Le Quotidien du 3 novembre 2020

Le Quotidien

Accident du travail - Maladies professionnelles (AT/MP)

[Brèves] Absence d’intérêt à agir de l’employeur à l’encontre de la décision ultérieure de prise en charge de l’accident du travail au titre de la législation professionnelle après saisine par la salariée de la commission de recours amiable

Réf. : Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-16.999, F-P+B+I (N° Lexbase : A87423YG)

Lecture: 3 min

N5050BYP

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par Laïla Bedja

Le 23 Février 2021

► Selon l'article R. 441-14, alinéa 4, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L6170IEA), dans sa rédaction issue du décret n° 2009-938 du 29 juillet 2009 (N° Lexbase : L5899IE9), applicable au litige, la décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou à ses ayants droit si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire, la décision étant également notifiée à la personne à laquelle elle ne fait pas grief ; il en résulte que la décision revêt, dès sa notification à la personne à laquelle elle ne fait pas grief, un caractère définitif à son égard ;

Partant, l’employeur n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre de la décision ultérieure de prise en charge de l’accident du travail par la commission de recours amiable agissant sur saisine de la salariée.

Les faits et procédure. La caisse primaire d’assurance maladie a notifiée, le 10 août 2011, à une société et sa salariée une décision de refus de prise en charge au titre de la législation professionnelle d’un accident survenu le 20 mai 2011.

À la suite de la décision de la commission de recours amiable reconnaissant le caractère professionnel de l’accident, la caisse a notifié à la victime une décision de prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle.

L’employeur a saisi d’un recours la juridiction de Sécurité sociale aux fins de contestation de la décision de prise en charge.

Moyen du pourvoi. La cour d’appel ayant déclaré irrecevable le recours de l’employeur, ce dernier a formé un pourvoi en cassation selon le moyen que l’employeur a intérêt à contester la décision de la caisse de prendre en charge l'arrêt de travail d'un salarié au titre de la législation professionnelle et à faire établir que cette décision, qui porte sur les conditions de travail et les risques professionnels au sein de son entreprise, n'est pas susceptible de jeter le discrédit sur les conditions de travail des salariés, peu important qu'aucune somme n'ait été mise à sa charge à la suite de la reconnaissance du caractère professionnel de l'accident. En vain.

Rejet. Énonçant la solution précitée, la Haute juridiction rejette le pourvoi de l’employeur. Pour justifier sa décision, la cour d’appel avait énoncé la règle de l’indépendance des rapports entre l’employeur, d’une part, et la caisse et la victime, d’autre part, relevant ainsi que la décision de refus de prise en charge du 10 août 2011 est devenue définitive dans les relations entre l’employeur et la caisse que la décision de prise en charge intervenue sur le seul recours de la salariée est inopposable à l’employeur. Cette règle rend sans objet et prive d'intérêt à agir, dans sa contestation de la matérialité de l'accident, l'employeur à l'égard duquel la décision de prise en charge de la caisse était inopposable, soit en raison d'un refus initial de prise en charge que lui avait notifié la caisse, soit en cas d'infirmation de cette décision par la commission de recours amiable, dès lors que la procédure devant cette commission n'était pas contradictoire à son endroit, et que son intérêt à agir ne pouvait renaître que si le salarié entreprenait de l'attraire devant la juridiction de Sécurité sociale du chef d'une faute inexcusable, ce qui ne constitue pas l'objet du présent litige.

Pour en savoir plus : V. ÉTUDE : La procédure de reconnaissance de l’accident du travail, La contestation de la décision de la caisse par l'employeur ou la victime, in Droit de la protection sociale, Lexbase (N° Lexbase : E3081ETB)

newsid:475050

Baux commerciaux

[Brèves] Droit du locataire de se prévaloir de la résiliation du bail en cas de non-respect des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire

Réf. : Cass. civ. 3, 22 octobre 2020, n° 19-19.542, FS-P+B+I (N° Lexbase : A88053YR)

Lecture: 3 min

N5097BYG

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par Julien Prigent

Le 29 Octobre 2020

► Dès lors que l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée et en l'absence de décision contraire statuant au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le preneur des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire, demander unilatéralement l'exécution du bail résilié.

