La lettre juridique n°738 du 12 avril 2018

La lettre juridique - Édition n°738

Affaires

[Doctrine] Difficultés de structuration fiscale des ICOs françaises : étude de cas

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par Lionel Agossou, Vaughan Avocats, Associé

Le 03 Juillet 2018

 

 

La structuration fiscale d’une Initial Coin Offering ("ICO") constitue un vrai défi pour les fiscalistes. Avant d’entrer dans les méandres de complexité fiscale suscités par la mise en œuvre de ces opérations d’un genre nouveau, essayons de les comprendre.

L’ICO s’inscrit dans une philosophie de libéralisation de l’économie, sous-jacente aux cryptomonnaies, en permettant de réaliser une levée de fonds participative et désintermédiée. L’ICO consiste, pour l’initiateur, à émettre des jetons ("token") créés sous protocole blockchain, acquis en contrepartie d’un paiement en cryptomonnaie.

Cette promesse d’une levée de fonds libre attire de nombreuses startups technologiques, notamment celles dont le modèle économique est basé sur le déploiement d’une plateforme collaborative. Au 1er avril 2018, le site Cryptocurrency Market Capitalizations  recensait 677 ICOs, réalisées ou en cours de réalisation, pour une capitalisation totale de près de 30 milliards de dollars américains. La grande majorité des ICOs recensés sur ce site, utilise le protocole d’échange décentralisé Ethereum, basé sur la technologie blockchain, dont l’unité de compte (la cryptomonnaie) est l’Ether.

La technologie blockchain, permettant la transmission et le stockage d’information sans organe de contrôle, constitue le fondement de cette architecture de vente de biens, de prestations de services et de financement basée sur trois piliers : partage, confiance et consensus.

Les ICOs se multiplient en France. Le programme d’études sur les levées de fonds en actifs numériques, baptisé "UNICORN" et initié par l’Autorité des marchés financiers ("AMF") en octobre 2017, vient d’être restitué sous la forme d’une synthèse. Les chiffres communiqués sont éloquents : 82 réponses à la consultation, 15 entreprises ayant réalisé ou projetant de réaliser une ICO rencontrées avant la clôture de la consultation, 21 projets connus à la date de publication de la synthèse, l’équivalent de 350 millions d’euros collectés lors des émissions dont la valorisation sur le marché secondaire atteindrait 552 millions d’euros.

Quelle entreprise technologique de croissance peut décemment ignorer ce nouveau mode de financement ? Aucune, sous réserve que les autorités publiques et les praticiens soient en mesure d’offrir aux initiateurs et aux acheteurs de tokens un cadre juridique et fiscal agile, sécurisé et compétitif…

Le cadre juridique : "coming soon" 

Sur la méthode, la définition d’un cadre juridique ad hoc est l’option retenue par les deux tiers des répondants à la consultation et l’AMF semble en accord avec cette solution.

En pratique, les initiateurs d’ICOs émettent deux catégories de jetons. Les jetons dit d’usage, c’est-à-dire ceux qui "octroient un droit d’usage à leur détenteur en leur permettant d’utiliser la technologie et/ou les services distribués par le promoteur d’ICO" et les jetons qui ont pour objet d’octroyer à leur détenteur des droits financiers ou des droits de vote. Comme le relève l’AMF, ces derniers sont minoritaires. La pratique est essentiellement confrontée à l’émission de tokens d’usage.

L’AMF, se basant sur ses propres travaux et sur les réponses reçues, et après avoir partagé le constat des répondants sur "la difficulté d’apporter une réponse unique", opère une tentative de qualification juridique "globale" des tokens dont il est possible de retenir une exclusion a priori des qualifications de titres financiers (titres de capital[3] ou titres de créances) ou de contrats financiers. Une qualification préférentielle serait celle de bien meuble incorporel relevant possiblement du régime d’intermédiation en bien divers.

Il est notable que l’AMF réalise cet exercice de qualification sur la base d’une approche "substance over form", chère aux fiscalistes. Cette approche est partagée par la "majorité des répondants" qui "insistent sur la nécessité de proposer une classification des tokens en fonction des droits, contreparties ou avantages auxquels ils donnent accès, ce qui permettrait de préciser le régime juridique associé à chaque type de token".

Ce souhait méthodologique est louable sous réserve qu’une telle classification soit garante de la sécurité juridique et fiscale dont les initiateurs ont besoin pour rendre attractifs les ICOs français.

Le cadre comptable en "stand by"

Les autorités comptables françaises (ANC, CNCC) sont muettes sur la question du traitement comptable des ICOs. La question est d’autant plus complexe qu’elle doit être appréciée à la fois au regard des normes domestiques que des normes internationales (IFRS), ce qui suppose dans ce dernier cas un travail collaboratif avec l’International Accounting Standards Board ("IASB"), lui-même taiseux.

La qualification juridique du token constitue, ici encore, la difficulté à dépasser afin d’asseoir un régime comptable clair.

En l’absence de position comptable, le traitement fiscal du token doit être envisagé avec la plus grande prudence, par définition[4]. Cependant, la fiscalité ayant horreur du vide et les opérations d’ICOs nous étant soumises pour appréciation, nous prendrons le risque de partager les solutions que nous retenons et les doutes qui nous accaparent, au risque d’effrayer les initiateurs et utilisateurs-investisseurs de ces drôles de jetons.

Le cadre fiscal : proposition d’étude de cas

Examinons donc le cas typique d’une startup NTTR dont le modèle est basé sur l’économie collaborative et qui a pour projet d’entreprise, à l’issue de développements à financer, de remplacer sa plateforme collaborative par une organisation décentralisée autonome, ou DAO[5], c’est-à-dire une organisation basée sur une application blockchain et proposant des règles de gouvernance autonomes à une communauté.

Le financement de ces investissements (recherche et développement, production logicielle, …) est structuré autour d’une ICO initiée par NTTR en deux ou plusieurs tranches. Les tokens NTTR seront vendus contre des Ether au public, mais également, pour des volumes moindres, aux fondateurs, à certains managers et aux sponsors du projet.

Les tokens NTTR sont assortis des droits aussi divers et variés que l’accès à la plateforme puis à ses évolutions vers une DAO, la participation à la communauté, un moyen de paiement des biens ou des services échangés sur la plateforme entre les utilisateurs, l’accès à un coffre numérique ou la possibilité d’acheter des services premium offerts par la plateforme elle-même.

En résumé, les tokens NTTR permettent soit d’accéder à la plateforme et à sa gouvernance, soit de rémunérer une vente de biens ou de services.

 

1. Traitement fiscal de la vente de tokens pour l’initiateur (NTTR)

 

Si nous nous tenons à l’état d’avancement du processus de qualification juridique rappelé ci-avant, l’initiateur réalise une vente d’un bien meuble incorporel.

  • S’agissant de l'imposition du résultat

Les règles de territorialité s’appliquent. Aux termes de l’article 209-I du Code général des impôts (N° Lexbase : L9416LH9), le bénéfice doit être déterminé en tenant compte "des résultats des entreprises exploitées en France, ainsi que de ceux dont l’imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions". En d’autres termes, toute entreprise est imposable en France à raison des profits tirés des exploitations situées en France. Corrélativement, les profits réalisés dans des exploitations localisées à l’étranger ne sont pas taxables.

En l’absence d’établissement stable étranger susceptible de supporter tout ou partie de l’activité de NTTR, les bénéfices issus de ventes de tokens NTTR seront donc taxables en France dès lors que l’ICO est initiée depuis la France.

La vente de tokens constitue un produit à retenir pour la détermination du bénéfice imposable. S’agissant d’une vente d’un bien meuble incorporel, ce produit est imposable dès qu’il est certain dans son principe et dans son montant. Dès lors que le transfert de propriété du token est intervenu entre l’initiateur et l’acheteur, le produit devient immédiatement imposable.

Cette question du rattachement du produit de la vente de tokens aux résultats de l’exercice au cours duquel intervient la livraison du token constitue l’une des premières difficultés spécifiques aux ICOs. En effet, l’impôt correspondant peut s’avérer substantiel (IS au taux de 33,1/3 %[6], contribution sociale de 3,3 %)[7], en l’absence de charges d’un montant équivalent engagées à la clôture de l’exercice.

L’initiateur prend ici la mesure d’une différence fondamentale entre une levée de fonds, comptabilisée en dette ou en capital, et une ICOs ou vente de tokens, constitutive d’un revenu immédiatement imposable.

