relative à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) dû au titre des années 2006 à 2008 en raison de l'omission, dans les biens constituant l’assiette de cet impôt, des comptes courants qu'ils détenaient dans les écritures de la société L.

Après rejet partiel de leur réclamation, M. et Mme L ont assigné l'administration fiscale en décharge du surplus d'imposition mis en recouvrement.

Ils estiment que conformément aux dispositions de l'article 885 E du Code général des impôts (N° Lexbase : L8777HLN), l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette au 1er janvier de l'année de l'ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes assujetties à cet impôt.

Aussi, selon l'article 1871 du Code civil (N° Lexbase : L0121LTN), une SEP est dépourvue de personnalité morale et ne dispose pas d'un patrimoine propre, de sorte que les apports en compte courant consentis par les associés ne peuvent porter que sur la jouissance des sommes apportées et ne peuvent constituer des actifs réels.

Les époux ajoutent que l'article 885 A du CGI (N° Lexbase : L2829IBE) dispose que les biens professionnels, définis aux article 885 N à 885 R, ne sont pas pris en compte pour l'assiette de l'ISF. Or, la SEP avait pour activité l'acquisition de valeurs émises par toutes sociétés et notamment d'actions de la SAS GSC dont M. L était président directeur général, la gestion des valeurs mobilières acquises par la SEP ou apportées en jouissance à celle-ci, la revente et le partage des dividendes reçus par la société. Ainsi, l'inscription dans les écritures comptables de la SEP créée entre M. et Mme L, des comptes courants d'associés litigieux nécessaires pour financer la trésorerie de la société qui devait faire face aux échéances d'intérêts des prêts bancaires, faisait présumer leur caractère professionnel, de sorte que l'administration qui entendait réintégrer ces comptes dans l'assiette de l'impôt devait faire la preuve que les sommes y figurant n'étaient pas réellement nécessaires à l'activité de la SEP.

Les juges de la Cour de cassation raisonnent de la façon suivante :

  • en premier lieu, ils estiment qu’il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs conclusions que M. et Mme L aient soutenu devant la cour d'appel que les comptes courants qu'ils détenaient dans la société F constituaient des créances indétachables des titres qu'ils lui ont apportés en jouissance et, comme tels, représentatifs de biens professionnels,
  • en second lieu, après avoir relevé que M. et Mme L avaient fait le choix de soumettre la société L au régime fiscal de l’IS nonobstant le fait qu'elle ne disposât pas de personnalité morale, et que cette société avait, en conséquence, eu, sur le plan fiscal, une existence propre ainsi qu'une personnalité distincte de celle de ses membres, l'arrêt énonce qu'en matière d'ISF, les SEP suivent le même régime que les sociétés disposant d'une personnalité morale et que les parts d'un associé de cette forme de société font partie de son patrimoine imposable dans la mesure où elles ne constituent pas des biens professionnels au regard des dispositions de l'article 885 O bis du CGI (N° Lexbase : L8822HLC).

Rappelant ensuite que le compte courant créditeur de l'associé d'une société ne constitue pas, pour lui, un bien professionnel, même s'il en est le dirigeant et même si ce compte est bloqué, puisqu'il ne constitue pas une augmentation des fonds propres de la société mais une créance sur elle, qui doit, comme telle, être intégrée à l'actif imposable à l'ISF, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que ce principe est applicable à la SEP, même si elle n'a pas la personnalité morale, et en a déduit que les comptes courants d'associés que M. et Mme L détenaient dans la SEP L à la suite des apports en numéraire effectués au cours de l'année 2005 avaient été justement imposés à l'ISF de chacune des années considérées

Le pourvoi formé par les époux L est par conséquent rejeté.

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Procédure civile

[Brèves] Rappel de l’obligation de statuer au vu des dernières conclusions

Réf. : Cass. civ. 2, 19 novembre 2020, n° 19-19.514, F-P+B+I (N° Lexbase : A9458343)

Lecture: 2 min

N5391BYC

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 25 Novembre 2020

► Le juge ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, et lorsqu’il n’expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, il doit viser les conclusions avec l’indication de leur date.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une salariée a été licenciée, et un jugement condamnant son ancien employeur à lui verser diverses sommes a été rendu. La société a interjeté appel de cette décision.

Le pourvoi. La demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt rendu le 14 décembre 2018, par la cour d'appel de Toulouse d’avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts et de l’avoir condamnée à payer à la salariée diverses sommes à l’exception de l’indemnité de travail dissimulé.

Dans un premier temps, l’intéressée énonce la violation des articles 455 (N° Lexbase : L6695H74) et 954 (N° Lexbase : L7253LED) du Code de procédure civile, du fait que les juges du fond se sont abstenus de viser et de statuer sur ses conclusions et les pièces nouvelles, déposées antérieurement à l’ordonnance de clôture.

Dans un second temps, l’intéressée énonce la violation des articles 12 (N° Lexbase : L1127H4I), 782 (N° Lexbase : L9320LTD), 783 (N° Lexbase : L9321LTE) et 907 (N° Lexbase : L3973LUP) du Code de procédure civile, du fait de l’ignorance par les juges du fond de ses conclusions, sans qu’ils se prononcent sur leur mise à l’écart.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé la solution précitée, au visa du premier alinéa de l’article 455, du Code de procédure civile, et du second alinéa de l’article 954 du même code, la Cour suprême relève que pour prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur et le condamner à verser diverses sommes au salarié à l’exception de l’indemnité de travail dissimulé, les juges d’appel se sont prononcés au visa des conclusions notifiées en date du 11 juillet 2017. Or, il ressort des productions de la demanderesse qu’elle avait déposé des nouvelles écritures en date du 9 octobre 2018, qui n’ont pas été visées par la cour d’appel, et qu’il ne ressort des motifs de la décision qu’elles ont été prises en considération.

