La lettre juridique n°714 du 5 octobre 2017

La lettre juridique - Édition n°714

Congés

[Jurisprudence] Congés payés : il est temps que le législateur cesse de se reposer sur la Cour de cassation !

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2017, n° 16-24.022, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3785WSY)

Lecture: 10 min

N0468BXM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460468
Copier

par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 05 Octobre 2017

C'est une histoire qui semble se répéter sans fin. Mois après mois, la Chambre sociale de la Cour de cassation est tenue d'interpréter le droit français des congés payés pour tenter, autant qu'elle le peut, de le mettre en conformité du droit de l'Union européenne. Les magistrats de la Haute juridiction commenceraient-ils à se lasser des insuffisances du législateur ? C'est l'une des questions que l'on peut se poser à la lecture d'un arrêt rendu le 21 septembre 2017 par la Chambre sociale de la Cour de cassation. L'arrêt est parfaitement rigoureux en ce qu'il limite le régime du report des congés payés aux règles déduites du droit de l'Union, faute que le législateur français se soit véritablement intéressé à la question (I). L'analyse montre toutefois qu'une autre voie, suivie par le Conseil d'Etat, aurait pu être empruntée sans que cela ne suscite d'importante critique sur le plan technique. On peut alors avoir le sentiment que la Chambre sociale change de stratégie pour mettre le législateur face à ses lacunes et responsabilités (II).
Résumé

Eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM) du Parlement européen concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés.

Si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la Directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation.

Commentaire

I - Le report des droits à congés du salarié malade par l'effet du droit de l'Union européenne

Congés payés annuels et droit de l'Union européenne. Le rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2016 relevait, pour la quatrième année consécutive (1), les difficultés posées par la législation française des congés payés (2). Celle tenant à l'indemnisation des congés payés du salarié licencié pour faute lourde ayant été levée par la grâce du juge constitutionnel (3), ce sont essentiellement les dispositions des actuels article L. 3141-3 (N° Lexbase : L6946K97) et L. 3141-5 (N° Lexbase : L6944K93) du Code du travail qui, par leurs insuffisances ou lacunes, continuent de contrarier le droit européen des congés.

Le premier lie le droit à congés payés annuels du salarié au temps de travail effectif, à l'exécution effective d'une prestation de travail tandis que l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail dispose seulement que "tout travailleur bénéficie d'un congé annuel payé d'au moins quatre semaines". Comme l'énonce la Cour de cassation dans une formule ciselée, la Directive attache les droits à congés "à la qualité de travailleur" (4).

Le second tempère les difficultés posées par le premier en assimilant différentes périodes à du temps de travail effectif permettant d'acquérir des congés. Le texte est toutefois insuffisant puisqu'il ne prend, par exemple, pas en considération les périodes durant lesquelles le salarié est en arrêt pour maladie, ce qui conduit à ce que des travailleurs ne bénéficient pas effectivement de quatre semaines de congés payés.

La Chambre sociale de la Cour de cassation ne peut pas toujours combler ces lacunes parce que cela la conduirait à interpréter la loi française dans un sens franchement opposé à ce qu'elle exprime clairement (5). Elle n'admet l'application directe de la Directive européenne que dans le cas où un justiciable l'oppose à l'Etat, à un de ses démembrements ou encore à des organismes ou entités soumises à l'autorité ou au contrôle de l'Etat ou qui disposent de pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers (6).

La problématique spécifique des droits à report en cas de maladie. Les périodes de maladie du salarié posent, en réalité, deux problèmes distincts (7). D'abord, celui de l'acquisition de droits à congés du salarié malade (8) ; ensuite, celui du report de congés payés lorsque le salarié a acquis des droits à congés mais qu'il ne peut en bénéficier en raison d'un long arrêt de travail pour maladie intervenant après la période d'acquisition.

Reprenant les interprétations de la Cour de justice de l'Union européenne (9), la Chambre sociale juge depuis longtemps que le salarié bénéficie d'un report, quel que soit le motif de l'arrêt de travail, pour maladie ordinaire, pour maladie professionnelle, pour accident du travail ou pour accident de trajet (10). Deux questions restent toutefois en suspens. Premièrement, celle de la durée de report : pendant combien de temps l'employeur est-il tenu de garantir le report de ses congés au salarié ? Deuxièmement, celle du volume de report : le report peut-il conduire l'employeur à garantir un cumul de congés au salarié qui excèderait les quatre semaines minimales imposées par le droit européen ?

Ce sont questions qui sont posées à la Chambre sociale de la Cour de cassation dans l'affaire sous examen.

L'affaire. L'affaire concerne des agents de la RATP qui avaient été privés d'une partie de leurs droits à congés par un système dit d'écrêtage des congés en raison de maladies, d'accidents de travail ou de maladies professionnelles. Plusieurs instructions ou notes de la Régie encadraient les droits à report des salariés et limitaient notamment le report à une durée d'un an. Tout agent malade pendant plus d'une année perdait donc les droits à congés acquis avant sa maladie ou son accident.

Un syndicat autonome de la RATP saisit le juge judiciaire pour demander que les instructions et notes patronales soient jugées inopposables aux agents en raison de leur caractère discriminatoire et de leur non-conformité à la Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003.

La cour d'appel de Paris juge que la période de report d'une année prévue par les instructions et notes est insuffisante si bien que celles-ci sont inopposables aux agents. Elle condamne la RATP à régulariser les congés des agents depuis le 4 novembre 2003 sans prévoir aucune limite de report.

L'employeur forme pourvoi en cassation. Par un premier moyen, il reproche aux juges du fond de ne pas avoir pris en compte une demande d'irrecevabilité tirée de la prescription des demandes pour les périodes antérieures au 23 janvier 2008. Par un troisième moyen, il soutient que les juges d'appel devaient fixer une limite maximale de report des congés et devaient limiter les droits à congés reportés à quatre semaines.

La solution. Par un arrêt rendu le 21 septembre 2017, la Chambre sociale de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Pour des raisons essentiellement procédurales, le premier moyen est rejeté par la Chambre sociale qui admet que les rappels de congés puissent remonter jusqu'à 2003. Sur le troisième moyen, la Chambre sociale juge que "eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la Directive 2003/88/CE du Parlement européen concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, lorsque le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés annuels au cours de l'année prévue par le Code du travail ou une convention collective en raison d'absences liées à une maladie, un accident du travail ou une maladie professionnelle, les congés payés acquis doivent être reportés après la date de reprise du travail ou, en cas de rupture, être indemnisés". Elle juge également que "si des dispositions ou pratiques nationales peuvent limiter le cumul des droits au congé annuel payé d'un travailleur en incapacité de travail pendant plusieurs périodes de référence consécutives au moyen d'une période de report à l'expiration de laquelle le droit au congé annuel payé s'éteint, dès lors que cette période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence, la Directive 2003/88/CE ne fait pas obligation aux Etats membres de prévoir une telle limitation".

En résumé, la Chambre sociale considère que le droit à report des congés payés qui résulte du droit de l'Union européenne doit bénéficier aux agents de la RATP, que la limite d'un an fixée par l'employeur est insuffisante et que, faute qu'une autre limite ait été posée par le législateur, ce qu'il n'a pas l'obligation de faire, les droits à report ne sont pas limités ni dans le temps, ni dans leur volume qui peut excéder quatre semaines.

II - Le report des droits à congés du salarié malade et les insuffisances du législateur français

Application directe verticale de la Directive. Le Code du travail français ne comportant aucune précision relative au report des jours de congés perdus en raison d'un arrêt de travail pour maladie, la question de l'application verticale directe de la Directive 2003/88/CE pouvait se poser.

C'est à propos de congés d'agents d'une entreprise de transports urbains de voyageurs que la Chambre sociale jugeait déjà en 2016 que la Directive pouvait être directement appliquée et opposée à l'Etat ou au gestionnaire du service public (11). Comme nous en informe la note explicative de la Cour de cassation, l'employeur ne contestait d'ailleurs pas les juges du fond sur ce point (12).

Cela étant dit, la Chambre sociale a déjà eu l'occasion d'interpréter la Directive pour admettre le droit à report de congés à propos de salariés qui n'étaient pas employés par l'Etat, l'un de ses démembrements ou un organisme soumis à l'autorité ou au contrôle de l'Etat. La formule de l'arrêt commenté est identique à celle utilisée, par exemple, en 2012 à propos du report à la suite d'une rechute d'accident du travail d'un salarié du secteur privé (13). Quand bien même l'applicabilité directe aurait fait difficulté, le droit à report aurait été garanti.

L'application ou l'interprétation de la Directive étant permise, il fallait encore se demander quelle influence celle-ci pouvait avoir sur la période de report.

Limitation des droits à report : une faculté et non une obligation. Si la Directive garantit à tout travailleur quatre semaines de congés payés annuels, elle reste en revanche silencieuse sur la question du droit à report. Dans ces circonstances, ce sont les législations et pratiques nationales qui doivent mettre en oeuvre le droit à congés et (14), en particulier, peuvent choisir d'encadrer le droit à report.

La Cour de justice de l'Union européenne n'est guère plus directive. Une période de report doit être garantie et doit permettre au travailleur "de pouvoir disposer, au besoin, de périodes de repos susceptibles d'être échelonnées, planifiables et disponibles à plus long terme et dépasser substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée" (15). La Cour juge que le droit de l'Union ne s'oppose pas à ce que "des dispositions ou à des pratiques nationales" limitent la durée de la période de report (16). Une durée de report de quinze mois est jugée suffisante par la Cour européenne (17), tandis que celle de neuf mois ne l'est pas (18). Toutefois, ni la Directive, ni le juge européen n'impose aux Etats membres d'établir une limite maximale au droit à report.

Puisque le Code du travail ne traite pas du droit à report à l'exception de quelques cas particuliers (19), le juge pouvait-il établir lui-même cette limite ? La question se pose d'autant que le Conseil d'Etat, par les techniques de l'invocabilité d'exclusion et de l'interprétation conforme, s'est autorisé à fixer une limite de report à quinze mois comme en témoigne un arrêt rendu le 14 juin 2017 (20).

Contrairement à l'acquisition de droits à congés du salarié malade qui entrerait en conflit direct avec les dispositions de l'article L. 3141-5 du Code du travail (21), l'admission d'une période prétorienne maximale de droit à report ne constituerait sans doute pas une interprétation contra legem des dispositions légales du Code du travail silencieuses sur le droit à report lui-même. L'interprétation conforme n'est toutefois employée par la Chambre sociale que pour faire cesser une contrariété entre droit français et droit de l'Union. Puisque le droit de l'Union n'impose pas de limite maximale de report mais se contente "de ne pas s'opposer" à ce qu'un Etat pose une telle limite, la Chambre sociale n'avait pas à substituer son appréciation à celle du législateur.

Volume du report et limitation à quatre semaines. Quoique la décision de la Chambre sociale ne l'exprime pas aussi clairement, c'est un raisonnement similaire qui explique que l'arrêt ne réponde pas clairement à la quatrième branche du troisième moyen. L'employeur y soutenait que "si un travailleur a droit au report des congés qu'il n'a pas pu prendre, pour cause de maladie, pour une durée minimale de quatre semaines, une réglementation nationale peut exclure ce droit pour les droits à congés payés supplémentaires" et que "que la régularisation prononcée [...] ne pouvait dès lors s'appliquer qu'à hauteur de quatre semaines".

L'argument avancé s'inspirait sans doute d'une décision de la Chambre sociale rendue en 2016 par laquelle elle jugeait qu'étant fait "application directe des dispositions précises et inconditionnelles de l'article 7 de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 qui ne garantissent que quatre semaines de congé payé annuel", les juges d'appel ne pouvaient octroyer de droits à congés payés supérieurs à quatre semaines (22). Quelques jours après cette décision, la CJUE jugeait cependant que la Directive "ne s'oppose pas (23) à des dispositions internes prévoyant un congé annuel payé d'une durée supérieure à la période minimale de quatre semaines garantie par l'article 7 de cette Directive, accordé dans les conditions d'obtention et d'octroi fixées par le droit national" si bien que les Etats membres "peuvent prévoir d'accorder à un travailleur qui, en raison d'une maladie, n'a pu épuiser l'intégralité de son congé annuel payé supplémentaire avant la fin de sa relation de travail, un droit à une indemnité financière correspondant à cette période supplémentaire" (24).

Le législateur français pourrait limiter les droits à report à une durée maximale et incompressible de quatre semaines de congés. En revanche, le droit de l'Union ne lui impose pas de poser cette limite et lui permet, bien au contraire, de fixer un volume de report plus important. Le Code du travail français ne s'intéressant pas davantage au volume qu'à la durée du report, il n'appartenait sans doute pas, là encore, au juge d'établir de telles limites.

Stimulation législative ? Les chemins différents suivis par le Conseil d'Etat et la Chambre sociale de la Cour de cassation intéressent davantage sur un plan politique que sur celui des interférences entre ordre judiciaire et ordre administratif.

Sans doute la Chambre sociale commence-t-elle à se lasser de devoir, année après année, combler les vides laissés par le législateur en matière de droits à congés, cela d'autant qu'elle l'a plusieurs fois sommé d'intervenir. Le fait que cette décision soit rendue à propos d'agents de la RATP et que leurs droits à congés reportés et majorés pèseront finalement sur les finances publiques n'est peut-être pas innocent. Il est toutefois fort malheureux qu'il faille s'attaquer à la bourse étatique pour stimuler une -hypothétique- intervention législative (25).


(1) V. notre présentation, Rapport annuel de la Cour de cassation pour l'année 2016 : durée du travail et contrat de travail, Lexbase, éd. soc., n° 709, 2017 (N° Lexbase : N9773BWU).
(2) N. Chavrier et L. Chabaud, Les congés payés : panorama des obligations françaises à l'aune des exigences du droit de l'Union européenne, JCP éd. S, 2015, 1359 ; P. Florès, Les congés payés à l'heure de la Directive, SSL, 11 juillet 2016, n° 1731, p. 7.
(3) Cons. const., décision n° 2015-523 QPC du 2 mars 2016 (N° Lexbase : A7973QDN) et les obs. de Ch. Radé, Quand la QPC permet de faire censurer une disposition contraire... au droit de l'Union européenne Lexbase, éd. soc., n° 647, 2017 (N° Lexbase : N1762BW8).
(4) V. la note explicative sur le site internet de la Cour de cassation.
(5) Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, FS-P+B (N° Lexbase : A9780I94), RDT, 2013, p. 341, note M. Véricel ; Dr. soc., 2013, p. 564, obs. S. Laulom.
(6) Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-20.111, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7763RTP) et les obs. de Ch. Willmann, Ouverture du droit aux congés payés : la situation du salarié inapte à la suite d'un AT/MP diffère selon la qualité de son employeur, Lexbase, éd. soc., n° 662, 2016 (N° Lexbase : N3625BW8).
(7) V. la formule limpide de la Chambre sociale de la Cour de cassation, ibid. : "l'article L. 3141-5, 5° du Code du travail a pour objet de limiter à un an la période pendant laquelle un salarié en arrêt de maladie pour cause d'accident de travail ou de maladie professionnelle peut acquérir des droits à congés payés et non d'organiser la perte de droits acquis qui n'auraient pas été exercés au terme d'un délai de report".
(8) Cass. soc., 13 mars 2013, n° 11-22.285, préc..
(9) CJCE, 26 juin 2001, aff. C-173/99 (N° Lexbase : A1717AWI), pt. 43 ; CJCE, 18 mars 2004, aff. C-342/01 (N° Lexbase : A5883DBI), pt. 29, RJS, 2004, p. 439, note J.-Ph. Lhernould ; CJCE, 16 mars 2006, aff. C-131/04 et C-257/04 (N° Lexbase : A6372DNC), JCP éd. S, 2006, 1308, note G. Vachet ; CJCE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et C-520/06 (N° Lexbase : A3596EC8), RJS, 2009, p. 263, note J.-Ph. Lhernould. En dernier lieu, v. CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 (N° Lexbase : A9722HZ4) et les obs. de Ch. Willmann, Directive 2003/88/CE : une réglementation nationale peut autoriser l'extinction du droit aux congés payés non pris pour le salarié en incapacité de travail, Lexbase, éd. soc., n° 465, 2011 (N° Lexbase : N9160BS3) ; RDT, 2012, p. 371, obs. M. Véricel.
(10) Après avoir longtemps refusé ce report (v. Cass. soc., 13 janvier 1998, n° 95-40.226, publié N° Lexbase : A2501ACM), la Chambre sociale finit par l'admettre pour les accidents du travail (Cass. soc., 27 septembre 2007, n° 05-42.293, FP-P+B+R N° Lexbase : A5775DYK ; RDT, 2007, p. 732, note M. Véricel) et pour les maladies ordinaires (Cass. soc., 24 février 2009, n° 07-44.488, FS-P+B N° Lexbase : A3973EDI et les obs. de G. Auzero, Report des congés payés non pris du fait de la maladie : la Cour de cassation confirme et étend sa jurisprudence, Lexbase, éd. soc., n° 341, 2009 N° Lexbase : N7759BI9).
(11) Cass. soc., 26 juillet 2016, préc..
(12) Note explicative, préc..
(13) Cass. soc., 16 février 2012, n° 10-21.300, FS-P+B (N° Lexbase : A8674ICA) et nos obs., Report des congés payés en cas d'absence liée à l'état de santé : jusqu'où ira l'extension ?, Lexbase, éd. soc., n° 476, 2012 (N° Lexbase : N0627BTE).
(14) CJUE, 24 janvier 2012, aff. C-282/10 (N° Lexbase : A2471IB7).
(15) CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 (N° Lexbase : A9722HZ4) et les obs. de Ch. Willmann, Directive 2003/88/CE : une réglementation nationale peut autoriser l'extinction du droit aux congés payés non pris pour le salarié en incapacité de travail, Lexbase, éd. soc., n° 465, 2011 (N° Lexbase : N9160BS3).
(16) Ibid..
(17) Ibid..
(18) CJUE, 3 mai 2012, aff. C-337/10 (N° Lexbase : A5062IKP).
(19) Par ex., le cas du report en cas de congé de maternité ou de congé d'adoption, v. C. trav., art. L. 3141-2 (N° Lexbase : L6947K98).
(20) CE 3° et 8° ch.-r., 14 juin 2017, n° 391131, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A6876WH7) et le rapp. de V. Daumas, Le rejet d'une demande de report des jours de congés annuels non pris par un fonctionnaire territorial en raison d'un congé de maladie - conclusions du Rapporteur public, Lexbase, éd. pub., n° 466, 2017 (N° Lexbase : N9168BWH). V. déjà CE 4° et 5° ch.-r., 26 avril 2017, n° 406009, publié (N° Lexbase : A8167WAQ).
(21) Cass. soc., 13 mars 2013, préc..
(22) Cass. soc., 22 juin 2016, n° 15-20.111, préc.. Il s'agissait toutefois, en l'espèce, de calculer les droits à congés acquis malgré un arrêt pour maladie professionnelle ayant excédé une année et non de mesurer le volume de congés reportés.
(23) Nous soulignons.
(24) CJUE, 20 juillet 2016, aff. C-341/15 (N° Lexbase : A3545RXL) et nos obs., De nouvelles précisions sur le régime européen des congés payés annuels, Lexbase, éd. soc., n° 668, 2016 (N° Lexbase : N4255BWI).
(25) Rappelons que la loi "El Khomri", loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels (N° Lexbase : L8436K9C) et les ordonnances du 22 septembre 2017 (Ordonnances n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, relative au renforcement de la négociation collective N° Lexbase : L7631LGQ, n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales N° Lexbase : L7628LGM, n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail N° Lexbase : L7629LGN, n° 2017-1388 du 22 septembre 2017, portant diverses mesures relatives au cadre de la négociation collective N° Lexbase : L7630LGP, n° 2017-1389, relative à la prévention de risques professionnels N° Lexbase : L7627LGL) ont malheureusement totalement délaissé cette question...