En effet, cette situation obligera l’initiateur à envisager des solutions opérationnelles, juridiques, comptables et fiscales dont l’objet est de différer la perception du produit de la vente, donc la vente du token, et ainsi d’aligner les conséquences fiscales de la perception des produits et la réalité économique du déploiement d’un projet économique incompatible avec cette immédiateté fiscale.

A titre d’exemple, il pourrait être envisagé une vente de token assortie du paiement d’acomptes, les acomptes étant enregistrés dans des comptes d’attente, ou encore la structuration de mécanisme de promesses ou d’options permettant de répartir le revenu à percevoir entre, une prime, perçue et fiscalisée à la date de conclusion du contrat d’option, et un prix d’exercice, perçu et fiscalisé à la date de dénouement.

Sur le plan des dépenses de recherche et de développement ou des dépenses de conception de logiciel, l’option pour la déduction fiscale immédiate devrait être retenue [8], associée à des stratégies opérationnelles d’engagement rapide de ces mêmes dépenses, afin de permettre une déduction maximale sur l’exercice de constatation du produit issu de la vente des tokens.

Pour autant ces bonnes pratiques en matière de déduction des charges ne permettant pas forcément de rapprocher le résultat fiscal de la réalité économique et temporelle, d’autres solutions mériteraient d’être explorées.

Par exemple, le régime des provisions pour prestations à fournir a pour objet d’atténuer l’effet abrupt des règles de rattachement des produits aux résultat de l’exercice de livraison en cas de ventes. Lorsque des services liés à une vente doivent être ultérieurement rendus, sans supplément de prix, la comptabilisation et la déduction fiscale d’une provision destinée à couvrir les coûts restant à supporter à ce titre, est autorisée sous réserve que ces coûts puissent être évalués avec une approximation suffisante et qu’un lien direct soit établi entre les coûts et l’engagement souscrit (en ce sens, CE 7° et 9° s-s-r., 15 novembre 1989, n° 90844 N° Lexbase : A1514AQ7). Dès lors que la vente du token pourrait être assimilée à un contrat par lequel l’initiateur s’engage à livrer une prestation future (notamment le développement du programme DAO, des services décentralisés et du mode de gouvernance associé), il pourrait être envisagé de constater une telle provision.

  • S’agissant de la soumission à TVA

En matière de taxe sur la valeur ajoutée, la vente d’un token NTTR s’analyse comme une vente de prestations de services, par assimilation des biens meubles incorporels, soumise à la TVA. La TVA est exigible lors du paiement en monnaie fiat[9] ou en crypto-monnaie.

 

2. Traitement fiscal de l’achat de tokens pour l’acheteur-investisseur

 

  • S’agissant de l’imposition du résultat

Le traitement diffère si l’acheteur-investisseur est une personne physique soumise à l’impôt sur le revenu ou une personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés.

Pour la personne physique soumise à l’impôt sur le revenu, la remise d’une cryptomonnaie contre un token constitue une vente imposable dans la catégorie des BNC si cette vente ne relève pas d’une activité habituelle. Dans le cas contraire, cette vente est imposable dans la catégorie des BIC. Le gain taxable est égal à la différence entre la valeur du token acquis et la valeur d’acquisition de la cryptomonnaie, son imposition est due au titre de l’année de souscription à l’ICO. Le taux effectif d’imposition pourrait osciller entre 54,7 % (BIC) et 62,2 % (BNC), avant application éventuelle de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus (3 à 4 %).

Cependant, il est possible de s’interroger également sur l’application aux ventes de cryptomonnaie du régime des plus-values sur biens meubles réalisées par des personnes physiques. Les plus-values réalisées par les particuliers à l'occasion de la cession de biens meubles, dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, sont en principe taxables à l'impôt sur le revenu au taux de 19 % auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux (17,2 %).

Pour la personne morale soumise à l’impôt sur les sociétés, la remise d’une cryptomonnaie contre un token constitue également une vente imposable, immédiatement, à l’impôt sur les sociétés pour la différence entre le prix d’acquisition de la cryptomonnaie et le prix de cession.

  • S’agissant de la soumission à TVA

L'article 256 du Code général des impôts (N° Lexbase : L0374IWR) place dans le champ d'application de la TVA les livraisons de biens corporels et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. Ainsi, lorsqu’elle est exercée d'une façon indépendante, dans le cadre d’une activité économique régulière, la vente d’une cryptomonnaie sera soumise à la TVA. La TVA est exigible lors du paiement (remise du token). A défaut de régularité ou de permanence de telles opérations de vente ou à défaut d’agir en tant qu’assujetti, la vente sort du champ d’application de la TVA.

 

3. Les autres aspects fiscaux des ICOs

 

Les tokens placés en réserve

Bien après l’ICO, l’initiateur est susceptible de vendre contre de la cryptomonnaie des tokens qu’il aurait conservés en réserve. Ces tokens auront été inscrits en stock pour leur coût de revient et pourront faire l’objet d’une dépréciation d’après le cours du jour à la date de l’inventaire, s’il est inférieur au coût de revient.

Lors de la vente des tokens en stock, le produit sera imposable selon les mêmes modalités que celles de l’émission, pour la différence entre leur coût de revient et le prix de la cryptomonnaie reçue en contrepartie. En matière de TVA, la vente s’analysera également en prestation de services soumise à la TVA selon les mêmes modalités que celles retenues lors de l’émission.

Les attributions préférentielles de tokens

Les initiateurs d’ICOs ont pour habitude de réserver un certain nombre de tokens aux fondateurs de la société, à certains salariés et à des sponsors du projet. Ces attributions sont faites gratuitement ou à vil prix.

L’attribution gratuite ou pour un prix avantageux de tokens est susceptible d’être challengée par l’administration fiscale sur le fondement de l’acte anormal de gestion (renonciation à recette). Il est donc impératif pour l’initiateur de justifier de la contrepartie attendue. De telles justifications devraient également permettre d’écarter la critique relative à l’existence d’une libéralité.

Par ailleurs, le risque de voir l’avantage financier constitutif de la différence entre le prix de vente du token et son prix d’attribution préférentielle, soumis à charges sociales ne devra pas être sous-estimé dès lors qu’il pourrait être démontré que l’octroi de tokens trouverait sa source dans le contrat de travail conclu entre l’initiateur et le bénéficiaire ou dans une fonction de dirigeant.

Côté bénéficiaire, l’attribution gratuite de tokens génère la fiscalisation immédiate du gain correspondant à la valeur totale du token à sa date d’attribution lorsque celui-ci est attribué à une personne physique. Les personnes morales soumises à l’IS se trouveraient dans une situation identique dès lors que le token ainsi attribué devrait être inscrit à l’actif du bilan pour sa valeur réelle, générant ainsi une variation d’actif net positive imposable à l’IS.

 

En définitive, et en l’état des régimes fiscaux susceptibles de s’appliquer, les ICOs sont des opérations fortement taxées pour l’initiateur et pour l’acquéreur en cryptomonnaie. Un tel niveau d’imposition doit être intégré dans l’opération de financement envisagée afin d’évaluer le montant des sommes réellement disponibles post-ICO et fiscalité (impôt sur les sociétés, contributions sociales, TVA). Les solutions évoquées ci-dessus, et d’autres encore, doivent être analysées par les initiateurs et leurs conseils afin de sécuriser et d’optimiser ce montant. Les difficultés liées à l’attribution préférentielle de tokens doivent également être anticipées.

 

 

 

 

[1] Cryptocurrency Market Capitalizations

[2] AMF, synthèse des réponses à la consultation publique portant sur les Initial Coin Offerings (ICO) et point d’étape sur le programme "UNICORN", 22 février 2018.

[3] Sauf le cas particulier du token qui confèrerait des droits politiques et financiers analogues à ceux d’une action.

[4] Chaque fois qu'il n'est pas prévu une règle fiscale différente, les principes comptables s’appliquent prioritairement pour la détermination du résultat imposable (CGI, ann. III, art. 38 quater [lXB=L1193HLR]).

[5] Decentralized Autonomous Organization.

[6] 28 % en dessous de 500.000 euros de bénéficie fiscal.

[7] Hors bénéfice d’un régime dérogatoire type jeune entreprise innovante.

[8] CGI, art. 236, I. (N° Lexbase : L2941LCW).

[9] Monnaie traditionnelle (€, $, £, …).

