La lettre juridique n°695 du 20 avril 2017

La lettre juridique - Édition n°695

Affaires

[Brèves] Publication du décret modifiant le Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes

Réf. : Décret n° 2017-540, du 12 avril 2017, modifiant le Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes (N° Lexbase : L8132LDK)

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par June Perot

Le 20 Avril 2017

A été publié au Journal officiel du 14 avril 2017, le décret n° 2017-540, du 12 avril 2017, modifiant le Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes (N° Lexbase : L8132LDK). Il concerne les commissaires aux comptes, les associés et salariés de sociétés de commissaires aux comptes, les personnes et entités soumises à l'obligation de certification des comptes, les gérants, administrateurs et les membres des directoires et des conseils de surveillance de personnes ou entités soumises à l'obligation de certification des comptes. Il est pris en application de l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes (N° Lexbase : L1882K7T), de l'article 141 de la loi n° 2016-1691, du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP) et de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes (N° Lexbase : L5685LCK). Son entrée en vigueur est prévue au 1er juin 2017.

Le décret définit les nouvelles règles applicables en matière de déontologie des commissaires aux comptes (indépendance et prévention des conflits d'intérêts, scepticisme professionnel et esprit critique, secret professionnel et discrétion...). Il modifie certaines règles relatives au Haut Conseil du commissariat aux comptes, prévoit la désignation de suppléants dans les commissions régionales de discipline des commissaires aux comptes et le remboursement des frais pour les commissaires aux comptes chargés d'une mission par le rapporteur général ou un enquêteur du Haut Conseil du commissariat aux compte (article 28).

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Autorité parentale

[Jurisprudence] L'intervention du juge aux affaires familiales dans le conflit parental relatif à la santé de l'enfant

Réf. : Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-24.055, F-D (N° Lexbase : A2742UCK)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux et Directrice du CERFAP, Directrice scientifique des Encyclopédies de droit de la famille

Le 20 Avril 2017

Dans l'arrêt du 15 mars 2017, la Cour de cassation est pour la première fois confrontée à l'intervention du juge aux affaires familiales dans le conflit parental relatif à la santé de l'enfant (Cass. civ. 1, 15 mars 2017, n° 16-24.055, F-D ; cf. l’Ouvrage "L'autorité parentale" N° Lexbase : E4944E4U et N° Lexbase : E5812EYW). En l'espèce, la mère qui souhaitait soumettre l'enfant à un traitement médical à base d'hormones de croissance -il mesurait 1m32 alors qu'il était âgé de 12 ans- avait saisi le juge aux affaires familiales pour qu'il l'autorise à passer outre le refus du père, étant précisé que les parents séparés exerçaient conjointement l'autorité parentale sur l'enfant, lequel vivait alternativement chez l'un et chez l'autre. La Cour de cassation, en rejetant le pourvoi de la mère contre l'arrêt d'appel qui avait refusé d'autoriser le traitement (CA Poitiers, 11 mai 2016, n° 15/02325 N° Lexbase : A9026RNM), contrairement à la décision des premiers juges, à laquelle le père s'était opposé, affirme tout d'abord la compétence du juge aux affaires familiales pour trancher ce type de conflit (I) et met en exergue certains critères pour départager les parents (II). I - La compétence du juge aux affaires familiales pour intervenir dans les conflits parentaux relatifs à la santé de l'enfant

Prérogatives parentales. De manière générale, les soins, traitements, opérations, rendus nécessaires par l'état de l'enfant relèvent de l'autorité parentale des père et mère. Ce pouvoir de décision des titulaires de l'autorité parentale est fondé sur l'article 371-1 du Code civil (N° Lexbase : L8018IWU). Il peut en outre être déduit de l'article L. 1111-2 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L9646KXK) qui prévoit que le droit d'information du mineur est exercé par les titulaires de l'exercice de l'autorité parentale. Divers textes spéciaux prévoient par ailleurs que le pouvoir de décision en matière médicale appartient en principe aux titulaires de l'autorité parentale. Il leur revient ainsi de décider d'un prélèvement de moelle osseuse sur le mineur en vertu des articles L. 1231-2 (N° Lexbase : L4364DL9), L. 1232-2 (N° Lexbase : L8791GTR) et L. 1232-3 (N° Lexbase : L9151GT4) du Code de la santé publique, ou d'une recherche médicale en vertu de l'article L. 1122-2 du même code (N° Lexbase : L7347K8M).

Codécision. Lorsque le père et la mère exercent en commun l'autorité parentale, les décisions relatives à la santé de l'enfant doivent être prises par les deux parents sauf si l'acte médical envisagé relève du domaine de la présomption d'accord de l'article 372-2 du Code civil (N° Lexbase : L2902AB4) qui permet à un seul parent d'accomplir les actes usuels de l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant. L'article 373-2 du Code civil (N° Lexbase : L2905AB9) précise que la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale.

Actes usuels. La détermination des contours de la catégorie des actes médicaux usuels n'est cependant pas évidente. En font incontestablement partie les soins obligatoires comme certaines vaccinations, les soins courants (blessures superficielles, infections bénignes, soins dentaires de routine), les soins habituels chez l'enfant (traitement des maladies infantiles ordinaires) ou chez tel enfant particulier (poursuite d'un traitement ou soins d'une maladie récurrente, fût-elle grave). En revanche, peuvent difficilement être considérés comme des actes usuels : la décision de soumettre l'enfant à un traitement nécessitant une hospitalisation prolongée et le recours à un traitement lourd ou comportant des effets secondaires importants. Le traitement médical à base d'hormones de croissance fait évidemment partie de la catégorie des actes non usuels eu égard aux risques qu'il présente et à ses effets secondaires.

Le fait d'effectuer un acte médical non usuel sur un enfant sans le consentement des deux parents engage la responsabilité du médecin, comme le Conseil d'Etat l'a décidé dans un arrêt du 7 mai 2014 à propos de la prescription d'un anti-dépresseur (1), mais également du parent (2). En l'espèce, la mère ne pouvait donc pas passer outre le refus du père de consentir au traitement.

Pouvoir du médecin. Un dispositif exceptionnel permet toutefois au médecin de passer outre le refus d'un ou des parents sans avoir besoin de recourir au juge. En effet, selon l'article L. 1111-4, alinéa 6, du Code de la santé publique (N° Lexbase : L4252KY7), "dans le cas où un refus de traitement par la personne titulaire de l'autorité parentale ou le tuteur risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur, le médecin délivre les soins indispensables". Ainsi, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu considérer, dans une décision du 4 mars 2003 (3), que les médecins qui avaient pratiqué une transfusion sanguine sur un mineur malgré le refus des parents ne commettaient pas de faute ; il était en effet établi que l'enfant présentait des signes cliniques de péril vital imminent. En outre, l'article R. 4127-42 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L8324GTH), cité par le Conseil d'Etat dans l'arrêt du 7 mai 2014, dispose que : "sous réserve des dispositions de l'article L. 1111-5, un médecin appelé à donner des soins à un mineur ou à un majeur protégé doit s'efforcer de prévenir ses parents ou son représentant légal et d'obtenir leur consentement. En cas d'urgence, même si ceux-ci ne peuvent être joints, le médecin doit donner les soins nécessaires". Ces deux textes se complètent tout en visant des hypothèses différentes. Le premier concerne plutôt le refus de consentement alors que le second vise l'hypothèse dans laquelle les parents ou l'un d'entre eux n'est pas présent lors de la décision médicale. Le Conseil d'Etat a considéré, à juste titre, que ces textes étaient applicables aux hypothèses dans lesquelles un seul parent avait donné son consentement alors que l'acte impliquait que les deux titulaires de l'autorité parentale autorisent l'acte, affirmant "qu'un acte médical ne constituant pas un acte usuel ne peut être décidé à l'égard d'un mineur qu'après que le médecin s'est efforcé de prévenir les deux parents et de recueillir leur consentement ; qu'il n'en va autrement qu'en cas d'urgence, lorsque l'état de santé du patient exige l'administration de soins immédiats".

Le traitement envisagé dans l'affaire jugée dans l'arrêt du 15 mars 2017 ne relevait pas de l'urgence. On peut cependant se demander s'il n'entrait pas dans la définition de l'article L.1111-4 c'est-à-dire l'acte dont l'absence risque d'entraîner des conséquences graves pour la santé du mineur, qui est plus large que l'acte urgent. La réponse à cette question semble négative dans la mesure où l'évidence de la nécessité du traitement était justement discutée. Le médecin ne pouvait donc pas passer outre le refus du père sans risque d'engager sa responsabilité.

Compétence du juge aux affaires familiales. De ces différentes dispositions il ressort que le juge aux affaires familiales ne pourrait être saisi que pour les actes que le Code de la santé publique n'autorise pas le médecin à faire lui-même, en passant outre au refus ou à l'absence de consentement des parents, c'est-à-dire justement des actes qui ne relèvent ni de l'urgence ni d'une évidente nécessité.

Dans son arrêt du 15 mars 2017, la Cour de cassation ne tranche pas la question de savoir si le juge aux affaires familiales était compétent pour trancher le conflit parental à propos du traitement à base d'hormones. Ce silence permet sans doute de considérer que tel est bien le cas. La compétence du juge aux affaires familiales pour autoriser un acte relatif à l'enfant souhaité par un parent et refusé par l'autre peut être fondée sur l'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L7178IMS) en vertu duquel le juge aux affaires familiales "règle les questions qui lui sont soumises dans le présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs". La généralité de ce texte, qui s'applique à l'ensemble des dispositions relatives à l'autorité parentale, permet de considérer que le juge aux affaires familiales a nécessairement compétence pour trancher les conflits parentaux résultant d'un exercice en commun de l'autorité parentale. L'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 2005 (4), qui tranche le conflit relatif à l'inscription d'un enfant dans une école, témoigne s'il en était besoin de la compétence du juge aux affaires familiales dans ce type de conflit. Il en va de même de l'arrêt du 23 septembre 2015 (5) qui reconnaît au juge aux affaires familiales compétence pour trancher un conflit entre le père et la mère à propos du baptême de l'enfant. Il est désormais clair que lorsqu'un parent refuse d'autoriser un acte concernant la personne de l'enfant souhaité par l'autre, ce dernier peut demander au juge aux affaires familiales de l'autoriser à passer outre ce refus, même pour des actes dont la réalisation n'est pas strictement nécessaire. Le juge aux affaires familiales devient ainsi l'arbitre des conflits parentaux, accréditant l'idée que la coparentalité imposée par la loi dans le cadre de l'autorité parentale n'est pas absolue puisque le juge pourrait imposer à l'autre parent un acte concernant l'enfant qu'il refuse.

Toutefois, les critères de la décision du juge qui transparaissent dans la décision du 15 mars 2017 permettent de penser que, fort heureusement, seules des circonstances exceptionnelles pourraient permettre à un juge d'imposer à un parent un acte pour lequel il refuse son consentement, particulièrement en matière médicale.

II - Les critères du juge aux affaires pour trancher les conflits parentaux relatifs à la santé de l'enfant

Intérêt supérieur de l'enfant. Fort logiquement, la Cour de cassation approuve la cour d'appel qui a "exactement" affirmé, comme dans l'arrêt relatif au baptême que "le conflit d'autorité parentale devait être tranché en considération du seul intérêt de l'enfant". L'affirmation est conforme au principe de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes décisions le concernant, consacrée par l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL), et systématiquement mis en oeuvre par la Cour de cassation en matière d'autorité parentale depuis qu'elle a admis en 2005 l'applicabilité directe de cet article. En visant le "seul intérêt" de l'enfant, la Cour de cassation souligne l'exclusivité de ce critère et écarte en conséquences les autres éléments qui pourraient entrer en ligne de compte tel que, notamment, le ressenti des parents.

La Cour de cassation affirme que la cour d'appel, pouvait souverainement déduire des différents éléments retenus que l'intérêt supérieur de l'enfant commandait de rejeter la demande, consacrant le pouvoir du juge du fond pour apprécier l'intérêt supérieur de l'enfant, conformément à une jurisprudence constante, du moins lorsque l'intérêt de l'enfant fait l'objet d'une appréciation in concreto, c'est-à-dire lorsque celui-ci n'a fait l'objet d'aucune définition abstraite par le législateur ou par la Cour de cassation elle-même (6).

Toutefois, même si la Cour de cassation reconnaît le pouvoir souverain des juges du fond, elle inclut très largement dans sa décision les énonciations de la cour d'appel, semblant ainsi souligner qu'elle vérifie la consistance de l'appréciation portée par celle-ci sur l'intérêt supérieur de l'enfant. La Haute juridiction ne se contente pas, en effet, comme elle le fait dans certains domaines d'une simple référence à la décision motivée de la cour d'appel, mais s'attache à indiquer "la substance du résultat de l'appréciation souveraine des juges du fond", ce qui n'est pas sans revêtir une certaine utilité pour une appréciation harmonisée de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Dans l'arrêt du 15 mars 2017, plusieurs critères retenus par la cour d'appel pour refuser d'autoriser le traitement souhaité ont ainsi été relevés par la Cour de cassation.

Conséquences du traitement. La cour d'appel a retenu en premier lieu un critère médical tiré de l'insuffisance des connaissances scientifiques et se fonde donc sur la notion de "risque médical" L'arrêt relève en effet "qu'un principe de précaution s'impose quant aux risques [les effets secondaires de type hypertension, nausées, douleurs, tumeurs liés au traitement, selon divers documents médicaux, sont évalués à 1/1000] d'un tel traitement et que sa mise en oeuvre nécessite une étude des antécédents familiaux, qui n'a pas été réalisée". Cette dernière remarque devrait inciter les parents qui souhaitent obtenir une autorisation pour un traitement médical à effectuer l'ensemble des examens et analyses permettant de mesurer les risques qu'il implique. En reprenant la référence de la cour d'appel au principe de précaution, la Cour de cassation rejette le moyen du pourvoi qui prétendait que la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 5 du Code civil (N° Lexbase : L2230AB9) en visant ce principe.