Faits et procédure. Le 21 décembre 2012, un propriétaire avait donné à bail des locaux à usage commercial pour une durée de dix ans avec renonciation du preneur à la faculté de résiliation à la fin de la première période triennale, le bail comportant une clause résolutoire comportant la stipulation « si bon semble au bailleur ». Le 27 juillet 2015, le bailleur avait délivré au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis l’avait assigné en référé en constatation de l’acquisition de cette clause et en paiement d’une provision.

Une ordonnance de référé du 27 novembre 2015 avait condamné le locataire à payer une provision, suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé au preneur des délais de paiement avec déchéance du terme. Cette ordonnance, signifiée le 11 décembre 2015 par le bailleur, n’a pas été frappée d'appel.

Le 8 janvier 2016, le bailleur avait mis en demeure le locataire de payer les sommes dues au titre de la période comprise entre le 12 mai et le 23 novembre 2015. Par lettre du 22 janvier 2016, le locataire, qui ne s'était pas acquitté de la première mensualité, avait informé le bailleur qu’il prenait acte de la résiliation définitive du bail et qu’il restituerait les clefs le 3 mars 2016. Le bailleur avait informé le preneur qu’il renonçait à se prévaloir de l’acquisition de la clause résolutoire, puis il l’a assigné en exécution forcée du bail et, subsidiairement, en paiement des loyers et charges jusqu’à la deuxième échéance triennale du bail.

Arrêt d’appel. Les juges du fond ont fait droit à sa demande. Pour dire que le bail s'était poursuivi entre les parties en dépit de ce que le locataire n'avait pas respecté l’échéancier fixé par l'ordonnance, la cour d’appel avait retenu que le locataire ne pouvait tirer parti d’une clause résolutoire stipulée au seul bénéfice du bailleur, ni se prévaloir de son propre comportement pour prendre acte de la résiliation du bail. Elle avait également relevé que si le bailleur avait signifié l’ordonnance de référé pour faire courir les délais de paiement, ce qui ne manifestait pas son intention de poursuivre l’acquisition de la clause résolutoire, il n'avait engagé aucun acte d’exécution forcée, de sorte qu’il conservait la liberté de poursuivre ou non, à ses risques et périls, l'exécution du titre provisoire que constituait cette ordonnance et pouvait, ainsi, renoncer au bénéfice de l’acquisition de la clause résolutoire.

Le preneur s’est pourvu en cassation

Décision. La Cour de cassation censure cette solution. Elle précise que dès lors que l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée et en l'absence de décision contraire statuant au principal, le bailleur ne peut plus, en cas de non-respect par le preneur des délais de paiement conditionnant la suspension des effets de la clause résolutoire, demander unilatéralement l'exécution du bail résilié.

Pour aller plus loin, v. ÉTUDE : La résiliation du bail commercial, in Baux commerciaux, Lexbase (N° Lexbase : E9806ADK).

 

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Covid-19

[Brèves] Prêts participatifs : modalités d'utilisation des crédits inscrits pour les fonds de développement économique et social, complétant le dispositif de PGE

Réf. : Décret n° 2020-1314, du 30 octobre 2020, relatif aux modalités d'utilisation des crédits inscrits pour les prêts participatifs du fonds de développement économique et social (N° Lexbase : L5745LYG)

Lecture: 3 min

N5116BY7

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par Vincent Téchené

Le 04 Novembre 2020

► Dans le contexte de la crise sanitaire de la covid-19 et de ses répercussions sur l'activité économique, un décret, publié au Journal officiel du 31 octobre 2020, vient préciser l'utilisation des crédits inscrits pour les prêts participatifs du fonds de développement économique et social, en direction de très petites et petites entreprises n'ayant pas trouvé de solutions de financement auprès de leur partenaire bancaire ou de financeurs privés.

Le décret est pris en application de l'article 39 de la loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 (N° Lexbase : L7971LXI).