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Baux d'habitation

[Brèves] QPC sur la résiliation des contrats de location d'habitation par certains établissements publics de santé : conformité sous réserve !

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-697 QPC du 6 avril 2018 (N° Lexbase : A1218XKC)

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 11 Avril 2018

L'article 137 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 (N° Lexbase : L2582KXW), a introduit un nouvel article 14-2 dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 (N° Lexbase : L8461AGH), visant à permettre aux bailleurs établissements publics de santé de prononcer la résiliation anticipée du contrat de bail les liant à des tiers pour attribuer ou louer les logements à leur personnel. Ces dispositions ont donné lieu à une question prioritaire de constitutionnalité formulée de la manière suivante "les dispositions de l'article 137 de la loi du 26 janvier 2016 en ce qu'elles sont applicables uniquement à certains locataires, selon que le bailleur est un établissement public de santé mentionné dans la loi ou non, et d'application immédiate aux contrats en cours, méconnaissent-elles les droits et libertés garantis par les articles 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 6 (N° Lexbase : L1370A9M) et 16 (N° Lexbase : L1363A9D) de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ?". La QPC ainsi soulevée avait été transmise au Conseil constitutionnel par décision de la Cour de cassation en date du 16 janvier 2018 (Cass. QPC, 16 janvier 2018, n° 17-40.059, FS-P+B N° Lexbase : A5272XAI).

Les dispositions attaquées sont finalement jugées, par le Conseil constitutionnel, conformes -sous réserve- à la Constitution, par décision rendue le 6 avril 2018 (Cons. const., décision n° 2018-697 QPC du 6 avril 2018 N° Lexbase : A1218XKC).

 

S’agissant de l'article 14-2 de la loi du 6 juillet 1989, critiqué sur le fondement du principe d’égalité protégé par l’article 6 de la DDHC, les Sages relèvent que ces dispositions visent à permettre d'attribuer un logement aux agents de ces trois établissements publics de santé à proximité du lieu d'exercice de leurs fonctions. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu permettre à ces trois groupes hospitaliers situés dans des zones où le marché du logement est particulièrement tendu de loger leurs agents à proximité de leurs différents sites pour assurer la continuité du service public. Il a ainsi poursuivi un objectif d'intérêt général. Toutefois, le législateur n'a pas exclu que ce pouvoir de résiliation puisse être exercé par les établissements hospitaliers bailleurs à l'égard de leurs propres agents, ni défini les critères suivant lesquels il pourrait, dans ce cas, s'exercer. Or, compte tenu de l'objet de la loi, ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, être appliquées aux agents en activité employés par les établissements bailleurs. Sous cette réserve, le Conseil constitutionnel estime que la différence de traitement contestée est en rapport avec l'objet de la loi.

 

Il juge ensuite conforme les dispositions du II de l’article 137 précité, concernant l’application de l’article 14-2 aux contrats en cours, lesquelles poursuivent le même motif d'intérêt général que celui précité.

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Droit des étrangers

[Questions à...] Projet de loi «Asile et Immigration» - Questions à Madame le Bâtonnier Pascale Taelman

Réf. : Projet de loi, pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 21 février 2018.

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par Marie Le Guerroué

Le 11 Avril 2018

Droit des étrangers / Interview / Projet de loi "Asile et immigration" / Politique d'éloignement / Rétention administrative / Système d'accueil 

Le ministre de l’Intérieur a présenté le 21 février 2018 en conseil des ministres un projet de loi pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif. L’objectif avancé par le ministre est de «mieux maitriser l’immigration pour mieux l’accueillir» [1]. Si le Gouvernement défend un texte équilibré entre «humanité et efficacité», tel n’est pas l’avis des associations de défense des droits des étrangers qui y voient, tout au contraire, un texte «dangereux» pour les personnes étrangères [2]

Alors que les députés étudient actuellement les différentes propositions du projet de loi, Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de revenir sur les enjeux de ce texte à travers le regard éclairé de Pascale Taelman, Bâtonnier du Barreau du Val de Marne et spécialiste du Droit des Etrangers et de la Nationalité.

 

Lexbase : Le projet de loi «Asile et immigration» sera le troisième texte de loi adopté en matière d’asile en l’espace de quatre ans, pourquoi, selon vous, un nouveau texte s’avérait-il nécessaire ?

 

Madame Pascale Taelman : A mon sens, il n’est absolument pas nécessaire. D’ailleurs, le Conseil d’Etat lui-même a indiqué qu’on n’avait pas de recul suffisant sur le texte de 2015 pour envisager un nouveau texte [3]. Il s’agit uniquement d’un effet d’annonce, qui ne repose sur aucune réalité ou besoin sérieux.

 

Lexbase : Le projet de loi asile distingue trois axes d’amélioration. Le premier a pour objectif de ramener le traitement de la demande d’asile à six mois en réduisant à la fois le délai d’examen de la demande et celui de la phase contentieuse. Cette accélération du temps de la procédure vous semble-t-elle souhaitable ?

 

Madame Pascale Taelman : Evidemment non. Curieusement rien n’est dit du temps que l’on pourrait gagner en amont, c’est-à-dire dans la phase purement administrative avant l’enregistrement même de la demande d’asile. Les délais à raccourcir ne sont envisagés que dans la phase du temps donné au requérant pour établir ce qu’il dit, pour préparer sa demande, pour obtenir des conseils, pour parvenir à décoder la procédure à laquelle il est soumis. Réduire le délai initial de la demande de 120 jours à 90 jours, c’est réduire les possibilités pour le demandeur d’asile de pouvoir comprendre les démarches qui lui sont nécessaires, dans un pays qu’il ne connaît pas, dans une langue qu’il ne maîtrise pas, avec des règles dont il ignore tout. C’est le mettre en  grande difficulté pour trouver, conseils, traducteurs, mode d’emploi de la procédure française.

S’agissant de la phase de recours contre la décision de l’Ofpra, il me semble important de rappeler que le demandeur d’asile dispose déjà de délais particulièrement dérogatoires du droit commun. En effet, dans une procédure administrative classique, le justiciable qui est confronté à une décision administrative qui ne lui convient pas, dispose de deux mois pour la contester devant un tribunal administratif, puis lorsque la décision est rendue, il dispose d’un nouveau délai pour saisir la cour administrative d’appel (double degré de juridiction). En l’état du droit aujourd’hui, le demandeur d’asile ne dispose pas du double degré de juridiction, puisque la décision administrative qu’il attaque, la décision de l’Ofpra, il doit la déférer directement à la CNDA ; en outre, le délai dont il dispose pour le faire n’est que d’un mois, c’est à dire moitié moins que pour le contentieux classique. Et on voudrait encore réduire de moitié ce délai…

 

Lexbase : Le second objectif avancé par le gouvernement est de renforcer la politique d‘éloignement. Sont, à cette fin, prévues l’augmentation de la durée maximale de la retenue pour vérification du droit au séjour de 16 à 24 heures et l’augmentation de la durée maximale de la retenue administrative passant de 45 à 90 jours. Quel avis portez-vous sur ces nouvelles mesures ? Pensez-vous qu’elles répondront à l’objectif avancé par le gouvernement ?

 

Madame Pascale Taelman : Malheureusement, je n’en pense aucun bien. On prétend vouloir accueillir mieux alors qu’en réalité tout est mis en œuvre pour enfermer plus et rejeter davantage. On sait parfaitement, parce que des études ont été faites sur cette question en particulier par la CIMADE, que c’est dans les premiers jours de la rétention administrative que les reconduites sont effectuées. Ainsi, ce n’est pas par un enfermement systématique et plus long des étrangers que l’on parviendra à quelque efficacité que ce soit, dans le dispositif d’éloignement. En revanche, ce sera l’occasion de stigmatisations et d’humiliations supplémentaires. Sans parler du coût que cela représente et qu’on pourrait utiliser utilement à améliorer le système d’accueil, par exemple.

 

Lexbase : Le troisième axe développé par le projet de loi concerne l’amélioration de l’accueil des étrangers admis au séjour en assouplissant les démarches pour des publics ciblés tels que les entrepreneurs, les étudiants ou les victimes des mariages forcés. Ces mesures vous semblent-elles aller dans le bon sens ?

 

Madame Pascale Taelman : Là on sort complètement du champ spécifique de l’asile. On est clairement dans le domaine de l’immigration «choisie», puisque cela concerne les étudiants ayant un niveau master ou assimilé, les chercheurs, les créateurs d’entreprises, constituant les fleurons de l’immigration souhaitée.  Alors oui, pour cette catégorie de personnes il y a un certain progrès.