Nécessité du traitement. Ensuite, la cour d'appel s'est interrogée sur la nécessité du traitement, à travers les conséquences que son absence pourrait avoir. Elle note que l'enfant "démontre, par son attitude, qu'il paraît avoir surmonté, en partie, le fait d'avoir une taille inférieure à la moyenne puisqu'il participe à des spectacles devant un public nombreux, a des amis et fait preuve de confiance en lui". Ce constat permet de considérer que le traitement n'est pas absolument nécessaire puisque l'enfant semble pouvoir surmonter les conséquences de son absence.

Avis de l'enfant. Enfin, la cour d'appel tient compte de la position de l'enfant quant au traitement envisagé, comme cela avait été le cas pour le baptême dans l'arrêt du 23 septembre 2015, étant précisé qu'en l'espèce l'enfant était âgé de douze ans. L'enfant avait été entendu par un psychologue, dans le cadre d'une association, sans doute par délégation du juge aux affaires familiales. Lors de son audition, "il a exprimé ses inquiétudes quant aux effets du traitement et s'est montré sensible aux appréhensions paternelles à ce sujet". En prenant en compte l'avis de l'enfant, la cour d'appel va dans le sens de l'article L. 1111-4 alinéa 7, aux termes duquel "le consentement du mineur ou du majeur sous tutelle doit être systématiquement recherché s'il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision". Toutefois le constat selon lequel l'enfant "s'est montré sensible aux appréhensions paternelles à ce sujet" traduit le risque d'influence auquel l'enfant, du fait de son jeune âge de l'enfant, est exposé ; c'est pourquoi les textes permettent à l'enfant d'exprimer son ressenti mais non de prendre lui-même la décision médicale.

Toutefois, en retenant l'argument de la cour d'appel relatif à l'influence sur l'enfant des appréhensions paternelles, la Cour de cassation n'en rejette pas moins le moyen du pourvoi selon lequel "le trouble causé par l'opposition d'un parent à une mesure médicale nécessaire pour l'enfant ne saurait entrer en ligne de compte pour examiner le bienfondé d'ordonner le protocole de soins [et] qu'en appréciant ainsi l'intérêt de l'enfant à l'aune de la crainte que lui inspirait la réaction de son père, la cour d'appel a violé les articles 371-1 et 373-2 du Code civil".

Relation du père avec l'enfant. La Cour de cassation n'a pas non plus relevé dans sa décision l'argument de la cour d'appel relatif à la tension générée par le conflit parental, la mère demandant qu'un exercice exclusif de l'autorité parentale soit mis en place si le traitement devait être autorisé. La cour d'appel avait considéré qu'une telle décision mettrait fin à la résidence alternée qui fonctionnait sans difficulté depuis juillet 2009 et priverait le père d'une relation privilégiée avec ses deux enfants. Cet argument n'est certes pas centré sur l'intérêt de l'enfant, ce qui explique peut-être que la Cour de cassation n'en ait pas fait état. Elle ne répond en effet pas au moyen du pourvoi selon lequel "en refusant d'ordonner les soins médicaux litigieux au motif qu'une telle mesure entraînerait une modification de l'exercice de l'autorité parentale, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 373-2 du Code civil".

Conclusion. Les différents éléments relevés par la cour d'appel et intégrés dans sa décision par la Cour de cassation permettaient selon cette dernière de considérer que l'intérêt de l'enfant n'était pas d'être soumis au traitement médical sollicité par sa mère et refusé par son père. La manière dont l'arrêt est formulé et notamment la référence aux appréhensions paternelles peut permettre de penser que les juges du fond devraient se montrer particulièrement exigeants pour passer outre un refus parental, ce dont il faut se féliciter ; en effet la solution inverse pourrait porter atteinte à l'effectivité de la coparentalité sur laquelle repose l'exercice en commun de l'autorité parentale.


(1) CE 4° s-s., 7 mai 2014, n° 359076 (N° Lexbase : A9373MKD), et nos obs., Lexbase, éd. priv., n° 573, 2014 (N° Lexbase : N2502BU9).
(2) Cf. par analogie la condamnation du père ayant fait procéder à la circoncision de l'enfant, CA Paris, 29 septembre 2000, n° 99/08304, D., 2001, 1585, note Duvert.
(3) CAA Bordeaux, 4 mars 2003, n° 99BX02360 (N° Lexbase : A5779C9W), JCP éd. A, 2003, n° 51, p. 15.
(4) Cass. civ. 1, 8 novembre 2005, Dr. fam., 2006, comm. n° 28, obs. Gouttenoire.
(5) Cass. civ. 1, 1, 23 septembre 2015, n° 14-23.724, F-P+B (N° Lexbase : A8224NPB), et nos obs., Lexbase, éd. priv., n° 629, 2015 (N° Lexbase : N9511BUS).
(6) A. Gouttenoire, Le contrôle exercé par la Cour de cassation sur l'intérêt supérieur de l'enfant, Mélanges en l'honneur de la Professeure Françoise-Dekeuwer-Defossez, Montchrestien, Lextenso Editions, 2013, p. 14.

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Avocats

[Brèves] La simple obligation de discrétion du défenseur syndical jugée conforme à la Constitution

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017 (N° Lexbase : A3926UXP)

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N7747BWT

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 20 Avril 2017

Le Conseil constitutionnel juge conforme à la Constitution la simple obligation de discrétion du défenseur syndical à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente. Telle est la décision rendue le 7 avril 2017, par les Sages de la rue Montpensier (Cons. const., décision n° 2017-623 QPC du 7 avril 2017 N° Lexbase : A3926UXP).
Le Conseil d'Etat avait renvoyé, le 18 janvier 2017 (CE 1° et 6° ch.-r., 18 janvier 2017, n° 401742, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2070S9K), la question de la conformité à la Constitution, des dispositions de l'article L. 1453-8 du Code du travail (N° Lexbase : L5380KGD), le Conseil national des barreaux (CNB) soutenant que le législateur aurait méconnu le principe d'égalité des justiciables devant la loi en se bornant à prévoir une obligation de discrétion du défenseur syndical à l'égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par la personne qu'il assiste ou représente alors que, en vertu de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), l'ensemble des échanges et correspondances entre l'avocat et le client qu'il assiste ou représente devant le conseil de prud'hommes et la cour d'appel en matière prud'homale est couvert, dans l'intérêt même du justiciable, par le secret professionnel. Pour le Conseil constitutionnel, sont assurées aux parties, qu'elles soient représentées par un avocat ou par un défenseur syndical, des garanties équivalentes quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties. Et, le grief tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant la justice doit donc être écarté. Les deux premiers alinéas de l'article L. 1453-8 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques (N° Lexbase : L4876KEC), qui ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent donc être déclarés conformes à la Constitution (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E3754ET9 et l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E0037GAM).

newsid:457747

Avocats/Champ de compétence

[Brèves] RIN : modification des dispositions relatives au champ d'activité professionnelle de l'avocat

Réf. : Décision du 26 janvier 2017, publiée au Journal officiel du 13 avril 2017

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N7746BWS

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par Anne-Laure Blouet Patin

Le 22 Avril 2017

Votée par l'assemblée générale du Conseil national des barreaux le 26 janvier 2017, et publiée au Journal officiel du 13 avril 2017, la décision opère la modification des dispositions des articles 6 et 19 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (N° Lexbase : L4063IP8).
L'article 6, tout en introduisant le terme de "partenaire de justice", définit désormais les conditions des mandats reçus des clients et liste ensuite les missions particulières dont l'avocat peut être investi. C'est l'article 6.3.1. qui encadre les missions de justice, d'arbitrage, d'expertise ou de médiation. La nouveauté réside dans la fonction de médiateur puisque pour faire état de cette qualité l'avocat devra être référencé auprès du Centre national de médiation des avocats (CNMA). Les articles suivants encadrent les activités de correspondant informatique et libertés -qui deviendra à compter du 25 mai 2018 un délégué à la protection des données-, lobbyiste, mandataire d'artistes et d'auteurs, et d'intermédiaire en assurance.
Enfin les prestations en ligne de l'avocat sont traitées à l'article 19 du RIN.

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La liberté guidant les majeurs protégés : la désignation de l'avocat à l'épreuve de la liberté du justiciable

Réf. : CA Versailles, 31 mars 2017, n° 16/09293 (N° Lexbase : A6935USN)

Lecture: 7 min

N7648BW8

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par Pierre-Louis Boyer, Maître de conférences HDR, UCO Angers

Le 20 Avril 2017

Par arrêt en date du 31 mars 2017, la cour d'appel de Versailles a tranché un litige qui ne laissera pas sans intérêt les Bâtonniers de France et de Navarre car, même si l'arrêt est venu infirmer la décision du Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Versailles, il donne à la fonction une prééminence accrue. Le cas d'espèce est le suivant, malheureusement noyé par des difficultés familiales qui nous éloignent parfois de l'intérêt procédural de l'affaire.

Le 15 mars 2013, M. Jean-Paul Y est placé sous curatelle renforcée par décision du juge des tutelles de Versailles, ce dernier nommant le fils de Jean-Paul Y, Stéphane Y, curateur de son père. Stéphane Y a sollicité du juge des tutelles la révocation du mandat de l'avocat de son père, Me A., et la désignation par le Bâtonnier de l'Ordre d'un nouvel avocat. En réponse à cette demande, Jean-Paul Y, représenté par Me A., a sollicité du juge des tutelles que soit désigné non pas son fils, Stéphane, comme curateur, mais un tiers, M. P..

Par ordonnance en date du 23 février 2015, confirmée par arrêt de la cour en date du 8 juillet 2015, le juge des tutelles a fait droit aux demandes de Stéphane Y, révoquant le mandat de Me A. et procédant à la saisine du Bâtonnier, ce dernier désignant Me B. pour défendre les intérêts de Jean-Paul Y.

Plus d'une année après, le 5 décembre 2016, le Bâtonnier de l'Ordre était à nouveau saisi car le majeur protégé avait mis fin au mandat de son avocat désigné et avait mandaté, de sa propre initiative, un autre avocat, Me Z.. Le Bâtonnier désignait alors un autre avocat, Me R., pour se charger de la défense des intérêts de Jean-Paul Y, invitant par ailleurs Me Z., s'il souhaitait contester cette désignation, à saisir le juge des tutelles ou le premier président de la cour. L'avocat a alors interjeté appel de cette décision le 26 décembre 2016, le majeur sollicitant, lui aussi, l'annulation de cette décision par courrier en date du 28 décembre 2016.

Si des rapports familiaux difficiles entrent ici en jeu, notamment dans le lien existant entre le curateur désigné et le majeur protégé contestataire, ils ne sont pas l'objet de l'intérêt de cet arrêt qui relève plus des questions d'organisation juridictionnelle.

Les appelants, dans leurs écritures -les appels interjetés (procédures n°16/09294 et 16/09293) par M. Jean-Paul Y et par Me Z. ont été joints en une seule procédure- sollicitaient bien évidemment la reconnaissance de la validité du mandat de Me Z., mais aussi l'irrecevabilité des écritures du curateur, et affirmaient la recevabilité de leurs appels respectifs, ce qui est le point central de cet arrêt. On notera que les demandes de Me Z. et de Jean-Paul Y sont strictement identiques...

Au-delà des allégations malheureusement classiques liées à des rivalités familiales communes (défaillance du curateur, critique des conditions de vie, etc.), les appelants s'appuient, à juste titre, sur des éléments fondamentaux pour légitimer leurs prétentions. D'une part, ils indiquent que leurs appels sont recevables car, sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L7558AIR), toute décision doit être potentiellement susceptible d'appel. De plus, la désignation d'un avocat par un Bâtonnier ne saurait primer la liberté de choix de l'avocat qui demeure, comme le rappelle le CNB, un "principe fondamental" de la profession. C'est d'ailleurs ce que les appelants soulignent, invoquant notamment l'article 1214 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1312IGP) qui dispose que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'un processus de désignation peut être lancé : "Dans toute instance relative à l'ouverture, la modification ou la mainlevée d'une mesure de protection, le majeur à protéger ou protégé peut faire le choix d'un avocat ou demander à la juridiction saisie que le Bâtonnier lui en désigne un d'office".

Les appelants considèrent aussi, face à la contestation de l'intimé qui affirme que la décision de désignation d'un Bâtonnier ne saurait être contestée par voie d'appel, qu'il n'existe aucune limitation des cas de recours face aux décisions d'un Bâtonnier, que cela soit dans l'article L. 311-3 du Code de l'organisation judiciaire (1), ou dans le décret du 27 novembre 1991 (2).

L'intimé, quant à lui, souligne toute la validité de son intervention à l'instance. En tant que curateur, il bénéficierait -et la prétention semble rationnelle- d'un lien direct et suffisant avec l'instance, ce que l'on comprend aisément pour deux raisons : la situation de curateur d'un majeur protégé, et donc le lien immédiat existant avec l'appelant, mais aussi le fait que la situation de M. Stéphane Y qui a, lui-même, été à l'origine de la saisine initiale du Bâtonnier pour désignation d'un avocat, élément central des contestations d'espèce.

L'intimé, comme cela a été mentionné ci-avant, conteste aussi la recevabilité de l'appel au motif que ce dernier ne peut avoir lieu qu'à l'encontre d'une décision juridictionnelle, ce qui ne serait pas le cas pour la décision de désignation d'un Bâtonnier. De surcroît, sur le fondement des articles 542 (N° Lexbase : L6693H7Z) et 543 (N° Lexbase : L6694H73) du Code de procédure civile (3), un appel en annulation ne saurait être envisagé qu'en cas d'irrégularité dans l'introduction de l'instance, dans le déroulement de la procédure, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

La solution de la cour d'appel peut se résumer en quatre points : la recevabilité de l'intervention du curateur dans la procédure, mais aussi la recevabilité des appels interjetés par Me Z. et par le majeur protégé sur le fondement de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. S'ajoutent à cela deux autres points tout aussi importants dans cette décision : l'annulation de la décision de désignation de Me R. par le Bâtonnier de l'Ordre et la validité du mandat donné par le majeur protégé à Me Z..