  • Entreprises éligibles (art. 2, I)

Sont éligibles les entreprises, associations ou fondations ayant une activité économique, inscrites au répertoire national des entreprises et de leurs établissements, qui répondent aux critères suivants :

- elles ne doivent pas avoir obtenu un prêt garanti par l'État à hauteur d'un montant suffisant pour financer leur exploitation ;

- elles doivent justifier de perspectives réelles de redressement de l'exploitation ;

- elles ne doivent pas faire l'objet d'une procédure collective ;

- elles doivent être à jour de leurs obligations fiscales et sociales, ou s'il y a lieu, avoir obtenu un plan d'apurement du passif fiscal et social constitué.

Les SCI sont expressément exclues du dispositif.

En revanche, il est précisé que les entreprises redevenues in bonis par l'arrêté d'un plan de sauvegarde ou de redressement sont éligibles au dispositif.

  • Formalisation de la demande de prêt (art. 2, II)

Pour formuler sa demande, l'entreprise saisit le comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises, qui l'oriente vers le service dédié aux demandes d'octrois de prêts, géré par la société Bpifrance Financement.

  • Montant et remboursement du prêt (art. 3)

Le prêt est un prêt participatif au sens des articles L. 313-13 (N° Lexbase : L2504IXZ) et suivants du Code monétaire et financier.

D'une durée de 7 ans, il admet un différé de paiement du capital de 12 mois à partir du décaissement.

Le montant du prêt participatif est limité à :

- 20 000 euros pour les entreprises actives dans le secteur de l'agriculture, employant de 0 à 49 salariés ;

- 30 000 euros pour les entreprises actives dans le secteur de la pêche et de l'aquaculture, employant de 0 à 49 salariés ;

- 100 000 euros pour les entreprises employant de 0 à 49 salariés et n'étant pas actives dans les secteurs de l'agriculture, la pêche et l'aquaculture.

Il est précisé que les crédits sont décaissés à un taux fixe qui est au moins égal à 350 points de base.

Le financement couvre des besoins en investissements et des besoins en fonds de roulement.

  • Versement des fonds (art. 4)

Les décisions de versement de fonds sont prises par arrêté du ministre chargé de l'Économie, après avis du comité départemental d'examen des problèmes de financement des entreprises.

Les sommes prêtées sont mises à la disposition des bénéficiaires soit directement par la direction générale du Trésor, soit par l'entremise des établissements spécialisés.

newsid:475116

Covid-19

[Brèves] Publication de nouveaux décrets relatifs à l’activité partielle

Réf. : Décrets du 30 octobre 2020, n° 2020-1316, relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité durable (N° Lexbase : L5748LYK) ; n° 2020-1318 du 30 octobre 2020, relatif au taux horaire de l'allocation d'activité partielle et de l'allocation d'activité partielle spécifique applicables à Mayotte (N° Lexbase : L5743LYD) ; n° 2020-1319, relatif à l'activité partielle (N° Lexbase : L5742LYC)

Lecture: 3 min

N5112BYY

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par Charlotte Moronval

Le 03 Novembre 2020

► Trois décrets consacrés à l’activité partielle ont été publiés au Journal officiel du 31 octobre 2020.

CSE. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE devra être informé à l’échéance de chaque autorisation d’activité partielle des conditions dans lesquelles elle a été mise en œuvre.

Durée de l’autorisation d’activité partielle. A compter du 1er janvier 2021, la demande d’activité partielle sera accordée pour une période de 3 mois au maximum, dans la limite de 6 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 12 mois consécutifs. Une dérogation est prévue en cas de sinistres ou d'intempéries de caractère exceptionnel.

Modalités de remboursement.

  • du 1er novembre au 31 décembre 2020 : l’allocation remboursée à l’employeur est égale à 60 % de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 SMIC et de 70 % pour les secteurs protégés (la liste est étendue par les annexes 1 et 2 du décret n° 2020-1319 notamment pour y inclure les transports routiers réguliers de voyageurs et autres transports routiers de voyageurs, les activités de sécurité privée et de nettoyage courant des bâtiments). L’indemnité versée aux salariés reste égale à 70 % du brut (soit 84 % du net).
  • à compter du 1er janvier 2021 : l’indemnité versée aux salariés passera à 60 % de la rémunération brute dans la limite de 4,5 SMIC. L’allocation remboursée à l’employeur baissera quant à elle à 36 % de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 SMIC avec une valeur plancher de 7,23 €.