Décision

Cass. soc., 21 septembre 2017, n° 16-24.022, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A3785WSY).

Rejet (CA Paris, Pôle 6, 2ème ch., 30 juin 2016, n° 15/14434 N° Lexbase : A7998RUR).

Textes concernés : C. trav., art. L. 3141-26 (N° Lexbase : L9014K4M) ; Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L5806DLM).

Mots-clés : congés payés ; report ; maladie ; AT/MP ; RATP ; limite.

Liens base : (N° Lexbase : E0069ETQ) et (N° Lexbase : E3213ET8).

newsid:460468

Cotisations sociales

[Brèves] Conformité à la Constitution de l'élargissement de l'assiette de cotisations des personnes non salariées des professions agricoles

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-656 QPC, du 29 septembre 2017 (N° Lexbase : A1626WTE)

Lecture: 2 min

N0454BX4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460454
Copier

par Laïla Bedja

Le 05 Octobre 2017

Sont conformes à la Constitution (N° Lexbase : L7403HHN) les mots "et contributions sociales" figurant au premier alinéa du paragraphe II de l'article 9 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la Sécurité sociale pour 2014 (N° Lexbase : L6939IYN). Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans une décision rendue le 29 septembre 2017 (Cons. const., décision n° 2017-656 QPC, du 29 septembre 2017 N° Lexbase : A1626WTE).

Le 3 juillet 2017, les Sages avaient été saisis, par la Cour de cassation (Cass. civ. 2, 29 juin 2017, n° 17-40.039, F-D N° Lexbase : A6973WLT), de la question prioritaire de constitutionnalité suivante : l'article 9, II, de la LFSS pour 2014 qui intègre dans l'assiette des cotisations de Sécurité sociale et des contributions sociales (contribution sociale généralisée et autres prélèvements) les revenus de capitaux mobiliers définis aux articles 108 (N° Lexbase : L2059HLT) à 115 du Code général des impôts perçus en 2013 par le chef d'exploitation et sa famille, entraînant une nouvelle taxation à la contribution sociale généralisée et autres prélèvements sociaux par la mutualité sociale agricole en 2014, puis 2015 puis en 2016 malgré leur perception en 2013 par la direction des finances publiques et remettant en cause rétroactivement une imposition déjà acquittée à laquelle la loi avait attribué un caractère libératoire sans prévoir d'aménagements ou de dispositifs pour y remédier, (une seconde soumission de revenus à une imposition déjà acquittée ayant été censurée par le Conseil constitutionnel dans une décision du 29 décembre 2012) est-il conforme à la Constitution et notamment à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen (N° Lexbase : L6813BHS) garantissant les situations légalement acquises ?

Pour les Sages, certains revenus de capitaux mobiliers perçus en 2013 ont pu être soumis en 2013 à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) en qualité de revenus du patrimoine ou de produits de placement. Ces mêmes revenus ont, par ailleurs, pu être pris en compte dans le calcul de la moyenne des revenus dont résulte l'assiette de la CSG et de la CRDS portant sur les revenus d'activité dus au titres de l'année 2014. Toutefois, aucune disposition législative ne prévoit que la CSG et la CRDS sur les revenus du patrimoine ou les produits de placement dues au titre de 2013 revêtaient un caractère libératoire. Dès lors, en intégrant à compter du 1er janvier 2014 les revenus de capitaux mobiliers mentionnés au 4° de l'article L. 731-14 du Code rural et de la pêche maritime (N° Lexbase : L0661IZI) dans l'assiette de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale sur les revenus d'activité, le législateur n'a pas porté atteinte à des situations légalement acquises ni remis en cause les effets qui peuvent légitimement être attendus de telles situations. Le grief tiré de la méconnaissance de l'article 16 de la Déclaration de 1789 doit donc être écarté (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E0248GAG).

newsid:460454

Droit des étrangers

[Brèves] Contrôle du placement en rétention : le juge judiciaire ne peut pas porter une appréciation sur la légalité d'une décision administrative distincte

Réf. : Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, deux arrêts FS-P+B+R+I, n° 17-10.207 (N° Lexbase : A1403WT7) et n° 16-50.062 (N° Lexbase : A1405WT9),

Lecture: 2 min

N0428BX7

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460428
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 05 Octobre 2017

Il résulte du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, qu'à l'exception des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf disposition législative contraire, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours contre les décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique. Ainsi, le juge administratif est seul compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement, quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire, de la décision de placement en rétention. Ainsi statue la Cour de cassation dans deux arrêts du 27 septembre 2017 (Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, deux arrêts FS-P+B+R+I, n° 17-10.207 N° Lexbase : A1403WT7 et n° 16-50.062 N° Lexbase : A1405WT9).

Dans la première espèce, le préfet avait pris à l'encontre de M. X, un algérien en situation irrégulière, une décision portant obligation de quitter sans délai le territoire national et un arrêté de placement en rétention administrative. M. X avait présenté au JLD une requête en contestation de la régularité de cet arrêté. Pour le remettre en liberté, l'ordonnance avait retenu que la décision du préfet lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français était entachée d'irrégularité, ce qui viciait la décision de placement en rétention dont elle constituait le fondement.

Dans la seconde espèce, M. Y un biélorusse, également en situation irrégulière, avait été interpellé alors qu'il voyageait sans titre de transport dans le train Lyon-Bruxelles. Pendant la retenue pour vérification des titres de séjour, le préfet avait pris une décision de transfert en Suisse et de placement en rétention. M. Y avait contesté devant le JLD la régularité de cet arrêté et le préfet avait demandé une prolongation de la mesure. Pour remettre en liberté M. Y, l'ordonnance avait retenu que l'arrêté de transfert de l'intéressé était intervenu en méconnaissance de l'article 24 du Règlement (CE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 (N° Lexbase : L3872IZG).

Les juges du droit rappellent les termes de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L9266K4X). Ils ajoutent que le texte prévoit que le juge administratif statue au plus tard soixante-douze heures à compter de sa saisine et selon l'article L. 552-1 (N° Lexbase : L9290K4T), le juge judiciaire dans les vingt-quatre heures, le législateur ayant organisé deux compétences parallèles, exclusives l'une de l'autre.

Les juges en déduisent la solution susvisée et concluent qu'en statuant ainsi, dans les deux espèces, le premier président, qui a porté une appréciation sur la légalité d'une décision administrative distincte de l'arrêté de placement en rétention, a excédé ses pouvoirs en violation des textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E3227E4B).

newsid:460428

Droit des étrangers

[Brèves] Transfert "Dublin" : pas de définition légale des risques de fuite du demandeur, pas de rétention administrative

Réf. : Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 17-15.160, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1404WT8)

Lecture: 2 min

N0422BXW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460422
Copier

par Marie Le Guerroué

Le 06 Octobre 2017

En l'absence de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert, l'article 28, § 2, du Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (N° Lexbase : L3872IZG) est inapplicable. Doit, par conséquent, être considéré comme irrégulier le placement en rétention d'un demandeur d'asile en procédure "Dublin". Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt du 27 septembre 2017 (Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 17-15.160, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1404WT8).

M. X, de nationalité sri-lankaise, avait présenté une demande d'asile. Par arrêtés du 13 février 2017, le préfet avait décidé que celui-ci serait remis aux autorités et placé en rétention administrative au motif qu'il ne présentait pas les garanties propres à prévenir le risque de se soustraire à la mesure d'éloignement. Pour confirmer la prolongation de la rétention, l'ordonnance retenait que le placement était régulier en la forme et que les conditions de fond étaient remplies, dès lors que l'intéressé, dépourvu de passeport et connu sous un alias, n'avait pas communiqué d'attestation d'hébergement ni justifié de ses ressources, de sorte qu'il n'offrait pas de garanties suffisantes de représentation.

La Cour énonce, d'une part, qu'il résulte des articles 2 et 28 du Règlement (UE) n° 604/2013 que si les Etats membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, ce risque s'entend, dans un cas individuel, comme l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur de protection internationale, ressortissant de pays tiers ou apatride, qui fait l'objet d'une procédure de transfert. Elle ajoute, d'autre part, que selon la CJUE, ces textes devaient être interprétés en ce sens qu'ils imposent aux Etats membres de fixer, dans une disposition contraignante de portée générale, les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert, que l'absence d'une telle disposition entraîne l'inapplicabilité de l'article 28, § 2, de ce Règlement et qu'une jurisprudence établie, sanctionnant une pratique constante de la police des étrangers, ne saurait suffire (CJUE, 15 mars 2017, aff. C-528/15 N° Lexbase : A9971T43).

Elle conclut, qu'en statuant ainsi, alors que l'article 28, § 2, du Règlement était inapplicable, le premier président a violé les textes susvisés. Elle ajoute, qu'en l'absence de doute raisonnable, quant à l'interprétation desdits articles, il n'y a pas lieu de saisir la CJUE d'une question préjudicielle (cf. l’Ouvrage "Droit des étrangers" N° Lexbase : E3891EYR).

newsid:460422

Entreprises en difficulté

[Textes] Le nouveau Règlement (CE) n° 2015/848 du 25 mai 2015, relatif aux procédures d'insolvabilité transfrontalières, entré en vigueur le 26 juin 2017

Réf. : Règlement (CE) n° 2015/848 du 25 mai 2015, relatif aux procédures d'insolvabilité transfrontalières (N° Lexbase : L7603I84), entré en vigueur le 26 juin 2017

Lecture: 20 min

N0456BX8

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460456
Copier

par Reinhard Dammann, Avocat, associé Clifford Chance, chargé de cours à Sciences Po Paris et Paris I et Aliénor Huchot, stagiaire Clifford Chance

Le 08 Novembre 2017

Le nouveau Règlement (CE) n° 2015/848 (qui remplace le Règlement (CE) n° 1346/2000 N° Lexbase : L6914AUM) vient d'entrer en vigueur le 26 juin 2017. Il s'applique à toutes les procédures d'insolvabilité ouvertes à partir de cette date (zéro heure), celles ouvertes antérieurement continuant d'être régies par l'ancien texte.
La présente étude a pour objet d'exposer les principales nouveautés du Règlement refondu dont l'architecture reste identique à celle de son prédécesseur. Chaque débiteur (personne morale ou physique) ne peut faire l'objet que d'une seule procédure principale. Le Règlement s'applique lorsque le centre d'intérêt principal du débiteur (COMI) est situé dans un Etat membre de l'Union, exception faite du Danemark. Le Règlement continue, par ailleurs, à s'appliquer au Royaume-Uni jusqu'à sa sortie effective de l'Union européenne.
Quelles sont les principales nouveautés de ce nouveau Règlement (CE) n° 2015/848 ? Tout d'abord, il semble important de noter que la jurisprudence de la Cour de justice rendue sous le régime de l'ancien Règlement n° 1346/2000 continue d'être pertinente. Les attendus de certains arrêts importants ont été transposés dans le Règlement refondu. Ce dernier intègre également la pratique et la jurisprudence des tribunaux des Etats membres qui se sont développées depuis la date d'entrée en vigueur du règlement originel en 2002.

Par ailleurs, avec la refonte du Règlement, son champ d'application se trouve considérablement élargi. En outre, les notions clés du droit européen des procédures d'insolvabilité, telles que le critère principal de compétence juridictionnelle, le centre des intérêts principaux du débiteur ou encore l'articulation entre procédures principale et secondaire(s), sont précisées. De plus, le nouveau Règlement innove en consacrant un chapitre aux groupes de sociétés, auparavant oubliés. Enfin, en accord avec la volonté des différents Etats membres, la situation des créanciers de l'Union se trouve également améliorée par l'instauration de l'obligation d'information du créancier et la simplification de la déclaration de créances.

I - Un champ d'application élargi

Le Règlement (CE) n° 1346/2000 comprenait les procédures d'insolvabilité classiques entraînant un dessaisissement total ou partiel du débiteur. Il existait cependant un débat sur l'application du Règlement aux procédures hybrides et provisoires voire préventives. Sur ce point, le législateur de l'Union clarifie la situation en élargissant la notion de procédure d'insolvabilité. Ainsi, sont listées à l'annexe A toutes les procédures entrant dorénavant dans le champ d'application du Règlement refondu. Pour la France, sont désormais comprises, outre la procédure de sauvegarde, le redressement et liquidation judiciaire, la sauvegarde financière accélérée (SFA) et la sauvegarde accélérée (SA). La conciliation et le mandat ad hoc restent exclus du champ d'application de ce Règlement. S'agissant des procédures étrangères on notera, qu'à l'instar du modèle français, certaines procédures préventives entrent dans le champ d'application du Règlement tandis que d'autres, comme le scheme of arrangement, en demeurent exclues.

II - Le centre des intérêts principaux du débiteur

Le COMI est une notion centrale du Règlement visant à déterminer la juridiction étatique compétente pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale. Plusieurs auteurs ont critiqué le concept de centre des intérêts principaux (COMI), jugé trop vague, et plus particulièrement la présomption simple de sa localisation au siège statutaire du débiteur personne morale qui pouvait ouvrir la porte à toute sorte de manipulations. Dans le cadre de la refonte du Règlement, les partisans de cette doctrine ont ainsi privilégié la piste d'une présomption irréfragable en faveur du siège statutaire de la société. Pourtant, les arguments de ces derniers n'ont pas convaincu le législateur de l'Union. Une règle de rattachement trop rigide aurait en effet enlevé toute flexibilité, pourtant souhaitée par la pratique, dans la mise en oeuvre du Règlement. Ainsi, toute forme de regroupement des procédures d'insolvabilité d'un groupe de sociétés très intégré aurait été impossible. Or, comme on le verra, il convient de distinguer le forum shopping abusif et frauduleux au détriment des créanciers qu'il faut combattre, d'un forum shopping vertueux dans l'intérêt de l'ensemble des parties prenantes qu'il ne faut pas décourager.

A - Approfondissement de la définition du centre des intérêts principaux

Peu détaillée, la définition de centre des intérêts principaux telle qu'énoncée dans le Règlement (CE) n° 1346/2000 a été modifiée par le nouveau Règlement. Le législateur de l'Union a en effet souhaité non seulement la préciser mais également lui donner une portée supplémentaire afin d'écarter un forum shopping frauduleux.

Le Règlement (CE) n° 2015/848 reprend la règle de rattachement du COMI à l'article 3, § 1. Ainsi, "[l]es juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel est situé le centre des intérêts principaux du débiteur sont compétentes pour ouvrir la procédure d'insolvabilité principale". Le législateur de l'Union incorpore ensuite l'ancien considérant 13 du Règlement (CE) n° 1346/2000 auquel la CJUE avait reconnu une valeur normative dans l'arrêt "Eurofood" (1). Ainsi, l'article 3, § 1, in fine, du Règlement (CE) n° 2015/848, précise que le COMI "correspond au lieu où le débiteur gère habituellement ses intérêts et qui est vérifiable par les tiers". On observe à cet égard que l'adverbe "donc" est remplacé par le mot "et" soulignant ainsi l'existence de deux conditions cumulatives.

Le Règlement (CE) n° 2015/848 reprend, ensuite, la présomption simple bien connue du Règlement (CE) n° 1346/2000 de la localisation du COMI en faveur du siège statutaire pour les personnes morales (2). Dans une approche pédagogique, le Règlement (CE) n° 2015/848 transpose également la jurisprudence "Interedil" (3) dans les nouveaux considérants 28 et 30.

B - Le dispositif anti-forum shopping

Le nouveau Règlement n° 2015/848 a introduit toute une série de nouvelles dispositions afin de renforcer le contrôle de la localisation du COMI, destinées à assurer la sécurité juridique des transactions et à rendre plus difficile toute forme de forum shopping abusif ou frauduleux.

Il a notamment instauré un délai de vacuité afin de neutraliser le jeu de la présomption en faveur du siège statutaire, du lieu d'activité principal et de la résidence habituelle du débiteur, selon le cas. Pour les sociétés et les personnes morales, la présomption en faveur du siège statutaire "ne s'applique que si le siège statutaire n'a pas été transféré dans un autre Etat membre au cours des trois mois précédant la demande d'ouverture d'une procédure d'insolvabilité". Le même délai de trois mois s'applique en cas de transfert du lieu d'activité principal d'une personne exerçant une profession libérale ou toute autre activité indépendante. Ce délai passe à six mois en cas de déménagement d'un consommateur dans un autre Etat membre. A cet égard, la doctrine souligne que le caractère "habituel" suppose une certaine stabilité de la localisation du COMI qui n'est remis en question qu'en cas de déménagement fréquent.

La portée pratique de ces nouvelles dispositions est en réalité très limitée pour les sociétés. En effet, un transfert de siège à l'international est long et complexe. En outre, cette disposition n'empêche nullement un transfert de COMI, beaucoup plus simple à opérer, puisque ne nécessitant que le déplacement de l'administration centrale de la société. Ainsi, cette disposition vise surtout, en pratique, à combattre le "tourisme judiciaire" (4) des personnes physiques.

C - La consécration d'un forum shopping vertueux

La méfiance du législateur communautaire vis-à-vis du forum shopping abusif visant à se soustraire frauduleusement à ses créanciers demeure. Le législateur de l'Union a cependant pris conscience que le transfert du COMI pouvait également être légitime, à condition qu'il ait été fait de manière transparente et avec le consentement de la plupart des créanciers. Nouveauté discrète, parce que résultant de la lecture a contrario et croisée de plusieurs considérants, elle n'en reste pas moins importante dans une perspective de changement de COMI afin de faciliter la restructuration d'un groupe de sociétés en accord avec ses principaux créanciers.

III - Le renforcement de l'obligation des juridictions de vérifier leur propre compétence

Le Règlement refondu comprend de nouvelles dispositions obligeant le tribunal d'ouverture à systématiquement examiner avec soin sa propre compétence. Ainsi, avant de renverser la présomption en faveur du siège statutaire, le juge saisi doit vérifier le caractère pertinent des éléments fournis.

L'article 5 et le considérant 33 du nouveau Règlement, qui transposent la jurisprudence "Eurotunnel" (5), prévoient en effet la possibilité pour les créanciers d'intenter un recours effectif contre la décision d'ouverture.