La cour d'appel de Versailles vient ici réaffirmer deux principes conséquents dans la profession d'avocat : la liberté de choix de l'avocat et la nature juridictionnelle de la décision d'un Bâtonnier.

Les magistrats de la cour ont souligné que, avec le choix d'un "nouvel avocat", la caducité du premier mandat s'observait de facto. De plus, tout majeur protégé, sur le fondement des articles 432 (N° Lexbase : L9483I7D) et 459 (N° Lexbase : L1846IE4) du Code civil, peut prendre seul les décisions relatives à sa personne et peut être accompagné d'un avocat, quelle que soit la procédure. La désignation de l'avocat faite par le Bâtonnier s'avère, en conséquence, un obstacle fait à la liberté de choix d'un avocat par un majeur protégé. On retrouve ici la même idée que celle présente dans la législation pénale, le majeur protégé, en cas de réalisation d'infraction, pouvant choisir lui-même un avocat ; ce n'est qu'à défaut que le Bâtonnier, à la demande du curateur, du procureur ou du juge d'instruction, désignera un avocat (4).

La cour admet donc que cette désignation, contestée par le majeur protégé en ce qu'elle lui ferait grief, va à l'encontre de l'article 6.1 de la Convention européenne précitée, et donc de ce principe de l'équité dans le traitement des parties (5). Dans la reconnaissance et le renforcement de la liberté de choix de l'avocat, toute désignation par un Bâtonnier étant d'office caduque, la cour d'appel soutient un principe fondamental de la liberté de la profession d'avocat et de la liberté du justiciable. Elle suit ainsi des jurisprudences antérieures, notamment celle de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 novembre 2013 (CJUE, 7 novembre 2013, aff. C-442/12 N° Lexbase : A1412KPY).

Dans le cas d'espèce, la désignation par le Bâtonnier fait grief au majeur protégé en ce qu'elle le prive de cette fameuse liberté de choix de l'avocat, si toutefois le majeur protégé est en mesure d'effectuer ce choix et d'user de sa liberté -ce qui était le cas concernant Jean-paul Y-. Découle de ce grief une autre considération : le second élément essentiel de cette décision, qui est sous-jacent à la lecture de l'arrêt, est le renforcement de l'importance de la décision de désignation d'un avocat par le Bâtonnier.

Bien que la décision de désignation du Bâtonnier ait été, dans le cas d'espèce, annulée par la cour, les juges de seconde instance ont toutefois accepté l'idée qu'une telle décision soit de nature juridictionnelle, puisqu'ils ont confirmé la recevabilité des appels interjetés à l'encontre de cette décision (6). C'est donc soutenir cette approche qu'une désignation d'un avocat par un Bâtonnier relève d'une nature juridictionnelle, au même titre que peut l'être une décision sur contestation d'honoraires, comme le mettait en exergue la Cour de cassation : "La nature juridictionnelle de la décision du Bâtonnier qui peut donc, soit être l'objet d'un recours devant le premier président s'apparentant de façon nette à un appel, soit être, comme n'importe quel jugement, le siège d'une exécution volontaire par la partie perdante, soit enfin devoir être mise à exécution au sens de l'article 502 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6619H7B) ; dans ce contexte, l'apposition par le président du TGI de la formule exécutoire sur la minute de la décision du Bâtonnier, qui seule en permettra l'exécution forcée, ne paraît pas décisive. C'est une péripétie de la procédure, qui ne retire rien au caractère profondément juridictionnel de la décision elle-même" (7).

Toutefois, et chose importante s'il en est, on notera que, contrairement à l'appel interjeté sur une décision sur contestations d'honoraires, ce n'est pas le premier président qui est directement saisi. En effet, cette compétence d'attribution établie dans le décret du 27 novembre 1991, disparaît pour laisser place à la cour d'appel -ici la première chambre- en tant que juridiction de droit commun. La décision du Bâtonnier revêt, de surcroît, une nature juridictionnelle encore plus prégnante.

Si l'arrêt, en équité, restitue au majeur protégé son entière liberté de choix et annule la désignation du Bâtonnier versaillais, il consolide la nature juridictionnelle de la décision de désignation, et donc les fonctions juridictionnelles du Bâtonnier.

Messieurs les Bâtonniers, vive la liberté ! Vive, aussi, votre autorité !


(1) COJ, art. L. 311-3 (N° Lexbase : L7903HNZ) : "La cour d'appel connaît, en ce qui concerne les avocats : 1° des contestations relatives aux élections au conseil de l'ordre et à l'élection du Bâtonnier de l'Ordre ; 2° des recours contre les décisions ou délibérations du conseil de l'ordre ; 3° des recours contre les décisions des centres de formation professionnelle ; 4° des recours exercés après arbitrage du Bâtonnier pour les litiges nés à l'occasion du contrat de travail des avocats salariés".
(2) Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat (N° Lexbase : L8168AID).
(3) C. pr. civ., art. 542 (N° Lexbase : L6693H7Z) : "L'appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d'appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré" ; .C. pr. civ., art. 543 : "La voie de l'appel est ouverte en toutes matières, même gracieuses, contre les jugements de première instance s'il n'en est autrement disposé".
(4) C. pr. pén., art. 706-16 (N° Lexbase : L0883KCP) : "La personne poursuivie doit être assistée par un avocat. A défaut de choix d'un avocat par la personne poursuivie ou son curateur ou son tuteur, le procureur de la République ou le juge d'instruction fait désigner par le Bâtonnier un avocat, l'intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle".
(5) "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement".
(6) On pourra aller consulter, sur cette question de l'attribution à l'ordre judiciaire des contestations des décisions de désignation, les décisions du Tribunal des conflits du 2 avril 2012 (T. confl., 2 avril 2012, n° 3830 N° Lexbase : A1490IIZ, recueil Lebon 2012), et du 9 décembre 2013 (T. confl., 9 décembre 2013, n° 3923 N° Lexbase : A3737KRT, recueil Lebon 2013) : "Les décisions que le Bâtonnier peut être appelé à prendre pour désigner un avocat, tant en application de l'article 25 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique (N° Lexbase : L8607BBE), que sur le fondement de l'article 419 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0431IT7), relèvent de la compétence du juge judiciaire".
(7) Rapport annuel 2012 de la Cour de cassation, "Droit conventionnel", La documentation française, Cass. QPC, 1er juillet 2011, n° 11-30.013, FS-D (N° Lexbase : A9490HUZ), Bull. civ. II, n° 60.

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Droit des étrangers

[Le point sur...] Délit de solidarité : actualité d'un délit d'une autre époque

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par Serge Slama, Maître de conférences HDR en droit public à l'Université Paris Nanterre, CREDOF-CTAD UMR 7074

Le 20 Avril 2017

La condamnation à une peine de 3000 euros avec sursis le 10 février 2017 par le tribunal correctionnel de Nice (TGI Nice, 10 février 2017, n° 16298000008) d'un agriculteur poursuivi pour avoir aidé des migrants à circuler dans la vallée franco-italienne de la Roya, peu après la relaxe d'une autre personne (TGI Nice, 6 janvier 2017 n° 16293000004), un chercheur au CNRS poursuivi pour avoir hébergé et transporté des migrantes en détresse, ont relancé la polémique sur le délit d'aide à l'entrée, au séjour et à la circulation irréguliers sur le territoire français. Adopté en 1938, avant d'être repris à la Libération dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 (ordonnance n°45-2658 du 2 novembre 1945, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France N° Lexbase : L4788AGG), ce "délit de solidarité", selon la dénomination donnée par des associations pour le dénoncer, existe toujours aujourd'hui à l'article L. 622-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L8951IU3). Toutefois, depuis le milieu des années 1990, le champ des immunités familiales et humanitaires de l'article L. 622-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (N° Lexbase : L8952IU4) a été progressivement élargi sans pour autant mettre à l'abri toute personne qui, de manière désintéressée, apporte son aide à un étranger en situation irrégulière. C'est dans le contexte très particulier de l'avant seconde Guerre Mondiale que le fait, "par aide directe ou indirecte d'avoir facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger", a été pénalisé pour la première fois en droit français. Inscrit à l'article 4 du décret-loi du 2 mai 1938 sur la police des étrangers par le Gouvernement "Daladier", cette incrimination est reprise mot pour mot à la Libération par le Gouvernement provisoire de la République française, à l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945. Pour le peu qu'on connaisse des travaux préparatoires de ces textes, l'introduction de cette incrimination n'a donné lieu à aucun débat (1). Tout au plus le rapport au Gouvernement du décret-loi de 1938 indique-t-il qu'il s'agit de sanctionner "toutes les officines louches, tous les individus qui, gravitant autour des étrangers indésirables, font un trafic honteux de fausses pièces, de faux passeports". Ces dispositions ne sont pas non plus discutées dans les ouvrages juridiques de l'après seconde Guerre mondiale évoquant le droit des étrangers (2).

A plusieurs reprises, en 1972, en 1976 et en 1991, les sanctions encourues par les personnes qui aident à la circulation, au séjour, ou à la circulation irréguliers, sont aggravées et des peines complémentaires introduites. A la lecture des débats parlementaires, il apparaît, néanmoins, que le législateur a surtout entendu sanctionner les réseaux organisés (passeurs, transporteurs, employeurs, marchands de sommeil notamment), qui permettent aux étrangers d'entrer et de séjourner en France, de même que ceux qui, français ou étrangers, profitent, à des fins lucratives, de la situation des migrants, et non les personnes physiques ou morales qui, par humanité, leur apportent une aide désintéressée (3). De nos jours, une telle aide est passible de cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 622-1) et même de dix ans de prison et 750 000 euros lorsqu'elle est commise, par exemple, en bande organisée (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 622-5 N° Lexbase : L5891G4X).

On ignore l'usage qui a été fait de l'article 21 de l'ordonnance de 1945 pendant une quarantaine d'années. Le seul cas connu de répression est l'expulsion d'un pasteur suisse membre de la Cimade pour trouble à l'ordre public en raison de son soutien actif à des réfugiés et sans-papiers (4). Toutefois, à partir du milieu des années quatre-vingt, avec les durcissements successifs de cette ordonnance (loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 N° Lexbase : L7667LA9, dite "Pasqua I", en particulier), on voit apparaître des condamnations pour ce motif (CA Nancy, 12 novembre 1986).

La polémique à l'encontre de ce délit, et l'expression de "délit de solidarité", se développe à partir du milieu des années 1990, à l'initiative du "Gisti" (Groupe d'information et de soutien des immigrés) (5). Il n'existe en effet pas, à proprement parler, de "délit de solidarité" dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Mais cette expression militante a fait florès aussi bien dans les médias que dans le vocabulaire doctrinal (6) car elle permet de dénoncer le fait que les dispositions de l'article L. 622-1 permettent toujours, aujourd'hui, de poursuivre et sanctionner toute personne qui, de manière directe ou indirecte, aide, y compris de manière désintéressée, un sans-papier en le transportant, l'hébergeant ou en le nourrissant par exemple.

Si on admet la légitimité d'un tel délit d'humanité (7), la polémique porte aussi sur le périmètre des immunités prévues à l'article L. 622-4. Car, si depuis l'inscription dans le droit français par l'article 4 du décret "Daladier" du 2 mai 1938 et sa reprise à l'article 21 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, puis à l'article L. 622-1, la définition de ce délit n'a jamais varié (8), en revanche le périmètre des immunités a été régulièrement développé. Les mobilisations collectives et médiatiques ont, en effet, abouti, d'une part, dans les années 1990, à développer les immunités familiales au bénéfice de certains proches de sans-papiers et, d'autre part, à la suite de la polémique liée au film "Welcome" de Philippe Lioret, à l'inscription d'une immunité de type "humanitaire", par la loi "Valls" du 31 décembre 2012 (loi n° 2012-1560, relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées N° Lexbase : L8109IUU). Néanmoins, comme l'ont montré plusieurs affaires récentes, aussi bien dans le calaisis qu'à la frontière franco-italienne, ces immunités apparaissent toujours insuffisantes pour couvrir tous les cas d'aide désintéressée ou de soutien militant aux sans-papiers.

Les dispositions de l'article L. 622-1 sont donc critiquables en ce que, non seulement la définition de ce délit est trop étendue en englobant l'aide désintéressée (I), mais aussi en ce qu'elle n'apparaît pas nécessaire eu égard aux exigences du droit de l'Union européenne (II) et que les immunités offertes à l'article L. 622-4 apparaissent trop restreintes (III).

I - Une définition large englobant l'aide désintéressée

L'examen attentif des décisions recensées par le Gisti sur son site fait apparaître non seulement que le champ de cette incrimination est large mais qu'il est aussi appliqué largement par les juridictions pénales, que l'aide ait donné lieu à des contreparties ou non (A). Les Gouvernements, de gauche comme de droite, ont justifié une définition aussi large d'une telle incrimination, englobant l'aide purement désintéressée, par des arguments divers et variés (B).

