La lettre juridique n°671 du 6 octobre 2016

La lettre juridique - Édition n°671

Éditorial

L'égalité réelle entre les femmes et les hommes, facteur de lutte contre les discriminations ?

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N4623BW7

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 06 Octobre 2016


Le 29 septembre 2016, l'Ordre des avocats au barreau de Rouen et la Faculté de droit de Rouen organisaient en partenariat un colloque sur la liberté d'expression et le droit des femmes au XXIème siècle (N° Lexbase : N4083BW7). Arnaud de Saint Rémy, Bâtonnier de l'Ordre et Vincent Tchen, Professeur de droit public à l'Université de Rouen nous avaient aimablement convié pour intervenir sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, facteur de lutte contre les discriminations. C'est le substrat de cette intervention que je vous propose de retrouver cette semaine.

1 - La question ne serait pas une véritable question...

Ma première réaction fut de m'interroger sur le caractère sérieux de la question. Je dis bien de la question et non du sujet.

Cet été, en pleine réflexion, pour oser me tenir devant vous, j'entends que Kevin Roberts, membre du directoire de Publicis, est mis à pied pour avoir tenu des propos sexistes, et a démissionné de son poste pour avoir fait un "commentaire contraire à l'esprit du groupe" et en raison de la "gravité de ses propos" (3 août 2016). Interrogé sur la question de la parité homme-femme dans le secteur publicitaire, Kevin Roberts avait répondu : "Ce putain de débat est dépassé", avant de dire à la journaliste qu'il ne passait "pas de temps" sur ces enjeux et d'expliquer pourquoi, selon lui, les femmes occupent moins de postes à responsabilités :

"Leur ambition n'est pas verticale, c'est une ambition intrinsèque, circulaire, d'être heureuses. Alors elles nous disent :'Nous ne nous évaluons pas avec les critères selon lesquels vous, dinosaures idiots, vous vous jugez'. Je ne pense pas [que le manque de femmes à des postes de direction] soit un problème. Je ne suis pas inquiet, simplement parce qu'elles sont très heureuses, qu'elles ont beaucoup de succès et qu'elles font du très bon travail. Je ne peux pas parler de discrimination parce que nous n'avons jamais rencontré ce problème, Dieu merci".

Or, si près de la moitié des employés des agences de publicité sont des femmes, elles ne représentent que 11,5 % des directeurs de création...

Deux jours plus tard, je tombe sur la profession de foi féministe de Barack Obama : "Rétrospectivement, je me rends compte que, même si j'aidais à la maison, c'était en général selon mon propre emploi du temps et mes propres envies. La charge revenait à Michelle, de façon injuste et disproportionnée". "En étant le père de deux filles, vous prenez encore plus conscience de la manière dont les stéréotypes de genre envahissent notre société. Vous voyez les signaux, subtils et moins subtils, que notre culture nous transmet. Vous ressentez l'énorme pression qui impose aux filles une apparence, un comportement et même une façon de pensée définie".

En clair le combat était gagné, la question n'avait pas lieu d'être : évidemment que l'égalité réelle femme-homme est un facteur de lutte contre les discriminations ; et personne ne viendrait remettre en cause la nécessité de promouvoir et d'assurer cette égalité. La lutte contre la première des discriminations, celle fondée sur la différence de sexe, c'est l'égalité femme-homme. Il n'y qu'à voir le vote massif en faveur de la loi du 4 août 2014 ; les saisines du Conseil constitutionnel n'ayant porté que sur des détails, par ailleurs validés, et dans un esprit de sensibilisation ou de responsabilisation et non conservateur à mon sens.

Fermez le ban ?

2 - La question serait une question piège...

Puis je me dis que si l'on m'invite à répondre à une telle question, c'est que la réponse ne va pas nécessairement de soi...

Alors je tente une approche exégétique.

Qu'est-ce qu'une discrimination ? C'est le fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus mal) quelqu'un ou un groupe par rapport au reste de la collectivité ou par rapport à une autre personne. Et, le sexisme est une discrimination fondée sur le sexe presque toujours au détriment des femmes et qui nie le droit à la liberté et l'égalité des êtres humains.

L'antithèse de la discrimination, c'est donc bien l'égalité.

Mais l'égalité réelle ? Cela consiste en quoi, au juste ?

L'objectif de l'égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit une double approche : poursuivre l'adoption de droits pour renforcer une égalité formelle et adopter des mesures spécifiques correctives tant que persistent les inégalités sexistes et prendre conscience lors de l'élaboration des politiques publiques de leurs impacts différenciés pour déconstruire les stéréotypes sexistes encore en présence. Cà, c'est dans l'étude d'impact sur la loi du 4 août 2014.

L'essai de définition est récent et pour cause, le concept "d'égalité réelle" est apparu, à titre législatif, pour la première fois à l'occasion de l'adoption de cette loi, à la suite de la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, du 11 mai 2011.