De même, l’article 29 étend aux victimes de violences «familiales» et non seulement «conjugales» la possibilité d’obtenir un titre de séjour prévu par l’article L. 316-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L9540I3Q) ; c’est évidemment un point positif. Cependant, très peu de personnes seront concernées du fait de l’exigence de conditions très restrictives, et en particulier qu’il y ait eu une condamnation définitive de l’agresseur

.

Lexbase : Enfin, quels sont, selon vous, les autres pistes qui devraient être explorées pour améliorer le système d’asile français ?

 

Madame Pascale Taelman : Il faudrait commencer par réfléchir différemment et redonner à la Convention de Genève [4] et aux termes mêmes de notre Constitution (N° Lexbase : L0826AH3) tout leur sens. Il faudrait envisager que l’on puisse obtenir des visas dans nos ambassades pour cause d’asile, ce qui éviterait bien des drames tels que ceux de la Méditerranée ; il faudrait retrouver notre tradition d’accueil au lieu de ne réfléchir qu’en termes d’exclusion.

 

[1] Communiqué de Presse du ministère de l’Intérieur.

[2] V., notamment, l’avis de «La Cimade».

[3] CE avis, 15 février 2018, n° 394206 (N° Lexbase : A1476XEE).

[4] Convention relative au statut des réfugiés, Genève du 28 juillet 1951 (N° Lexbase : L6810BHP).

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Égalité de traitement

[Brèves] Précisions de la Cour de cassation concernant le "complément Poste"

Réf. : Cass. soc., 4 avril 2018, n° 16-27.703 (N° Lexbase : A9045XIT), n° 17-11.680 (N° Lexbase : A9046XIU) et n° 17-11.814 (N° Lexbase : A9047XIW), FP-P+B+R+I

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N3529BXY

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par Charlotte Moronval

Le 11 Avril 2018

En application du principe d'égalité de traitement, pour percevoir un "complément Poste" du même montant, un salarié doit justifier exercer au même niveau des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se compare. Ainsi, aucune atteinte au principe d’égalité de traitement n'est caractérisée dès lors que la salariée ne se comparait à aucun fonctionnaire déterminé exerçant au même niveau des fonctions identiques ou similaires. De même, aucune atteinte au principe d’égalité de traitement n’était établie dès lors que les fonctionnaires percevant un "complément Poste" “seuil haut” auxquels les salariés se comparaient, quoiqu’exerçant en dernier lieu au même niveau des fonctions identiques ou similaires de facteur, avaient tous, à la différence des salariés, occupé des fonctions qui, par leur diversité et leur nature, leur conféraient une meilleure maîtrise de leur poste. Telles sont les solutions issues de plusieurs arrêts rendus le 4 avril 2018 par la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 4 avril 2018, n° 16-27.703 N° Lexbase : A9045XIT, n° 17-11.680 N° Lexbase : A9046XIU et n° 17-11.814 N° Lexbase : A9047XIW, FP-P+B+R+I).

En l'espèce, des salariés de la Poste saisissent la juridiction prud'homale de demandes de rappel de salaires au titre du "complément Poste".

 

Pour rappel, selon une délibération du 25 janvier 1995 du conseil d'administration de La Poste, les primes et indemnités perçues par les agents de droit public et les agents de droit privé et initialement regroupées au sein d'un complément indemnitaire ont été supprimées et incorporées dans un tout indivisible appelé "complément Poste" constituant désormais de façon indissociable l'un des sous-ensembles de la rémunération de base de chaque catégorie de personnel et, selon la décision du 4 mai 1995, le président du conseil d'administration a défini les règles d'évolution du "complément Poste" en énonçant notamment qu'il rétribue le niveau de fonction et tient compte de la maîtrise du poste. 

Dans le premier arrêt (n° 17-11.814), la Cour de cassation approuve l'arrêt de la cour d'appel qui avait rejeté la demande présentée par une salariée qui ne se comparait à aucun fonctionnaire exerçant au même niveau des fonctions identiques ou similaires aux siennes.

Dans le second arrêt (n° 17-11.680), elle approuve de la même manière les arrêts ayant rejeté les demandes des salariés qui se comparaient à un fonctionnaire qui exerçait comme eux des fonctions identiques ou similaires de facteur, mais qui, à la différence des salariés, avait occupé des fonctions qui par leur diversité et leur nature, lui conféraient une meilleure maîtrise de son poste.

Dans le dernier arrêt (n° 16-27.703), elle précise qu'il appartenait à chaque salarié de démontrer qu'il exerçait des fonctions identiques ou similaires à celles du fonctionnaire auquel il se comparait. En l'occurrence, conformément à la thèse qu'ils soutenaient, selon laquelle le "complément Poste" n'aurait rétribué que le niveau, indépendamment des fonctions exercées, les salariés s'étaient refusés à préciser les fonctions exercées aussi bien par eux-mêmes que par le fonctionnaire auquel ils se comparaient. Ils ne démontraient donc pas se trouver dans une situation identique ou similaire à celle du collègue dont ils demandaient à percevoir un "complément Poste" de même montant. C'est pourquoi la Cour de cassation a estimé qu'elle pouvait, en statuant sans renvoi, mettre fin elle-même à ces litiges (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0719ETS).

newsid:463529

Expropriation

[Brèves] Bien exposé au risque d'érosion côtière : conformité à la Constitution de la procédure d’expropriation

Réf. : Cons. const., décision n° 2018-698 QPC, du 6 avril 2018 (N° Lexbase : A1219XKD)

Lecture: 1 min

N3550BXR

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par Yann Le Foll

Le 11 Avril 2018

La procédure d’expropriation relative aux biens exposés au risque d'érosion est conforme à la Constitution. Telle est la solution d’une décision rendue par le Conseil constitutionnel le 6 avril 2018 (Cons. const., décision n° 2018-698 QPC du 6 avril 2018 N° Lexbase : A1219XKD).

 

Les dispositions de l’article L. 561-1 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L8171I4E) organisent la procédure d’expropriation pour risque naturel mais n’incluent pas le risque d'érosion côtière. Le syndicat requérant soutient que les dispositions contestées seraient inconstitutionnelles en ce qu'elles ne s'appliquent pas au propriétaire d'un bien exposé au risque d'érosion côtière. Elles méconnaîtraient le principe d'égalité devant la loi dès lors qu'elles créeraient une différence de traitement injustifiée entre le propriétaire d'un bien situé sur un terrain exposé au risque d'érosion côtière et le propriétaire d'un bien menacé par l'un des risques mentionnés à l'article L. 561-1.

 

Les Sages indiquent que, lorsque le législateur a créé cette procédure spécifique d'expropriation pour cause d'utilité publique, il a entendu protéger la vie des personnes habitant dans les logements exposés à certains risques naturels, tout en leur assurant une indemnisation équitable. Ainsi, le législateur n'a pas entendu instituer un dispositif de solidarité pour tous les propriétaires d'un bien exposé à un risque naturel, mais uniquement permettre d'exproprier, contre indemnisation, ceux exposés à certains risques naturels.

 

En outre, si la procédure d'expropriation s'accompagne d'une indemnisation du propriétaire, son objet principal est de priver le propriétaire de son bien. Dès lors, il ne saurait résulter de l'absence d'application de cette procédure au propriétaire d'un bien soumis à un risque d'érosion côtière une atteinte au droit de propriété.

newsid:463550

Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Régime de faveur prévu par l'article 150-0 D ter du CGI : modalités d'imposition des gains nets de cession à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux réalisés par les dirigeants de sociétés faisant valoir leurs droits à la retraite

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 5 mars 2018, n° 409970 du 5 mars 2018, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1298XG8)

Lecture: 10 min

N3535BX9

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par Guy Quillévéré, Président des tribunaux administratifs de Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna

Le 11 Avril 2018

Le Conseil d'Etat par un arrêt du 5 mars 2018 juge que le départ à la retraite d'un dirigeant qui ne satisfait pas aux conditions des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts (N° Lexbase : L9350LHR) ne constitue pas davantage un évènement exceptionnel au sens du second alinéa du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts (N° Lexbase : L3207LCR) dans sa rédaction applicable aux années 2007 et 2008 permettant l'appréciation du franchissement du seuil de cession par référence à la moyenne de trois années sous réserve que l'intéressé ne poursuive ou ne reprenne aucune activité professionnelle que celle-ci soit ou non susceptible de bénéficier du régime de cumul entre retraite et emploi.