A - Un champ large appliqué de manière extensive, y compris à l'aide désintéressée

Les termes utilisés à l'article L. 622-1 autorisent une interprétation extensive des textes (9). En premier lieu, tant la référence à l'aide "indirecte" qu'à la "circulation" (en lieu et place du "transit" figurant dans la Directive 2002/90/CE du Conseil du 28 novembre 2002, définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers N° Lexbase : L7681A8Y) (10), que le fait de couvrir la simple "facilitation" permettent d'engager des poursuites contre toute forme d'aide apportée aux sans-papiers. Ainsi, ont été condamnées aussi bien des personnes qui ont simplement transporté des sans-papiers (CA Nancy, 12 novembre 1986 ; Cass. crim., 26 février 1997, n° 96-82.158 N° Lexbase : A4711C3U ; Cass. crim., 9 juin 1999, n° 98-84.499 N° Lexbase : A3423CQT) ou même des demandeurs d'asile (CA Aix-en-Provence, 2 décembre 2016), y compris des membres de leur famille comme une belle-mère en mauvaise santé (CA Metz, 14 octobre 1989), ou encore lorsque le prévenu exerçait la profession de... chauffeur de taxi (Cass., crim., 21 janvier 2004, n° 03-80.328, préc.). Il concerne aussi celui ou ceux qui ont procuré un logement à des... citoyens de l'Union européenne (CA Versailles, 12 mars 1990, confirmé par Cass. crim., 4 mars 1991, n° 90-82.189 N° Lexbase : A3402ACY), loué un meublé (Cass. crim., 3 novembre 1993, n° 93-80.532 N° Lexbase : A0554CMH), ou simplement hébergé des sans-papiers (Cass. crim., 12 mars 1991, n° 90-84.126 N° Lexbase : A8682CRY ; CA Agen 13 octobre 1994, n° 946024 ; Cass. crim., 22 novembre 1995, n° 95-83.434 N° Lexbase : A8726CYT ; CA Montpellier, 20 mars 2008, n° 07/00692GN/CC ; TGI Perpignan, 22 octobre 2008, n° 3004/2008 ; CA Paris, 16 septembre 2009, n° 09/00956) -y compris, à une époque où n'existait pas d'immunité familiale, lorsqu'il s'agit de proches (CA Pau, 27 avril 1994 ; CA Bastia, 11 avril 2007, cas d'un beau-père -donnera lieu à une décision de la CEDH- ; CA Montpellier, 17 juin 2008, n° 08/00105), des concubins ou futurs conjoints (TGI Saint Etienne, 8 janvier 1996, n° 24/96 ; CA Poitiers, 29 février 1996, n° 96/00190, CA Grenoble, 20 novembre 1996, n° 1124/96, CA Douai, 17 décembre 1997, n° 97/02175 ; CA Douai 14 novembre 2006, n° 06/01132), ou encore lorsque l'hébergeant était amoureux (CA Nîmes, 23 août 2005, n° 05/00769), suivant l'exemple de Gérard Depardieu avec Andie MacDowell dans "Green Card". Cela vaut aussi lorsque l'hébergeant est un prêtre (TGI Douai, 13 janvier 1995) ou est lui-même en situation irrégulière (CA Angers, 18 septembre 2007, n° 07/00322) ou, plus curieusement au regard de l'article 31 de la Convention de Genève de 1951 (N° Lexbase : L6810BHP), quand les hébergés sont demandeurs d'asile (TGI Bonneville, 7 avril 2016). Ont même été condamnées des personnes qui se sont contentées d'accompagner jusqu'à un point d'embarquement dans un aéroport (CA Aix-en-Provence, 27 juin 1994, v., Cass. crim., 8 novembre 1995, n° 94-84.333 N° Lexbase : A9730CP3), ou d'attendre leurs frères entrés irrégulièrement (CA Aix-en-Provence, 17 mars 1988, v., Cass. crim., 8 novembre 1995, n° 94-84.333 N° Lexbase : A9730CP3).

De même, la circulaire du 4 décembre 2006, reconnaissait que l'article L. 622-1 définit l'infraction "dans des termes très larges" et indiquait qu'"en tout état de cause, la référence, dans le texte répressif, à la notion d''aide directe ou indirecte' en permet une application étendue" (Circ. CRIM-AP n° 06-20/E1 -non reprise sur circulaire.gouv.fr et donc abrogée au 1er mai 2009).

En second lieu, l'imprécision découle aussi de l'article L. 622-5 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Celui-ci prévoit depuis une loi "Sarkozy" du 26 novembre 2003 (loi n° 2003-1119, relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité N° Lexbase : L5905DLB) des peines aggravées lorsque les infractions prévues à l'article L. 622-1 sont commises selon certaines circonstances aggravantes, notamment en bande organisée. Or, la CNCDH a mis en évidence le risque inhérent à cette disposition qui "permet de traiter de la même manière un réseau comme une famille" (11). A l'occasion de la loi "Perben 2" (loi n° 2004-204 du 9 mars 2004, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité N° Lexbase : L1768DP8), le Conseil constitutionnel a, néanmoins, précisé que "les organismes humanitaires d'aide aux étrangers" ne sauraient être concernées par l'incrimination de l'article 706-73 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4901K8Z) commise en bande organisée (12).

Pour autant, malgré ces garanties, l'ensemble des personnes aidant de manière désintéressée les sans-papiers ne sont pas nécessairement couvertes par les immunités inscrites à l'article L. 622-4.

B - La répression de l'aide désintéressée aux sans-papiers

Sur la quarantaine de condamnations recensées par le Gisti sur son site, une trentaine concerne le simple fait pour l'aidant d'avoir hébergé et/ou transporté, y compris de manière ponctuelle, un sans-papier. Le transport et l'hébergement sont considérés, à eux seuls, comme actes constitutifs de l'élément matériel de l'infraction (13). La Chambre criminelle a ainsi confirmé la condamnation à deux ans de prison avec sursis et deux ans d'interdiction d'exercice de la profession d'un chauffeur de taxi qui avait conduit dans le Nord des clients souhaitant gagner l'Angleterre en leur facturant le tarif normal de la course en écartant toute violation la CEDH par les dispositions en cause (Cass. crim., 21 janvier 2004, n° 03-80.328 N° Lexbase : A9433U9A) (14).

Toutefois, il faut nécessairement que l'aidant ait eu connaissance de l'irrégularité de l'entrée ou du séjour. En effet, la Cour de cassation casse, en l'absence d'élément moral, une décision de cour d'appel qui s'était bornée à énoncer que le seul fait du transport dans un véhicule suffit à constituer l'élément matériel du délit dés lors qu'elle n'avait pas constaté que le prévenu, "qui soutenait le contraire, avait eu connaissance de l'irrégularité de la situation de la personne transportée" (Cass. crim., 26 février 1997, n° 96-82.158 N° Lexbase : A4711C3U) (15).

Dans ses instructions pénales aux parquets, le Garde des Sceaux n'a jamais écarté toute poursuite à l'égard des comportements désintéressés. Bien au contraire, la circulaire du 23 novembre 2009 rappelait que "le seul but lucratif ou intéressé peut être un critère de poursuites mais son absence ne saurait, en principe, exclure des poursuites, le législateur ayant clairement fait le choix de ne pas faire figurer ce critère dans la loi" (16).

En second lieu, au-delà même des condamnations, il est régulièrement fait état d'affaires dans lesquelles des particuliers aidant des sans-papiers ou même de simples soutiens intervenant un cadre militant (à Calais ou encore à la frontière franco-italienne) font l'objet d'interpellations, de placement en garde à vue, parfois même à la suite de dénonciations (17). Certes, la majeure partie de ces procédures n'aboutissent pas à des poursuites, ou aboutissent in fine à des relaxes (18). Toutefois, la CNCDH estimait dans son avis de 2009 que ces possibilités créent autour des défenseurs des droits de l'Homme un climat de suspicion ou une pression contraire aux engagements de la France en la matière (19). De même, à l'occasion de l'affaire "Rob Lawrie", citoyen britannique qui était poursuivi pour avoir tenté de faire franchir la Manche à une petite afghane de quatre ans, cachée dans sa voiture, pour la conduire auprès de membres de sa famille et qui a, finalement, été relaxé pour ce délit (mais condamné à 1 000 euros d'amende avec sursis en raison du... non-port de la ceinture par la fillette, v., Mille euros d'amende avec sursis pour Rob Lawrie, qui avait aidé une fillette de la "jungle" de Calais,14 janvier 2016, Le Monde.fr), le Défenseur des droits a souligné, d'une part, sa "réticence de principe" à l'égard de "toute condamnation de l'aide désintéressée" et estimé, d'autre part, que "l'aide au séjour irrégulier est dépourvue de sens s'agissant de l'aide délivrée à un mineur, lequel n'a pas à disposer d'un titre de séjour pour résider en France"(20).

Sont, particulièrement, symboliques de ce point de vue les poursuites contre une femme pour avoir hébergé quelques semaines un mineur afghan, à l'état d'abandon. Le tribunal considère que la circonstance que la France soit signataire de la Convention internationale des droits de l'enfant (N° Lexbase : L6807BHL) et que la législation française prohibe l'éloignement des mineurs se trouvant sur son territoire n'ont aucune incidence sur la caractérisation du délit. Elle est, néanmoins, relaxée compte tenu du danger imminent qui menaçait ce mineur isolé sur le fondement de l'état de nécessité de l'article 122-7 du Code pénal (N° Lexbase : L2248AM9) (TGI Foix, 8 septembre 2009, n° 713/209). Cette décision va aussi dans le même sens qu'un arrêt du Conseil d'Etat qui avait aussi estimé, en contrôlant la légalité d'une circulaire, que l'article 122-7 du Code pénal est invocable "lorsque l'exception prévue à l'article L. 622-4 3° [...] ne trouve pas à s'appliquer" (CE référé, 15 janvier 2010, n° 334879 N° Lexbase : A7598EQH ; CE 2° et 7° s-s-r., 19 juillet 2010, n° 334878, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A9998E43).

C - Des justifications gouvernementales variables

Malgré la controverse régulière à l'encontre du "délit de solidarité", aucun Gouvernement, de droite comme de gauche, n'a jugé nécessaire de le remettre en cause ou d'attenue le délit d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers. Ainsi, dans le cadre de la polémique du film de Philippe Lioret, "Welcome" (21), Eric Besson a eu beau jeu, pour écarter la proposition de lois de l'opposition visant à supprimer le "délit de solidarité" (22), de citer Jean- Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur d'un Gouvernement de gauche plurielle, défendant ce délit (23).

Si l'attitude des Gouvernements successifs a été constante, les justifications avancées pour refuser d'intégrer la condition de "fins lucratives" dans la définition de ce délit ont sensiblement évolué.

En premier lieu, en 1994, le Gouvernement s'y était opposé principalement pour pouvoir "poursuivre des agissements qui relèveraient [...] de l'infiltration en France d'éléments appartenant à des réseaux d'islamistes, terroristes ou d'espionnage", qui ne sont pas nécessairement guidés par la recherche du profit (24). Ce même argument a été mobilisé dans le débat de la loi "Chevènement" de 1998 ou de la loi "Sarkozy I" de 2003 (25).

Pourtant, la loi du 27 décembre 1994 (loi n° 94-1136, portant modification de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France), visait à transposer en droit français la Convention "Schengen" du 19 juin 1990 qui prescrivait aux Etats membres d'"instaurer des sanctions appropriées à l'encontre de quiconque aide ou tente d'aider, à des fins lucratives, un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d'un Etat de l'espace "Schengen". C'est donc sciemment que le législateur s'est écarté de cette rédaction. Lors de la discussion parlementaire au Sénat, seule Françoise Seligmann s'est inquiétée du risque que le texte puisse être utilisé pour poursuivre ceux qui apportent de l'aide à un étranger en situation irrégulière, "par amitié ou tout simplement parce que c'est normal" (26). Comme le relève Danièle Lochak, "malgré les dénégations du ministre et du rapporteur, c'est elle qui avait raison, comme la suite des événements l'a montré" (27).

En outre, dans la pratique, les réseaux terroristes ne sont pas démantelés en utilisant le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais grâce, principalement, à l'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste (C. pén., art. 421-1 N° Lexbase : L8959K8C). D'ailleurs, lorsque le législateur a entendu inscrire dans la loi "Toubon" du 22 juillet 1996 (loi n° 96-647, tendant à renforcer la répression du terrorisme et des atteintes aux personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et comportant des dispositions relatives à la police judiciaire) le délit d'aide comme susceptible de relever des infractions terroristes au sens du Code pénal, le Conseil constitutionnel s'y est clairement opposé en relevant que le simple comportement d'aide à des personnes en situation irrégulière n'est pas en relation immédiate avec la commission d'actes terroristes (Cons. const. décision n° 96-377 DC du 16 juillet 1996 N° Lexbase : A8343ACY, cons. n°s 7 à 9).

En second lieu, dans les débats plus récents, les ministres de l'Intérieur ou de l'Immigration ont bien davantage mobilisé l'argument de la lutte contre les "passeurs" et autres "trafiquants" exploitant les sans-papiers -argument paradoxal puisque, précisément s'ils exploitent la situation des sans-papiers c'est à des fins lucratives-. En ce sens, depuis 2007, le nombre d'interpellations "d'aidants" constituait (28), dans les annexes de la loi de finances, l'un des indicateurs de la "performance" de la politique d'immigration (indicateur 4.1, programme 303). Mais si on regarde de plus prés à quoi correspond cet indicateur, il regroupe en réalité des index statistiques de l'activité policière dans lesquels sont comptabilisées les incriminations aussi bien à l'encontre des "organisateurs" des réseaux, que des "passeurs", des "logeurs", des employeurs d'étrangers sans titre, des fournisseurs de faux documents ou encore des conjoints de complaisance (29). Or, tous ces comportements ont une finalité lucrative et sont aussi couverts par d'autres incriminations, par exemple la lutte contre les marchands de sommeil (par l'article 225-14 du Code pénal N° Lexbase : L2183AMS) et le mariage de complaisance (par l'article L. 623-1 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile N° Lexbase : L5057IQD).