Auparavant, on se contentait de l'égalité, idiome qui se suffisait à lui-même.

  • 1789 : Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen, dont l'article premier dispose : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits".
  • 1791 : Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d'Olympe de Gouges, dont l'article premier toujours dispose : "La Femme naît libre et demeure égale à l'homme en droits".
  • 1804 : le Code civil donne aux femmes des droits civils mais leur refuse les droits politiques.
  • 21 avril 1944 : l'ordonnance d'Alger accorde le droit de vote aux femmes françaises.
  • 27 octobre 1946 : le préambule de la constitution proclame : "La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme" (art.3).
  • 13 juillet 1983 : loi "Roudy" sur l'égalité professionnelle.
  • 8 juillet 1999 : une révision constitutionnelle ajoute à l'article 3 de la Constitution de 1958 la disposition suivante "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives" et prévoit que les partis doivent "contribuer à la mise en oeuvre" de ce principe (art. 4).
  • 6 juin 2000 : la loi sur la parité en politique module l'aide publique aux partis politiques en fonction de leur respect de l'application de la parité pour la présentation des candidats aux élections.
  • 9 mai 2001 : la loi "Génisson" sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes poursuit dans une direction amorcée par la loi "Roudy" du 13 juillet 1983.
  • 1er mars 2004 : signature par le patronat et les syndicats de l'Accord national interprofessionnel relatif à la mixité et à l'égalité professionnelles entre les hommes et les femmes.
  • 23 mars 2006 : la loi relative à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes renforce les moyens et engagements concernant la suppression des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, et la "conciliation" entre l'activité professionnelle et la vie familiale.
  • 23 juillet 2008 : modification de l'article 1er de la Constitution qui est désormais ainsi rédigé : "La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales".
  • 27 janvier 2011 : promulgation de la loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle. Ce texte prévoit l'instauration progressive de quotas pour aller vers la féminisation des instances dirigeantes des grandes entreprises, ainsi qu'un système de sanctions financières en cas de non-respect.

Et ce, uniquement pour ce qui concerne "l'égalité", en droit national... Nous avons vu précédemment les sources internationales et communautaires de l'égalité femme-homme. Et, je ne parle pas des lois en faveur de la liberté des femmes.

L'égalité est proclamée, légiférée, organisée... Mais les chiffres sont là, les faits sont têtus.

  • Le taux d'emploi des femmes est sensiblement inférieur celui des hommes (47 contre 55 %).
  • 97 % des aides à domicile ou ménagères, assistants maternels, secrétaire... sont des femmes / contre 2,1 % dans le gros oeuvre du bâtiment.
  • Seules 28 % des créateurs d'entreprise sont des femmes.
  • Les jeunes femmes (18-29 ans) sont beaucoup plus touchées par la pauvreté que les jeunes hommes (20 % contre 13 %).
  • Les écarts de salaires entre femmes et hommes sont de l'ordre de 19,2 % ; mais ils atteignent 39,5 % dans les activités financières et de l'assurance, et 31 % dans les activités juridiques, comptables, de gestion, d'architecture, d'ingénierie...
  • Quant au temps partiel ? Quand un couple a trois enfants, 43 % des femmes travaillent à temps partiel, contre 6,7 % des hommes.
  • Les femmes perçoivent une retraite d'un montant de 37 % moindre que celui des hommes (contre 28 % dans le reste de l'OCDE !).
  • 14,6 % des femmes actives sont des cadres.... Contre 20,2 % des hommes actifs...

Et la liste à la Prévert n'en finit pas... quant à la parité, à l'accès aux responsabilités, dans la culture, les médias, le sport... alors qu'elles sont majoritaires dans les cohortes universitaires, culturelles et médiatiques.

Ah, j'oubliais : les femmes vivent plus longtemps que les hommes, 85,6 ans contre 79 ! Oui, mais lorsque l'on regarde les années de vie en bonne santé, l'égalité est là réelle : 63-64 ans... Les femmes vivent plus longtemps... mais en mauvaise santé, en limitation d'activité ou en incapacité !

Le constat est consternant : l'égalité formelle ne suffit pas. Et, c'est justement l'égalité réelle qui doit corriger les insuffisances de toutes les lois qu'il convient d'appliquer dans leur entier (notamment quant à l'égalité salariale).

C'est pourquoi la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes vise à combattre les inégalités dans les sphères privée, professionnelle et publique. Les mesures phares de la loi visent à inciter les pères à prendre un congé parental, à conditionner l'accès aux marchés publics au respect par les entreprises de l'égalité professionnelle, à protéger les mères isolées des impayés de pension alimentaire, ou encore à étendre à tous les champs de responsabilité le principe de parité. Elle permet aussi de mieux lutter contre les violences faites aux femmes, grâce au renforcement de l'ordonnance de protection et des infractions relatives au harcèlement.