Demande au préfet du département. Lorsque la demande d’autorisation préalable d’activité partielle et, le cas échéant, la demande de renouvellement d’autorisation portent, pour le même motif et la même période, sur au moins cinquante établissements implantés dans plusieurs départements, l’employeur peut adresser une demande unique au titre de l’ensemble des établissements au préfet du département où est implanté l’un quelconque des établissements concernés. Dans ce cas, le contrôle de la régularité des conditions de placement en activité partielle des salariés est confié au représentant de l’État dans le département où est implanté chacun des établissements concernés.

APLD. Lorsque l’employeur saisit l’autorité administrative d’une demande tendant au non-remboursement des allocations versées par l’État dans l’hypothèse où un licenciement pour motif économique a été prononcé pendant la durée de recours à l’APLD ou lorsque l’autorité administrative l’informe qu’elle ne lui demandera pas le remboursement de tout ou partie des sommes qu’il doit, l’employeur en informe le CSE et, le cas échéant, les organisations syndicales signataires de l’accord collectif.

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Fiscalité des entreprises

[Brèves] Écart significatif entre la rémunération convenue pour l'apport et la valeur vénale du bien apporté et intention libérale

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 21 octobre 2020, n° 434512, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A46903YD)

Lecture: 6 min

N5108BYT

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par Sarah Bessedik et Marie-Claire Sgarra

Le 02 Novembre 2020

Par un arrêt du 21 octobre 2020, le Conseil d’État a eu l’occasion de se prononcer sur la caractérisation de l’intention libérale en cas d’écart significatif entre la rémunération convenue pour l’apport et la valeur vénale.

En l’espèce, dans le cadre de la restructuration du groupe à la tête duquel la Société Nouvelle Cap Management (SNCM) a été placée, M. A a apporté à cette société, le 4 février 2008, les 1 319 titres qu'il détenait dans la société à responsabilité limitée (SARL) Cap Management, correspondant à la moitié du capital social de cette dernière, dont il était l'un des deux gérants.

Ces titres ont été évalués forfaitairement à un montant de 500 000 euros et ont été inscrits pour cette valeur à l'actif du bilan de la société bénéficiaire.

À la suite d'une vérification de comptabilité, l'administration a estimé que cet apport avait été sous-évalué, au regard du prix de 1 387 400 euros payé par la société requérante, le 7 mars 2008, pour l'acquisition auprès de M. B, l'autre gérant, des 1 319 autres titres de la société Cap Management, auquel s'était ajouté un complément de prix, d'un montant de 550 000 euros, payé en 2009.

Compte tenu de la discordance constatée entre la valeur d'apport des titres, et le coût d'acquisition des titres détenus en nombre égal, l’administration a regardé cette opération comme constitutive d'une libéralité à concurrence de la somme résultant de cette discordance, soit 1 437 400 euros.

Elle a, par conséquent, assujetti la société SNCM à un rehaussement d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2008, procédant de la réintégration de cette somme dans ses bénéfices sur le fondement du 2 de l'article 38 du Code général des impôts (N° Lexbase : L6167LUX).

La société SNCM se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, statuant sur renvoi, a de nouveau rejeté sa demande (CAA Versailles, 11 juillet 2019, n° 18VE02721 N° Lexbase : A7793ZKT). 

Pour rappel, le 2 de l’article 38 du CGI dispose que « Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés ».

Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même Code (N° Lexbase : L3750HZW) : « Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend :

a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition

b. Pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale

c. Pour les immobilisations apportées à l'entreprise par des tiers, de la valeur d'apport ».

Le Conseil d’État va se livrer à une interprétation combinée de ces deux dispositions et estime alors que si les opérations d'apport sont, en principe, sans influence sur la détermination du bénéfice imposable, tel n'est toutefois pas le cas lorsque la valeur d'apport des immobilisations, comptabilisée par l'entreprise bénéficiaire de l'apport, a été volontairement minorée par les parties pour dissimuler une libéralité faite par l'apporteur à l'entreprise bénéficiaire.

Dans une telle hypothèse, l'administration est fondée à corriger la valeur d'origine des immobilisations apportées à l'entreprise pour y substituer leur valeur vénale, augmentant ainsi l'actif net de l'entreprise dans la mesure de l'apport effectué à titre gratuit.