L'argumentation la plus paradoxale est développée par le Gouvernement "Ayrault" et les députés socialistes lors du débat de la loi "Valls" du 31 décembre 2012. En effet, à la suite de la polémique entre les associations et Eric Besson à propos du délit de solidarité, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls annonçait dans son discours à l'Assemblée de présentation de son projet l'intention de "gommer ce qui, dans notre droit, peut apparaître comme disproportionné, excessif, contraire à notre idéal de solidarité". Ainsi, dans la mesure où "apporter assistance et soutien, de manière désintéressée, à une personne en situation irrégulière sur notre territoire ne saurait être puni. Car ce n'est simplement pas cela la République. Ce n'est pas cela la France", le projet de loi visait "à abroger ce qu'on a appelé le délit de solidarité. Un délit dénoncé depuis longtemps, à raison, par les associations, qui revenait à mettre sur un même plan pénal ceux qui aident de bonne foi et ceux qui, sans foi ni loi, exploitent la misère des hommes" (30). Plusieurs parlementaires socialistes abondaient alors dans le même sens, non seulement le rapporteur du texte, Yann Galut (31), mais aussi Matthias Fekl, récemment devenu ministre de l'Intérieur, pour qui le délit de solidarité est un "délit scandaleux dont seuls les amateurs plus ou moins raffinés des années trente peuvent accepter la présence dans notre droit français et républicain". Il saluait donc "la suppression par cette loi du délit de solidarité pour toutes celles et tous ceux qui apportent leur aide de bonne foi, de manière désintéressée et gratuite, à des étrangers, fussent-ils en situation irrégulière. Il ne sera plus possible désormais de poursuivre ceux qui font cela" (32).

Et pourtant ce projet de loi ne redéfinit pas le délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers en écartant l'aide désintéressée mais se contente d'élargir les immunités et ce de manière étriquée et limitative. La preuve en est que, même si les gouvernants actuels n'en font plus une priorité politique, l'indicateur "lutte contre les filières" fait toujours partie des critères d'évaluation de la "performance" des politiques d'immigration. Ainsi, le "Programme 176" évalue à 3 623 en 2014 contre 3 473 en 2013 le nombre de procédures en matière "d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irrégulier [sic] d'un étranger". Et il est prévu pour 2016 et 2017 une "hausse" de ces procédures (33). Et au total, en 2013, ce sont 5 665 personnes qui ont été mises en cause dans le cadre d'une procédure ouverte par la police (index 70 de l'état 4001) (34). La loi "Valls" n'a donc pas sensiblement fait évoluer les pratiques en la matière, et ce, malgré la dépénalisation du délit de séjour irrégulier par cette loi du 31 décembre 2012 à la suite des arrêts de la Cour de justice de 2011 "El Dridi et "Achughbabian" (35).

II - L'absence de nécessité au regard des exigences du droit de l'Union européenne

L'étendue de l'incrimination française est critiquable au regard du droit de l'Union européenne, d'une part, parce que la Convention de Schengen ne prévoit d'incriminer que l'aide lucrative à l'entrée ou au séjour irréguliers (A) et, d'autre part, parce que grâce à l'interprétation de la Cour de justice de la Directive "retour" (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier N° Lexbase : L3289ICS), l'entrée et le séjour irréguliers d'un ressortissant de pays tiers ne doivent plus être des infractions pénales (B).

A - Le droit de l'Union européenne n'exige que l'incrimination de l'aide à des fins lucratives

Comme cela a déjà été mentionné, l'article 27 de la Convention de Schengen du 19 juin 1990 n'obligeait les Etats membres à instaurer des sanctions à l'encontre des personnes aidant ou tentant d'aider un étranger à pénétrer ou à séjourner sur le territoire d'une partie contractante en violation de sa législation uniquement si ces personnes agissent "à des fins lucratives".

En 2002, la Directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002, définissant l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers (N° Lexbase : L7681A8Y), qui s'est substituée à l'article 27 de la Convention de "Schengen", a également défini l'aide à l'entrée, au transit et au séjour irréguliers en la limitant en son article 1-1 qu'au fait d'avoir d'une part aidé "sciemment" un ressortissant d'un pays tiers à pénétrer irrégulièrement sur le territoire d'un Etat membre ou à transiter par le territoire d'un tel Etat et, d'autre part, d'aider, "dans un but lucratif", à séjourner sur le territoire. Le protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, signé à Palerme le 12 décembre 2000 et ratifié par la France le 29 octobre 2002, n'impose pas davantage d'incriminer cette aide non lucrative (36).

Néanmoins, saisi de la légalité de circulaires du 23 novembre 2009 sur l'application des articles L. 622-1 et L. 622-4, le Conseil d'Etat a jugé que la Directive de 2002 n'interdit pas, pour autant, "aux Etats membres de sanctionner aussi l'aide au séjour irrégulier à des fins non lucratives" (CE référé, 15 janvier 2010, n° 334879, préc. ; CE 2° et 7° s-s-r., 19 juillet 2010, n° 334878, publié au recueil Lebon préc.). La Cour de justice a adopté une position similaire en estimant que le Code des visas "Schengen" ne s'oppose pas davantage "à ce que des dispositions nationales rendent l'aide à l'immigration illégale passible de sanctions pénales dans des cas où des personnes infiltrées, ressortissantes de pays, disposent d'un visa qu'elles ont obtenu frauduleusement, en trompant les autorités compétentes de l'Etat de délivrance sur le véritable but de leur voyage, sans que ce visa ait été préalablement annulé" (CJUE, 10 avril 2012, aff. C-83/12 PPU N° Lexbase : A1654II4, p. n° 48).

B - La dépénalisation de l'entrée et du séjour irréguliers

A la suite des arrêts "El Dridi" et "Achughbabian", et des arrêts de la Cour de cassation de juillet 2012 (37), la loi du 31 décembre a dû dépénaliser le séjour irrégulier en abrogeant l'article L. 621- 1 afin de se conformer à l'interprétation donnée par la Cour de justice de la Directive "retour" du 16 décembre 2008. En outre, avec l'arrêt "Affum" du 7 juin 2016, le même sort devrait être réservé au délit d'entrée irrégulière ou, en tout cas, celui-ci devrait être réécrit afin de se conformer à l'interprétation donnée par la Cour de Luxembourg lorsqu'il estime, s'agissant du transit d'un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier par un Etat membre, que la Directive 2008/115 "s'oppose à une réglementation d'un Etat membre permettant du seul fait de l'entrée irrégulière par une frontière intérieure, conduisant au séjour irrégulier, l'emprisonnement d'un ressortissant d'un pays tiers, pour lequel la procédure de retour établie par cette Directive n'a pas encore été menée à son terme" (38).

Plus fondamentalement, même s'il s'agit d'une infraction autonome qui peut continuer à exister de manière indépendante, quel sens y a-t-il à maintenir dans notre droit positif un délit d'aide à l'entrée et au séjour irréguliers alors que le sans-papier ne peut plus, tant qu'il n'a pas fait l'objet des mesures prévues par la Directive "retour", faire l'objet d'une répression pénale en raison d'un séjour ou d'une entrée irrégulier ? (39).

Concédons, néanmoins, que dans son arrêt "Mallah" de 2011, la Cour européenne des droits de l'Homme a admis que l'ingérence prévue par l'article L. 622-1 du poursuit "un but légitime, à savoir la protection de l'ordre public et la prévention des infractions pénales" (40). Il reste, néanmoins, à savoir si les immunités de l'article L. 622-4, même après leur extension par la loi du 31 décembre 2012, sont suffisantes pour mettre à l'abri de poursuites pénales toutes les personnes qui apportent "assistance et soutien, de manière désintéressée, à une personne en situation irrégulière sur notre territoire", comme l'affirmait Manuel Valls devant l'Assemblée nationale. Or, comme l'ont montré les récentes affaires dans la vallée de la Roja, c'est loin d'être effectivement le cas.

III - Le caractère trop restrictif des immunités de l'article L. 622-4

Le périmètre des immunités de l'article L. 622-4 apparait trop étriqué pour mettre efficacement à l'abri de toute poursuite aussi bien, s'agissant de l'immunité familiale, tous les proches d'un sans-papier (A) que, s'agissant de l'immunité humanitaire, toute personne apportant une aide désintéressée (B).

A - L'insuffisance du champ des immunités familiales du L. 622-4 pour protéger l'ensemble des proches des sans-papiers

La controverse sur l'insuffisance des immunités à l'égard des proches des sans-papiers a émergé au milieu des années 1990 dans le prolongement des lois "Pasqua" du 24 août 1993 (loi n° 93-1027, relative à la maîtrise de l'immigration et aux conditions d'entrée, d'accueil et de séjour des étrangers en France N° Lexbase : L1997DPN) et "Debré" du 24 avril 1997 (loi n° 97-396, portant diverses dispositions relatives à l'immigration N° Lexbase : L4768GU7), qui ont développé les cas dans lesquels des membres de famille de Français -conjoints ou parents d'enfant français- ne bénéficiaient pas de droit au séjour dés lors qu'ils avaient une entrée irrégulière. Ces cas, connus sous le vocable de "ni - ni" (pour "ni régularisable - ni expulsable"), ont abouti au développement du mouvement des sans-papiers avec en point d'orgue l'occupation de l'église St Bernard par des grévistes de la faim. Ils seront en grande partie résolus par la loi "Chevènement" de mai 1998 (loi n° 98-349 du 11 mai 1998, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile N° Lexbase : L9660A9N), instaurant la carte "vie privée et familiale".

Mais dans cette période, c'est la multiplication des cas de poursuites et de condamnations de proches et de soutiens de sans-papiers, notamment des conjoints de Français, que le Gisti a initié en 1995 les premières mobilisations contre ce délit. Dés cette époque, la Commission nationale consultative des droits de l'Homme avait alerté le Gouvernement sur "le danger de voir être exposé à des sanctions pénales le simple fait d'accueillir un étranger chez soi" (41).

Dans ce contexte, la loi "Toubon" du 22 juillet 1996 tendant à renforcer la répression du terrorisme a, la première, prévu une immunité au bénéfice des ascendants et des descendants ainsi que, du conjoint, sauf lorsque les époux sont séparés de corps ou autorisés à résider séparément ou polygamie. Elle a ensuite été étendue par loi du 11 mai 1998 (loi n° 98-349, relative à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile N° Lexbase : L9660A9N) au conjoint des descendants ou des ascendants, aux frères et soeurs et à leur conjoint, ainsi qu'à la personne qui vit notoirement en situation maritale avec l'étranger.

En 1997, un collectif de soixante-six cinéastes, sous la houlette de Bertrand Tavernier, poursuit ce mouvement en développant une campagne de désobéissance civile contre l'obligation prévue dans le projet de loi "Debré", pour toute personne ayant signé un certificat d'hébergement, d'informer la préfecture du départ de l'étranger. Ils reprennent aussi la dénonciation du "délit de solidarité" à la suite de l'affaire Jacqueline Deltombe, une enseignante nordiste condamnée pour avoir hébergé un irrégulier qui comptait épouser l'une de ses proches (CA Douai, 17 décembre 1997, n° 97-02175).

Pour autant, tous les proches d'un sans-papier ne sont pas à l'abri des poursuites. Ainsi, ont été condamnés un homme hébergeant un autre homme dont il est amoureux (CA Nîmes, 23 août 2005, n° 05/00769), un gendre transportant et hébergeant sa belle-mère malade (CA Metz, 4 octobre 1989, n° 04/6737). Dans une autre affaire, un Algérien qui a hébergé pendant six mois sa concubine sans-papiers avec laquelle il s'est ultérieurement marié est aussi déclaré coupable compte tenu du fait que le délit d'aide au séjour irrégulier ne contrevient pas à l'article 8 de la CESDH (N° Lexbase : L4798AQR), "sauf à admettre que les Etats signataires de la Convention se sont en fait interdit toute législation restrictive en matière de séjour des étrangers sur leur territoire" (CA Grenoble, 20 novembre 1996, n° 1124/96). De même, dans l'affaire "Mallah", est condamné un beau-père hébergeant son gendre (CA Bastia, 11 avril 2007, préc.). Saisie de ce dossier, la Cour européenne des droits de l'Homme estime que l'article 8 de la CESDH n'est pas violé, d'une part, compte tenu de la finalité poursuivie. En effet, pour la Cour, "en créant le délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers d'un étranger en France, l'objectif du législateur était de lutter contre l'immigration clandestine et les réseaux organisés tels que les passeurs qui aident, en contrepartie de sommes importantes, les étrangers à entrer ou à se maintenir illégalement sur le territoire". La Cour note, aussi, qu'il existe dans le droit français "un mécanisme d'impunité légale a été prévu pour les membres de la famille les plus proches de l'étranger en situation irrégulière, à savoir les ascendants de l'étranger, ses descendants, ses frères et soeurs, ainsi que son conjoint ou la personne qui vit notoirement en situation maritale avec lui" ("Mallah", préc.). Pourtant, en l'espèce, comme le reconnaît la Cour, en dépit du lien familial qui l'unit à son gendre, le requérant n'entrait pas dans la catégorie des personnes fixée par la loi et ne pouvait donc bénéficier de l'immunité pénale. Néanmoins, la Cour ne constate par la violation du droit au respect de sa familiale eu égard à la faiblesse de la sanction prononcée (déclaration de culpabilité avec dispense de peine). En effet, en prononçant une telle sanction les juridictions internes ont pris en compte, comme le relève la Cour, que les actes du requérant étaient "uniquement par la générosité" (ibid.).

Mais c'est en 2003 que l'expression de "délinquant de la solidarité" sera popularisée lorsque 354 organisations et prés de 20 000 personnes ont apposé leur signature au bas d'un "Manifeste des délinquants de la solidarité" s'opposant au projet de loi "Sarkozy" de 2003 (42).

Ces initiatives et la Directive 2002/90/CE du 28 novembre 2002 aboutiront à ce que le législateur adopte un certain nombre d'immunités humanitaires, aujourd'hui inscrites à l'article L. 622-4, qui restent elles aussi insuffisantes.

B - Le caractère trop restreint des immunités humanitaires de l'article L. 622-4

La loi du 26 novembre 2003 n'a transposé qu'a minima les exigences de l'article 1-2 de la Directive 2002/90/CE. Elle permet, en effet, aux Etats membres de "décider de ne pas imposer [ces] sanctions [...] dans les cas où [le] comportement a pour but d'apporter une aide humanitaire à la personne concernée". D'une part, l'exemption adoptée au 3° de l'article L. 622-4 ne concernait que l'aide au séjour alors que la Directive permettait aussi de couvrir l'aide humanitaire à l'entrée et au transit et, d'autre part, cette immunité était définie très restrictivement.