La Cour de cassation s’était déjà prononcée en ce sens, par plusieurs arrêts (Cass. civ. 2, 6 juin 2019, n° 18-15.856, F-D N° Lexbase : A9211ZDI ; Cass. civ. 3, 21 novembre 2019, n° 18-23.218, F-D N° Lexbase : A4788Z3Q).

Solution. La Cour suprême casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les conditions de l’appel, Les dispositions communes au déroulement de la procédure d'appel in Procédure civile, Lexbase (N° Lexbase : E5669EYM).

 

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Sociétés

[Brèves] Cession de parts sociales : point de départ du délai de prescription de l’action paulienne exercée par un créancier du cédant

Réf. : Cass. civ. 3, 12 novembre 2020, n° 19-17.156, FS-P+B+I (N° Lexbase : A524534Z)

Lecture: 4 min

N5307BY9

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par Vincent Téchené

Le 18 Novembre 2020

► Lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d’exercer l’action paulienne à compter du dépôt d’un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l’existence de l’acte.

Fait et procédure. Le 4 juin 2010, les consorts X. ont assigné M. Y., aujourd’hui décédé, en paiement de diverses sommes dues en vertu de deux reconnaissances de dette. Un arrêt du 23 mai 2013 a condamné à payer à Mme X. une certaine somme avec intérêts à compter du 10 mars 2007 et à Mmes X. une avec intérêts à compter du 1er mars 2007. Le 18 juin 2010, le débiteur avait cédé des parts d’une SCI. Par acte du 18 octobre 2016, considérant que la cession de parts sociales avait été passée en fraude de leurs droits, les consorts X. (les créanciers) ont assigné M. Y. (le débiteur) sur le fondement de l’action paulienne.

L’arrêt d’appel (CA Bourges, 28 mars 2019, n° 18/00144 N° Lexbase : A3930Y7P) ayant retenu que l’action paulienne était irrecevable, les créanciers ont formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1341-2 (N° Lexbase : L0672KZW) et 2224 (N° Lexbase : L7184IAC) du Code civil, de l’article 52 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 (N° Lexbase : L1376AIS) et du principe selon lequel la fraude corrompt tout. Comme précisé ci-dessus, la Cour de cassation énonce qu’il se déduit de ces textes et de ce principe que, lorsque la fraude du débiteur a empêché les créanciers d’exercer l’action paulienne à compter du dépôt d’un acte de cession de parts en annexe au registre du commerce et des sociétés, le point de départ de cette action est reporté au jour où les créanciers ont effectivement connu l’existence de l’acte.

Or, l’arrêt d’appel a retenu que le dépôt de l’acte du 18 juin 2010 au greffe du tribunal de commerce ayant eu pour effet de porter à la connaissance des tiers et de leur rendre opposable la cession des parts sociales, les créanciers étaient en mesure de connaître, à compter de cette publicité, l’acte qu’ils prétendent être intervenu en fraude de leurs droits, peu important que le débiteur ait tenté, tout au long de la procédure ayant donné lieu à sa condamnation, de dissimuler sa véritable adresse, puis l’existence de biens appartenant à la SCI, à une autre adresse au sein de cette même commune.

Pour la Cour de cassation, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la dissimulation de son adresse par le débiteur n’avait pas eu pour effet d’empêcher les créanciers d’exercer l’action paulienne avant d’avoir effectivement connaissance de l’acte de cession de parts, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Observations. La Cour de cassation a déjà pu préciser que les créanciers personnels de l'une ou l'autre des parties à l'acte de cession peuvent agir sur le fondement de l'action paulienne, en vue de faire déclarer inopposable à leur encontre la cession effectuée en fraude à leurs droits (Cass. civ. 1, 1er juillet 1975, n° 74-11.109, publié (N° Lexbase : A6742CEG). Si la cour d’appel de renvoi estime l’action non-prescrite, pour faire droit à la demande du créancier et lui déclarer la cession inopposable, il lui reviendra de s’assurer que l’acte de cession constitue un acte d'appauvrissement du débiteur, lequel doit avoir cherché à diminuer le gage de son créancier. S’agissant d’un acte à titre onéreux, la complicité du cessionnaire doit également être établie (v. par ex. ayant jugé une cession de parts sociales non-frauduleuse, CA Aix-en-Provence, 11 septembre 2014, n° 13/17094 N° Lexbase : A2554MWI – CA Montpellier, 28 février 2012, n° 10/09813 N° Lexbase : A6013ID3). La modicité du prix de vente des parts sociales sera un indice important de cette complicité ; il a pu même être juge que cette modicité « implique que les cessionnaires ont eu connaissance de la fraude » (TGI Versailles, 20 octobre 2015, n° 14/01134 N° Lexbase : A8542ZLX).

Pour aller plus loin, v. ÉTUDE : Les associés de la société civile, L'opposabilité de la cession aux tiers, in Droit des sociétés, Lexbase (N° Lexbase : E8387A87).

 

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