A - L'articulation des procédures principale et secondaire(s)

L'article 3 du Règlement (CE) n° 1346/2000 a mis en place une architecture fondée sur une procédure principale à effet universel et des procédures secondaires aux effets territoriaux limités. La procédure secondaire a donc toujours été par nature contraire à l'idéal d'universalité que portait le règlement. Son existence avait néanmoins été justifiée par la volonté des Etats membres de protéger les intérêts des créanciers locaux. Elle demeurait cependant cantonnée à une finalité liquidative. Or, l'apparition des procédures de restructuration de la dette (de type sauvegarde) au sein d'une telle architecture a soulevé la problématique de l'articulation entre procédures principales et secondaires. En effet, un paradoxe résidait dans le fait qu'une procédure principale non liquidative puisse être confrontée à une procédure secondaire nécessairement liquidative, dès lors que le débiteur possédait un établissement dans un autre Etat membre. Un tel paradoxe, de nature à faire peser un risque sur l'efficacité des procédures principales de restructuration en compromettant la possibilité concrète d'un redressement, appelait à une redéfinition de l'attelage procédure principale/procédure secondaire.

Pour faire face au risque de "chantage à la procédure secondaire" et prendre en compte la nécessité d'un renforcement de la coopération entre procédure principale et procédures secondaires, le Règlement (CE) n° 2015/848 établit un nouvel équilibre en supprimant notamment la nature nécessairement liquidative de ces dernières : désormais, la procédure secondaire peut revêtir toute forme figurant à l'annexe A. Le nouveau Règlement introduit ici sans nul doute l'un des bouleversements les plus notables avec l'espoir d'une articulation entre procédures principale et secondaires plus efficace mais aussi le risque d'une multiplication des procédures secondaires dont on sait qu'elles peuvent complexifier la restructuration de la dette ou la cession de l'entreprise en difficulté.

La nouvelle articulation du Règlement passe plus particulièrement par une réaffirmation de l'autonomie et l'utilité de la procédure secondaire ainsi que la mise en place d'un tandem "procédure collective/procédures secondaires" plus performant.

B - L'utilité et l'autonomie de la procédure secondaire réaffirmées

La pratique a démontré que l'absence d'ouverture d'une procédure secondaire pouvait avoir des effets pour le moins regrettables. En effet, une telle situation prive les créanciers locaux de la lex fori concursus secondarii, ce qui peut s'avérer inéquitable ainsi que l'a démontré l'affaire "Nortel". L'ouverture d'une procédure principale à Londres à l'égard d'une filiale française, alors qu'aucun actif n'était localisé en Angleterre, conduisait, en l'absence de procédure secondaire française, à répartir le prix de cession des actifs suivant les règles du droit anglais au détriment des créanciers sociaux et fiscaux français qui se retrouvaient ainsi privés de leur rang privilégié.

Le nouveau considérant 48 du Règlement répond à cette problématique en rappelant que la procédure secondaire contribue "à la gestion efficace de la masse de l'insolvabilité du débiteur ou à la réalisation effective de la masse s'il existe une coopération adéquate entre les acteurs intervenant dans toutes les procédures parallèles". Cette consécration est à saluer, tant la procédure secondaire peut s'avérer être un outil intéressant entre les mains du praticien de l'insolvabilité de la procédure principale (formulation se substituant à la notion de syndic considérée comme étant connotée négativement) : elle permet (i) de faire obstacle à la réalisation de sûretés réelles portant sur les actifs situés dans l'Etat où la procédure est ouverte conformément à l'article 8 du Règlement (CE) n° 2015/848 ; (ii) une gestion efficiente des entreprises dans un cadre transfrontalier (par exemple dans le cadre de la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi) ; et (iii) une meilleure acceptation de la procédure principale étrangère par les créanciers locaux, à l'exemple de l'affaire "EMTEC" (6).

Le nouveau Règlement réaffirme également l'autonomie de la procédure secondaire par rapport à la procédure principale, si bien qu'elle est plus que jamais une procédure à part entière et non simplement un moyen de réaliser les actifs locaux du débiteur. Hormis quelques dispositions dérogatoires du Règlement, la lex fori concursus secondarii trouve donc à s'appliquer pleinement. En effet, l'article 6 du nouveau Règlement transpose l'arrêt "Seagon" (7) en disposant que "les juridictions de l'Etat membre sur le territoire duquel la procédure d'insolvabilité est ouverte en application de l'article 3 [du Règlement n° 2015/848] sont compétentes pour connaître de tout recours qui découle directement de la procédure d'insolvabilité et y est étroitement lié".

Cette jurisprudence est appelée à s'appliquer également dans le cadre d'une procédure secondaire. Or, faut-il réserver certaines actions à la compétence exclusive de la procédure principale comme l'a jugé la Cour de cassation dans son arrêt controversé "NOB" (8) ? Tout particulièrement se posait la question de savoir si, dans le cadre de la procédure secondaire, les dirigeants pouvaient faire l'objet d'une action en responsabilité. Avec la révision du Règlement, ce débat est désormais clos. En effet, le nouveau considérant 47 indique que la juridiction ayant ouvert la procédure secondaire est compétente pour sanctionner toute violation des obligations des dirigeants du débiteur, pour autant que cette juridiction soit compétente pour connaître de ces litiges en vertu de leur législation nationale. Ainsi, la juridiction de la procédure secondaire est compétente pour connaître de l'ensemble des actions qui se rattachent à la procédure : le principe vis attractiva concursus s'applique donc non seulement à la procédure principale mais aussi intégralement à la procédure secondaire.

C - Le nouvel équilibre entre procédure principale et procédures secondaires

Le nouvel article 38, paragraphe 4, du Règlement (CE) n° 2015/848 est l'une des mesures phare de la refonte. Il prévoit la possibilité, pour une juridiction saisie d'une demande d'ouverture d'une procédure secondaire, d'ouvrir tout type de procédure d'insolvabilité visée à l'annexe A, sous réserve de l'application des conditions d'ouverture prévues par leur législation nationale. L'article 51 du nouveau Règlement prévoit également la possibilité pour le praticien de l'insolvabilité de la procédure principale de solliciter la conversion d'une procédure secondaire en un autre type de procédure qui s'avèrerait plus pertinent au regard des intérêts locaux et du souci d'harmonisation avec la procédure principale.

La disparition de la nature nécessairement liquidative de la procédure secondaire risquant de favoriser l'ouverture intempestive de procédures secondaires "parasites", le nouveau Règlement prend soin d'intégrer dans son architecture quelques garde-fous tirant ainsi les leçons de la pratique, et notamment des affaires "Rover" (9) et "Collins & Aikman II" (10), à l'origine des procédures secondaires qualifiées de "synthétiques".

En effet, le nouveau Règlement consacre ces avancées jurisprudentielles en prévoyant, en son article 36, que le praticien de l'insolvabilité de la procédure principale pourra, dans une perspective liquidative, prendre un engagement unilatéral au bénéfice des créanciers locaux en contrepartie de l'absence d'ouverture d'une procédure secondaire. Un tel engagement devra recevoir l'accord des créanciers locaux suivant les règles de majorité de la législation de l'Etat dans lequel la procédure secondaire aurait pu être ouverte et permettra à la juridiction locale, sur demande du praticien de la procédure principale, et après constat de la protection de l'intérêt général des créanciers, de ne pas ouvrir de procédure secondaire. Il est intéressant de noter que par un raisonnement analogue en droit national la cour d'appel de Versailles avait refusé, dans l'affaire "Rover", d'ouvrir une procédure secondaire (11). En effet, le liquidateur anglais avait pris l'engagement que les créanciers locaux seraient traités comme si une telle procédure avait été ouverte.

Dans l'affaire "Bank Handlowy" (12), la CJUE était confrontée au problème de l'opportunité de l'ouverture d'une procédure secondaire de liquidation judiciaire de droit polonais dont la finalité était contraire à la procédure de sauvegarde de droit français. La Cour a affirmé qu'il n'existait aucune disposition du Règlement permettant de refuser l'ouverture d'une procédure secondaire sur un motif d'opportunité. Une fois la procédure secondaire ouverte, la Cour de justice dans l'arrêt "Bank Handlowy" invite la juridiction d'ouverture à "prendre en considération les objectifs de la procédure principale et tenir compte de l'économie du règlement dans le respect du principe de coopération loyale". L'avocat général avait alors appelé de ses voeux une réforme du Règlement.

Cette problématique était connue des praticiens. L'ouverture d'une procédure secondaire pouvait s'avérer problématique dès lors que le praticien de l'insolvabilité d'une procédure principale souhaitait négocier un accord de restructuration de la dette avec l'ensemble des créanciers. En effet, l'application de plusieurs lois rend la conclusion d'un accord de restructuration en pratique impossible. Face à cette complication, le nouveau Règlement a introduit à l'article 38, paragraphe 3, la possibilité pour le praticien de la procédure principale de solliciter la suspension de l'ouverture de la procédure secondaire pour une durée maximale de trois mois. Le nouveau Règlement précise qu'une telle suspension ne sera possible que pour autant que des mesures soient mises en place pour protéger les créanciers locaux. Dans le même ordre d'idées, la suspension sera révoquée s'il est devenu évident que les négociations ont peu de chances d'aboutir ou si le débiteur a enfreint l'interdiction d'aliéner ses actifs ou de les déplacer du territoire de l'Etat membre dans lequel se situe l'établissement.

Par ailleurs, en cas d'ouverture ultérieure d'une procédure secondaire de type sauvegarde, le praticien de l'insolvabilité de la procédure principale ne pourra imposer son plan de restructuration. L'autonomie de la procédure secondaire est sauve, tout sera donc affaire de négociation, laquelle risque de s'avérer très complexe. Ce schéma consensualiste a également présidé à l'élaboration du nouveau régime de traitement des insolvabilités de groupes de sociétés.

IV - Le nouveau régime de traitement de l'insolvabilité des groupes de sociétés

Grand absent du Règlement (CE) n° 1346/2000, le traitement de l'insolvabilité des groupes de sociétés a été mis au point de manière empirique par les juridictions. En effet, il est revenu à la pratique de combler les lacunes en adoptant une approche extensive de la notion du centre des intérêts principaux (COMI dans la rédaction anglaise) dans l'objectif de se saisir de faillites de groupes de sociétés dans leur ensemble. Les affaires "Rover", "Collins & Aikman", "EMTEC" et "Nortel" témoignent de cette nécessaire approche globale dans le cadre de groupes de sociétés très intégrés.

Ici encore, le débat a porté sur le fait de savoir si la modification du Règlement devait être l'occasion d'introduire des mesures innovantes ou, plus prudemment, s'il fallait se contenter d'une simple codification "à droit constant". A cet égard, le concept de la procédure "pilote", gérant l'insolvabilité du groupe dans son ensemble, quitte à imposer ses choix aux filiales, avait pu être présenté comme une solution radicale pour traiter ce type de problématique de manière plus cohérente. De la même manière, certains auteurs s'étaient interrogés sur la possibilité d'étendre une procédure à l'ensemble d'un groupe par le biais de la confusion des patrimoines.

Or, force est de constater que le nouveau Règlement ne reprend pas ces solutions et conserve ainsi son architecture d'origine. Il renforce néanmoins la coopération entre juridictions et organes de la procédure et crée une nouvelle procédure de coordination.

A - La structure du Règlement conservée

Le nouveau Règlement conserve une analyse classique de l'autonomie des personnes morales et rejette toute hiérarchisation des procédures principales des sociétés d'un même groupe. Ce choix doit être à notre sens salué, tant il aurait été difficile de définir les critères pour déterminer la procédure "pilote". Dès lors, il apparaît logique que le traitement de l'insolvabilité d'un groupe par une juridiction unique ne puisse être envisagé que si le centre des intérêts principaux des sociétés est localisé dans un même Etat membre, ainsi que le prévoit le nouveau considérant 53. A ceci près que, le nouveau Règlement reprenant l'approche restrictive du COMI des arrêts "Eurofood" et "Interedil" précités, une telle solution ne trouvera à s'appliquer que pour les groupes de sociétés très intégrés.

Au-delà, force est de constater que le nouveau Règlement ne retient ni le concept de la procédure principale "pilote", ni la possibilité d'étendre les effets d'une procédure principale au reste des sociétés du groupe par le biais de la confusion des patrimoines (substantive consolidation). Ce choix consacre l'approche retenue par les juges communautaires dans l'affaire "Rastelli" (13). En effet, saisie d'une question préjudicielle sur la possibilité d'étendre une procédure de liquidation judiciaire française à l'encontre de la société italienne Rastelli, la Cour de justice avait rejeté toute idée d'une consolidation de procédures par le Règlement. Elle a considéré que l'extension de procédure était assimilable à l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité. Par conséquent, la juridiction souhaitant procéder à une extension de procédure doit au préalable établir que le COMI de la société cible se trouve sur son territoire. Par la suite, l'extension de procédure au motif d'une confusion du patrimoine relève du droit interne.

Cela étant, le nouveau Règlement s'est néanmoins inspiré de la pratique pour traiter plus efficacement la faillite des groupes en renforçant la coopération entre les organes de la procédure et en créant une procédure de coordination.

B - La coopération renforcée comme vecteur de progrès

Le nouveau Règlement a consacré l'approche contractualiste et volontariste développée par la pratique depuis l'affaire "Sendo" (14). En effet, l'article 41, paragraphe 1, du nouveau Règlement prévoit notamment la coopération entre le praticien de l'insolvabilité de la procédure principale et le ou les praticiens des procédures secondaires à travers la conclusion d'accords ou de protocoles. La mise en oeuvre d'une telle coopération est couplée à un devoir qu'auront les juridictions de coordonner l'approbation desdits accords ou protocoles (15). Pour autant que ces protocoles ne soient pas incompatibles avec les législations nationales, et sous réserve de l'accord des praticiens concernés, l'insolvabilité d'un groupe de sociétés pourrait donc être traitée par la mise en place contractuelle d'un "praticien de l'insolvabilité pilote" ayant des pouvoirs supplémentaires pour mettre en oeuvre un plan de restructuration global.

Par ailleurs, le nouveau Règlement instaure un devoir de coopération entre juridictions et entre praticiens de l'insolvabilité en permettant notamment à ces derniers d'être entendus devant les juridictions étrangères et d'échanger avec leurs homologues pour suggérer toute mesure qui s'avérerait utile pour une restructuration globale. Ici encore, l'approche se veut éminemment consensuelle. S'il apparaît évident que cette mesure profitera surtout aux praticiens des procédures les plus importantes en termes financiers et humains, rien ne s'oppose à ce que plusieurs plans concurrents soient proposés par l'ensemble des praticiens concernés. Il appartiendra donc à chaque praticien d'être force de proposition et de convaincre ses homologues de l'utilité de leur intégration dans un plan global, étant précisé que ce plan devra s'avérer conforme à l'intérêt général, en ce compris l'intérêt des créanciers locaux.

C - La nouvelle procédure de coordination collective

La création d'une procédure de coordination collective, sur la suggestion du Gouvernement allemand, est sans doute la nouveauté la plus intéressante en ce qui concerne le traitement de l'insolvabilité des groupes de sociétés. L'article 61 du nouveau Règlement prévoit en effet que tout praticien de l'insolvabilité désigné dans une procédure ouverte à l'encontre d'un membre du groupe pourra demander l'ouverture d'une procédure de coordination. Le tribunal qui est le premier saisi ouvrira la procédure en nommant un coordinateur s'il estime que sa nomination est de nature à faciliter la gestion efficace de la procédure d'insolvabilité et qu'aucun créancier d'une société du groupe, dont on prévoit la participation à la procédure, n'est susceptible d'être financièrement désavantagé. Un changement ultérieur très rapide, sous trente jours, de la juridiction chargée de la coordination est toutefois possible si les deux tiers des praticiens sont convenus qu'une juridiction d'un autre Etat membre est plus appropriée.

Le praticien de l'insolvabilité proposé en tant que coordinateur devra répondre aux conditions requises par l'article 71 du nouveau Règlement. Une fois désigné par la juridiction ayant ouvert la procédure de coordination, le coordinateur aura pour mission d'élaborer des recommandations pour la conduite coordonnée des procédures d'insolvabilité. Il pourra proposer un programme de coordination collective indiquant notamment les mesures à prendre pour redresser le groupe ou une partie de celui-ci.

L'article 72, paragraphe 2, du nouveau Règlement lui confère le droit d'être entendu et de participer à toute procédure ouverte à l'encontre d'un membre du groupe. Il peut également arbitrer tout litige qui pourrait survenir entre praticiens de l'insolvabilité et leur demander toutes informations utiles afin d'élaborer une stratégie globale. Enfin, le coordinateur peut demander la suspension d'une procédure, pour une durée maximale de six mois, si une telle mesure est nécessaire pour assurer l'application du programme de coordination et si elle est dans l'intérêt des créanciers concernés par la procédure dont la suspension est demandée. Le coordinateur pourra être révoqué à la demande d'un praticien participant à la coordination s'il manque à ses obligations ou agit au détriment des créanciers d'une société du groupe.

Si cette procédure de coordination constitue une idée intéressante pour traiter plus efficacement l'insolvabilité des groupes de sociétés, il n'est pas certain qu'elle apporte en pratique des solutions à la hauteur de l'espoir qu'elle suscite. En effet, cette procédure est très largement non contraignante dans la mesure où un praticien désigné pour l'une des sociétés du groupe peut choisir de ne pas participer à la coordination, faisant ainsi échapper la procédure pour laquelle il a été désigné à l'ensemble des dispositions précitées. De la même manière, un praticien ne participant pas à la coordination pourra demander l'inclusion de la procédure pour laquelle il a été désigné, sous réserve des conditions posées par l'article 69 du nouveau Règlement. Enfin, le caractère non contraignant de la procédure de coordination collective se manifeste également par le fait qu'aucun praticien de l'insolvabilité n'est tenu de suivre les recommandations du coordinateur. En pratique, on peut donc légitimement se demander si cette procédure ne fait pas double emploi avec les dispositions relatives à la coopération. Cela étant, il appartiendra à la pratique de se saisir de ce nouvel outil pour mieux structurer la réorganisation d'un groupe de sociétés.

Cette évolution du droit de l'Union, bien que prudente, invite à s'interroger sur l'opportunité d'une prise en compte sur le plan interne de l'existence des groupes de sociétés, à l'instar du législateur allemand qui s'est avéré être une source d'inspiration importante dans la modification du Règlement sur cette problématique.

V - Les innovations améliorant la situation des créanciers

D'une manière générale, on observe un renforcement de la position des créanciers dans le cadre de la refonte du Règlement. Cette volonté se reflète à la fois dans le devoir d'information à l'égard des créanciers et dans la facilitation de leur déclaration de créances.

A - L'amélioration de l'information des créanciers

Dès l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité, le nouveau Règlement prévoit dorénavant une publicité beaucoup plus complète des informations pertinentes qui sont portées à la connaissance du créancier. Ceci est réalisé à travers l'obligation pour les tribunaux et les praticiens de l'insolvabilité de tenir à jour le ou les registres d'insolvabilité nationaux. A cet égard, la France doit créer de tels registres d'ici le 26 juin 2018.

Dans un deuxième temps, la Commission devra assurer, à compter du 26 juin 2019, l'interconnexion des registres nationaux.

B - Information personnalisée du créancier

La déclaration de créances en cas d'insolvabilité transfrontalière peut s'avérer être un exercice particulièrement complexe puisque le créancier est obligé de se conformer à la loi de l'Etat d'ouverture. Dès lors, les pièges relatifs à la procédure sont innombrables tant en termes de forme que de délai (de forclusion).