Si la personne qui apporte une aide à un sans-papier n'a aucun lien familial avec lui, elle ne pouvait être immunisée avec la loi "Sarkozy" du 26 novembre 2003 qu'à la double condition particulièrement restrictive que l'acte reproché était, "face à un danger actuel ou imminent, nécessaire à la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique de l'étranger" (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 622-4, 3°). Deux exceptions limitaient, de surcroît, le champ de cette immunité à titre humanitaire. D'une part, il devait exister une disproportion entre les moyens employés pour protéger la personne du danger qui la menace et la gravité réelle de ce danger. D'autre part, il ne doit pas exister de contrepartie directe ou indirecte, qu'elle soit financière ou de toute autre nature. Comme l'avait fait valoir la CNCDH en 2009, cette immunité était "beaucoup trop étroite pour couvrir les actions qu'implique la défense des droits de l'Homme". Ainsi, en août 2007, une communauté "Emmaüs" de Foulain a été encerclée par des gendarmes au lever du jour pour faire l'objet d'une perquisition ayant abouti à l'interpellation de quatre personnes en situation irrégulière. Le 17 février 2009, le responsable d'une communauté à Marseille a été placé en garde à vue à la suite de l'arrestation d'un sans-papiers domicilié dans ce centre. Le 19 novembre 2007, deux salariées de "France Terre d'Asile", qui fournissaient dans le XIXème arrondissement de Paris une aide aux mineurs isolés dans le cadre d'un dispositif financé par l'Etat, ont été interpellées à leur domicile pour suspicion d'aide au séjour irrégulier.

Le Conseil constitutionnel avait pourtant eu l'occasion de préciser qu'il revenait au législateur, "compte tenu des objectifs qu'il s'assigne en matière d'ordre public s'agissant de l'entrée, du séjour et de la circulation des étrangers, et qui peuvent notamment justifier un régime de sanctions pénales applicables ", de prévoir que certaines personnes physiques ou morales bénéficieront d'une immunité pénale. Il a, toutefois, censuré dans cette décision l'immunité offerte aux "associations à but non lucratif à vocation humanitaire lorsqu'elles apportent, conformément à leur objet, aide et assistance à un étranger séjournant irrégulièrement en France" en raison d'une incompétence négative dans le champ du principe de la légalité des délits et des peines de l'article 8 de la DDHC (N° Lexbase : L1372A9P). En effet, le législateur avait soumis à l'appréciation de l'exécutif la reconnaissance de la "vocation humanitaire" des associations bénéficiant de l'immunité en prévoyant que la liste serait établie par le ministre de l'Intérieur (Cons. const., décision n° 98-399 DC du 5 mai 1998 N° Lexbase : A8746ACW, cons. n° 7).

A l'occasion de la polémique sur le "délit de solidarité" en 2009, face aux inquiétudes des associations (Emmaüs, Médecins du monde, Secours catholique, Restos du coeur, etc.), une circulaire de politique pénale était adressée aux parquets, complétée par une circulaire du même jour du ministre de l'Immigration aux préfets, précisant les conditions de mise en oeuvre des articles L. 622-1 et L. 622-4. Ces deux circulaires du 23 novembre 2009 développaient, néanmoins, une conception restrictive de l'immunité en préconisant uniquement "de ne pas engager de poursuites pénales du chef d'aide au séjour irrégulier, à l'encontre des membres des associations qui fournissent des prestations telles que des repas, un hébergement, en particulier lorsqu'il s'agit d'un hébergement d'urgence, un secours médical, lorsque l'acte visé n'a d'autre objectif que d'assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger en situation irrégulières". Il était aussi demandé de ne pas effectuer de contrôles d'identité aux abords de ces lieux.

Saisi de la légalité de ces circulaires, le Conseil d'Etat avait seulement précisé que le fait que la circulaire du ministre de la Justice ne mentionnait que "des membres des associations qui travaillent dans le domaine des étrangers" comme bénéficiaires de l'immunité de l'article L. 622-4, 3° n'avait "pas pour objet d'exclure du bénéfice de ces dispositions les actes réalisés par des personnes autres que les membres de ces associations" (CE référé, 15 janvier 2010, n° 334879, préc. et CE 2° et 7° s-s-r., 19 juillet 2010, n° 334878, publié au recueil Lebon, préc.). Par la suite, la loi "Besson" du 16 juin 2011 se contentait de rapprocher les deux causes exonératoires de l'article L. 622-4 3° ("la sauvegarde de la personne" a été substituée à "la sauvegarde de la vie ou de l'intégrité physique"), ce qui était largement insuffisant pour protéger l'action humanitaire.

La loi "Valls" du 31 décembre 2012 a certes substantiellement renforcé cette immunité humanitaire. Néanmoins, les conditions de l'article L. 622-4, restent restrictives. Pour bénéficier de cette immunité, l'acte d'aide doit non seulement avoir donné lieu "à aucune contrepartie directe ou indirecte", mais il doit aussi consister à "fournir des conseils juridiques" ou "des prestations de restauration, d'hébergement ou de soins médicaux destinées à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l'étranger", ou, plus largement "toute autre aide visant à préserver la dignité ou l'intégrité physique de celui- ci".

Les affaires récentes de personnes ayant aidé un sans-papier ont illustré toute la difficulté pour des militants ou de simples citoyens de démontrer que leurs actions en faveur de sans-papiers sont couvertes par cette immunité. Ainsi, si le chercheur au CNRS a été relaxé du chef d'aide à la circulation irrégulière, c'est parce que l'hébergement pour une nuit et le transport à soixante-dix kilomètres de son domicile concernait "trois jeunes femmes épuisées par des conditions de vie difficiles". Il a donc porté secours à ces personnes en détresse "conformément d'ailleurs aux dispositions de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme N° Lexbase : L4786AQC mentionnant que chacun a droit à la sécurité" (TGI Nice, 6 janvier 2017, n° 16293000004). En revanche, le paysan de la vallée de la Roja a été condamné en première instance par le même tribunal au paiement d'une amende de 3 000 euros parce qu'il a pris en charge des migrants qui se trouvaient à Vintimille, sur le territoire italien, et qu'il n'a pas apporté la preuve que cette aide constituait une "action de sauvegarde individualisée pour chaque migrant dont il a facilité l'entrée sur le territoire national" couverte par l'article 122-7 du Code pénal. Il a, en revanche, été relaxé du chef des autres faits d'aide au séjour et à la circulation en vertu de l'article L. 622-4, 3° car il a rapporte la preuve "de la situation globale d'indignité et de détresse dans laquelle se trouve nécessairement les migrants, isolés sur le sol français, qu'ils ont rejoint par leurs propres moyens, démunis de l'essentiel, sans perspective d'avenir, aux prises avec un passé marqué par l'errance. Il ne saurait, dès lors, être reproché à quiconque de les avoir recueillis, écoutés, logés, nourris, écoutés et entourés, afin de les restaurer dans leur dignité et de leur donner des conditions de vie décentes" (TGI Nice, 10 février 2017, n° 16298000008).

Comme l'écrivait la mère de l'agriculteur au Procureur de la République le 23 janvier 2017, "Ma grand-mère paternelle a elle aussi, en 1918 passé la frontière d'Italie à pied, par les montagnes elle a perdu le bébé qu'elle portait au cours de ce périple (peut-être a-t-elle croisé à ce moment-là les grands-mères de messieurs "Ciotti" et "Estrosi", qui sait ?) " (E. Populin, Mama Herrou écrit au procureur, Blog d'Italie, de Picardie et d'ailleurs).

Dans un Etat de droit, l'aide désintéressée à un sans-papier ne devrait pas être punissable. Dans certains cas de figure, il peut être plus impératif, par éthique de conviction ou simple humanité, de porter assistance à des étrangers, sans prendre en compte leur statut administratif, que d'obéir à une loi.


(1) S'agissant de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, la disposition figure à l'article 11 de projet d'ordonnance définissant le statut des étrangers transmis par le ministère de la Justice le 17 octobre 1945 au Conseil d'Etat. Il ne donne lieu à aucune modification rédactionnelle de la part de la commission permanente du Conseil d'Etat, si ce n'est le déplacement à l'article 21 et la correction d'une faute d'orthographe par le rapporteur le professeur Léon Julliot de la Morandière avec l'ajout d'un "s" à "irrégulier" (AN 20110152/17, n° 186).
(2) Par ex., J.-Pa. Niboyet qui analyse l'ordonnance de 1945 dans l'édition de 1947 de son cours de droit international privé (Sirey, 1974, n° 295 et s.), ne mentionne pas l'article 21 de l'ordonnance de 1945.
(3) V. Carrère, V. Baudet, Délit de solidarité, Plein Droit, mars 2004.
(4) CE, 13 mai 1977, n° 00447 (N° Lexbase : A9230B7Y) Perregaux, Lebon p. 216.
(5) Anciennement, Groupe d'information et de soutien des travailleurs immigrés et aujourd'hui Groupe d'information et de soutien des immigré-e-s.
(6) Pour un point récent v. S. Hennette-Vauchez, Vent mauvais sur la solidarité ?, Do you law, 9 février 2017 ; v. aussi, B. Mercuzot, Délit d'humanité, Plein droit, juin 1995 ; "L'article 21 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 : un délit aux fondements du droit", D., 1995, chron. 149 ; M. Reydellet, Tu aideras ton prochain... mais cela peut te conduire en prison ! (Réflexions sur le délit d'aide à l'étranger en situation irrégulière), D., 2009, p. 1029 ; S. Lavric, Le délit de solidarité, mythe ou réalité, Blog Dalloz.fr, 25 mai 2009 ; K. Parrot, L'actualité du droit des étrangers en France, le délit de solidarité in M. Benlolo-Carabot et K. Parrot, L'actualité du droit des étrangers, Bruylant, 2011, p. 129.
(7) Lire nos obs., Délit d'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers : controverses sur la légitimité d'un délit d'humanité, AJ Pénal, 2011, p. 496.
(8) "Tout individu qui par aide, directe ou indirecte, aura facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour d'irréguliers d'un étranger sera puni".
(9) V., en ce sens, l'avis CNCDH sur l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour irréguliers, 19 novembre 2009, cons. n° 3.
(10) Le "transit" suggère le passage dans une période brève pour se rendre d'un point à un autre en ne faisant que traverser le territoire alors que la "circulation" évoque plus largement le déplacement de personne à l'intérieur du territoire.
(11) CNCDH, avis du 15 mai 2003, projet de loi sur l'immigration et l'intégration.
(12) Cons. const., décision n° 2004-492 DC du 2 mars 2004 (N° Lexbase : A3770DBA), cons. n° 18.
(13) Voir, parmi les décisions déjà citées, CA Pau, 27 avril 1994, n° 042149, hébergement par un interne en médecine marocain d'une jeune femme enceinte de lui et avec laquelle il a vécu en union libre avant de l'épouser ; Cass. crim., 22 novembre 1995, n° 95-83.434 (N° Lexbase : A8726CYT) et Cass. crim., 9 juin 1999, n° 98-84.499, hébergement pendant quelques jours ; CA Douai, 14 nov. 2006, n° 06/01132, hébergement d'une réfugiée en situation irrégulière qui obtiendra ensuite la reconnaissance du statut ; CA Paris 16 septembre 2009, n° 09/00956, hébergement d'un compatriote dans un cabanon transformé en studio.
(14) V. le témoignage de ce chauffeur de taxi : "Besson ment, j'ai été condamné pour le délit de solidarité", Charlie hebdo, 29 avril 2009.
(15) Le prévenu avait été condamné à quinze jours de prison avec sursis pour avoir simplement conduit un sans-papier jusqu'un supermarché afin de permettre à celui-ci de se restaurer.
(16) Circulaire du 23 novembre 2009, mise en oeuvre des dispositions des articles L. 622-1 et L. 622-4 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'aide à l'entrée, à la circulation et au séjour des étrangers en situation irrégulière (N° Lexbase : L8282IMP) point n° 2 - A..
(17) V., par ex. l'arrêt CA Bastia, 11 avril 2007, préc., ayant donné lieu à la décision de la CEDH "Mallah".
(18) Le "Gisti" recense sur son site une quinzaine de relaxes dans des affaires médiatisées.
(19) V. aussi Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme (FIDH-OMCT), Délit de solidarité : Stigmatisation, répression et intimidation des défenseurs des droits des migrants en France, juin 2009 ou encore la Résolution 1660 (2009) relative à la situation des défenseurs des droits de l'Homme dans les Etats membres du Conseil de l'Europe.
(20) Défenseur des droits, communiqué de presse du 14 janvier 2016.
(21) Eolas, Du délit de solidarité et du mensonge des politiques, Journal d'un avocat, 13 avril 2009 ; nos obs., L'origine du délit de solidarité, CPDH, 7 avril 2009 (combatsdroitshomme.blog.lemonde.fr).
(22) D. Goldberg, Ass. nat., n° 1542, 18 mars 2009.
(23) Ass. nat., 2e séance, 30 avril 2009.
(24) Ass. nat., 1ère séance, 16 décembre 1994.
(25) Rapport "Mariani", Ass. nat., n° 823, 18 juin 2003.
(26) JO, débats parlementaires au Sénat, séance du 15 novembre 1994.
(27) D. Lochak, La solidarité, un délit ?, Après-demain, 3/2013, n° 27-28, NF, p. 7-9.
(28) A la suite de la polémique déclenchée par le Gisti, le mot "aidant" a été remplacé en 2010 par "trafiquants et facilitateurs" (sic), v., Projets annuels de performances, annexe au PLF 2010, programme 303.
(29) Les orientations de la politique de l'immigration, 5ème rapport, La Doc.fr., 2009, p. 86. V., dans même sens l'intervention à l'Assemblée le 30 avril 2009 d'E. Besson : "Cette lutte résolue [...] a conduit, en 2008, à l'interpellation dans notre pays de 1 562 passeurs, 1 175 employeurs, 861 marchands de sommeil ou encore 303 fournisseurs de faux documents".
(30) Assemblée nationale, séance du 11 décembre 2012, débats.
(31) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des lois, projet n° 351 relatif à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressée, par Yann Galut, 28 novembre 2012. Le rapport précise qu'en 2011, 4 879 personnes mises en cause au titre de l'article L. 622-1 et 2 585 personnes qui ont été gardées à vue sur ce fondement.
(32) AN, débats, 11 décembre 2012, préc..
(33) Document de politique transversale, Projet de finances pour politique française de l'immigration et de l'intégration, 2016, p. 21. Cela correspond aux statistiques enregistrées au niveau de chaque direction active de la police nationale (DCSP, DCPJ, DCPAF, PP) dans le "STIC [devenu TAJ] - FCE 4001 à l'index 70".
(34) Pour le détail des dernières statistiques disponibles sur l'open data, août 2015, V., 15063 -Aide à l'entrée irrégulière, à la circulation et au séjour irrégulier des étrangers- Evolution de l'action des services index 70 ; Pour un éclairage sur cet index 70 de l'état 4001 "Aide à l'entrée irrégulière, à la circulation et au séjour irrégulier des étrangers" cf., Ch. Mouhannna, Politique du chiffre et police des étrangers, Plein droit n° 82, octobre 2009.
(35) CJUE, 28 avril 2011, aff. C-61/11 (N° Lexbase : A2779HPM); CJUE, 6 décembre 2011, aff. C-329/11 (N° Lexbase : A4929H3X).
(36) Ce protocole a été transposé par la loi "Sarkozy" n° 2003-1119 du 26 novembre 2003.
(37) Cass. crim., 5 juin 2012, n° 11-19.250 (N° Lexbase : A1793INQ) suivi de Cass. civ. 1, 5 juillet 2012, n° 11-30.530, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A5008IQK), D., 2012, p. 2001, nos obs..
(38) CJUE, 7 juin 2016, aff. C-47/15 (N° Lexbase : A9687RR9).
(39) Pour des réflexions plus générales sur la pénalisation du droit des étrangers, cf. D. Lochak, L'immigration saisie par le droit pénal, in Politique(s) criminelle(s). Mélanges en l'honneur du professeur Christine Lazerges, D., 2014, p. 689-704 ; C. Chassang, L'étranger et le droit pénal : étude sur la pertinence de la pénalisation, thèse Paris Ouest Nanterre, 2013 ; GISTI, Immigration, un régime pénal d'exception, Coll. "Penser l'immigration autrement", 2012.
(40) CEDH, 10 novembre 2011, Req. 29681/08 (N° Lexbase : A9119HZR), p. n° 38.
(41) Avis sur le projet de loi portant diverses dispositions sur l'immigration, 14 novembre 1996.
(42) D. Lochak, La solidarité, un délit ?, art. préc..