Dans cette affaire les faits sont les suivants : M. Michel C., associé et dirigeant de la société par actions simplifiée E., a procédé le 4 mars 2008 à la cession de parts qu'il détenait dans cette société et a considéré que la plus-value réalisée bénéficiait d'un abattement total pour le calcul de l'impôt sur le revenu, en raison de la durée de détention de ces parts, en vertu des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme C., l'administration fiscale a, d'une part, remis en cause le bénéfice de cet abattement au motif que le contribuable n'était pas entré en jouissance de ses droits à la retraite dans le délai requis d'un an suivant la cession des parts et réintégré, en conséquence, cette plus-value dans le revenu imposable au titre de l'année 2008 et, d'autre part, réintégré les plus-values réalisées lors de la cession de titres des sociétés SAMAV et MCV dans les revenus des années 2007 et 2008. M. et Mme C. se sont pourvus en cassation contre l'arrêt du 21 février 2017 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté leur appel formé contre le jugement du 19 mars 2015 du tribunal administratif de Grenoble rejetant leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2007 et 2008.

L'apport de cet arrêt réside dans les précisions apportées par la haute juridiction à la mise en oeuvre d'un dispositif d'abattement qui a maintes fois évolué et dont l'application soulève de nombreuses difficultés d'interprétation. Le Conseil d'Etat précise dans son arrêt du 5 mars 2018, la notion d'entrée en jouissance des droits à pension du dirigeant qui cède les actions qu'il détient dans une SAS. Par ailleurs, ce même arrêt du conseil d'Etat apporte un utile éclairage à la notion d'évènement exceptionnel permettant l'appréciation du franchissement du seuil de cession par référence à la moyenne des cessions de trois années.

 

I - Les différentes conditions relatives à la personne du cédant prévues à l'article 150-0 D ter qui sont dérogatoires doivent être interprétées strictement

L'une des conditions relatives à la personne du cédant prévoit que le dirigeant et associé d'une SAS qui n'entre pas en jouissance de ses droits à la retraite dans le délai de un an suivant la cession de ses parts qu'il détient ne peut bénéficier de l'abattement de l'article 150-0 D ter.

 

A - Les conditions au fondement du bénéfice de l'abattement de l'article 150-0 D ter du CGI sont plurielles et dérogatoires

M. C. a cédé le 4 mars 2008 les 399 actions qu'il détenait dans la société Eurovitrage. Il a placé cette cession sous le bénéfice de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 150-0 D ter du CGI en cas de départ à la retraite. M. C. n'avait payé aucune imposition, estimant bénéficier d'un abattement d'un tiers par année de détention au-delà de la cinquième année, soit une exonération totale au bout de 8 années de détention. L'administration fiscale a estimé qu'il ne pouvait bénéficier de ce régime.

Les dispositions de l'article 150-0 D ter sont issues de la loi du 30 décembre 2005 (n° 2015-1720, de finances rectificative pour 2005 N° Lexbase : L6430HEU) et visent à faciliter la transmission des petites et moyennes entreprises (PME) françaises. Ce dispositif, dont la suppression a été envisagée mais qui a été récemment prorogé est toujours en vigueur, même s'il a été plusieurs fois remanié depuis sa création. La version applicable au présent litige dont était saisi le conseil d'Etat étend aux gains nets réalisés lors de la cession de titres acquis avant le 1 janvier 2006 par les dirigeants de petites et moyennes entreprises qui font valoir leurs droits à la retraite, l'abattement prévu par l'article 150-0 D ter qui permet la suppression d'un tiers de la plus-value par année de détention des titres cédés au-delà de la cinquième et donc exonère totalement la plus-value pour les titres détenus depuis plus de huit ans, prévu à l'article 150-0 D bis du Code général des impôts.

L'extension, par l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, du bénéfice de l'abattement prévu par l'article 150-0 D bis du même Code aux gains nets que les dirigeants de petites et moyennes entreprises retirent de la cession à titre onéreux des titres de leur société lors de leur départ en retraite est subordonné au respect de plusieurs conditions relatives à la personne du cédant, notamment à la condition que le contribuable ait cessé "toute fonction dans la société dont les titres ou droits sont cédés et ait fait valoir ses droits à la retraite dans l'année suivant ou précédant la cession" (c du 2° du I). Dès lors qu'elles sont dérogatoires, les conditions prévues à cet article doivent être interprétées strictement (CE 3° et 8° ch.-r., 10 décembre 2014, n° 371437, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6189M7D).

 

B - La date à laquelle le dirigeant est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de la date à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis

M. C. soutenait avoir déposé dans les délais, soit le 23 décembre 2008, une demande de liquidation de ses droits à la retraite auprès de la caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) Rhône Alpes. L'administration fiscale faisait valoir de son côté que M. C. alors qu'il a cédé ses titres le 4 mars 2008 n'était pas entré en jouissance de ses droits à la retraite le 5 mars 2009. Les actions ayant été cédées par M. C. le 4 mars 2008, la cessation des fonctions devait en application des dispositions de l'article 150-0 D ter avoir eu lieu entre le 4 mars 2007 et le 5 mars 2009 (CE 9° et 10° ch.-r., 9 octobre 2015, n° 374492, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1180NTU).

La question de l'entrée en jouissance des droits à la retraite avait déjà été abordée avant que le conseil d'Etat ne statue sur la présente affaire par les cours administratives d'appel et, notamment par celle de Marseille qui a jugé que les dispositions réglementaires de l'article 74-0 P de l'annexe II au Code général des impôts (N° Lexbase : L5403I4U) qui précisent le champ d'application du c du 2° du I de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts et qui interprète la notion de date à laquelle le cédant fait valoir ses droits en indiquant qu'elle s'entend de la date à laquelle le cédant entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié, n'ajoutent pas à la loi (CAA de Marseille, 9 juillet 2015, n° 14MA00512 N° Lexbase : A2086NQC).

Les dispositions de l'article 74-0 P de l'annexe II au Code général des impôts doivent aussi être lues à la lumière des dispositions des articles L. 351-1 du Code de la Sécurité sociale et de celles de l'article R. 351-34 du même Code (N° Lexbase : L5873IMH). Ces dispositions combinées conduisent à distinguer une condition d'âge à laquelle est subordonnée le droit à pension de retraite et l'entrée en jouissance des droits acquis par l'assuré qui ne peut être retenue que sous réserve que les conditions légales pour bénéficier d'une pension soient remplies. Le Conseil d'Etat dans son arrêt du 5 mars 2018 rappelle que la date à laquelle l'intéressé est admis à faire valoir ses droits à la retraite s'entend de celle à laquelle il entre en jouissance des droits qu'il a acquis dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié à raison de ses fonctions de direction ou, à défaut, dans le régime obligatoire de base d'assurance vieillesse auquel il a été affilié au titre de sa dernière activité, cette date étant fixée, pour les personnes relevant des assurances sociales du régime général, sous réserve que les conditions d'octroi de la pension de vieillesse soient effectivement remplies, le premier jour du mois suivant le dépôt de la demande ou, si l'assuré en fait la demande, à une date ultérieure qui sera nécessairement le premier jour d'un mois.

Pour la mise en oeuvre des modalités pratiques de l'entrée en jouissance du droit à la retraite, l'article R. 351-37 du Code de la Sécurité sociale pose une règle simple qui prévoit que soit l'assuré indique à sa caisse la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour du mois postérieur au dépôt de sa demande, soit il ne précise aucune date et il entre alors en jouissance de ses droits à pension au premier jour du mois suivant la réception de sa demande. En l'espèce, M. C. est entré en jouissance de sa retraite à compter du 1er mars 2010 soit tardivement au regard des conditions posées par l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, c'est-à-dire postérieurement au délai d'un an suivant la cession des parts le 4 mars 2008.

 

 

II - Le dirigeant et associé d'une SAS qui n'est pas entré en jouissance de ses droits à pension l'année de cession de ses parts et a poursuivi après son admission à la retraite, une activité de conseil ne peut bénéficier des dispositions du second alinéa du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts

En vertu des dispositions de l'article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts, lorsqu'une cession est susceptible d'être concernée par un évènement exceptionnel tel qu'une mise à la retraite cela permet d'apprécier le seuil de cession par référence à la moyenne des cessions de l'année considérées et les deux années précédentes.