Le Règlement (CE) n° 2015/848 améliore les informations devant être portées à l'attention du créancier individuellement à travers une notification personnalisée qui fait désormais l'objet d'un formulaire normalisé.

Le seul regret pouvant être formulé à cet égard est que le Règlement ne prévoit aucune sanction en cas de non observation de ces dispositions. Sur ce point, si la jurisprudence des Etats membres est assez favorable aux créanciers, la Cour de cassation est beaucoup plus stricte puisque le créancier étranger est traité de la même manière que le créancier national (16). Son seul salut se trouve dans le relevé de forclusion qui est enfermé dans des délais stricts (17). Il eut été plus favorable de retenir, comme point de départ, la date d'information effective du créancier étranger en application de l'article 54 du Règlement n° 2015/848.

C - Déclaration de créances

Enfin, la procédure de déclaration de créances fait l'objet d'une règlementation autonome qui remplace la lex fori concursus. Les informations devant être communiquées par les créanciers sont énumérées dans l'article 55 du nouveau Règlement. Ces dispositions ont été transposées dans le Règlement d'exécution de la Commission en date du 12 juin 2017. La forme des déclarations de créances est donc désormais standardisée et ne dépend que de la norme de l'Union.

Les délais, la vérification et l'admission des créances continuent cependant de relever de la lex fori concursus.

En tout état de cause, il existe un délai minimum incompressible de trente jours qui court à partir de la publication de la décision d'ouverture de la procédure d'insolvabilité au registre d'insolvabilité de l'Etat d'ouverture (18). Ces nouvelles dispositions visent à réduire les coûts et à simplifier, pour les créanciers, la déclaration de leurs créances (19).


(1) CJUE, Grande Chambre, 2 mai 2006, aff. C-341/04 (N° Lexbase : A2224DP3) , ECLI:EU:C:2006:281, pt n° 33, concl. AG M. F. G. Jacobs, 27 septembre 2005 ; D., 2006, p. 1286 obs. A. Lienhard, p. 1752 note R. Dammann et p. 2250 obs. F.-X. Lucas et P.-M. Le Corre ; JCP éd. G, 2006, II, 10089 note M. Menjucq ; Rev. sociétés, 2006, p. 360 J.-P. Rémery ; Rev. crit. DIP, 2006, p. 811, étude, F. Jault-Seseke et D. Robine.
(2) Règlement (CE) n° 2015/848, art. 3, § 1, al. 2.
(3) CJUE, 20 oct. 2011, aff. C-396/09 (N° Lexbase : A7808HYT), ECLI:EU:C:2011:671, concl. AG Juliane Kokott, 10 mars 2011 ; D., 2011, p. 2593 obs. A. Lienhard et p. 2915 note J.-L. Vallens ; Rev. Sociétés, 2011, p. 726, obs. Ph. Roussel-Galle et 2012, p. 116, note Th. Mastrullo ; Bull Joly Entrep. en diff., 2012 p. 34, note L. C. Henry ; JCP éd. E, 2012, 1309 note R. Dammann et A. Albertini.
(4) J.-L. Vallens, Tourisme judiciaire et insolvabilité: les risques du forum shopping, Rev. proc. coll., 2012, Etude 21.
(5) Cass. com., 30 juin 2009, n° 08-11.902, FS-P+B+R (N° Lexbase : A5782EIY) ; RLDA, 07/2009, note A. Lienhard.
(6) T. com. Nanterre, 3ème ch., 15 fevrier 2006, aff. n° 2006P00149 (N° Lexbase : A7182ICY ; "EMTEC").
(7) CJUE, 12 février 2009, aff. C-339/07 (N° Lexbase : A1100ED4), ECLI:CE:C:2009:83, concl. AG M. Damaso Ruis-Jarabo Colomer, 16 octobre 2008.
(8) Cass. com., 22 janvier 2013, n° 11-17.968, F-P+B (N° Lexbase : A8716I39), Bull. civ. IV, n° 17 ; D., 2013, p. 301, obs. A. Lienhard, p. 755, note crit. R. Dammann et A. Rapp, p. 1503, obs. F. Jault-Seseke, et p. 2293, obs. S. Bollée ; Bull Joly Sociétés, 2013, p. 263, note crit. J.-L. Vallens ; Rev. sociétés, 2013, p. 183, obs. L. C. Henry, et p. 573, note N. Morelli ; RPC, 2013, comm. 30, Th. Mastrullo ; L. d'Avout, Règlement insolvabilité, procédure territoriale et sanctions personnelles du dirigeant, RPC, 2013, étude 19.
(9) "Rover", High Court of Justice of Birmingham, 18 avril 2005, NZI 2005, p. 467, note D. Penzlin et S. Riedemann et EWIR 2005, p. 637, obs. P. Mankowski ; CA Versailles, 15 décembre 2005, n° 05/04273 (N° Lexbase : A5069DMP), D., 2006, p. 142, obs. A. Lienhard, et p. 379, note R. Dammann ; MG Rover Belux SA/NV, [2006] EWHC (CH) 1296, NZI 2006, p. 416, n° 10.
(10) "Collins & Aikman", High Court of London, 9 juin 2006, [2006] EWCH 1343, NZI 2006, p. 654.
(11) CA Versailles, 15 décembre 2005, n° 05/04273, préc., D., 2006, p. 142, obs. A. Lienhard, et p. 379, note R. Dammann.
(12) CJUE, 22 novembre 2012, aff. C-116/11 (N° Lexbase : A2679IXI), ECLI:EU:C:2012:739, concl. AG Mme Juliane Kokott, 24 mai 2012 ; D., 2013, p. 468, note R. Dammann et H. Leclair de Bellevue ; JCP éd. E, 2013, p. 87, note L. d'Avout ; Rev. sociétés, 2013, p. 184 obs. L. C. Henry ; Bull. Joly Entrep. en diff., 2013, p. 47, note J.-P. Sortais ; RPC, 2013, n° 29 obs. Th. Mastrullo ; JCP éd. G, 2013, 1134, n° 10, note M. Menjucq.
(13) CJUE, 15 décembre 2011, aff. C-191/10 (N° Lexbase : A2893H8N), ECLI:EU:C:2011:838, D., 2012, p. 403 note J.-L. Vallens, p. 406, note R. Dammann et F. Müller, p. 1228, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; Rev. sociétés, 2012. p. 189, obs. Ph. Roussel Galle, et p. 313, note N. Morelli ; JCP éd. E, 2012, 1088, note Y. Paclot et D. Poracchia, et 1227, obs. Ph. Pétel ; JCP éd. G., 2012, 384, note F. Mélin ; Bull Joly Entrep. en diff., 2012, n° 2, p. 117 et n° 4, p. 243, notes L. C. Henry ; LPA, 7 février 2012, n° 27 p. 4, obs. V. Legrand ; RPC, 2012 n° 1, étude 2, note M. Menjucq.
(14) T. com. Nanterre, 29 juin 2006, aff. n° 05L0823 ; M. Menjucq, Droit international et européen des sociétés, n° 541-2 ; RLDA, 9/2006 p. 81, note R. Dammann et M. Sénéchal. .
(15) Règlement (CE) n° 2015/848, art. 42.
(16) V. Cass. com., 16 novembre 2010, n° 09-16.572, F-P+B (N° Lexbase : A5784GKG),, Bull. civ. IV, n° 179.
(17) V. Cass. com., 17 décembre 2013, n° 12-26.411, FS-P+B (N° Lexbase : A7638KSP), Bull. civ. IV, n° 188 ; D., 2014, p. 5 ; LEDEN, février 2014, p. 7, obs. F. Mélin ; Act. proc. coll., 2014, n° 36, obs. Voinot. V. Cass. com., 18 novembre 2014, n° 12-28.040, F-D (N° Lexbase : A9385M3Y), Bull. Joly Entrep. en diff., 2015, p. 119, B. Thullier.
(18) Règlement n° 2015/848, art. 55, § 6.
(19) Règlement d'exécution (UE) 2017/1105 de la Commission du 12 juin 2017, établissant les formulaires visés dans le Règlement (UE) 2015/848 du Parlement européen et du Conseil relatif aux procédures d'insolvabilité ([LXB=L0136LG7)]) ; JOUE du 22 juin 2017, L. 160/1.

newsid:460456

Entreprises en difficulté

[Brèves] Effet de l'adoption d'un plan de cession : impossibilité d'étendre la procédure collective à un tiers

Réf. : Cass. com., 27 septembre 2017, 16-16.670, F-P+B+I (N° Lexbase : A1402WT4)

Lecture: 1 min

N0420BXT

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460420
Copier

par Vincent Téchené

Le 05 Octobre 2017

L'adoption d'un plan de cession totale de l'entreprise fait obstacle à l'extension à un tiers, pour confusion des patrimoines, de la procédure collective du débiteur. Tel est le principe énoncé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 27 septembre 2017 (Cass. com., 27 septembre 2017, 16-16.670, F-P+B+I N° Lexbase : A1402WT4 ; v. déjà Cass. com., 5 avril 2016, n° 14-19.869, FS-P+B N° Lexbase : A1599RC9 sur lequel lire les obs. de Ch. Lebel N° Lexbase : N2564BWU).

En l'espèce, une société a été mise en redressement judiciaire le 17 décembre 2013. Le mandataire judiciaire a assigné en extension de procédure pour confusion de patrimoines la bailleresse des locaux d'exploitation, laquelle a opposé l'irrecevabilité de la demande, en se prévalant du jugement du 16 avril 2014 arrêtant le plan de cession. Le redressement a été converti en liquidation judiciaire le 24 juin suivant.

L'arrêt d'appel déclare l'action recevable, retenant qu'aux termes des articles L. 631-22 (N° Lexbase : L3101I4M) et R. 631-42 (N° Lexbase : L1025HZY) du Code de commerce, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT), le plan de cession n'est qu'une opération de réalisation des actifs qui ne détermine pas le sort de la personne morale qui exploitait l'entreprise et dont les actifs ont été cédés.

Enonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 621-2 (N° Lexbase : L7280IZN) et L. 631-22 du Code de commerce (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E3132EUK et N° Lexbase : E8680ETN).

newsid:460420

Fiscal général

[Brèves] L'essentiel du projet de loi de finances pour 2018

Réf. : Projet de loi de finances pour 2018

Lecture: 2 min

N0424BXY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460424
Copier

par Jules Bellaiche

Le 05 Octobre 2017

Le projet de loi de finances pour 2018 a été présenté par le ministre de l'Economie et des Finances le 27 septembre 2017 : en voici les principales mesures.
Le profil de la fiscalité sera rénové dès 2018 afin de favoriser, selon le Gouvernement, l'activité économique, l'investissement productif et le pouvoir d'achat des actifs. Cela passe notamment par la suppression des cotisations maladie et chômage des salariés en contrepartie d'une hausse moindre de la cotisation sociale généralisée (CSG, à hauteur de 1,7 point), créant un gain net de pouvoir d'achat pour les salariés. La contribution exceptionnelle de solidarité sera également supprimée en contrepartie de cette hausse de la CSG.
En 2019, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et le crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS) seront transformés en allègement de charges pérenne. La trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés (IS) de 28 % à 25 % sera prolongée et la contribution de 3 % sur les revenus distribués sera supprimée. L'impôt de solidarité sur la fortune sera remplacé par un impôt sur la fortune immobilière et il sera mis en place un prélèvement forfaitaire unique de 30 % sur les revenus du capital permettant de soutenir l'activité et d'orienter l'épargne vers l'investissement productif.
En 2018, il sera observé une baisse de 30 % de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages qui devrait soutenir aussi le pouvoir d'achat, notamment des classes moyennes.
Les seuils "micro" seront relevés et les redevables imposés sur une base minimum et dont le chiffre d'affaires est inférieur à 5000 euros seront exonérés de CFE. Il sera mis en place de nouvelles modalités de calcul de la CVAE pour les entreprises appartenant à un groupe et de nouvelles modalités de répartition de la CVAE entre collectivités territoriales.
Le taux marginal de taxe sur les salaires sera abrogé, tout comme l'extension de l'assiette de la taxe sur les transactions financières pour les opérations infra-journalières.
Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) sera maintenu en 2018 et concentré sur les actions les plus efficaces pour réaliser des économies d'énergie. Il sera transformé en 2019 en prime afin que les ménages en bénéficient dès l'achèvement des travaux. Les tarifs des taxes intérieures de consommation (TIC) seront relevés en cohérence avec la trajectoire de la valeur de la tonne de carbone. La convergence des tarifs de taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE) entre le gazole et l'essence est poursuivie afin de porter les tarifs applicables à ces carburants au même niveau.
S'agissant de la problématique du logement, la réduction d'impôt "Pinel" est reconduite pour quatre années supplémentaires et le prêt à taux zéro est prorogé.

newsid:460424

Fiscalité des entreprises

[Brèves] Impossibilité du report de l'imputation de crédits d'impôt d'origine étrangère : conformité à la Constitution

Réf. : Cons. const., 28 septembre 2017, n° 2017-654 QPC (N° Lexbase : A1625WTD)

Lecture: 2 min

N0438BXI

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460438
Copier

par Jules Bellaiche

Le 05 Octobre 2017

L'impossibilité de reporter l'imputation de crédits d'impôt d'origine étrangère est conforme à la Constitution. Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans un arrêt rendu le 28 septembre 2017 (Cons. const., 28 septembre 2017, n° 2017-654 QPC N° Lexbase : A1625WTD).
En l'espèce, la société requérante prétend que les dispositions litigieuses (CGI, art. 220, 1-a N° Lexbase : L1389IZH) interdisent d'imputer un crédit d'impôt d'origine étrangère sur l'IS dû au titre d'un autre exercice que celui au cours duquel le crédit d'impôt est obtenu. Ce crédit d'impôt ne pouvant être complètement utilisé que si les résultats de l'exercice au cours duquel il est obtenu sont suffisamment bénéficiaires, il en résulterait, en méconnaissance du principe d'égalité devant la loi, une différence de traitement injustifiée entre sociétés selon les résultats de cet exercice. La société requérante reproche à ces mêmes dispositions de méconnaître le principe d'égalité devant la loi selon l'Etat dans lequel l'impôt étranger a été acquitté. Ces dispositions méconnaîtraient également le principe d'égalité devant les charges publiques en raison de la double imposition à laquelle serait soumise une société se trouvant dans l'impossibilité d'imputer le crédit d'impôt d'origine étrangère. Enfin, en privant, dans ce cas, le contribuable de la créance qu'il détiendrait sur l'Etat, ces dispositions violeraient le droit de propriété.
Cependant, les Sages n'ont pas donné raison à cette société. En effet, le principe d'égalité devant les charges publiques ne fait pas obstacle à ce qu'un même contribuable soit soumis à plusieurs impositions sur une même assiette et également, ce principe n'impose pas au législateur, pour l'établissement de l'impôt perçu en France, de tenir compte d'autres impôts acquittés à l'étranger sur les produits que le contribuable reçoit.
En interdisant de reporter sur un exercice ultérieur la retenue à la source de l'impôt sur le revenu ou un crédit d'impôt d'origine étrangère, les dispositions contestées traitent de la même manière toutes les sociétés, quels que soient leurs résultats. Elles ne créent pas non plus, s'agissant des crédits d'impôt d'origine étrangère, de différence selon l'Etat d'origine des revenus.
Puis concernant le droit de propriété, ni la retenue à la source de l'IR prélevée sur les produits reçus en France, ni le crédit d'impôt dont la retenue à la source à l'étranger peut être assortie ne constituent un acompte sur le paiement au Trésor de l'impôt sur les sociétés. Par conséquent, ni l'un, ni l'autre n'ont le caractère d'une créance restituable (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X5678ATH).

newsid:460438

[Brèves] Mention manuscrite de la caution : notion de créancier professionnel

Réf. : Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-24.895, F-P+B+I (N° Lexbase : A1400WTZ)

Lecture: 2 min

N0448BXU

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460448
Copier

par Vincent Téchené

Le 05 Octobre 2017

Le créancier professionnel au sens des articles L. 341-2 (N° Lexbase : L5668DLI ; devenu L. 331-1 N° Lexbase : L1165K7B) et L. 341-3 (N° Lexbase : L6326HI7 ; devenu L. 331-2 N° Lexbase : L1164K7A) du Code de la consommation s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles. Tel est le cas d'une association sans but lucratif dont l'objet consiste à fournir sa garantie financière aux clients et fournisseurs de l'agence de voyage qu'elle compte parmi ses membre (C. tourisme, art. L. 211-18 II (a) N° Lexbase : L8158KUP), lorsque l'agence, financièrement défaillante, est dans l'incapacité d'exécuter les prestations promises ; en effet, le cautionnement qui garantit les dettes de l'agence de voyage à l'égard de cette association est en rapport direct avec l'activité professionnelle de cette dernière. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 septembre 2017 (Cass. com., 27 septembre 2017, n° 15-24.895, F-P+B+I N° Lexbase : A1400WTZ ; cf. déjà Cass. civ. 1, 9 juillet 2009, n° 08-15.910, FS-P+B+I N° Lexbase : A7351EI4).

En l'espèce les cogérants d'une société qui exploitait une agence de voyage ont adhéré à l'association professionnelle de solidarité du tourisme (APST) qui lui fournissait la garantie financière prévue par l'article L. 211-18 II (a) du Code du tourisme, nécessaire à l'obtention de la licence d'agent de voyages. L'APST a assigné en exécution de son engagement l'une des cautions laquelle a opposé la nullité de son engagement, en raison de l'absence des mentions manuscrites prévues par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation.

L'arrêt d'appel a condamné la caution à payer. Les juges du fond constatent que l'APST est une association, constituée conformément à la loi du 1er juillet 1901, qui regroupe en son sein des agences de voyage et toute entreprise et organisme intervenant dans le secteur d'activité du tourisme et que ses statuts, agréés par le ministère du Tourisme et par le ministère de l'Economie et des Finances, lui permettent d'agir en qualité d'organisme de garantie collective visé au titre 1 du livre II du Code du tourisme. Ils retiennent, en conséquence, que l'APST, qui agit sans but lucratif et se définit à travers ses statuts comme un garant professionnel, ne peut, de ce fait, être considérée comme un créancier professionnel au sens des dispositions invoquées par les cautions.

Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation censure l'arrêt d'appel au visa des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 (cf. l’Ouvrage "Droit des sûretés" N° Lexbase : E1858GA3).

newsid:460448

Procédures fiscales

[Jurisprudence] Sur la méconnaissance par le juge du champ d'application d'une convention fiscale internationale - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 20 septembre 2017, n° 392231, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7369WSQ)

Lecture: 19 min

N0540BXB

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460540
Copier

par Emilie Bokdam-Tognetti, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 05 Octobre 2017

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 20 septembre 2017, a décidé que la méconnaissance par le juge du champ d'application d'une convention fiscale internationale, regardée à tort comme applicable au litige, constitue un motif d'ordre public (CE 9° et 10° ch.-r., 20 septembre 2017, n° 392231, mentionné aux tables du recueil Lebon). Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cet arrêt, Emilie Bokdam-Tognetti. La présente affaire met aux prises trois juridictions fiscales : les Etats-Unis, la France et la Suisse.