La preuve d'une telle libéralité doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence :

  • d’un écart significatif entre la rémunération convenue pour l'apport et la valeur vénale du bien apporté ;
  • d’une intention, pour l'apporteur, d'octroyer et, pour la société bénéficiaire, de recevoir une libéralité du fait des conditions de l'apport. Cette intention est présumée lorsque les parties sont en relation d'intérêts. 

Toutefois pour constater l'existence d'un écart significatif entre la rémunération convenue pour l'apport et la valeur vénale des titres apportés par M. A, la cour ne s’est pas prononcée, sur l'incidence qu'aurait pu avoir, sur la valeur des titres de M. B, comme sur celle de M. A, le contexte dans lequel se sont déroulées les opérations litigieuses et, en particulier, tant l'éventualité que la société ait pu majorer le prix payé à M. B, pour obtenir que celui-ci quitte rapidement le capital des sociétés du groupe et sa gouvernance, que la possibilité que M. A ait été dans l'obligation de minorer la valeur d'apport de ses titres afin de se conformer au souhait de ses deux nouveaux associés d'apporter chacun en numéraire une même somme de 500 000 euros.  

Ainsi, l’intention libérale peut être remise en cause et la société requérante est par conséquent fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2008 ainsi que des pénalités correspondantes et à demander à être déchargée de cette imposition.

Pour rappel, le Conseil d’État avait dans le même sens jugé qu’un apport en nature à une société, à une valeur sous-évaluée, peut dissimuler une libéralité imposable chez cette dernière (CE 3°/8°/9° et 10° ch.-r., 9 mai 2018, n° 387071, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6254XML).

À lire, sur cet arrêt, Y. Bénard, Détermination du bénéfice imposable : règles particulières dans le cadre d’un apport à un prix volontairement minoré dissimulant une libéralité – Conclusions du Rapporteur public, Lexbase Fiscal, juin 2018, n° 745 (N° Lexbase : N4451BX7).

Par cet arrêt, le Conseil d’État avait étendu la solution retenue dans l’arrêt « Société Raffypack » concernant les opérations de cession d’une immobilisation à prix minoré aux opérations d’apport à valeur minorée (CE 3° et 8° ssr., 5 janvier 2005, n° 254556, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2265DGY).

 

newsid:475108

Libertés publiques

[Brèves] Fermeture d'une mosquée pour soupçon de radicalisme : pas d'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales d’association, de culte et de religion

Réf. : TA Montreuil, 27 octobre 2020, n° 2011260 (N° Lexbase : A00593Z9)

Lecture: 3 min

N5076BYN

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par Yann Le Foll

Le 28 Octobre 2020

► La décision préfectorale de fermeture d'une mosquée pour soupçon de radicalisme ne constitue pas, en présence de plusieurs éléments attestant effectivement d’une telle tendance une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales d’association, de culte et de religion (TA Montreuil, 27 octobre 2020, n° 2011260 N° Lexbase : A00593Z9).

Faits. Le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil était saisi d’une requête présentée par la Fédération musulmane de Pantin demandant la suspension de l’exécution de l’arrêté de fermeture de la Grande mosquée de Pantin pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis le 19 octobre 2020 pour six mois et fondé sur l’article L. 227-1 du Code de la sécurité intérieure (N° Lexbase : L2131LHE). Elle soutenait que cet arrêté porte une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales d’association, de culte et de religion, de propriété ou encore d’égalité.

Rappel. L’article L. 227-1 du Code de la sécurité intérieure autorise le préfet à fermer provisoirement les lieux de culte lorsque les propos tenus, idées ou théories qui y sont diffusés ou les activités qui s’y déroulent constituent une provocation à la violence, à la haine ou à la discrimination en lien avec le risque de commission d’actes de terrorisme ou provoque à la commission de tels actes. Mais il appartient au juge des référés de s’assurer que l’autorité administrative n’a pas porté d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Décision. La juridiction précise que la liberté de culte, qui est une liberté fondamentale, comporte le droit de participer collectivement à une cérémonie dans un lieu de culte. Mais elle juge que le préfet n’y a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale. L’instruction a en effet révélé que le compte Facebook de la Grande mosquée de Pantin, qui comporte de nombreux abonnés, a relayé le 9 octobre 2020, en la maintenant jusqu’au 16 octobre suivant, jour de l’assassinat de M. Samuel Paty, une vidéo réalisée le 5 octobre par le père d’une collégienne portant sur le contenu du cours d’instruction civique dédié à la liberté d’expression, à la suite de l’attentat de Charlie Hebdo, dispensé par cet enseignant.