 

A- L'évènement exceptionnel au sens du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts permet l'appréciation du franchissement du seuil de cessions par référence à la moyenne de trois années

M. et Mme C. faisaient aussi grief à la cour d'appel de Lyon d'avoir dénaturé les faits de l'espèce et méconnu les dispositions du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du CGI en vertu desquelles le seuil, qui était en principe de 25 000 euros en 2008, au-delà duquel le gain net retiré des cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et droits sociaux est soumis à l'impôt sur le revenu, devait être apprécié par référence à la moyenne des cessions de l'année considérée et des deux années précédentes en cas d'intervention d'un événement exceptionnel dans la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable, tel qu'une mise à la retraite.

Il résulte des dispositions de l'article 74-0 A de l'annexe II au CGI que les cessions susceptibles d'être concernées par un événement exceptionnel tel qu'une mise à la retraite sont celles réalisées l'année même de l'événement ainsi que celles réalisées au cours de l'année suivante, sous réserve qu'il soit établi que ces cessions ont un lien avec cet événement. Ce même article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts énumère les évènements pris en compte et mentionne notamment qu'il est tenu compte de tout autre évènement exceptionnel affectant la situation personnelle, familiale ou professionnelle du contribuable et revêtant un caractère de gravité tel qu'il contraigne le contribuable pour y faire face à liquider tout ou partie de son portefeuille. La cour d'appel de Paris a ainsi jugé pour l'application des dispositions de l'article 150-0 A-1-1 que la décision d'un contribuable retraité ancien capitaine au long cours de réaliser ses titres et d'affecter le produit de leur vente à la création d'une entreprise fût-ce pour résorber le chômage chez les jeunes marins, n'est pas constitutive d'un évènement exceptionnel qui aurait contraint le contribuable à liquider son portefeuille et relèverait ainsi des dispositions de l'article 150-0 1-1-1 du Code général des impôts.

En l'espèce, ce n'est qu'en 2010 que M. C. est entré en jouissance de ses droits à pension. Le Conseil d'Etat juge alors qu'en se fondant notamment sur ce motif, qui suffisait à lui seul à écarter le moyen des requérants, la cour n'a donc entaché son arrêt d'aucune dénaturation ni d'aucune erreur de droit. Le départ en retraite de M. C. en 2010 ne pouvait donc avoir d'influence sur une cession réalisée en 2008.

 

B - M. C. qui se prévalait de l'application des dispositions du second alinéa du 1 du I de l'article 150-0 A du Code général des impôts dans sa rédaction applicable avait poursuivi une activité postérieurement à son entrée en jouissance de ses droits à la retraite

Le Conseil d'Etat précise dans son arrêt du 5 mars 2018 qu'il résulte de l'article 74-0 A de l'annexe II au Code général des impôts qu'un départ à la retraite ne constitue un évènement exceptionnel au sens de ces dispositions que sous réserve que l'intéressé ne poursuive ou ne reprenne aucune activité professionnelle que celle-ci soit ou non susceptible de bénéficier du régime de cumul entre retraite et emploi. Dans une décision du 27 mai 2015 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mai 2015, n° 368056, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7505NIS, RJF, 8-9/15, n°695), le Conseil d'Etat avait aussi jugé que le bénéfice de l'abattement était subordonné à la cessation effective de toute fonction au sein de la société dans le délai prévu, qu'il s'agisse ou non de fonctions de dirigeant exercées dans les conditions prévues par l'article 885 O bis du Code général des impôts (N° Lexbase : L1126ITU).

En l'espèce, M. C. avait poursuivi avait poursuivi une activité de conseil jusqu'en 2012 pour laquelle il avait d'ailleurs été rémunéré à une hauteur ne permettant pas de considérer cette activité comme occasionnelle.

Notons que s'agissant de la prise en compte des dates de départ à la retraite et de cessation des fonctions pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article 150-0 D ter du Code général des impôts, la Cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt 1ère chambre en date du 23 mars 2017 n° 15NT01830 (N° Lexbase : A6152UN8) a jugé sur conclusions contraires de son rapporteur public que lorsque les droits à la retraite d'un dirigeant sont ouverts au cours d'une année antérieure à celle de la cession des titres, le délai de deux ans pour cesser toute fonction et bénéficier de l'abattement spécifique sur les plus-values se calcule à partir de l'ouverture des droits à la retraite.

newsid:463535

Licenciement

[Brèves] Agression volontaire et préméditée au cours d’un entretien disciplinaire à l’égard du gérant de la société : caractérisation d’une faute lourde

Réf. : Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-26.013, FS-P+B (N° Lexbase : A8694XIT)

Lecture: 1 min

N3588BX8

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par Blanche Chaumet

Le 11 Avril 2018

La cour d'appel a pu déduire que les agissements du salarié procédaient d'une intention de nuire caractérisant une faute lourde, ce dernier ayant, au cours d'un entretien disciplinaire, volontairement et de manière préméditée, agressé le gérant de la société lui occasionnant un traumatisme crânien avec une incapacité totale temporaire de travail de quinze jours. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 mars 2018 (Cass. soc., 28 mars 2018, n° 16-26.013, FS-P+B N° Lexbase : A8694XIT).

 

En l’espèce, un salarié a été engagé le 6 avril 2009 en qualité d’agent de service par une société. Il a été licencié pour faute lourde le 14 mai 2010.

 

La cour d’appel (CA Fort-de-France, 13 novembre 2015, n° 14/00084 N° Lexbase : A7895NWC) l’ayant débouté de l’ensemble de ses demandes visant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et voir condamner en conséquence la société à lui payer diverses sommes au titre de salaire de mise à pied, ce dernier s’est pourvu en cassation.

 

Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage «Droit du travail» N° Lexbase : E9158ESY et N° Lexbase : E9192ESA).

newsid:463588

Procédures fiscales

[Brèves] Référé fiscal portant sur les saisies conservatoires prises par le comptable à la suite d'une demande de sursis de paiement des impôts contestés

Réf. : CE 3° et 8° ch.-r., 4 avril 2018, n° 411792, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1079XK8)

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N3573BXM

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par Marie-Claire Sgarra

Le 11 Avril 2018

Il résulte en particulier du dernier alinéa de l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L4684ICH) que la juridiction compétente pour statuer sur l'appel formé par une société contre une ordonnance du juge du référé fiscal du tribunal administratif est le tribunal administratif, dès lors que sont en cause les mesures conservatoires prises par le comptable à la suite de la demande de sursis de paiement présentée par la société.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 4 avril 2018 (CE 3° et 8° ch.-r., 4 avril 2018, n° 411792, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1079XK8).

 

En l’espèce, à la suite d'une procédure de rectification, la société A. a fait l'objet de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. D'une part, la société a formé une réclamation à l'encontre de ces impositions et rappels de taxe, laquelle a été rejetée. La société a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à la décharge des impositions et rappels de taxe qui a été rejetée par un jugement du 28 février 2017. D'autre part, la société a assorti sa réclamation d'une demande de sursis de paiement. Le comptable a procédé à des mesures conservatoires le 13 décembre 2016, consistant en une saisie conservatoire de créances entre les mains de la banque, ainsi qu'en deux saisies conservatoires de coffres-forts auprès d’une seconde banque. Le 16 février 2017, la société a contesté ces mesures devant le juge des référés fiscal du tribunal administratif de Paris conformément aux articles L. 277 et L. 279 (N° Lexbase : L3890IRI) du Livre des procédures fiscales. Cette demande a été rejetée par une ordonnance rendue le 14 mars 2017, confirmée par une ordonnance du 7 juin 2017 du juge des référés fiscal de la cour administrative d'appel de Paris. La société A. demandait l'annulation de cette dernière ordonnance. Le Conseil d’Etat, à l’appui des dispositions précitées annule cette ordonnance (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X6717ALD).

newsid:463573

Propriété intellectuelle

[Brèves] Modifications de la partie réglementaire du Code du cinéma et de l'image animée

Réf. : Décret n° 2018-247 du 6 avril 2018 (N° Lexbase : L9509LIZ) et décret n° 2018-248 du 6 avril 2018 (N° Lexbase : L9508LIY)

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N3581BXW

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par Vincent Téchené

Le 11 Avril 2018

Deux décrets, publiés au Journal officiel du 7 avril 2018, modifient la partie réglementaire du Code du cinéma et de l'image animée.