Les Etats-Unis abritent, semble-t-il à une adresse de domiciliation de sociétés, le siège de la société de droit américain Mecatronic international llc, créée le 26 mars 2003 au Nevada, ayant pour associé à 99,99 % M. A, et dont l'objet est la fabrication, la distribution, la vente et la commercialisation de machines et pièces mécaniques. En Suisse, dans la ville de Fribourg, se trouve depuis le 13 mai 2003 une succursale de cette société, domiciliée chez un conseil et dont M. A était le directeur jusqu'au 4 juillet 2003, date à laquelle il a été remplacé par M. B, également gérant d'une trentaine d'autres sociétés. En France, enfin, existe de longue date (depuis 1986) la SA Senstronic, ayant pour objet le développement, la production et la commercialisation de tout matériel, machines, composants électriques et électroniques, et dont le président-directeur général et actionnaire à 99,99 % était, là encore, M. A.

Le 16 juillet 2003, la succursale fribourgeoise de la société Mecatronic et la SA Senstronic ont conclu une "convention d'assistance technique, commerciale et marketing et de croissance externe", avec effet rétroactif au 1er mars 2003 et par laquelle la première faisait bénéficier la seconde de son savoir-faire, détenu par M. A. La société Mecatronic a ainsi facturé à la SA Senstronic des prestations de services de 2003 à 2006.

Se fondant notamment sur les documents saisis lors d'opérations conduites sur le fondement de l'article L. 16 B du LPF (N° Lexbase : L3180LCR) dans les locaux de la société Senstronic à Saverne, l'administration fiscale a considéré que la société Mecatronic y disposait d'un établissement stable non déclaré et a regardé son activité de conseil à la société Senstronic comme étant exercée, en réalité, à partir de ces locaux en France et comme constituant une entreprise exploitée en France dont les bénéfices relevaient de l'impôt sur les sociétés. Elle lui a adressé une mise en demeure de déclarer ces bénéfices puis diligenté une vérification de comptabilité. Des redressements en matière d'IS et de TVA, assortis de pénalités, lui ont, à l'issue de ces contrôles, été notifiés. La société a alors porté le litige sans succès devant le tribunal administratif de Strasbourg (TA Strasbourg, 25 juin 2013, n° 0905159), puis devant la cour administrative d'appel de Nancy (CAA Nancy, 2 juin 2015, n° 13NC01617), dont elle conteste l'arrêt par le présent pourvoi.

Commençons par les conclusions du pourvoi dirigées contre l'arrêt en tant qu'il s'est prononcé sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Après avoir cité le I de l'article 209 du CGI (N° Lexbase : L2929LCH), aux termes duquel "les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés [...] en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions", la cour a d'abord estimé que, si la société Mecatronic soutenait qu'il devait être fait application de la Convention fiscale franco-américaine (N° Lexbase : L5151IEI), il ne résultait pas de l'instruction que la société était assujettie à l'impôt sur les bénéfices aux Etats-Unis en raison de son siège social dans ce pays au titre des années en litige et en a déduit qu'elle ne pouvait, par suite, soutenir que l'imposition de ses bénéfices devait être régie par cette Convention. Puis la cour a jugé que la Convention franco-suisse du 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK) était seule applicable au litige et a cité les articles de cette Convention relatifs à la notion de résident (article 4), à celle d'établissement stable (article 5) et à l'imposition des bénéfices des entreprises (article 7). Enfin, ayant examiné les éléments de fait figurant au dossier, notamment ceux révélés par des opérations de visite et de saisie réalisées dans les locaux de la société Senstronic, la cour a estimé que la société requérante devait être regardée "comme ayant en France une installation fixe d'affaires, comportant le personnel et les moyens matériels nécessaires à son fonctionnement, caractérisant un établissement stable au sens des stipulations précitées de l'article 5 de la Convention fiscale franco-suisse" et "qu'en application des dispositions combinées de l'article 209 du CGI et de ladite Convention, la société Mecatronic était dès lors imposable à l'impôt sur les sociétés en France à raison des activités réalisées à partir de cet établissement".

Vous avez informé les parties de ce que votre décision était susceptible d'être fondée sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de la Convention fiscale franco-suisse, à défaut pour la société Mecatronic d'être résidente de Suisse au sens de cette Convention.

Avant d'examiner le bien-fondé de ce moyen, vous devrez vous interroger un instant sur son caractère d'ordre public.

Si vous refusez de soulever d'office la méconnaissance du droit de l'Union européenne (v. CE, Sect., 11 janvier 1991, n° 90995, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A8940AQ8, p. 9) ou encore l'incompatibilité d'une loi avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (CE 9° et 10° s-s-r., 13 décembre 2002, n° 237275, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4688A4E, p. 721), vous jugez qu'il incombe d'office au juge de l'impôt de rapprocher la qualification d'une imposition au regard de la loi fiscale et les stipulations d'une convention fiscale bilatérale d'élimination des doubles impositions (CE Ass., 28 juin 2002, n° 232276, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0219AZ7, p. 233, RJF, 10/02, n° 1080, avec chronique L. Olléon, p. 755, concl. S. Austry, BDCF, 10/02, n° 120).

Ont ainsi été regardés comme d'ordre public les moyens tirés de ce qu'une telle convention fait obstacle à l'application des dispositions du I de l'article 209 B du CGI (N° Lexbase : L9776I3H) relatives à l'imposition des bénéfices provenant de sociétés établies dans un Etat à fiscalité privilégiée (même décision), de ce qu'une convention fiscale bilatérale s'oppose à une retenue à la source pratiquée sur des bénéfices distribués au sens de l'article 109 du CGI (N° Lexbase : L2060HLU) (par ex. CE 7° et 8° s-s-r., 19 décembre 1986, n° 54101, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A4624AM9, RJF, 2 /87, n° 176, O. Fouquet, Rev. Sociétés, 1/87, p. 80), ou encore de ce que les stipulations d'une convention fiscale bilatérale tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et d'impôt sur la fortune ne sont pas applicables à la TVA (CE 8° et 3° s-s-r., 24 juillet 2009, n° 309278, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1082EKB, RJF, 11/09, n° 931, concl. Mme N. Escaut, BDCF, 11/09, n° 126).

En effet, dès lors que les stipulations d'une telle convention, dont l'application ne se comprend qu'en rapport avec celle des dispositions fiscales nationales, ont pour effet, selon leur contenu, non pas de rendre celles-ci, le cas échéant, illégales, mais simplement de laisser s'appliquer ou de faire obstacle à l'application de ces dispositions et fonctionnent ainsi, dans le cadre du principe méthodologique de subsidiarité, comme un système de feu bicolore à l'égard de l'application de la loi fiscale interne, vous considérez que l'application des stipulations d'une convention fiscale bilatérale met en cause le champ d'application de la loi.

On pourrait se poser un instant la question de savoir si une erreur sur l'applicabilité d'une convention fiscale bilatérale doit également être relevée d'office lorsque, comme en l'espèce où l'existence d'un établissement caractérisant une entreprise exploitée en France suffisait à appliquer l'article 209 du CGI, les stipulations dont une cour a fait application n'ont pas conduit à écarter l'application de la loi nationale ; en d'autres termes, lorsque la convention a fonctionné, eu égard à la qualification retenue, comme un feu vert et non comme un feu rouge.

Dans une telle hypothèse, on pourrait en effet être tenté de considérer que l'erreur est demeurée sans incidence sur l'application de la loi fiscale. Toutefois, une telle approche nous paraît devoir être écartée. Comme l'expliquait le président Fouquet dans ses conclusions sur l'affaire précitée jugée le 19 décembre 1986, les conventions fiscales s'intègrent à l'ordre juridique français. Dès lors, si l'application par la cour de la convention n'a pas conduit à écarter celle de la loi interne, l'exercice consistant, pour le juge de l'impôt, à regarder une convention comme applicable et à rapprocher ses stipulations de la qualification retenue dans un premier temps au regard de la loi est indissociable de la vérification, par ce juge, du champ d'application de cette loi. Regarder par erreur une convention comme applicable à un contribuable qui n'en relevait pas eu égard à sa résidence signifie que l'applicabilité de la loi non seulement n'a pas été examinée au regard des bons textes, mais que, le cas échéant, une autre convention aurait dû être prise en compte pour apprécier le champ d'application de cette loi.

Dans ces conditions, nous vous invitons à ne pas raffiner le raisonnement relatif au caractère d'ordre public d'un moyen tiré de l'applicabilité ou de l'inapplicabilité d'une convention fiscale bilatérale, selon que l'erreur commise par les juges du fond a ou non conduit à écarter l'application de la loi et la qualification de l'imposition retenue en droit interne.

En tout état de cause, en l'espèce, l'arrêt de la cour n'est pas dépourvu d'un certain flou, en ce qu'elle peut sembler s'être fondée sur le dernier membre de phrase du I de l'article 209 du CGI et la combinaison du droit interne et conventionnel pour non seulement valider, mais fonder même l'imposition.

Ces éléments étant précisés, quelle était la convention fiscale bilatérale applicable dans le présent litige ?

Depuis vos décisions du 9 novembre 2015 (CE 9° et 10° s-s-r., 9 novembre 2015, n° 370054, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3592NWX ; CE 9° et 10° s-s-r., 9 novembre 2015, n° 371132, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A3594NWZ), RJF, 2016, n° 138 et 178, concl. Mme de Barmon, p. 253), confirmée par votre décision du 20 mai 2016 (CE 3° et 8° ch., 20 mai 2016, n° 389994, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0963RQQ, RJF, 8-9/16, n° 753, concl. E. Cortot-Boucher, p. 1049), vous interprétez les stipulations des conventions fiscales, qui définissent la notion de résident d'un Etat contractant en recourant au critère d'assujettissement à l'impôt dans cet Etat, comme excluant que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt par la loi de l'Etat concerné "à raison de leur nature ou de leur activité" puissent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations et puissent, par suite, recevoir la qualification de résidents.

En l'espèce, les motifs retenus par la cour pour conclure à l'inapplicabilité de la Convention franco-américaine du 31 août 1994, faute pour la société Mecatronic d'avoir été assujettie à l'impôt sur les bénéfices aux Etats-Unis en raison de son siège social dans ce pays au titre des années en litige, ne sont donc pas exempts de maladresse, en ce qu'elle déduit de l'absence d'assujettissement à l'impôt au titre des exercices concernés le défaut de qualité de résident, sans avoir recherché si ce défaut d'assujettissement tenait à l'activité ou au statut de la société Mecatronic, et non par exemple à une situation déficitaire. En effet, vos décisions du 9 novembre 2015 ne sauraient être interprétées comme excluant du bénéfice des conventions fiscales bilatérales toutes les personnes qui, pour quelque motif que ce soit (telle l'absence de bénéfice net), n'acquittent pas l'impôt dans l'Etat concerné au titre de l'année considérée.

Toutefois, outre que ce raccourci dans la motivation de l'arrêt de la cour n'est pas critiqué par les parties, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mecatronic, dont M. A est associé à 99,99 % et dont le capital est donc détenu par au moins deux associés, a été enregistrée au Nevada sous la forme d'une limited liability company (llc). Or, d'une part, le Nevada exonère cette forme de société et ses associés de tout type d'impôt, notamment d'impôt sur les sociétés. D'autre part, au niveau fédéral, il semble que cette forme de société bénéficie, lorsqu'elle comporte deux membres ou plus, du traitement fiscal réservé aux partnerships et qu'elle ne constitue pas elle-même, sauf option pour le régime fiscal des corporations, un sujet de droit fiscal assujetti à l'impôt sur le revenu des sociétés.

Dans ces conditions, l'absence d'assujettissement à l'impôt de la société Mecatronic, qui n'est pas contestée en cassation, procédait bel et bien de son statut. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant la Convention fiscale franco-américaine inapplicable à la société.

Cette inapplicabilité conduisait-elle, pour autant, à appliquer la Convention fiscale du 9 septembre 1966 conclue entre la Suisse et la France ?

Pour l'application de cette Convention, comme pour l'ensemble des conventions fiscales bilatérales classiques, résidence et établissement stable sont deux notions distinctes, tant dans leur contenu que dans leur(s) fonction(s), et largement antinomiques, un peu comme le sont les notions de résidence et de source.

La résidence conventionnelle dans un Etat se définit en effet, pour les personnes morales, par l'assujettissement dans cet Etat à l'impôt sur les bénéfices à raison de leur siège ou d'un critère analogue, tel que le fait d'avoir dans cet Etat le lieu de leur administration effective (article 4) (1). En cas de conflit de résidence entre les deux Etats contractants, les conventions prévoient en général le recours au critère du siège de direction effective, ou encore à la procédure amiable.

La notion de résidence poursuit deux fonctions. D'une part, elle sert de clé d'entrée dans le champ d'application personnel de la convention : ne peuvent bénéficier des stipulations de celle-ci que les personnes résidentes de l'un ou/et l'autre des deux Etats contractants (article 1er). D'autre part, elle constitue une clé de répartition, entre ces deux Etats, du pouvoir d'imposer les revenus de la personne morale concernée : en principe, les bénéfices d'une entreprise ne sont imposables que dans l'Etat où elle a sa résidence (article 7) (2).

La notion d'établissement stable n'est utilisée que pour dessiner le périmètre d'une exception à ce principe de répartition et fonctionne par opposition à la notion de résidence : lorsqu'une entreprise ayant son siège dans un Etat contractant où elle est assujettie à ce titre à l'impôt dispose, dans l'autre Etat, d'un établissement stable, les bénéfices rattachables à cet établissement sont imposables dans ce dernier Etat. L'établissement stable, qui fait partie juridiquement de la personne morale du résident, ne se définit donc pas au regard de l'assujettissement à l'impôt, ni d'éléments de nature statutaire tels que le siège social, mais de manière économique et matérielle comme "une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité", telle une succursale.

Les conventions fiscales bilatérales, qui ont pour objet de traiter de la répartition du pouvoir d'imposer et de l'élimination des doubles impositions des résidents des Etats contractants, n'ont, en revanche, pas pour objet de traiter des relations entre deux établissements stables d'une société. Les rapports entretenus entre deux établissements stables, situés dans un Etat A et un Etat B, d'une société qui a son siège et, partant, sa résidence dans un Etat C, sont en effet hors du champ de la convention fiscale bilatérale conclue entre A et B faute pour la société d'être résidente de l'un ou l'autre de ces Etats : cette convention est donc inapplicable pour régler le partage du droit d'imposer les bénéfices de ces deux établissements. L'attribution conventionnelle à l'Etat A ou à l'Etat B du pouvoir d'imposer les bénéfices de la société rattachables aux établissements stables qui y sont situés s'opérera au regard des stipulations des conventions les liant chacun à l'Etat C, où la société a sa résidence.

De manière plus générale, les conventions fiscales bilatérales n'ont pas été pensées pour les situations triangulaires, qui constituent un enjeu croissant dans les relations internationales.

La notion d'établissement stable d'un établissement stable, ou de sous-établissement stable, est peu élaborée et rarement évoquée en doctrine. Ce vide s'explique sans doute par le fait qu'un sous-établissement stable n'est jamais, quand il remplit les critères de l'article 5 de la convention, qu'un établissement stable de la société, personne morale unique et dont la résidence est inchangée. Il n'y a dès lors guère de difficulté de principe, pour la répartition du pouvoir d'imposer les bénéfices réalisés par la société au sein de la nouvelle installation autonome ainsi créée, à ignorer l'établissement stable "intermédiaire" qui a été, le cas échéant, à l'origine de la création de cette nouvelle succursale, et à appliquer la convention bilatérale liant l'Etat de la résidence à l'Etat dans lequel ce nouvel établissement est situé. La problématique apparaît donc moins sensible et moins délicate que celle des relations triangulaires dans lesquelles l'application de la clé d'entrée de la résidence, jointe au caractère bilatéral des conventions, conduit à méconnaître la réalité des flux financiers, par exemple dans le cas d'intérêts ou de dividendes versés par un tiers situé dans un Etat A à un établissement stable situé dans un Etat B sans transiter par le siège situé dans un Etat C, et dans lequel l'application de la convention liant A et B serait pertinente économiquement mais impossible juridiquement, tandis que l'application de la convention liant A et C se heurte économiquement à l'absence de toute entrée des revenus en cause dans l'Etat C.

L'applicabilité au litige de la Convention franco-suisse était donc, en l'espèce, subordonnée à la reconnaissance à la société Mecatronic de la qualité de résidente de Suisse (ou de résidente de France), ce qui n'a jamais été allégué. Si, à l'inverse, cette société ne dispose en France et en Suisse que d'établissements stables, elle ne saurait bénéficier de ses stipulations.

La loi suisse retient comme critère de rattachement personnel des sociétés, emportant assujettissement illimité à l'impôt dans cet Etat, l'implantation du siège statutaire en Suisse ou, à titre analogue, la présence dans ce pays du lieu d'administration effective de la société, entendu comme le lieu où sont généralement prises les décisions importantes concernant la direction courante de toute la société (et non pas seulement d'une de ses branches d'activité) et où s'opèrent les opérations courantes en lien avec les activités de la société propres à atteindre son objet social (3). Le lieu d'administration effective ne doit donc se confondre, ni avec la simple gestion administrative, ni avec la présence "d'un" (et non pas "du") siège de direction en Suisse. Quant aux sociétés qui n'ont pas en Suisse leur siège ou le lieu de leur administration effective, elles sont assujetties à l'impôt sur les seuls bénéfices qui y sont réalisés. Tel est le cas des bénéfices provenant de l'exploitation d'un établissement stable, que la loi suisse définit comme toute installation fixe dans laquelle s'exerce tout ou partie de l'activité de l'entreprise, de manière durable.

Pour être résidente suisse au sens de la Convention fiscale franco-suisse, une société doit donc avoir son siège dans cet Etat ou le lieu de son administration effective. En revanche, la seule circonstance qu'elle acquitte un impôt en Suisse ne suffit pas, dès lors qu'elle peut y être passible de l'impôt à raison de critères qui ne sont pas analogues au siège, tel que l'exploitation d'un établissement, et qui ne satisfont donc pas à la définition posée à l'article 4 de la Convention.

Or, la cour s'est bornée, dans son arrêt, à constater que la société Mecatronic disposait à Fribourg d'une "succursale", c'est-à-dire en principe d'un simple établissement stable. Ce n'est que dans des circonstances très particulières dans lesquelles l'implantation sous forme d'une succursale serait en réalité le véritable lieu d'administration de la société, son siège de direction effective emportant le rattachement personnel, et non pas seulement économique, de la société à la Suisse, que cette société pourrait être regardée comme résidente suisse. La cour n'a rien relevé de tel, et ne l'a pas recherché. Cela ne ressort pas non plus, en l'état, des pièces du dossier soumis aux juges du fond, dès lors notamment que l'on ne sait rien des autres implantations ou activités éventuelles de la société, qu'il a toujours été soutenu par les parties que l'implantation suisse était une succursale et que la seule circonstance, relevée par le tribunal administratif et contestée par la société, qu'elle aurait déclaré en Suisse l'intégralité des recettes procurées par son activité de conseil à Senstronic ne suffit pas à voir dans la Suisse l'Etat de résidence de la société elle-même.