newsid:457658

Durée du travail

[Brèves] Preuve des heures supplémentaires de travail effectuées et travail dissimulé

Réf. : CA Caen, 7 avril 2017, n° 16/01498 (N° Lexbase : A6078UXE)

Lecture: 2 min

N7673BW4

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par Aurélia Gervais

Le 20 Avril 2017

En vertu de l'article L. 3171-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0783H9U), la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande de paiement des heures supplémentaires. Par ailleurs, en portant sur les bulletins de salaire l'indication d'un temps de travail de 151,67 heures par mois, alors qu'en réalité le salarié a travaillé en poste de nuit comme de jour pendant 11 heures consécutives correspondant à 12 heures effectives tous les jours de la semaine, l'employeur a entendu cacher les heures supplémentaires qu'elle demandait à son salarié d'accomplir, correspondant à une dissimulation de travail salarié prévue par les dispositions de l'article L. 8221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L7404K94). Telles sont les solutions retenues par la cour d'appel de Caen, dans un arrêt rendu le 7 avril 2017 (CA Caen, 7 avril 2017, n° 16/01498 N° Lexbase : A6078UXE).
En l'espèce, un chef de chantier a été envoyé par son employeur en Algérie, avant de démissionner un mois plus tard, en mai 2011. Il a alors saisi le conseil de prud'hommes (CPH) de Cherbourg, en janvier 2015, pour demander le paiement des heures supplémentaires qu'il disait avoir effectuées sur le chantier et le règlement de l'indemnité pour travail dissimulé. Le CPH l'a débouté de l'intégralité de ses réclamations en mars 2016. Le salarié a donc interjeté appel, exposant qu'il a été affecté à la construction d'une barge en Algérie dans une zone sécurisée avec des horaires imposés, en poste de nuit comme de jour pendant 11 heures consécutives correspondant à 12 heures effectives, tous les jours de la semaine. Il a ajouté qu'il badgeait et a présenté un tableau de ses heures de travail, ainsi que quatre attestations de ses collègues confirmant ses affirmations sur le temps de travail journalier.
En énonçant les règles susvisées, la cour d'appel de Caen infirme le jugement, estimant que le salarié a étayé sa demande, alors que l'employeur ne donne aucun élément pour décrire les horaires de travail de son salarié. Selon la cour d'appel, il se contente seulement d'affirmer que le recours aux heures supplémentaires est une prérogative de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, alors qu'il lui appartenait d'indiquer les horaires exactement accomplis par son préposé. En ne le faisant pas, il convient, selon la cour d'appel, de retenir les horaires prétendus limités à 11 heures et de condamner la société (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5482EXC et N° Lexbase : E0415GAM).

newsid:457673

État civil

[Brèves] Obligation d'établir le caractère irréversible de la transformation de l'apparence pour changer la mention du sexe à l'état civil : la France condamnée !

Réf. : CEDH, 6 avril 2017, Req. 79885/12 (N° Lexbase : A2987UXW)

Lecture: 2 min

N7609BWQ

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par Marie Le Guerroué

Le 20 Avril 2017

L'obligation de subir une opération stérilisante ou un traitement entraînant une très forte probabilité de stérilité pour changer la mention du sexe à l'état civil viole le droit au respect de la vie privée (CESDH, art. 8 N° Lexbase : L4798AQR). Telle est la solution rendue par la CEDH dans son arrêt du 6 avril 2017 (CEDH, 6 avril 2017, Req. 79885/12 N° Lexbase : A2987UXW).

En l'espèce, trois personnes transgenres souhaitaient changer la mention de leur sexe et de leurs prénoms sur leur acte de naissance. L'Etat français s'y était opposé, notamment, parce que les demandeurs ne produisaient pas aux débats d'expertises ou de documents médicaux de nature à justifier l'effectivité de leurs changements de sexe, ou du syndrome transsexuel. Les requérants alléguaient que le fait de conditionner la reconnaissance de l'identité sexuelle à la réalisation d'une opération entraînant une forte probabilité de stérilité portait atteinte à leur droit à la vie privée. Un des requérants se plaignait aussi de ce que la condition de preuve du syndrome transsexuel portait atteinte à la dignité. Un autre soutenait encore que les expertises médicales imposées par les juridictions internes constituaient, au moins potentiellement, des traitements dégradants. Ils soutenaient, aussi, que subordonner le changement d'état civil à la preuve d'un syndrome de transsexualisme ou de dysphorie de genre et à la preuve d'avoir subi un processus irréversible de changement de sexe, revenait à réserver l'exercice de ce droit aux personnes transsexuelles et à en priver les personnes transgenres.

La Cour estime, par six voix contre une, que le fait de conditionner la reconnaissance de l'identité sexuelle des personnes transgenres à la réalisation d'une opération ou d'un traitement stérilisant qu'elles ne souhaitent pas subir revient à conditionner le plein exercice du droit au respect de la vie privée à la renonciation au plein exercice du droit au respect de l'intégrité physique et, rend la solution susvisée. En revanche, elle dit, à la majorité, qu'il y a pas eu violation de l'article 8 à raison de l'obligation d'établir la réalité du syndrome transsexuel et de l'obligation de subir un examen médical.

Il convient de relever que la condition de l'irréversibilité de la conversion sexuelle au plan physique, issue de la jurisprudence de la Cour de cassation et ici sanctionnée par la CEDH, a été abandonnée depuis la publication de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 (N° Lexbase : L1605LB3), qui a notamment légalisé la procédure de changement de sexe à l'état civil, jusque-là d'origine jurisprudentielle, tout en prenant soin de préciser, à l'article 61-6 (N° Lexbase : L1865LBP), que "le fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne peut motiver le refus de faire droit à la demande" (cf. les obs. d'Adeline Gouttenoire, Lexbase, éd. priv., n° 681, 2016 N° Lexbase : N5820BWH).

newsid:457609

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Crédit d'impôt pour la transition énergétique : mise au clair s'agissant des éléments à prendre en compte concourant à la production d'énergie

Réf. : CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2017, n° 401587, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A1121UTP)

Lecture: 1 min

N7705BWB

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par Jules Bellaiche

Le 25 Avril 2017

Les équipements de chauffage utilisant une source d'énergie renouvelable éligibles au crédit d'impôt pour la transition énergétique ne doivent pas être entendus comme incluant l'ensemble des éléments concourant directement à la production d'énergie, à l'exception des frais de main-d'oeuvre et des frais financiers. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 27 mars 2017 (CE 8° et 3° ch.-r., 27 mars 2017, n° 401587, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1121UTP). En l'espèce, l'administration fiscale a remis partiellement en cause le crédit d'impôt dont les requérants avaient bénéficié, pour l'année 2008, au titre des dépenses relatives à l'acquisition d'un poêle à bois, en excluant de la base de calcul de ce crédit les éléments d'installation autres que le poêle lui-même, en particulier le conduit de raccordement, le conduit de fumée et différentes fournitures facturés par l'entreprise ayant installé le poêle dans la résidence principale des contribuables. La Haute juridiction, qui a donné raison à l'administration, a clairement rappelé que le crédit d'impôt institué par l'article 200 quater du CGI (N° Lexbase : L2934LCN) est limité au coût des seuls équipements de production d'énergie, à l'exclusion de leurs accessoires. Dès lors, doivent être exclues de la base de calcul du crédit d'impôt sollicité les dépenses de conduit de raccordement, de tubage du conduit de fumées, de buse et de chapeau aspirateur, dès lors qu'elles se rapportent à des éléments distincts du poêle à bois dont les requérants ont fait l'acquisition. Les Hauts magistrats annulent donc l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Nantes qui avait a commis une erreur de droit (CAA Nantes, 19 mai 2016, n° 14NT02994, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A1812RQ8) (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X9020ALN).

newsid:457705

Fonction publique

[Brèves] Publication de l'ordonnance "mobilité" de la fonction publique

Réf. : Ordonnance n° 2017-543 du 13 avril 2017, portant diverses mesures relatives à la mobilité dans la fonction publique (N° Lexbase : L8122LD8)

Lecture: 1 min

N7736BWG

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par Yann Le Foll

Le 21 Avril 2017

L'ordonnance n° 2017-543 du 13 avril 2017, portant diverses mesures relatives à la mobilité dans la fonction publique (N° Lexbase : L8122LD8), a été publiée au Journal officiel du 12 avril 2017. Prise en application de la loi "Déontologie, droits et obligations" des fonctionnaires (loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 N° Lexbase : L7825K7X), elle vise à faciliter la mobilité entre les trois versants de la fonction publique.
L'article 1er prévoit que les corps et cadres d'emplois des fonctionnaires relevant de la même catégorie et appartenant à au moins deux fonctions publiques pourront être régis par des dispositions statutaires communes, fixées par décret en Conseil d'Etat. L'article 2 renforce l'obligation actuellement faite aux employeurs territoriaux d'assurer la publicité, auprès des centres de gestion ou du Centre national de la fonction publique territoriale, des postes vacants ou susceptibles de l'être. L'article 3 organise la portabilité du compte épargne-temps : il mentionne qu'en cas de mobilité dans la fonction publique -ceci incluant la mobilité entre fonctions publiques- l'agent concerné conserve le bénéfice des droits à congés acquis au titre de son compte épargne-temps.
L'article 4 concerne les fonctionnaires détachés et renforce les modalités de prise en compte, dans le corps ou cadre d'emplois d'accueil, d'un avancement d'échelon ou de grade obtenus dans un corps ou cadre d'emplois d'origine : les fonctionnaires détachés pourront en effet voir cet avancement immédiatement pris en compte -et non plus à l'occasion du renouvellement de leur détachement-. Enfin, l'article 5 indique que le dispositif d'accès à l'emploi titulaire ouvert aux personnels contractuels occupant les emplois d'établissements publics sortant de la dérogation prévue au 2° de l'article 3 du titre II du statut général des fonctionnaires est prorogé jusqu'en 2020.

newsid:457736

Licenciement

[Brèves] Licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un salarié s'étant endormi sur son poste de travail en raison de la méconnaissance, par l'employeur, de son droit à la santé et au repos

Réf. : CA Colmar, 7 mars 2017, n° 15/03621 (N° Lexbase : A6263TT7)