Sur le même compte Facebook figure le message d’un internaute révélant à la suite de cette diffusion, l’identité et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle de l’enseignant, sans qu’aucun contrôle, ni désaveu, ait été effectué par l’autorité gestionnaire de la mosquée. En outre, les éléments figurant au dossier ont permis d’établir la présence au sein de cette mosquée d’un imam appartenant à la mouvance islamiste radicale d’Ile-de-France ainsi que sa fréquentation par des individus relevant de la même mouvance.

La requête est donc rejetée (voir déjà pour la fermeture d'une mosquée en raison de tenue de prêches radicaux, TA Versailles, 22 novembre 2017, n° 1708063 (N° Lexbase : A6731W3P).

newsid:475076

Régimes matrimoniaux

[Brèves] Liquidation des intérêts patrimoniaux des époux : extension à l’international des règles internes de compétence avant l’entrée en vigueur du Règlement européen « Régimes matrimoniaux »

Réf. : Cass. civ. 1, 14 octobre 2020, n° 19-11.585, FS-P+B (N° Lexbase : A95813X7)

Lecture: 2 min

N5069BYE

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 28 Octobre 2020

► Il résulte des deux Règlements n° 2201/2003 dit « Bruxelles II bis » (N° Lexbase : L0159DYK) et n° 2016/1103 dit « Régimes matrimoniaux » (N° Lexbase : L2357K98) que le premier ne régit pas la compétence en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux et que le second n’est applicable qu'aux instances engagées après le 29 janvier 2019 ;

il s'en déduit qu'en l'absence de convention internationale ou de Règlement européen régissant la compétence internationale en matière de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux, l'article 42 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1198H47) est applicable, par extension à l'ordre international des règles internes de compétence, à une telle action engagée devant le tribunal de grande instance avant le 1er  janvier 2010.

En l’espèce, les époux s’étaient mariés religieusement en Irlande en 1997. Le couple avait procédé à l'acquisition de plusieurs biens situés en France et s’était séparé en 2008. Le 23 juillet 2009, l’époux avait assigné son épouse devant le tribunal de grande instance de Nice en paiement d’une certaine somme, sur le fondement de l'indivision ayant existé entre eux du fait de leur vie commune, du printemps 1998 au mois d'avril 2008. Une ordonnance du juge de la mise en état avait ordonné une expertise.

Parallèlement, en 2013, l’épouse avait engagé une procédure de divorce en Irlande. Par jugement du 8 mars 2016, le tribunal de grande instance de Nice avait constaté que les époux étaient mariés au regard du droit irlandais et qu'une procédure de divorce était pendante devant la High Court Family Law d'Irlande du Nord. Il s'était déclaré incompétent pour connaître du litige et avait renvoyé les parties à mieux se pourvoir. Le 5 février 2018, la juridiction irlandaise s'était déclarée compétente pour connaître du divorce des parties.

L’époux faisait grief à l’arrêt du 21 novembre 2018 de rejeter le contredit et de confirmer la décision entreprise en ce que le juge s'est déclaré incompétent pour connaître du litige et a renvoyé les parties à mieux se pourvoir.

Il obtient gain de cause devant la Haute juridiction qui, après avoir énoncé la solution précitée, censure l’arrêt qui avait fait application du Règlement n° 2201/2003 pour accueillir l'exception d'incompétence au profit des juridictions irlandaises, alors que, selon la Cour suprême, ce Règlement n'était pas applicable à l'action engagée par l’époux ; la cour d'appel avait ainsi violé les textes et principes susvisés.