Par suite, en jugeant la Convention franco-suisse applicable à la société Mecatronic, la cour a méconnu son champ d'application et commis une erreur de droit. Vous annulerez donc son arrêt en tant qu'il a statué sur les conclusions relatives à l'impôt sur les sociétés, sans qu'il soit besoin de répondre aux moyens contestant cette partie de l'arrêt.

Ainsi, en l'état, aucune convention fiscale ne paraît applicable au présent litige.

Venons-en aux moyens critiquant l'arrêt en tant que celui-ci a statué sur les rappels de TVA. Ils vous retiendront moins longtemps.

Vous examinerez d'abord les moyens contestant l'existence en France d'un établissement stable, notion à laquelle l'article 259 du CGI (N° Lexbase : L2727IG4) a recours, subsidiairement à celle du siège du prestataire, pour le rattachement territorial à la France des prestations de service et qui ne recouvre pas exactement le même contenu que celle utilisée par les conventions fiscales bilatérales.

Un établissement stable, pour l'application des règles de territorialité de la TVA, est caractérisé par un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue des moyens en personnel et en matériel, à rendre possible la fourniture par cet établissement d'un service (CJCE, 20 févier 1997, aff. C-260/95 N° Lexbase : A9911AUM).

Or, d'une part, contrairement à ce qui est soutenu, la cour n'a pas entaché son arrêt de dénaturation en relevant que les opérations de visite et de saisie effectuées dans les locaux de la société Senstronic à Saverne y avaient mis au jour la présence de factures émanant de la société Mecatronic et destinées à des clients hors de France, d'extraits de comptes bancaires de la société Mecatronic détenus par le gérant de la société Senstronic, de factures relatives à la succursale suisse de la société Mecatronic ainsi que de données ayant permis la réalisation des déclarations fiscales suisses de cette société, et en estimant que ces opérations avaient révélé que la société Mecatronic utilisait ces locaux pour exercer son activité. D'autre part, la cour a relevé que cette société y utilisait les moyens matériels de la société Senstronic et y disposait de personnel, en la personne de M. A. Elle a pu en déduire sans commettre d'erreur de droit que la requérante détenait en France un établissement stable pour l'application de l'article 259 du CGI.

Soulignons que les critiques par lesquelles la société invoque les critères de dépendance posés par le courant de votre jurisprudence "Interhome" (CE Sect., 20 juin 2003, n° 224407, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2710C9A, RJF, 10/03, n° 1147, chr. L. Olléon, p. 751, et concl. S. Austry, BDCF, 10/03, n° 130) sont inopérantes : il ne s'est en effet jamais agi, dans la présente affaire, de considérer la société française comme un établissement stable de la société américaine, mais de constater que cette dernière disposait, dans les locaux de la société française, personne morale indépendante dont les bénéfices n'ont pas été regardés comme réalisés par ou pour la contribuable, d'un tel établissement à partir duquel elle était en mesure de rendre ses services.

La cour n'a pas davantage commis d'erreur de droit en jugeant sans incidence, sur l'applicabilité du délai spécial de reprise de six ans prévu lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises, la circonstance que l'administration avait connaissance de son activité en France à travers le contrat de prestation de services l'unissant à la société Senstronic, dont elle avait obtenu communication lors d'une vérification de comptabilité de cette société.

Enfin, le dernier moyen, tiré d'une erreur de droit à avoir jugé la procédure de taxation d'office applicable alors que l'administration n'avait pas répondu à la demande de la société, formulée à la suite de la mise en demeure de déclarer ses résultats, tendant à ce qu'on lui adresse des formulaires de déclaration, ne saurait prospérer.

D'une part, aucune obligation d'envoi de ces formulaires, disponibles sur internet et dans les centres des impôts pour tout contribuable qui souhaite s'en procurer, ne pèse sur l'administration en cas de mise en demeure (v. CE plén., 11 juillet 2011, n° 317024, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0239HWR, RJF, 10/11, n° 1063, concl. L. Olléon, BDCF, 10/11, n° 117). D'autre part, aucune obligation de mise en demeure de régulariser sa situation préalablement à la taxation d'office à la TVA ne pesait, en l'espèce, sur l'administration fiscale. En effet, il résulte de la combinaison des articles L. 66 (N° Lexbase : L8954IQP) et L. 68 (N° Lexbase : L7397I8H) du LPF que l'interdiction prévue par ce dernier article de mettre en oeuvre la taxation d'office sans mise en demeure préalable ne s'applique pas aux taxes sur le chiffre d'affaires (CE plén., 21 juin 1985, n° 41313, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2844AMB, RJF, 8-9/85, n° 1222). Or, vous avez jugé que, lorsque l'administration adresse à un contribuable, alors qu'elle n'y est pas tenue, une mise en demeure de déclarer ses revenus, la circonstance qu'elle applique la procédure de taxation d'office sans attendre l'expiration du délai de trente jours ne prive le contribuable d'aucune garantie dont il puisse se prévaloir et est sans incidence sur la régularité du redressement (CE 8° et 3° s-s-r., 12 mars 2014, n° 360299, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9180MG4, RJF, 6/14, n° 599, concl. B. Bohnert, BDCF, 6/14, n° 58).

Les conclusions du pourvoi relatives à la partie du litige se rapportant à la TVA ne pourront donc être accueillies.

Par ces motifs, nous concluons :

- à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 2 juin 2015 en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de la société Mecatronic relatives à l'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle à cet impôt ;
- au renvoi de l'affaire, dans cette mesure, à cette cour ;
- et au rejet du surplus des conclusions du pourvoi.


(1) La notion de "résident d'un Etat contractant" est définie à l'article 4 comme désignant "toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue".
(2) "1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre Etat, mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables au dit établissement stable". La notion d'"entreprise d'un Etat contractant" est, quant à elle, définie à l'article 3 comme désignant "une entreprise exploitée par un résident d'un Etat contractant".
(3) E. von Streng, N. de Gottrau, C. de Kalbermatten, Suisse, Dossiers internationaux Francis Lefebvre, 6ème édition, pp. 27 ss.

newsid:460540

Sociétés

[Doctrine] Le commissaire aux comptes dans le nouveau droit des sociétés commerciales OHADA (première partie)

Lecture: 26 min

N0442BXN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460442
Copier

par Eulalie Mazigui Ngoue-Nzameyo, Chargée de cours à l'Université de Yaoundé II

Le 05 Octobre 2017

L'histoire du commissariat aux comptes est liée à celle des sociétés par actions, et son évolution à travers le temps a été dictée par le développement qu'a connu le droit commercial, principalement le droit des sociétés dans les pays industrialisés. A l'origine, les commissaires aux comptes étaient nommés pour une mission de contrôle pour une courte période qui précède généralement l'assemblée des actionnaires ; leur rôle consistait essentiellement à établir une brève approbation des comptes comptables, sans aucun contrôle approfondi. C'est après la grande crise économique et financière de 1929 (1) qui a frappé le monde capitaliste, que le commissariat aux comptes va connaître un grand essor. De ce fait, il va devenir un instrument de contrôle efficace et permanent, et la profession va être exercée par des personnes hautement qualifiées, désignées par les actionnaires des entreprises dans le but principal de sauvegarder leurs intérêts. Nombreux, sont les pays occidentaux qui ont élaboré des lois et des réglementations destinées à améliorer l'efficacité du contrôle qui devrait être exercé par le commissaire aux comptes. En France, on peut citer la loi du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS) qui intègre l'activité du commissaire aux comptes dans le Code de commerce et le décret du 12 août 1969, relatif à l'organisation de la profession et au statut professionnel des commissaires aux comptes des sociétés (N° Lexbase : L5992DLI) (2). Le droit OHADA (3) qui s'inspire fortement du droit français n'est pas en reste dans la logique de contrôle des sociétés commerciales. A cet effet, à travers l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique (AUDSCGIE) (4) adopté le 17 avril 1997, le commissaire aux comptes de la société anonyme (5) s'est vu investi d'une mission. Cette mission repose concrètement sur trois piliers essentiels : un devoir de contrôle, un devoir d'information et un devoir d'alerte. Contrôler les valeurs et documents comptables est la mission première du commissaire aux comptes. Le contrôle des sociétés commerciales se fait à l'interne et à l'externe. Tandis que le contrôle interne relève des prérogatives des associés, celui externe (6) est le fait d'organes indépendants à la société commerciale. Ces derniers peuvent s'identifier aux commissaires aux comptes qui exercent des missions spécifiques de contrôle à eux attribuées. La notion de contrôle renvoie soit à la vérification d'actes ou de documents, soit à un examen destiné à surveiller ou à vérifier (7). Dès lors, l'institution du contrôle du commissaire aux comptes dans une société commerciale est liée à la nécessité d'instaurer un contrepoids face à l'absolutisme des pouvoirs des dirigeants sociaux.

Il s'agit d'une mission permanente qu'il exerce tout au long de l'exercice. Elle ne se limite pas à l'appréciation de la matérialité des écritures. Elle doit conduire à certifier que les états financiers de synthèse de la société contrôlée ou même, le cas échéant, de ses filiales sont réguliers et sincères et partant, reflètent la réalité. Le devoir d'information qui lui est assigné permet au commissaire aux comptes de porter à la connaissance des dirigeants sociaux et des actionnaires les faits découverts au cours de ses investigations. C'est à ce niveau que s'inscrit l'obligation de dénoncer au ministère public ceux des faits constitutifs de délits qu'il découvrirait au cours de ses investigations. Enfin, dans le cadre précis de son devoir d'alerte, le commissaire aux comptes prévient les dirigeants et associés, dès lors qu'il a connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation. En tout état de cause, les missions du commissaire aux comptes se résument dans la prévention des difficultés de l'entreprise afin d'éviter sa cessation de paiement.

Toutefois, l'adoption d'un nouvel Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique le 30 janvier 2014 reconsidère la profession du commissaire aux comptes en qualité d'organe contrôleur externe des sociétés commerciales. Le renouvellement de la confiance accordée au commissaire aux comptes par le législateur OHADA prouve à quel point ce professionnel exerce désormais une fonction importante en matière de contrôle légal des sociétés commerciales. Il est juste de parler de fonction dans la mesure où l'organisation professionnelle aujourd'hui milite en faveur de la spécialisation. Cette spécialisation, correspondant aux aptitudes de chacun, sera considérée comme susceptible de faire avancer énormément le progrès économique et social, évitant ainsi la dispersion des efforts. Il est opportun à ce niveau de qualifier la nature des fonctions des commissaires aux comptes dans les sociétés. Agissent-ils en vertu d'un mandat de la société ? Le contrat de mandat est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour elle et en son nom (10). Cette qualification ne peut être admise dans la mesure où ils ne sont pas chargés d'accomplir des actes juridiques au nom de la société, ils n'effectuent que des opérations de vérification (11). Le commissaire aux comptes n'est par conséquent pas un mandataire contractuel de la société, mais un organe institutionnel (12). Cependant, le terme mandat est utilisé dans l'AUDSCGIE et doit être pris dans le sens de la mission confiée à quelqu'un. Dans ce sens, deux éléments sont importants, l'objet de la mission et sa durée (13).

Il est propice à ce niveau de distinguer le commissaire aux comptes des notions voisines. Il s'agit en l'occurrence de l'expert-comptable, de l'expert judiciaire en comptabilité qui ont néanmoins en commun d'être des métiers de la profession comptable, et du commissaire aux apports. En effet, la loi n° 2011/009 du 6 mai 2011, relative à l'exercice de la profession comptable libérale et au fonctionnement de l'ordre national des experts-comptables du Cameroun (14) clarifie les attributions de ces professionnels. Dans cette optique, l'article 7 de ladite loi dispose que le travail de l'expert-comptable consiste à tenir, centraliser, ouvrir, arrêter, surveiller, redresser, consolider les comptabilités des entreprises et organismes auxquels les experts-comptables ne sont pas liés par un contrat de travail ; réviser et apprécier les comptabilités des entreprises et organismes auxquels ils ne sont pas liés par un contrat de travail ; faire des travaux et consultations d'ordre statistique, économique, financier et administratif. Les experts judiciaires en comptabilité quant à eux sont principalement chargés de conduire les travaux d'expertise comptable auprès des tribunaux (15). Les commissaires aux comptes en ce qui les concerne ont une mission générale d'audit externe conduisant à la formulation d'une opinion sur les comptes des entreprises et organisations, ainsi qu'à la rédaction des rapports ; des missions de vérifications spécifiques et des autres interventions définies par la loi (16). Commissaire aux apports et commissaire aux comptes sont deux organes chargés d'assurer le contrôle des sociétés commerciales. Mais la mission du commissaire aux apports consiste en l'évaluation des apports en nature (17). Il s'agit d'une fonction totalement différente du commissaire aux comptes dans une société (18).

Au regard de ce qui précède, il est aisé de déduire que la mission traditionnelle du commissaire aux comptes réside dans le contrôle des comptes d'une entreprise soumise à la gestion des dirigeants sociaux. Il joue par ricochet le rôle de gardien du risque social. Le risque étant inhérent à l'activité spéculative de la société, le risque social s'entendra comme le risque de gain et le risque de perte qui s'attache au processus micro-économique (19).

Toutefois, l'on assiste à un élargissement progressif des missions du commissaire aux comptes (20). De contrôleur de comptes, il tend à devenir le contrôleur global de la société dans le but de garantir la bonne marche sociale. Conformément à cette tendance, le législateur OHADA a pris en considération deux principaux impératifs qui semblent s'opposer, l'efficacité et l'indépendance. Tandis que la recherche de l'efficacité postule pour le dynamisme des fonctions, la préservation de son indépendance a pour souci de contenir ces missions dans certaines limites. En tenant compte de ces impératifs, il a maintenu les missions légales du commissaire aux comptes tout en réaménageant spécialement la procédure d'alerte, et en consacrant l'institution du commissariat aux comptes dans toutes les sociétés commerciales. De même, le législateur OHADA le promeut progressivement en qualité de gardien de l'intérêt social, non seulement dans l'intérêt des associés, mais aussi dans celui de la société.

Dès lors, au regard de la réforme intervenue, quelle appréciation peut être faite des dispositions que le législateur OHADA consacre aux missions du commissaire aux comptes ? Quelles seraient les implications inéluctables tirées de l'intérêt renouvelé de la fonction de commissaire aux comptes par le nouvel AUDSCGIE en qualité d'organe contrôleur externe des sociétés commerciales ?

Au lendemain de la révision de l'AUDSCGIE, ce sujet présente un intérêt indéniable. Il est approprié de s'interroger sur le bien-fondé de l'intérêt renouvelé de la fonction du commissaire aux comptes. Assez tôt et de manière fort opportune, les législateurs ont compris l'intérêt à ne pas limiter ce professionnel à l'activité comptable. Le législateur OHADA a certainement suivi la même logique et tend à investir le commissaire aux comptes de missions qui vont au-delà de la simple certification des comptes. Cette approche se justifie par le souci d'accroître les chances d'une détection précoce des signes de défaillance de l'entreprise (21) par le commissaire aux comptes. Par ailleurs, ce sujet valorise la profession de commissaire aux comptes qui est en train de devenir incontournable dans toutes les sociétés commerciales. Cette tendance d'ouverture fonctionnelle du commissaire aux comptes dans l'AUDSCGIE se fait-elle dans l'intérêt de l'entreprise ou dans l'intérêt commun des associés ? La réponse impose de s'aligner à l'opinion d'un auteur qui souligne qu'il semblerait qu'il faille concevoir dans le cadre de l'AUDSCGIE l'intérêt social comme l'intérêt de l'entreprise. Cette approche offre plus de flexibilité puisqu'elle permet une réelle protection de la société en assurant son fonctionnement et sa pérennité, non pas exclusivement l'intérêt des associés (22). En somme, cette confiance renouvelée au commissaire aux comptes est sans doute tributaire de sa qualité d'organe indépendant dont la neutralité présumée en l'absence d'intérêt personnel de sa part, laisse présager d'un meilleur contrôle.

Dès lors, il ressort que le commissaire aux comptes dans la réforme de l'AUDSCGIE a obtenu une plus-value revalorisant sa fonction. L'analyse de celle-ci, laisse apparaître sa reconsidération avérée qui se manifeste par la consolidation de sa mission légale et par la consécration graduelle de son rôle en qualité de gardien de l'intérêt social (I), et démontre par ailleurs, que celle-ci impactera tant sur le statut du commissaire aux comptes que sur la gestion de la société (II) (cf. pour la seconde partie N° Lexbase : N0443BXP).

I - La revalorisation de la fonction de commissaire aux comptes

La revalorisation de la fonction du commissaire aux comptes consiste à donner une valeur plus grande à son activité. Le législateur OHADA dans l'AUDSCGIE révisé reconduit les missions du commissaire aux comptes. Cette reconduction s'est vue sanctionnée d'un regain d'intérêt de celles-ci par celui-là. Il a sans doute compris que ce magistrat du chiffre peut être d'un apport indéniable dans la stabilité générale de la société, ce d'autant plus que l'heure semble être à l'exigence de plus de transparence dans les entreprises. Cette affirmation est observable dans la consolidation de sa mission légale (A), et dans sa promotion progressive au rôle de gardien de l'intérêt social (B).

A - La consolidation de la mission légale du commissaire aux comptes

Avant la réforme de 2014, le commissaire aux comptes se limitait à exercer dans les sociétés par actions et dans les SARL (24). Aujourd'hui, sa mission fondamentale, dont le caractère est permanent, qui se résume à la certification des comptes, s'est vue maintenue. Seulement la logique voudrait que l'on constate le penchant actuel du législateur OHADA à l'accroissement du contrôle à travers la généralisation de l'institution dans toutes les sociétés commerciales de droit OHADA (1). De même sa mission légale liée à la prévention des difficultés s'est vue réorganisée (2).

1 - La généralisation de l'institution du commissariat aux comptes dans toutes les sociétés commerciales OHADA

La présence d'un commissaire aux comptes dans toutes les sociétés commerciales consiste prioritairement à exercer sa mission permanente. L'analyse de la consécration légale de ladite présence suppose de prime abord de présenter les sociétés nouvellement concernées. Il s'agira par la suite de rechercher la nature du caractère permanent de cette mission comptable.

Dans l'AUDSCGIE de 1997, en dehors de la société anonyme, la SARL pour l'évaluation de ses finances n'était tenue de faire appel au commissaire aux comptes qu'à certaines conditions. Depuis la réforme de l'AUDSCGIE, la société en nom collectif (25) est également visée. Quoique cette nomination ne soit pas obligatoire, l'intention du législateur OHADA d'instituer systématiquement un commissaire aux comptes dans toutes les sociétés commerciales pour une mission de contrôle comptable est révélée. Il importe de relever la nomination conditionnée de cet acteur dans les sociétés autres que par actions, et dans la société par actions simplifiée.