Lecture: 2 min

N7670BWY

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par Aurélia Gervais

Le 25 Avril 2017

Le licenciement d'un salarié, s'étant endormi sur son poste de travail chez un client, est dénuée de cause réelle et sérieuse, lorsque la défaillance du salarié provient d'une fatigue excessive, résultant de la méconnaissance par l'employeur des limites maximales de la durée du travail hebdomadaire, en l'ayant fait travailler, les jours précédents l'incident, 72 heures pendant 7 jours. Telle est la solution dégagée par la cour d'appel de Colmar dans un arrêt rendu le 7 mars 2017 (CA Colmar, 7 mars 2017, n° 15/03621 (N° Lexbase : A6263TT7).
En l'espèce, un agent de sécurité mobile a été licencié pour faute grave, en août 2013. Il lui a été reproché de s'être endormi sur son poste de travail chez un client, laissant les locaux ouverts et la clé d'accès à certaines parties du bâtiment disponible sur son bureau. Il avait précédemment fait l'objet de deux mises à pied disciplinaire d'une journée, en janvier 2010, pour ne s'être pas présenté à une ronde chez un client et, en décembre 2012, pour ne pas avoir verrouillé une issue de secours.
Contestant le bien-fondé du licenciement et considérant que l'employeur avait méconnu son droit à la santé et au repos, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes (CHP) de Schiltigheim, en avril 2014. Celui-ci l'a cependant débouté de ses prétentions, le 11 juin 2015. Le salarié a donc interjeté appel, alléguant une violation du droit à la santé et au repos. Il affirme avoir été soumis, du 10 au 16 juillet 2013, à un horaire de travail contraire à l'article L. 3121-35 du Code du travail (N° Lexbase : L6878K9M), puisqu'il a travaillé 72 heures, la limite de 48 heures étant calculée sur 7 jours consécutifs et non sur une semaine calendaire, ainsi que le précise la Directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (N° Lexbase : L7793AU8). Outre la méconnaissance de son droit au repos, le salarié invoque le caractère isolé de l'incident et l'absence de sanction antérieure.
En énonçant la règle susvisée, la cour d'appel de Colmar infirme le jugement, précisant que le manquement qui lui est reproché ne justifie pas la sanction du licenciement, les mises à pied disciplinaires prononcées en 2010 et 2012 pour des faits distincts n'étant pas de nature à remettre en cause cette analyse au regard, en particulier, de l'importante ancienneté de l'intéressé qui est de vingt-six ans (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0334ETK).

newsid:457670

Marchés publics

[Brèves] Allègement des formalités pour les collectivités en matière de marchés publics

Réf. : Décret n° 2017-516 du 10 avril 2017, portant diverses dispositions en matière de commande publique (N° Lexbase : L7597LDQ)

Lecture: 1 min

N7737BWH

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par Yann Le Foll

Le 22 Avril 2017

Le décret n° 2017-516 du 10 avril 2017, portant diverses dispositions en matière de commande publique (N° Lexbase : L7597LDQ), a été publié au Journal officiel du 12 avril 2017. Il est pris en application de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (N° Lexbase : L2315K9M), et de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (N° Lexbase : L6482LBP).
Il procède aux adaptations et simplifications nécessaires à la réglementation relative aux marchés publics et aux marchés publics de défense ou de sécurité. Il allège les obligations des collectivités en termes d'ouverture des données des marchés publics, en instaurant un seuil de dispense pour les marchés inférieurs à 25 000 euros. Au-dessus de ce seuil, les obligations pesant sur les collectivités peuvent être satisfaites par chaque collectivité individuellement, mais également par le moyen de solutions mutuelles ou collectives. Le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication.
Toutefois, l'article 3, le 2° de l'article 5 et l'article 19 ne s'appliquent qu'aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er avril 2017, et les articles 9 et 27 ne s'appliquent qu'aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er juillet 2017.

newsid:457737

Pénal

[Brèves] Inconstitutionnalité partielle des dispositions relatives au délit d'entreprise individuelle de terrorisme

Réf. : Cons. const., décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017 (N° Lexbase : A3927UXQ)

Lecture: 2 min

N7625BWC

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par Aziber Seïd Algadi

Le 27 Avril 2017

Le délit d'entreprise individuelle de terrorisme est suffisamment défini par les articles 421-2-6 (N° Lexbase : L8396I4Q) et 421-5 (N° Lexbase : L4482K9U) du Code pénal.
En effet, ces textes prévoient que, d'une part, la personne doit préparer la commission d'une infraction grave (atteinte volontaire à la vie ou à l'intégrité de la personne, enlèvement, séquestration, destruction par substances explosives ou incendiaires...). En outre, cette préparation doit être intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ; d'autre part, cette préparation doit être caractérisée par la réunion de deux faits matériels. La personne doit, détenir, rechercher, se procurer ou fabriquer des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui. Elle doit également avoir commis certains faits tels se renseigner sur des cibles potentielles, s'entraîner ou se former au maniement des armes, consulter habituellement des sites internet terroristes. Il en résulte que ces dispositions ne méconnaissent pas le principe de légalité des délits et des peines.
En revanche, le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe de nécessité des délits et des peines, réprimer la seule intention délictueuse ou criminelle. Aussi, la preuve de l'intention de l'auteur des faits de préparer une infraction en relation avec une entreprise individuelle terroriste ne saurait résulter des seuls faits matériels retenus par le texte contesté comme actes préparatoires. Ces faits matériels doivent corroborer cette intention qui doit être, par ailleurs, établie. Ainsi, en retenant au titre des faits matériels pouvant constituer un acte préparatoire le fait de "rechercher" des objets ou des substances de nature à créer un danger pour autrui, sans circonscrire les actes pouvant constituer une telle recherche dans le cadre d'une entreprise individuelle terroriste, le législateur a permis que soient réprimés des actes ne matérialisant pas, en eux-mêmes, la volonté de préparer une infraction. Tel est le sens d'une décision du Conseil constitutionnel rendue le 7 avril 2017 (Cons. const., décision n° 2017-625 QPC du 7 avril 2017 N° Lexbase : A3927UXQ ; cf. la décision de renvoi, Cass. QPC, 25 janvier 2017, n° 16-90.030, F-D N° Lexbase : A5895TAL), saisi le 30 janvier 2017 par la Cour de cassation d'une QPC relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 421-2-6 du Code pénal, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 (N° Lexbase : L8220I49), et de l'article 421-5 du même code.
Après avoir énoncé les principes susvisés, le Conseil constitutionnel censure les mots "de rechercher" figurant à l'article 421-2-6 précité. En revanche, eu égard à la gravité particulière que revêtent par nature les actes de terrorisme, il juge le reste de cet article conforme à la Constitution. (cf. l’Ouvrage "Droit pénal spécial" N° Lexbase : E5500EXY).

newsid:457625

Procédures fiscales

[Brèves] Le principe ne bis in idem au regard de l'identité de la personne poursuivie ou sanctionnée

Réf. : CJUE, 5 avril 2017, aff. C-217/15 (N° Lexbase : A6071UWR)

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N7707BWD

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par Jules Bellaiche

Le 21 Avril 2017

Le droit de l'Union ne s'oppose pas à une réglementation nationale qui permet de diligenter des poursuites pénales pour omission de versement de la TVA, après l'infliction d'une sanction fiscale définitive pour les mêmes faits, lorsque cette sanction a été infligée à une société ayant la personnalité morale tandis que ces poursuites pénales sont engagées contre une personne physique. Telle est la solution retenue par la CJUE dans un arrêt rendu le 5 avril 2017 (CJUE, 5 avril 2017, aff. C-217/15 N° Lexbase : A6071UWR). En l'espèce, les requérants sont poursuivis au motif qu'ils auraient omis, en leur qualité de représentants légaux de sociétés, de verser dans les délais impartis par la loi italienne, la TVA due sur la base de la déclaration annuelle pour les périodes d'imposition en cause au principal. Ces procédures pénales ont été ouvertes après que l'administration fiscale a dénoncé ces infractions au procureur de la République. Au cours desdites procédures pénales, une saisie conservatoire a été effectuée tant sur les biens des intéressés, saisie contre laquelle chacun d'eux a introduit une demande de réexamen. Avant l'introduction desdites procédures pénales, les montants de TVA en cause au principal ont fait l'objet d'une mise en recouvrement de la part de l'administration fiscale, qui a non seulement liquidé la dette fiscale, mais également infligé une sanction fiscale pécuniaire aux sociétés, représentant 30 % du montant dû au titre de la TVA. La Cour de justice, en premier lieu, a énoncé que l'application du principe ne bis in idem garanti à l'article 50 de la Charte (N° Lexbase : L8117ANX) présuppose que ce soit la même personne qui fasse l'objet des sanctions ou des poursuites pénales considérées. Au cas présent, les sanctions fiscales ont été infligées à deux sociétés ayant la personnalité morale, alors que les procédures pénales visent les requérants qui sont des personnes physiques. Dès lors, la condition selon laquelle la même personne doit faire l'objet des sanctions et des poursuites considérées fait défaut dans le cadre des procédures en cause au principal (pour la France, cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X4053ALP et N° Lexbase : X4757ALR).

newsid:457707

Propriété intellectuelle

[Brèves] Opposition à l'enregistrement d'une marque : la protection dont peut se prévaloir une société au titre de sa dénomination sociale ne vaut que pour les activités effectivement exercées par cette entreprise

Réf. : CJUE, 5 avril 2017, aff. C-598/14 P (N° Lexbase : A6076UWX)

Lecture: 2 min

N7602BWH

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par Vincent Téchené

Le 20 Avril 2017

La société Forge de Laguiole peut s'opposer à l'enregistrement, au niveau de l'Union, de la marque "LAGUIOLE" dans le domaine, notamment, de la coutellerie et des couverts ; en revanche, elle ne peut pas s'opposer à l'enregistrement de la marque "LAGUIOLE" dans des domaines dans lesquels elle n'exerce pas effectivement une activité. Tel est le sens d'un arrêt rendu par la CJUE le 5 avril 2017 (CJUE, 5 avril 2017, aff. C-598/14 P N° Lexbase : A6076UWX).
Dans cette affaire, une personne a demandé en 2001 l'enregistrement de la marque de l'Union "LAGUIOLE" pour de nombreux produits et services, ce qui lui a été accordé en 2005 par l'EUIPO. Forge de Laguiole, une société française connue pour ses couteaux, a demandé l'annulation de la marque "LAGUIOLE", faisant valoir que, conformément au droit français, sa dénomination sociale, dont la portée n'est pas seulement locale, lui donne le droit d'interdire l'utilisation d'une marque plus récente.
L'EUIPO a fait droit à la demande de Forge de Laguiole en raison du risque de confusion existant entre la dénomination de cette société et la marque "LAGUIOLE" et a déclaré la marque nulle. La CJUE confirme l'arrêt du Tribunal de l'UE (TPIUE, 21 octobre 2014, aff. T-453/11 N° Lexbase : A7117MYA) ayant annulé en partie la décision de l'EUIPO.
Elle relève, tout d'abord, que, lors de l'appréciation de la protection de la dénomination d'une société par le droit national d'un Etat membre, le Tribunal doit appliquer les règles du droit national telles qu'interprétées par les juridictions nationales à la date à laquelle il rend sa décision. Il doit donc également pouvoir prendre en considération une décision émanant d'une juridiction nationale rendue postérieurement à l'adoption de la décision de l'EUIPO. Il s'ensuit que le Tribunal a correctement conclu que, conformément au droit français applicable en la matière, la protection dont peut se prévaloir Forge de Laguiole au titre de sa dénomination sociale ne vaut que pour les activités effectivement exercées par cette entreprise. La Cour considère, ensuite, que, bien que le Tribunal n'ait pas explicitement mentionné, au préalable, les critères au regard desquels les activités effectivement exercées par Forge de Laguiole devaient être déterminées, il a expressément tenu compte, lors de l'examen de ces activités, non seulement de la nature des produits en cause, mais aussi de leur destination, de leur utilisation, de la clientèle concernée par ceux-ci ainsi que de leur mode de distribution. Elle en conclut que le Tribunal a correctement déterminé les activités effectivement exercées par Forge de Laguiole et a donc eu raison de limiter l'annulation de la marque "LAGUIOLE" aux produits relevant de ces activités (à savoir les produits relevant de certains secteurs, tels que la coutellerie et les couverts).

newsid:457602

Durée du travail

[Brèves] Preuve des heures supplémentaires de travail effectuées et travail dissimulé

Réf. : CA Caen, 7 avril 2017, n° 16/01498 (N° Lexbase : A6078UXE)

Lecture: 2 min

N7673BW4

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par Aurélia Gervais

Le 20 Avril 2017

En vertu de l'article L. 3171-4 du Code du travail (N° Lexbase : L0783H9U), la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Il appartient à ce dernier de fournir préalablement au juge les éléments de nature à étayer sa demande de paiement des heures supplémentaires. Par ailleurs, en portant sur les bulletins de salaire l'indication d'un temps de travail de 151,67 heures par mois, alors qu'en réalité le salarié a travaillé en poste de nuit comme de jour pendant 11 heures consécutives correspondant à 12 heures effectives tous les jours de la semaine, l'employeur a entendu cacher les heures supplémentaires qu'elle demandait à son salarié d'accomplir, correspondant à une dissimulation de travail salarié prévue par les dispositions de l'article L. 8221-5 du Code du travail (N° Lexbase : L7404K94). Telles sont les solutions retenues par la cour d'appel de Caen, dans un arrêt rendu le 7 avril 2017 (CA Caen, 7 avril 2017, n° 16/01498 N° Lexbase : A6078UXE).
En l'espèce, un chef de chantier a été envoyé par son employeur en Algérie, avant de démissionner un mois plus tard, en mai 2011. Il a alors saisi le conseil de prud'hommes (CPH) de Cherbourg, en janvier 2015, pour demander le paiement des heures supplémentaires qu'il disait avoir effectuées sur le chantier et le règlement de l'indemnité pour travail dissimulé. Le CPH l'a débouté de l'intégralité de ses réclamations en mars 2016. Le salarié a donc interjeté appel, exposant qu'il a été affecté à la construction d'une barge en Algérie dans une zone sécurisée avec des horaires imposés, en poste de nuit comme de jour pendant 11 heures consécutives correspondant à 12 heures effectives, tous les jours de la semaine. Il a ajouté qu'il badgeait et a présenté un tableau de ses heures de travail, ainsi que quatre attestations de ses collègues confirmant ses affirmations sur le temps de travail journalier.
En énonçant les règles susvisées, la cour d'appel de Caen infirme le jugement, estimant que le salarié a étayé sa demande, alors que l'employeur ne donne aucun élément pour décrire les horaires de travail de son salarié. Selon la cour d'appel, il se contente seulement d'affirmer que le recours aux heures supplémentaires est une prérogative de l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, alors qu'il lui appartenait d'indiquer les horaires exactement accomplis par son préposé. En ne le faisant pas, il convient, selon la cour d'appel, de retenir les horaires prétendus limités à 11 heures et de condamner la société (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5482EXC et N° Lexbase : E0415GAM).

newsid:457673

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