 

Le premier décret (décret n° 2018-247 du 6 avril 2018 N° Lexbase : L9509LIZ) modifie, en premier lieu, les conditions dans lesquelles le président du Centre national du cinéma et de l'image animée peut déléguer sa signature (art. 2) et met à jour la partie réglementaire du code en raison de l'entrée en vigueur de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 (N° Lexbase : L5155IYL) et de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 (N° Lexbase : L4967I3D). Il modifie le seuil au-delà duquel un exploitant est tenu de faire homologuer des engagements de programmation (art. 5), ainsi que le contenu de ceux-ci (art. 6). Enfin, le décret tire les conséquences réglementaires des modifications opérées par l'ordonnance n° 2017-762 du 4 mai 2017 (N° Lexbase : L1668LEI), notamment quant à la procédure de sanctions administratives (art. 13).

 

Le second décret (décret n° 2018-248 du 6 avril 2018 N° Lexbase : L9508LIY) supprime deux normes portant sur les entreprises du secteur du cinéma. Tout d'abord, il supprime l'obligation de remise, à l'appui d'une demande de visa d'exploitation d'une œuvre étrangère en version originale, du texte et de la traduction juxtalinéaire en français du titre ou du dialogue et, le cas échéant, des sous-titres de la version originale. Ensuite, il supprime l'obligation, pour les exploitants d'établissements de spectacles cinématographiques soumis à des engagements de programmation, de remettre chaque année au président du Centre national du cinéma et de l'image animée, un rapport relatif à l'exécution de ces engagements.

newsid:463581

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Mise en place de la DUP et consultation du CHSCT

Réf. : Cass. soc., 28 mars 2018, n° 17-60.068, FS-P+B (N° Lexbase : A8777XIW)

Lecture: 7 min

N3601BXN

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par Gilles Auzero, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 11 Avril 2018

DUP/mise en place/consultation du CHSCT/prorogation des mandats

 

 


 

Résumé

Est irrégulière la consultation du CHSCT intervenue alors qu’à la date à laquelle le CHSCT avait été consulté sur la mise en place d'une DUP, les mandats de ses membres étaient expirés et qu'il n'avait pas été procédé à leur prorogation.

 

Les deux acronymes figurant dans l’intitulé du présent commentaire paraissent en révéler le caractère anachronique. Ce serait le cas si le comité social et économique s’était immédiatement substitué aux institutions représentatives du personnel que l’on connaissait antérieurement. On sait que tel n’est pas le cas puisque l’instance nouvelle peut être mise en place progressivement jusqu’au 31 décembre 2019. En outre, il y a lieu de penser qu’à cette date certains litiges intéressant délégation unique du personnel (DUP), CHSCT, comité d’entreprise et délégués du personnel seront encore pendants devant la Cour de cassation. On comprend, dès lors, que l’on aurait tort de négliger les décisions qui les concernent, spécialement lorsqu’elles sont publiées. Dans l’affaire ayant conduit à l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 28 mars 2018, était en cause la mise en place irrégulière d’une DUP, faute d’une consultation valable du CHSCT.

 

Observations

 

I - La mise en place de la DUP

 

Une décision unilatérale de l’employeur. Instituée par la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 (N° Lexbase : L7486AI4), la DUP relevait alors uniquement du libre choix de l’employeur. Dans les entreprises de moins de deux cents salariés, ce dernier pouvait, par simple décision unilatérale, décider de fusionner délégués du personnel et comité d’entreprise. La loi n° 2015-994 du 17 août 2015, relative au dialogue social et à l'emploi (N° Lexbase : L2618KG3), dite loi «Rebsamen» a très sensiblement modifié le dispositif. En premier lieu, le pouvoir unilatéral de l’employeur a été accru à deux égards. Outre que la faculté de constituer une DUP a été étendue aux entreprises de moins de trois cents salariés, l’employeur pouvait décider de fusionner délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT. En second lieu, dans les entreprises franchissant le seuil précité, un accord collectif pouvait instituer une DUP. Dans cette hypothèse, et à la différence de la précédente, la loi admettait une «fusion partielle» ; l’accord pouvant prévoir le regroupement de deux institutions seulement.

 

Ainsi, au lendemain de la loi «Rebsamen», la faculté de simplifier l’architecture des institutions représentatives du personnel était ouverte à toutes les entreprises. Mais tandis que cette simplification était réservée à la décision unilatérale de l’employeur dans un cas[1], elle relevait de la négociation dans l’autre.

 

Une décision soumise à consultation. A s’en tenir à la constitution de la DUP par simple décision unilatérale de l’employeur qui, seule, nous intéressera ici, le législateur avait pris soin, dès l’origine, de prévoir qu’une telle décision ne pouvait être prise sans qu’aient été consultées les institutions représentatives du personnel concernées. Nonobstant cette exigence, on avait pu se demander si le législateur pouvait ainsi renvoyer la mise en œuvre du principe de participation des travailleurs à une décision unilatérale de l’employeur. Cette question ne devait-elle pas relever, pour le moins, de la négociation collective ?

 

Saisi de la loi du 20 décembre 1993, le Conseil constitutionnel avait estimé qu’eu égard aux précisions et garanties prévues par le texte, une simple concertation préalable suffisait[2]. Suffisante, la consultation des institutions représentatives du personnel en place n’en restait pas moins éminemment nécessaire. Par voie de conséquence, il pouvait être considéré que tout manquement à cet égard devait se solder par l’annulation des élections, alors même qu’en principe[3], les irrégularités relatives à l'organisation et au déroulement d'un scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur les résultats de l'élection.

 

C’est la solution que la Cour de cassation a consacré dans un arrêt rendu le 7 décembre 2016. Visant l’article L. 2326-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5569KGD) dans sa version antérieure à la loi «Rebsamen», la Chambre sociale rappelle que «pour décider qu'ils constitueront la délégation du personnel au comité d'entreprise, l'employeur doit consulter les délégués du personnel, ainsi que s'il existe, le comité d'entreprise». Elle en déduit «qu'en l'absence de cette consultation, les élections des délégués du personnel appelés à constituer la délégation du personnel au comité d'entreprise, sont entachées d'une irrégularité justifiant leur annulation»[4].

 

Pleinement justifiée, cette solution devait certainement valoir pour la DUP «nouvelle formule». C’est ce que confirme l’arrêt sous examen, tout en apportant une importante précision sur les exigences auxquelles est subordonnée une consultation régulière.

 

II - Une consultation irrégulière

 

L’affaire. Etait, en l’espèce, en cause la société Dumez Auvergne qui, employant cent vingt salariés, était pourvue d'un comité d'entreprise, d'un CHSCT et de délégués du personnel. Les instances représentatives du personnel avaient été informées, le 19 juillet 2016, du projet de la direction de mettre en place une délégation unique du personnel, le premier tour des élections étant prévu pour le 25 novembre 2016.

Pour débouter le syndicat USCBA CGT 63 de sa demande d'annulation des élections, et dire que la consultation des membres du CHSCT avait été régulière, le jugement attaqué avait retenu que le procès-verbal de la réunion exceptionnelle du comité permettait d'établir que la condition de consultation prévue par les textes avait été remplie et que le seul fait que les mandats de ses membres soient expirés à la date de la consultation ne permettait pas de remettre en cause la régularité de cette consultation, dès lors que la société pouvait mettre en place une délégation unique du personnel telle qu'issue de la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 à l'occasion du renouvellement du CHSCT et ce, même si ce renouvellement n'intervenait pas au terme exact des mandats.

 

La décision des juges du fond est censurée au visa de l’article L. 2326-1 du Code du travail alors applicable. Ainsi que le rappelle la Cour de cassation, en application de ce texte, «pour décider qu'ils constitueront la délégation unique du personnel au comité d'entreprise et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l'employeur doit consulter les délégués du personnel, ainsi que s'ils existent, le comité d'entreprise et le CHSCT [et] que la durée des mandats des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise et du CHSCT peut être prorogée ou réduite dans la limite de deux années, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la délégation unique». Pour la Chambre sociale, «il en résulte qu'en l'absence de décision de prorogation, la consultation des membres du CHSCT dont les mandats sont expirés est irrégulière et qu'il s'ensuit que les élections des délégués du personnel appelés à constituer la délégation du personnel au comité d'entreprise sont elles-mêmes entachées d'une irrégularité justifiant leur annulation».