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Voies d'exécution

[Brèves] Mesures conservatoires : l’exclusion de la compétence du juge de l’exécution pour défaut de compétence des juridictions de l’ordre judiciaire

Réf. : Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-16.347, F-P+B+I (N° Lexbase : A88183YA)

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 05 Novembre 2020

► Le juge de l’exécution autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre, même si elles portent sur le fond du droit, à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.

Faits et procédure. Une étude de notaires a sollicité du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer des saisies conservatoires sur les parts détenues par un des associés dans plusieurs sociétés civiles immobilières et ses comptes bancaires ouverts dans différentes banques, pour garantir une créance de ce dernier à son égard. Le juge de l’exécution a rendu une ordonnance favorable à sa requête. Il a également par une seconde ordonnance autorisé le requérant d’inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur trois biens immobiliers appartenant aux sociétés civiles immobilières du défendeur. Le défendeur, son épouse et les sociétés civiles immobilières ont assigné le requérant devant le juge de l’exécution pour solliciter à titre principal la mainlevée de ses mesures conservatoires sur les biens, et à titre subsidiaire la mainlevée des autres mesures conservatoires portant sur les parts sociales. N’ayant pas obtenu gain de cause l’ensemble des demandeurs a interjeté appel du jugement les déboutant de l’ensemble de leurs demandes.

Le pourvoi. Les demandeurs au pourvoi font grief à l’arrêt rendu le 13 mars 2019, par la cour de Besançon, de les avoir déboutés de l’ensemble de leurs prétentions et de confirmer les ordonnances rendues par le juge de l’exécution.

Dans un premier temps, les demandeurs énoncent que la cour a excédé ses pouvoirs et a violé les articles L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire (N° Lexbase : L7740LPD) et L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution (N° Lexbase : L5913IRG). Les intéressés indiquent que, lorsque le juge de l’exécution est saisi par le débiteur d’une demande de mainlevée d’hypothèque judiciaire provisoire sur des biens appartenant à des sociétés, il n’a pas compétence pour se prononcer sur le caractère prétendument fictif de ces sociétés, et il ne peut en conséquence refuser sur ce seul motif d’ordonner la mainlevée. En l’espèce, le juge de l’exécution a retenu que les sociétés seraient fictives et qu’elles auraient répondu à des fins frauduleuses.

Dans un second temps, les intéressés, font valoir que la cour d’appel a privé sa décision de base légale en violant les articles 1832 (N° Lexbase : L2001ABQ), 1833 (N° Lexbase : L8681LQL), 1844-10 (N° Lexbase : L8683LQN) et 1844-15 (N° Lexbase : L2035ABY) du Code civil. Les demandeurs énoncent qu’à supposer que le juge de l’exécution eût compétence pour se prononcer sur le caractère fictif des sociétés, l’existence de liens familiaux entre les associés, la faiblesse de leurs apports et le fait que les assemblées générales n’aient pas été tenues depuis leurs créations, ne suffisent pas à établir le caractère fictif de ces dernières. En l’espèce, le juge de l’exécution s’est contenté des affirmations du requérant pour indiquer que les sociétés étaient fictives, car elles étaient constituées avec des apports symboliques, et étaient composées des époux comme seuls associés, en qualité de gérant ou co-gérant et que les assemblées générales n’avaient jamais été tenues.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé la solution précitée au visa de l’article L. 213-6 du Code de l’organisation judiciaire, les Hauts magistrats relèvent que, pour déterminer si l’inscription d’hypothèque judiciaire pouvait être prise sur des biens appartenant à des sociétés pour garantir la créance du débiteur à l’égard du requérant, la cour d’appel a examiné si les sociétés pouvaient être considérées comme fictives. La Cour suprême indique que la cour d’appel a légalement justifié sa décision et ne s’est pas bornée à relever le caractère familial des sociétés: dans un premier temps, par les motifs adoptés qui énoncent que les sociétés étaient exclusivement détenues par le débiteur et son épouse, avec laquelle il partageait leur direction, et que deux de ces sociétés avaient été utilisées pour dissimuler les acquéreurs réels des biens au mépris des obligations déontologiques du débiteur ; dans un second temps, par les motifs propres, du fait que l’absence des assemblées générales annuelles, et des registres sociaux.

Solution. La Cour suprême rejette le pourvoi.

 

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