Avant l'AUDSCGIE de 2014, le contrôle comptable dans la SNC se faisait exclusivement par les associés eux-mêmes, lesquels pouvaient se faire assister par un expert-comptable ou un commissaire aux comptes. Certainement dans le souci de pérenniser l'entreprise, le législateur OHADA a estimé que le contrôle devait se faire désormais par une personne ayant l'expertise appropriée. Dans cette optique, il a introduit dans l'AUDSCGIE révisé la possibilité de désigner un commissaire aux comptes. Le régime de désignation du commissaire aux comptes dépend non seulement de la volonté des associés, mais aussi de la taille de l'entreprise. En effet, l'article 289-1-1 dispose que "les sociétés en nom collectif qui remplissent, à la clôture de l'exercice social, deux (2) des conditions suivantes : 1°) total du bilan supérieur à deux cent cinquante millions (250 000 000) de francs CFA ; 2°) chiffre d'affaires annuel supérieur à cinq cents millions (500 000 000) de francs CFA ; 3°) effectif permanent supérieur à 50 personnes, sont tenues de désigner au moins un (1) commissaire aux comptes". Ce sont les mêmes règles qui seront appliquées aux sociétés en commandite simple en vertu de l'article 293-1 de l'AUDSCGIE.

Il est indiqué de marquer un temps d'arrêt sur ce régime juridique du commissaire aux comptes dans les SNC.

De ces conditions, peuvent logiquement résulter trois combinaisons. La première combinaison regroupe la première et la deuxième condition qui renvoient à la santé financière de l'entreprise. S'ensuit la deuxième qui regroupe la première et la troisième condition, et enfin la troisième combinaison qui réunissant les deuxième et troisième conditions, renvoyant toutes à la jonction de l'aspect financier et de l'aspect personnel. Une analyse de celles-ci démontre que le commissaire aux comptes qui sera nommé sur la base du respect des deux dernières combinaisons corrobore le particularisme de la SNC fondé sur l'intuitu personae. Par contre, celui qui sera nommé sur la base du respect de la première combinaison, fait fi de cet aspect personnel, au profit de l'aspect financier. Cette manière de voir présente là un risque de dénaturation de la SNC dont la vitalité est tributaire de la personne des associés. A l'appui de cette affirmation, l'omission du législateur OHADA de créer un titre singulier qui traiterait du contrôle par le commissaire aux comptes ; il s'est contenté d'intégrer ledit contrôle, de manière inappropriée à la suite de celui des associés. Il semblerait que c'est la traduction concrète de la réalité selon laquelle aucune appréciation, aucune action ne peut être entreprise dans la SNC en dehors des ressources humaines. Dès lors, il serait indiqué pour la nomination d'un commissaire aux comptes de prendre en compte le respect des combinaisons deux et trois. Le deuxième paragraphe de cet article dispense la SNC de désigner un nouveau commissaire aux comptes dès lors qu'elle n'a pas rempli deux des conditions susvisées pendant les deux exercices précédant l'expiration du mandat du commissaire aux comptes. Quant au troisième paragraphe de cette disposition, il révèle que la désignation du commissaire aux comptes est facultative pour les SNC ne remplissant pas les critères ci-dessus. Toutefois, cette désignation n'est possible judiciairement que par la volonté exprimée d'un ou plusieurs associés détenant au moins le dixième du capital social.

Il demeure clair que, malgré la volonté du législateur OHADA d'imposer la désignation conditionnée d'un commissaire aux comptes dans cette société, l'on décèle toujours ce désir des associés de garder le monopole dudit contrôle.

Dans la société par actions simplifiée (28) nouvellement introduite dans l'AUDSCGIE de 2014, le régime de désignation du commissaire aux comptes est aligné sur celui de la SARL qui a été modifié. En effet, l'article 853-13-1 dispose que les SAS sont tenues de désigner les commissaires aux comptes à la clôture de l'exercice social à moins de remplir deux des conditions suivantes : total du bilan supérieur à cent vingt-cinq millions (125 000 000) ; chiffre d'affaire annuel supérieur à deux cent cinquante millions (250 000 000) de francs CFA ; effectif permanent supérieur à cinquante (50) personnes. Le paragraphe II de cet article est l'équivalent de l'article sus analysé. Quant au paragraphe III, il impose la désignation d'un commissaire aux comptes dans les SAS qui contrôlent une ou plusieurs sociétés, ou qui sont contrôlées par une ou plusieurs sociétés. La SARL, en partageant les conditions du paragraphe 1 avec la SAS, constitue l'une des raisons de son appellation en qualité de société hybride. Mais avec les sociétés de personne, elle partage les conditions d'incompatibilité qui frappe les commissaires aux comptes (27).

Le législateur OHADA, en généralisant l'institution du commissariat aux comptes dans toutes les sociétés commerciales démontre par-là que la mission comptable est la fonction permanente du commissaire aux comptes. Celle-ci doit être accomplie conformément aux principes énoncés à l'article 3 (28) de l'Acte uniforme relatif au droit comptable et à l'information financière (N° Lexbase : L2911LGW) (29). Elle consiste non seulement au contrôle des états financiers de synthèse classique, mais peut aussi concerner les comptes consolidés (30) ou combinés (31), ou encore examiner la sincérité des états financiers de synthèse, des informations comptables et financières diffusées par les dirigeants.

Le caractère permanent est justement axé autour de l'idée d'amoindrissement des cas de malversation financière, et est considéré comme la garantie d'un contrôle efficace du commissaire aux comptes. C'est en réalité une épée de Damoclès que le législateur OHADA a volontairement posée sur la tête des dirigeants sociaux en leur adjoignant un surveillant, idée qui n'est sans doute pas dans le but de leur plaire. C'est à juste titre que le professeur Nemedeu affirme que la consécration du caractère permanent du contrôle s'est faite dans la douleur au regard de l'histoire du droit français, qui a inspiré sensiblement le droit OHADA (32).

Toutefois, le législateur OHADA n'a pas tranché le débat qui consiste à savoir si l'exercice de ce contrôle permanent serait une faculté ou une obligation (33). Donner un point de vue sur la question revient d'abord à identifier la nature de la prérogative reconnue au commissaire aux comptes à ce sujet. Le commissaire aux comptes exerce sa mission dans l'intérêt d'autrui, c'est-à-dire de la société et de ses associés. Par conséquent, la prérogative à lui dévolue ici ne peut pas être un droit ou une liberté, mais plutôt un pouvoir.

Dès lors, par rapport à la lettre de la loi, le législateur OHADA en insérant cette prérogative dans la section des "droits du commissaire aux comptes", le fait à tort, puisqu'il vient d'être vu qu'il s'agit en réalité d'un pouvoir. Il oriente ainsi le lecteur vers l'exercice facultatif de ce contrôle permanent. L'argument majeur qui militerait en faveur d'un contrôle-facultatif réside dans la réalité d'après laquelle lorsqu'une personne est titulaire d'un droit ou plutôt d'un pouvoir, elle n'est pas obligée de l'exercer. Par ailleurs, le commissaire aux comptes est astreint à une obligation de moyens. En effectuant le contrôle comptable, aucun résultat précis n'est escompté à l'avance, nonobstant les moyens mis à sa disposition notamment en termes de large pouvoir d'investigation dans le but de former son opinion qui s'exprime dans les différents rapports qu'il est appelé à rédiger. Par rapport à l'esprit de la loi qui étend de plus en plus la fonction du commissaire aux comptes, il ne serait pas usurpé d'affirmer qu'il y a accroissement sous-jacent de sa responsabilité. Dans cette optique, la faute ou la négligence minimisable hier, deviendrait déterminante, et par conséquent, attribuerait au contrôle une nature obligatoire. Suivant cette logique, le défaut de permanence du contrôle constituerait, en lui-même un fait générateur de responsabilité civile du commissaire aux comptes (34). En définitive, le contrôle permanent du commissaire aux comptes serait à mi-chemin entre son exercice facultatif et son exercice obligatoire.

Cette généralisation de l'institution du commissariat aux comptes dans toutes les sociétés commerciales OHADA n'est pas la seule innovation de l'AUDSCGIE révisé. Elle doit être complétée par la restructuration de la procédure d'alerte.

2 - La réorganisation de la procédure d'alerte

Le commissaire aux comptes est le pivot de la procédure d'alerte (35) nonobstant l'existence d'autres acteurs susceptibles de la déclencher. Le législateur OHADA dans l'AUDSCGIE révisé, en réglementant l'alerte, entérine l'idée de reconsidération de sa mission légale. A cet effet, il a pris en compte deux éléments : le rôle du juge et la question des délais de réponse.

S'agissant du rôle du juge, celui-ci a été renforcé à travers son implication précoce dans la prévention des difficultés de l'entreprise, notamment dans les sociétés autres que les sociétés par actions. En effet, l'article 151, alinéa 2, de l'AUDSCGIE révisé impose au commissaire aux comptes d'informer la juridiction compétente de ses démarches indépendamment d'une réponse reçue des dirigeants sociaux à la suite de sa demande d'explication. Une question s'impose à ce niveau, pourquoi le législateur OHADA a trouvé utile de convoquer le juge au stade de la détection des difficultés de l'entreprise ? La mission traditionnelle du juge consiste à interpréter les faits et le droit, d'apaiser les conflits, de trancher les litiges et de légitimer par son autorité les solutions retenues. Cette convocation peut se justifier en faveur de l'implication raffermie de son rôle préventif dans les difficultés de l'entreprise. Il intervient désormais en qualité d'allié du commissaire aux comptes, dont la collaboration en amont des soucis de l'entreprise vise un seul objectif, celui d'éviter la faillite de l'entreprise. Le juge devient donc plus actif dans la résolution des difficultés de l'entreprise aussi bien en amont qu'en aval de celles-ci. Cette intervention précoce du juge est également observée en droit étranger, notamment en droit français (37).

S'agissant des délais de réponse à la demande d'explication adressée aux dirigeants sociaux, ils mettent en exergue la question théorique de l'intervention du temps dans le droit. La tendance à l'heure actuelle est de raccourcir les délais face à l'accélération de la vie moderne, à la rapidité des communications et aux progrès de la technique (38). C'est certainement en tenant compte de cette réalité que s'est inscrit le législateur OHADA en mutant le délai de réponse suite à la demande d'explication adressée aux dirigeants sociaux par le commissaire aux comptes. En effet, que ce soit dans les sociétés autres que les sociétés par actions (39) ou dans les sociétés par actions (40), le délai passe d'un mois à quinze jours. C'est le même délai que l'on observe aussi en droit français (41). C'est une manière de dire que le législateur OHADA, constatant qu'il était à la traîne, s'est senti obligé de s'arrimer à la nouvelle donne.

De l'analyse de ces deux éléments, il ressort que la réponse des dirigeants sociaux à la demande d'explication qui leur est transmise dans les délais prescrits, n'influence en rien l'information de la juridiction compétente, qui s'avère être obligatoire. Dès lors, il est indiqué d'affirmer que la procédure d'alerte a élargi sensiblement la mission du commissaire aux comptes. Celui-ci s'est vu confier le diagnostic de l'entreprise, et cela, au demeurant, quelles que soient les modalités de sa désignation obligatoire, volontaire ou judiciaire (42).

En dernière analyse, il y a lieu d'évoquer l'implication de la restructuration de la mission d'alerte sur le principe de non immixtion dans la gestion. L'alerte a toujours été considérée comme la limite phare au principe de non immixtion dans la gestion.

Il convient avant tout de présenter les différentes catégories de gestion existantes. Il s'agit de la gestion déterminante à distinguer de la gestion appliquée. La gestion déterminante, plus large comprend la définition des objectifs à poursuivre et la définition des moyens à mettre en oeuvre. Dans cette acception, la gestion s'apparente à la direction, au management. La gestion appliquée, plus étroite, est une application de la précédente. Elle s'entend de la mise en oeuvre des moyens préalablement définis, dans le cadre de la poursuite des objectifs fixés. En quelque sorte, la gestion déterminante, c'est la définition de la politique sociale, la gestion appliquée, c'est sa mise en oeuvre (43). Il est généralement admis que le commissaire aux comptes peut apprécier la gestion déterminante et non la gestion appliquée. Cependant, il semble opportun de dire que ce principe est plus théorique que pratique.

Justement, à ce titre l'appréciation de la gestion déterminante peut se faire de deux façons, soit à titre accessoire, soit à titre autonome. Dans le premier cas, la mission comptable est impossible sans la connaissance de la gestion déterminante. En bref, aucune information comptable de quelque importance n'a de réelle signification sans la connaissance de la gestion déterminante, des grandes lignes de la politique sociale, cadre dans lequel l'opération qui est traduite vient s'inscrire, ou le cas échéant vient contrarier (44). Dans le second cas, c'est la loi elle-même qui autorise une implication dans la gestion notamment à l'article 713 (45) de l'AUDSCGIE. Une révision de l'interdiction faite aux commissaires aux comptes de s'immiscer dans la gestion de l'entreprise est nécessaire, car la contrainte de la non-immixtion des commissaires aux comptes semble incompatible avec une mission d'alerte efficace (46). Il y a lieu d'affirmer que le principe de non immixtion porte en lui-même les germes de sa restriction. D'où il semble logique de corroborer les propos du Professeur Du Pontavice qui estime que la notion d'immixtion dans la gestion est évolutive. Selon lui, il ne faut pas dire que le commissaire aux comptes va s'immiscer dans la gestion, mais simplement constater qu'est modifiée la ligne de partage entre ce qui est immixtion dans la gestion et ce qui reste en dehors de l'immixtion (47). A la suite de cet auteur, il y a lieu de dire que l'impératif d'efficacité recherché par le législateur dans la revisitation de la procédure d'alerte, conduira le commissaire aux comptes à apprécier de plus près la gestion des dirigeants sociaux. Ce qui aura pour risque de voir le commissaire aux comptes participer à la gestion, or cela ne relève pas de sa responsabilité.

Le législateur OHADA dans sa réforme après avoir consolidé la mission légale, s'est attelé à promouvoir graduellement le commissaire aux comptes au rôle de gardien de l'intérêt social.

B - La promotion progressive au rôle de gardien de l'intérêt social

L'intérêt social n'a pas de définition unitaire, c'est une notion à contenu variable (48), ayant une finalité protectrice (49), indiquant ce qui est bon pour la société (50). Comme la bonne foi ou l'intérêt de la famille, l'intérêt social est un impératif de conduite, une règle déontologique et même morale qui impose de respecter un intérêt supérieur à son intérêt personnel (51). La summa divisio en droit des sociétés oppose l'associé qui a un droit dans la société et le créancier qui a un droit contre la société. Puisque le commissaire aux comptes a un rôle préventif et non curatif dans les difficultés des entreprises, il n'y a aucun intérêt à traiter du créancier. Dès lors, la promotion au rôle de gardien de l'intérêt social est progressive parce que déjà effective s'agissant de l'intérêt de la société (2), et tend à le devenir s'agissant de l'intérêt des associés (1) au regard de la philosophie du législateur OHADA.

1 - Dans l'intérêt des associés

Il y a lieu de préciser d'emblée que le commissaire aux comptes est l'oeil des associés auprès des dirigeants sociaux. Cela semblerait paradoxal ou plutôt inutile d'évoquer ici son rôle de gardien de l'intérêt des associés. En réalité, l'on voudrait relever qu'il tend à dépasser son rôle de gardien des intérêts financiers des associés pour devenir aussi gardien de leurs intérêts non pécuniaires. Cette protection des associés par le commissaire aux comptes a déjà été amorcée par le commissaire aux comptes dans l'ancien AUDSCGIE en vertu de l'article 714 (52) et 350 (53) et suivants, pas nécessairement pour prévenir les difficultés de l'entreprise, mais plutôt pour vérifier si la réglementation est bien appliquée.

L'on envisage ici exclusivement l'action future du commissaire aux comptes vis -à-vis des associés. Ainsi, le commissaire aux comptes surveillerait tacitement l'intérêt social en faveur des associés en les protégeant contre eux-mêmes.

Même si le législateur OHADA ne le dit pas encore expressément, il y a lieu d'affirmer que c'est au commissaire aux comptes que reviendra la charge du respect de l'affectio societatis. Cette notion qui marque l'engagement des associés à créer une société connaît encore aujourd'hui un rayonnement (54) certain. En effet, lorsque l'alinéa 2 de l'article 4 de l'AUDSCGIE révisé, quoiqu'inchangé, dispose que "la société commerciale est créée dans l'intérêt commun des associés", c'est la mise en exergue de l'une des conditions de formation du contrat de société. C'est en même temps la condition sine qua non de la pérennité de la société commerciale au-delà du partage des bénéfices et des pertes escomptées. Cette volonté des associés de former une société et de coopérer dans leur intérêt commun, doit être protégée. Malheureusement, cette protection n'est pas encadrée par le législateur OHADA. Tout porte à croire que c'est au commissaire aux comptes que reviendra cette mission, dans sa nouvelle posture de protecteur de l'intérêt social. En appui à cette affirmation, lorsque l'article 8 de la loi camerounaise n° 2011/009 du 6 mai 2011 donne au commissaire aux comptes des missions de vérifications spécifiques, nul doute qu'une de ces missions pourra consister au contrôle du respect de l'affectio societatis.

De même, toujours dans la perspective du respect de l'intérêt social dans l'intérêt des associés, le commissaire aux comptes devra gérer les abus de droit. Il devra contrôler que l'exercice des droits des minorités et des majorités se fait dans le strict respect de l'intérêt social. La tendance hier en droit des sociétés jetait un regard accusateur sur les associés majoritaires qui croyaient être les seuls à détenir les pouvoirs au détriment des associés minoritaires. Il n'en est rien conformément à une étude qui a démontré que les faibles présumés étaient plus tyranniques (55). De toute façon, ces deux catégories d'abus de droit poursuivent un seul but, celui de bloquer la bonne marche de la société. Le législateur OHADA a déjà tranché ce conflit d'intérêt en prévoyant la nullité des décisions collectives constitutives d'abus de majorité (56) et d'abus de minorité ou d'égalité (57). L'abus d'égalité, nouveau concept introduit dans l'AUDSCGIE révisé produit les mêmes effets que l'abus de minorité, à telle enseigne qu'il ne serait pas usurpé de dire que l'abus d'égalité serait une variété de l'abus de minorité. Seulement, il y a lieu de noter que pour que ces différents abus soient sanctionnés, il faudrait au préalable qu'ils soient identifiés, et ce serait certainement le commissaire aux comptes en qualité de surveillant de l'intérêt social qui s'en chargerait.

L'interpellation est faite ici au législateur OHADA dans son souci d'investiture du commissaire aux comptes comme protecteur de l'intérêt non pécuniaire des associés, de lui attribuer expressément ces missions qui vont au-delà des missions comptables. Le résultat escompté serait de responsabiliser les associés qui se seraient regroupés de manière complaisante.

En fin de compte, le commissaire aux comptes protège les intérêts pécuniaires des associés, mais tend déjà vers la protection de leurs intérêts moraux. L'effectivité de cette protection de l'intérêt social s'observe dans l'intérêt de la société elle-même.

2 - Dans l'intérêt de la société

Le législateur OHADA dans l'AUDSCGIE révisé s'inscrit dans la logique de pérenniser la société en renforçant le rôle du commissaire aux comptes. Ce renforcement s'observe non seulement par le regain d'intérêt accordé aux rapports dressés, ou par les avis sollicités, mais surtout par la nullité des actes pris dans l'ignorance de ceux-ci. Il ne suffit pas de l'affirmer, encore faudrait-il le démontrer.