En conséquence, en statuant comme il l’a fait, «alors qu'il avait constaté qu'à la date à laquelle le CHSCT avait été consulté sur la mise en place d'une délégation unique du personnel, les mandats de ses membres étaient expirés et qu'il n'avait pas été procédé à leur prorogation, de sorte que la consultation du CHSCT était irrégulière, le tribunal a violé le texte susvisé».

 

Une solution justifiée. Ainsi qu’il a été dit précédemment, la décision commentée doit être située dans le prolongement de l’arrêt précité rendu le 7 décembre 2016. La décision unilatérale de l’employeur de constituer une DUP regroupant délégués du personnel, comité d’entreprise et CHSCT doit être précédée d’une consultation de chacune de ces institutions représentatives du personnel, sous peine d’annulation de l’élection des délégués du personnel appelés à constituer la délégation du personnel au comité d’entreprise et au CHSCT[5]. Mais là n’est pas l’apport majeur de l’arrêt qui concerne la régularité de cette consultation.

Il faut, à cet égard, rappeler que si le CHSCT avait bien été consulté, en l’espèce, sur la mise en place d’une DUP, c’était à une date où les mandats de ses membres étaient expirés. De notre point de vue, cela suffit pour admettre que la consultation est irrégulière. Faute de détenir un mandat valable, ses membres ne sont plus en mesure d’exprimer juridiquement l’intérêt de la collectivité des travailleurs qu’ils représentent. Mais la solution est renforcée par les dispositions particulières de l’article L. 2326-1, ancien du Code du travail.

A lire ce texte, la mise en place de la DUP ne peut intervenir à n’importe quel moment. Elle n’est possible que lors de la constitution de l’une des institutions concernées par la fusion ou le renouvellement de l’une d’entre elles. Le législateur a pris soin de préciser que «la durée du mandat des délégués du personnel, des membres du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut être prorogée ou réduite dans la limite de deux années, de manière à ce que leur échéance coïncide avec la date de mise en place de la délégation unique». Ce texte ne renvoie pas seulement aux modalités techniques et concrètes de mise en place de la DUP. Il évite aussi qu’en raison de sa constitution, les salariés soient, ne serait-ce que momentanément, privés de la représentation du personnel à laquelle ils peuvent prétendre en vertu de la loi. C’est donc, plus fondamentalement, le principe constitutionnel de participation qui se trouve ainsi préservé.

On mesure, dès lors, toute l’importance de la prorogation des mandats arrivés à expiration antérieurement à la mise en place de la DUP, qui relève de la responsabilité de l’employeur. Cette prorogation permet à l’institution représentative du personnel intéressée de continuer à exercer les prérogatives que la loi lui reconnaît dans l’intérêt des salariés, en attendant la mise en place de l’instance appelée à prendre le relais. Parmi ces prérogatives figurent le droit à être consulté sur la constitution de la DUP.

 

Décision

Cass. soc., 28 mars 2018, n° 17-60.068, FS-P+B (N° Lexbase : A8777XIW)

Cassation (TI Clermont-Ferrand, 10 janvier 2017)

Texte visé : C. trav., art. L. 2326-1 alors applicable (N° Lexbase : L5569KGD).

Mots-clefs : DUP ; mise en place ; consultation du CHSCT ; prorogation des mandats.

Lien base : (N° Lexbase : E2047ETY).

 

[1] A dire vrai, rien ne paraissait s’opposer à ce que la DUP soit constituée par accord collectif dans les entreprises de moins de trois cents salariés.

[2] Cons. const., décision n° 93-328 DC du 16 décembre 1993 (N° Lexbase : A8287ACW), Dr. soc. 1994, obs. X. Prétot.

[3] On sait qu’il existe quelques exceptions à cette règle de principe, notamment en cas de manquement aux principes du droit électoral.

[4] Cass. soc., 7 décembre 2016, n° 15-25.317, FS-P+B (N° Lexbase : A3993SPL), RDT, 2017, p. 213, note I. Odoul-Asorey.

[5] Dans son motif de principe, la Cour de cassation oublie de viser cette institution pourtant nécessairement comprise dans le champ de la fusion.

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Responsabilité médicale

[Brèves] Responsabilité pour faute médicale : possible invocation pour le praticien des recommandations postérieures à l’événement ayant causé un préjudice

Réf. : Cass. civ. 1, 5 avril 2018, n° 17-15.620, F-P+B (N° Lexbase : A4557XKY)

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N3559BX4

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par Laïla Bedja

Le 11 Avril 2018

Un professionnel de santé est fondé à invoquer le fait qu'il a prodigué des soins qui sont conformes à des recommandations émises postérieurement et qu'il incombe, alors, à des médecins experts judiciaires d'apprécier, notamment au regard de ces recommandations, si les soins litigieux peuvent être considérés comme appropriés. Telle est la solution retenue par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 5 avril 2018 (Cass. civ. 1, 5 avril 2018, n° 17-15.620, F-P+B N° Lexbase : A4557XKY)

 

Mme S., dont la grossesse avait été suivie par M. P., gynécologue obstétricien exerçant son activité à titre libéral (le praticien), a accouché, au sein de la maternité d'Arès, de l'enfant B., né en état de mort apparente, et présentant une agénésie des quatrième et cinquième doigts d'une main et une microcéphalie. Des experts, désignés par la commission régionale de conciliation et d'indemnisation d'Aquitaine saisie par Mme S., ont conclu qu'alerté à deux reprises, au cours du travail, sur l'existence d'anomalies du rythme cardiaque fœtal, le praticien aurait dû pratiquer une césarienne et que son attitude attentiste avait abouti à un état d'hypoxie majeure de l'enfant qui présente des séquelles importantes de l'anoxo-ischémie cérébrale et a perdu une chance, estimée à 70 %, sinon de ne présenter aucune lésion neurologique, du moins de présenter des lésions beaucoup moins importantes.

 

A la suite de l’échec de la procédure amiable, les parents de B. ont assigné le praticien en responsabilité et indemnisation. Contestant toute responsabilité, le praticien a sollicité une expertise judiciaire et produit plusieurs avis médicaux amiables, remettant en cause les conclusions des experts relatives tant à la nécessité de procéder à une césarienne en urgence qu'à l'origine des séquelles présentées par l'enfant.

La cour d’appel (CA Bordeaux, 31 janvier 2017, n° 15/03882 N° Lexbase : A7239TAD), pour rejeter la demande d’expertise et condamner le praticien à indemniser les parents écarte les avis médicaux produits par le praticien, en retenant qu'ils se réfèrent à des recommandations du collège national des gynécologues et obstétriciens français édictées en décembre 2007, soit trois mois après la naissance de l'enfant, qui ne sont pas pertinentes, dès lors que les données acquises de la science doivent s'apprécier à la date de l'événement examiné.

 

A tort selon la Haute juridiction qui, énonçant la solution précitée, casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel au visa de l’article L. 1142-1, I, alinéa premier, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L1910IEH) (cf. l’Ouvrage «La responsabilité médicale» N° Lexbase : E5218E7E)

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Urbanisme

[Brèves] Inapplicabilité des dispositions d'un PLU imposant un nombre minimal de places de stationnement par logement aux travaux impliquant seulement l'extension de logements existants

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 4 avril 2018, n° 407445, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A1074XKY)

Lecture: 1 min

N3533BX7

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par Yann Le Foll

Le 17 Mai 2018

Des travaux entrepris sur un immeuble existant qui n'impliquent pas la création de nouveaux logements mais seulement l'extension de logements existants doivent être regardés comme étrangers aux dispositions d'un plan local d'urbanisme imposant un nombre minimal de places de stationnement par logement. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 4 avril 2018 (CE 5° et 6° ch.-r., 4 avril 2018, n° 407445, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1074XKY).

Lorsqu'une construction existante n'est pas conforme à une ou plusieurs dispositions d'un plan local d'urbanisme (PLU) régulièrement approuvé, un permis de construire ne peut être légalement délivré pour la modification de cette construction, sous réserve de dispositions de ce plan spécialement applicables à la modification des immeubles existants, que si les travaux envisagés rendent l'immeuble plus conforme aux dispositions réglementaires méconnues ou s'ils sont étrangers à ces dispositions.

L'application de cette règle implique la solution précitée (cf. l’Ouvrage "Droit de l'urbanisme" N° Lexbase : E0662E9E).

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