Le rapport se définit comme un exposé dans lequel on relate ce qu'on a vu ou entendu (58). La rédaction d'un rapport qui est un travail purement administratif lui attribue un peu le rôle d'administrateur. Par ailleurs, c'est le rapport qui donne l'état des lieux réel de la santé ou du handicap de la société. Par conséquent, le rapport qui est fait de manière complaisante contribue à la mort de la société. Les rapports que les commissaires aux comptes sont appelés à rédiger se subdivisent déjà même dans l'ancien AUDSCGIE, en rapports spéciaux et en rapports généraux. S'agissant des rapports spéciaux rédigés dans l'intérêt de la société, l'on peut convoquer ici les nouveaux articles 778-2 et 778-15 de l'AUDSCGIE qui traitent des actions de préférence introduit dans la réforme. La première disposition démontre l'influence du rapport spécial du commissaire aux comptes sur le pouvoir de décision de l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires pour décider de l'émission, du rachat et de la conversion des actions de préférence. La seconde disposition met en exergue l'exigence d'établissement d'un rapport spécial du commissaire aux comptes par les porteurs d'actions de préférence constitués en assemblée spéciale. Celui-ci a pour but le respect par la société des droits particuliers attachés auxdites actions. Quant aux rapports généraux, l'on peut convier ici le nouvel article 822-5-3 qui traite des valeurs mobilières composées. Dans le cas d'émission de valeurs mobilières donnant droit à l'attribution de titres de créances composées uniquement de titres de créances, le rapport du commissaire aux comptes porte sur la situation d'endettement de la société.

Le législateur OHADA démontre son regain d'intérêt aux rapports du commissaire aux comptes en frappant de nullité relative toute délibération de l'assemblée générale d'une société anonyme prise en l'absence de son rapport (59). De même, les délibérations prises à défaut du même rapport en cas de création des actions de préférence sont également nulles (60). C'est une nullité relative qui frappe aussi les délibérations prises en cas d'émissions de valeurs mobilières en l'absence dudit rapport (61). En annulant ainsi ces décisions prises dans le mépris du rapport du commissaire aux comptes, le législateur OHADA prouve à quel point ce document qui sanctionne le travail du commissaire aux comptes, est le seul à même de donner l'état réel de la société.

Par ailleurs, l'avis du commissaire aux comptes est requis sur quatre points concernant les actions de préférence dans la société anonyme. D'abord, il doit donner son avis sur l'augmentation de capital envisagée, les caractéristiques des actions de préférence et l'incidence de l'opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital (62). Ensuite, il doit donner son avis sur les modalités de conversion, de rachat ou de remboursement des actions de préférence (63). En outre, le commissaire aux comptes donne son avis sur la conversion ainsi que sur l'incidence de l'opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital. Il indique également si les modalités de calcul du rapport de conversion sont exactes et sincères (64). Enfin, il donne son avis sur l'offre de rachat ou de remboursement selon les mêmes modalités qu'en matière de conversion d'actions de préférence (65).

Ce rôle nouvellement attribué au commissaire aux comptes par le législateur OHADA s'assimile à celui de conseiller en gestion. Si l'avis renvoie à l'expression de la pensée d'une personne sans obligation d'adhésion des destinataires de cette pensée, le conseil s'analyse comme une opinion donnée à quelqu'un sans contrainte sur ce qu'il doit faire. Seulement, ce conseiller en gestion institué par le législateur OHADA brise deux tabous en matière de gestion des sociétés commerciales. D'une part, c'est une invite au commissaire aux comptes à s'immiscer dans la gestion de la société commerciale, dans la mesure où l'opinion qu'il est censé donner parce qu'il a une expertise avérée oriente inéluctablement le dirigeant social dans sa prise de décision. Techniquement, le commissaire aux comptes n'a jamais l'obligation de donner un conseil, il a "la possibilité de...", "il peut, si on le lui demande..." donner tel conseil (66). Or, le présent de l'indicatif utilisé par le législateur OHADA prouve que c'est une obligation légale et non un conseil d'opportunité. D'autre part, ce conseiller en gestion institué risque d'entraver sa réforme d'indépendance du commissaire aux comptes. En effet, en exigeant du commissaire aux comptes d'apprécier la conduite des affaires sociales sans obligations de dénonciation notamment lorsqu'il est appelé à évaluer le rapport de conversion des actions de préférence, établi par le conseil d'administration ou l'administrateur général, on ouvre une porte pour une évaluation de complaisance. Dans ce cas, il ne serait pas aisé de rechercher sa responsabilité.

En tout état de cause, le commissaire aux comptes ne devrait pas devenir un conseiller permanent de la société facteur de compromission de son indépendance. Le législateur OHADA ne peut détruire d'une main, ce qu'il a construit d'une autre. Au sortir de la réforme de l'AUDSCGIE, il s'est efforcé d'étendre les interdictions et les incompatibilités à la profession de commissaire aux comptes. Peut-être comme déjà relevé, parce qu'il est un organe extérieur et indépendant à la société, et qu'a priori il devrait être neutre, le législateur OHADA a décidé de s'appuyer sur lui pour la bonne conduite des affaires sociales. Inéluctablement, cet appui ne manque pas d'impacter sur la société.


(1) Memento pratique, Audit et Commissariat aux comptes, 2015-2016, éd. Francis Lefebvre, 2014, p. 5.
(2) Ph. Merle, Droit commercial. Sociétés commerciales, Précis Dalloz, 5ème éd., 1996, n° 499, p. 497.
(3) Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires.
(4) Dorénavant AUDSCGIE.
(5) La société anonyme (dorénavant SA) servira de société de référence pour cette analyse.
(6) Le contrôle externe comprend le contrôle conventionnel qui est celui des experts comptables et le contrôle légal qui est celui des commissaires aux comptes.
(7) Le Robert pratique, Dictionnaire, (S. dir A. REY), 2011, p. 304.(8) A-F Ngomo, Le commissaire aux comptes coincé entre les obligations de faire et de ne pas faire pénalement sanctionnées dans l'espace OHADA, Revue africaine des sciences juridiques de l'Université de Yaoundé II, n° 2/2014, pp. 64-65.
(9) P. Roubier Les prérogatives juridiques, Archives de philosophie du droit, n° 5, 1960, n° 1, p. 78.
(10) G. Cornu, Vocabulaire juridique (Association Henri Capitant), Puf, 1987, p. 571.
(11) Ph. Merle, Droit commercial. Sociétés commerciales. Précis Dalloz, 18ème éd., 2015, n° 562, p. 614.
(12) Mémento Pratique : Audit et commissariat aux comptes, Editions Francis Lefebvre, 2015-2016, n° 2188, p. 93.
(13) A. Kenmogne Simo, Le mandat du contrôleur légal des comptes en zone OHADA, in Revue de droit bancaire et financier, Revue bimestrielle, LexisNexis, Jurisclasseur, Janvier-Février 2017, p. 24.
(14) Dorénavant ONECCA.
(15) Loi camerounaise du 6 mai 2011, art. 9.
(16) Loi camerounaise du 6 mai 2011, art. 8.
(17) Conformément à l'article 312, alinéa 4, de l'AUDSCGIE, tout porte à croire que le commissaire aux apports exerce a priori les fonctions de commissaire aux comptes puisqu'il est choisi sur la liste des commissaires aux comptes.
(18) J. Gatsi, Commissaires aux apports et commissaires aux comptes, Encyclopédie du droit OHADA, P. G. Pougoué (S. dir), éd. Wolters Kluwer, 2011, p. 535.
(19) D. Vidal, Le commissaire aux comptes dans la société anonyme (évolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques), LGDJ, Paris, 1985, n°12, p. 25.
(20) Il y a lieu de noter que l'extension des missions du commissaire aux comptes au-delà de l'aspect comptable est continuelle dans la mesure où elle a commencé dans l'ancien AUDSCGIE, illustration peut être faite par l'article 714 qui lui a attribué le rôle de surveillant du respect de l'égalité des associés qui n'est pas une mission purement comptable.
(21) A. Kenmogne Simo, Le mandat du contrôle des comptes en zone OHADA, loc.cit., p. 25.
(22) Y. Berenger Meuke, De l'intérêt social dans l'AUDSCGIE de l'OHADA, Ohadata D-06-24, p. 4.
(23) P. S. A. Badji, Réforme du droit des sociétés commerciales OHADA, L'Harmattan-Sénégal, 2016, n° 132, p.144.
(24) Société à responsabilité limitée.
(25) Dorénavant SNC.
(26) Dorénavant SAS.
(27) P. S. A. Badji, Réforme du droit des sociétés commerciales, op.cit, n° 143, p.151.
(27) Cet article 3 dispose que : "la comptabilité doit satisfaire, dans le respect de la règle de prudence, aux obligations de régularité, de sincérité et de transparence inhérentes à la tenue, au contrôle, à la présentation et à la communication des informations qu'elle a traitées".
(29) C'est la nouvelle dénomination de cet Acte uniforme révisé depuis le 26 janvier 2017.
(30) Acte uniforme relatif au droit comptable et à l'information financière, art. 100.
(31) Acte uniforme relatif au droit comptable et à l'information financière, art. 110.
(32) R. Nemedeu, Le contrôle du commissaire aux comptes en droit OHADA des sociétés commerciales : une disproportion criarde entre son étendue et sa garantie, De l'esprit du droit africain, Mélanges en l'honneur de Paul-Gérard Pougoué, Wolters Kluwer, 2014, p. 570.
(33) R. Nemedeu, Le contrôle du commissaire aux comptes en droit OHADA des sociétés commerciales : une disproportion criarde entre son étendue et sa garantie, loc. cit., p. 571.
(34) D. Vidal, Le commissaire aux comptes dans la société anonyme (évolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques), op.cit., n° 250, p. 207.
(35) Lamy societés commerciales, Wolters Kluwer, éd. 2016, n° 2490, p. 1224.
(36) G. Darcy, V. Labrot et M. Doat (dir.), l'office du juge, colloque Sénat 2006, cité par J-L Bergel in Théorie générale du droit, Dalloz, 2012, n° 278, pp. 348-349.
(37) C. com., art. L. 234-1 (N° Lexbase : L2767LB4).
(38) J-L Bergel, Théorie générale de droit, Dalloz, 2012, n°117, p.141.
(39) AUDSCGIE révisé, art. 151.
(40) AUDSCGIE révisé, art. 154.
(41) C. com. français, art. L. 234-1 et L. 234-2 (N° Lexbase : L2766LB3).
(42) Lamy societés commerciales, op. cit., n° 2490, p. 1225.
(43) D. Vidal, Le commissaire aux comptes dans la société anonyme (évolution du contrôle légal, aspects théoriques et pratiques), op.cit., n°188, pp. 161 -162.
(44) R. Nemedeu, Le contrôle du commissaire aux comptes en droit OHADA des sociétés commerciales : une disproportion criarde entre son étendue et sa garantie, p. 559.
(45) AUDSCGIE, art. 713, alinéa 1, "Le commissaire aux comptes vérifie la sincérité et la concordance avec les états financiers de synthèse, des informations données dans le rapport de gestion du conseil d'administration ou de l'administrateur général, selon le cas, et dans les documents sur la situation financière et les états financiers de synthèse de la société adressés aux actionnaires".
(46) A. S. Algadi, Commissaires aux comptes et prévention des difficultés de l'entreprise, Revue Penant, n° 870, 2012, p. 12.
(47) E. Du Pontavice, Les conséquences pratiques de la loi du 1er mars 1984, n° 49 et s., Informations et débats, n°13, cité dans Lamy societes commerciales, op. cit., n° 2490, p. 1225.
(48) M-A Mouthieu Njandeu, L'intérêt social en droit des sociétés, L'Harmattan, 2009, n° 7, p.20.
(49) M-A Mouthieu Njandeu, L'intérêt social en droit des sociétés, ibid., n° 10, p. 24.
(50) D. Schmidt, De l'intérêt commun des associés, JCP éd. G, 1994, n ° 41, n° 5, p. 441.
(51) M. Cozian, A. Viandier Et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 13ème éd., Litec, 2000, n° 466, p. 175.
(52) L'article 714 de l'AUDSCGIE dispose que "le commissaire aux comptes s'assure enfin que l'égalité entre les associés est respectée notamment que toutes les actions d'une même catégorie bénéficient des mêmes droits".
(53) L'article 350 de l'AUDSCGIE dispose que : "L'assemblée générale ordinaire se prononce sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et l'un de ses gérants ou associés. A cet effet, le ou les gérants ou s'il en existe un, le commissaire aux comptes, présentent à l'assemblée générale ordinaire annuelle ou joignent aux documents communiqués aux associés, un rapport sur les conventions intervenues directement ou par personne interposée entre la société et de ses gérants ou associés...".
(54) S. Lacroix de Sousa, Le rayonnement de l'affectio societatis, Revue des sociétés, n° 9, septembre 2016, pp. 489-505.
(55) A. Constantin, La tyrannie des faibles. De l'abus de minorité en droit des sociétés, in Aspects actuels du droit des affaires, Mélanges en l'honneur d'Yves Guyon, Dalloz, 2003, pp. 213-238.
(56) AUDSCGIE, art. 130.
(57) AUDSCGIE, art. 131.
(58) Le petit Larousse-grand format, 2001, p. 856.
(59) AUDSCGIE révisé, art. 717-1.
(60) AUDSCGIE révisé, art. 778-14.
(61) AUDSCGIE révisé, art. 822-5.
(62) AUDSCGIE, art. 778-3.
(63) AUDSCGIE, art. 778-4.
(64) AUDSCGIE, art. 778-7.
(65) AUDSCGIE, art. 778-8.
(66) D. Vidal, Le commissaire aux comptes dans la société anonyme..., op.cit., n° 185, p. 160.

newsid:460442

Successions - Libéralités

[Brèves] Successions/DIP : trust, réserve héréditaire et ordre public international français

Réf. : Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 16-13.151 (N° Lexbase : A1718WTS), et n° 16-17.198 (N° Lexbase : A1719WTT), FS-P+B+R+I

Lecture: 2 min

N0437BXH

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460437
Copier

par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 05 Octobre 2017

Une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n'est pas en soi contraire à l'ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d'espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. Tel est l'enseignement délivré par la première chambre civile de la Cour de cassation, aux termes de deux arrêts rendus le 27 septembre 2017 (Cass. civ. 1, 27 septembre 2017, n° 16-13.151 N° Lexbase : A1718WTS, et n° 16-17.198 N° Lexbase : A1719WTT, FS-P+B+R+I).

La Cour suprême approuve ainsi la cour d'appel de Paris qui, après avoir énoncé que la loi normalement applicable à la succession était celle de l'Etat de Californie, qui ne connaît pas la réserve héréditaire, avait relevé, dans la première espèce (CA Paris, 16 décembre 2015, Pôle 3, 1ère ch., 16 décembre 2015, n° 13/17078 N° Lexbase : A3901NZI), qu'il n'était pas soutenu que l'application de cette loi laisserait l'un ou l'autre des consorts X, tous majeurs au jour du décès de leur père, dans une situation de précarité économique ou de besoin, que le défunt résidait depuis presque trente ans en Californie, où étaient nés ses trois derniers enfants, et que tout son patrimoine immobilier et une grande partie de son patrimoine mobilier étaient situés aux Etats-Unis ; aussi, selon la Cour suprême, la cour d'appel en avait exactement déduit que la loi californienne ayant permis au défunt de disposer de tous ses biens en faveur d'un trust bénéficiant à son épouse, mère de leurs deux filles alors mineures, sans en réserver une part à ses autres enfants, ne heurtait pas l'ordre public international français.

De la même manière, dans la deuxième espèce (CA Paris, Pôle 3, 1ère ch., 11 mai 2016, n° 14/26247 N° Lexbase : A8687RN3), elle approuve les juges d'appel parisiens qui, après avoir relevé que le dernier domicile du défunt était situé dans l'Etat de Californie, que ses unions, à compter de 1965, avaient été contractées aux Etats-Unis, où son installation était ancienne et durable et, que les parties ne soutenaient pas se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin, en avaient exactement déduit qu'il n'y avait pas lieu d'écarter la loi californienne au profit de la loi française.

newsid:460437

Droit pénal du travail

[Brèves] Modalités de mise en oeuvre de la procédure de recouvrement des créances liées aux contrôles en matière de travail dissimulé

Réf. : Décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, relatif à l'amélioration des outils de recouvrement en matière de travail dissimulé (N° Lexbase : L8151LGY)

Lecture: 1 min

N0418BXR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460418
Copier

par Charlotte Moronval

Le 05 Octobre 2017

Publié au Journal officiel du 27 septembre 2017, le décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, relatif à l'amélioration des outils de recouvrement en matière de travail dissimulé (N° Lexbase : L8151LGY) est pris pour l'application de l'article 24 de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, de financement de la Sécurité sociale pour 2017 (N° Lexbase : L9288LBM).

Ce décret définit les modalités d'application des mesures conservatoires qui peuvent être mises en oeuvre dans le cadre du recouvrement de créances issues de la lutte contre le travail dissimulé par les organismes en charge du recouvrement. Il détermine les conditions selon lesquelles le cotisant apporte au directeur de l'organisme de recouvrement des garanties suffisantes de paiement afin d'éviter ces mesures conservatoires ou de solliciter leur mainlevée.

Le texte entre en vigueur au lendemain de sa publication, sous réserve des dispositions particulières prévues à son article 5 (cf. l’Ouvrage "Droit de la protection sociale" N° Lexbase : E5357E7K).

newsid:460418

Voies d'exécution

[Brèves] Homologation d'un accord transactionnel et contestation devant le juge de l'exécution

Réf. : Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-19.184, FS-P+B (N° Lexbase : A5895WTI)

Lecture: 1 min

N0451BXY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/42903154-edition-n-714-du-05102017#article-460451
Copier

par Aziber Seïd Algadi

Le 05 Octobre 2017

L'homologation d'un accord transactionnel, qui a pour seul effet de lui conférer force exécutoire, ne fait pas obstacle à une contestation de la validité de cet accord devant le juge de l'exécution. Telle est la solution retenue par un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 28 septembre 2017 (Cass. civ. 2, 28 septembre 2017, n° 16-19.184, FS-P+B N° Lexbase : A5895WTI).

Selon les faits de l'espèce, par un jugement du 3 octobre 2008, M. M. a été condamné par un tribunal de commerce à payer à la banque C. une somme due en sa qualité de caution solidaire de deux engagements souscrits par des sociétés dont il était le dirigeant. Le 23 février 2010, les parties ont conclu un accord transactionnel. La banque a fait délivrer le 31 juillet 2013 à M. M. un commandement à fin de saisie-vente. Ce dernier a saisi un juge de l'exécution aux fins de voir prononcer la nullité et la rescision du protocole d'accord du 23 février 2010 et annuler le commandement à fin de saisie-vente. Pour rejeter la demande tendant à voir constater la nullité de l'accord du 23 février 2010, ainsi que celles visant à faire constater l'absence de titre exécutoire, et la nullité du commandement du 31 juillet 2013, la cour d'appel (CA Caen, 22 mars 2016, n° 15/01336 N° Lexbase : A5031Q8T) a retenu que l'ordonnance du conseiller de la mise en état est passée en force de chose jugée, ce qui a pour effet d'interdire toute appréciation de la validité de la transaction par le juge de l'exécution.

A tort selon la Haute juridiction qui juge qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire (N° Lexbase : L4833IRG) et 480, alinéa 1, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6594H7D) (cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8238E8M).

newsid:460451

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.