A l'heure actuelle, pas de bilan ou peu d'indications. La totalité des décrets d'application a été promulguée ou presque. Tout juste pourrons-nous nous féliciter que la France soit au premier rang européen en matière de féminisation des instances dirigeantes des entreprises ; que les inégalités de salaires diminuent deux fois plus vite en France que dans le reste de l'Europe ; et que le nombre d'entreprises couvertes par un accord ou un plan d'action relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes progresse de façon continue.

L'égalité réelle réussirait-t-elle mieux que l'égalité formelle ou de droit ?

3 - Une réponse tout en nuances

En dehors de toute polémique sur le caractère politico-médiatique d'une telle épithétisation de l'égalité, il faut reconnaître qu'en affichant sa volonté de lutter contre les stéréotypes genrés, l'égalité réelle veut montrer la voie, appuyer là où cela fait mal.

Nuances sur un plan juridique : l'égalité réelle et son bras armé, la parité, sont des discriminations, certes positives, qui luttent contre les discriminations, elles, négatives. Mais, en fait, toute loi relative à l'égalité femme-homme est une loi de discrimination positive ni plus, ni moins qu'une loi relative à l'égalité dite réelle.

Le Conseil constitutionnel pourrait ainsi nous en rabattre en expliquant "qu'il est certain que le principe constitutionnel d'égalité, s'il était strictement entendu par le juge, peut représenter une menace pour pratiquement tous les choix effectués par le Parlement puisque l'activité législative qui comporte nécessairement l'établissement de différenciations de traitement selon les catégories est, par essence, discriminatoire. En ce sens, on peut considérer que la mise en oeuvre du principe d'égalité par le Conseil constitutionnel recèle en germe une potentialité d'anéantissement de la quasi-totalité des textes législatifs".

Nuances lobbyistes : pourtant, à n'en pas douter, le glissement sémantique n'est pas anodin. Il marque une nouvelle étape, une nouvelle phase de la lutte contre les inégalités sexistes de fait, en invitant la société à prendre part au changement des mentalités et à ne pas tout attendre d'une législation qui présente désormais ses limites. Ce glissement sémantique est certainement le fruit de l'empowerment, processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacité d'action, de s'émanciper ; concept utilisé pour la première fois à l'occasion de l'émancipation des femmes, justement, aux Etats-Unis au début du XXème siècle : un empowerment adapté au XXIème siècle

Alors, après le tollé du "On ne naît pas femme, on le devient", de Simone de Beauvoir, en 1949, dans le Deuxième sexe, l'émoi contre la théorie du "gender", l'ordre du jour est à l'égalité dans la différence ; et c'est cela l'enjeu de l'égalité réelle.

Or, cette égalité dans la différence est un désir, une utopie, qui impliquerait un considérable progrès de l'Humanité et pas seulement du genre masculin, nous enseigne Elisabeth Badinter dans Fausse route.

Et elle n'a pas tort. La preuve : de ci, de là, émerge l'idée d'un retour à cette différence, au rétablissement de la frontière entre les sexes. Et, le pamphlet, très médiatisé, Adieu Simone ! Les dernières heures du féminisme, écrit par Gabrielle Cluzel, et paru au printemps dernier, en est un véhicule des plus synthétiques.

L'auteur évoque ainsi les magazines féminins infantilisant les lectrices, à commencer avec leur nom, comme Marie-Claire -"imagine-t-on un journal économique, politique, sérieux, s'appeler Jean-Louis ou Jean-Claude ?"- Elle raille la grammaire féministe : pour que "les hommes et les femmes soient belles", il faut en finir avec la règle de la domination masculine pour l'accord de l'adjectif qualificatif, règle du XVIIème siècle, pour lui substituer la règle de proximité. Elle émet l'idée d'une galanterie comme sexisme bienveillant, tournant en dérision les féministes outrées par une addition de restaurant réglée par un soupirant... On passera le chapitre sur la liberté sexuelle, l'avortement et la confusion entre femme libre et femme facile, ou sur l'infantilisation des femmes désirant avorter... pour s'attacher au travail des femmes, le combat par excellence des féministes.

Simone de Beauvoir écrivait justement : "C'est par le travail que la femme a en grande partie franchi la distance qui la séparait du mâle ; c' est le travail qui peut seul lui garantir une liberté concrète" ou encore "Il n' y a qu'un travail autonome qui puisse assurer à la femme une authentique autonomie".

Gabrielle Cluzel fustige alors les crèches où l'on encourage les filles à faire du bruit, crier et grimper à l'instar des garçons ; appelle de ses voeux une revalorisation des filières littéraires prisées par les filles plutôt que d'en avoir que pour les scientifiques masculins ; mais elle explique clairement la différence de carrière professionnelle et de salaires d'avec les hommes par les tâches domestiques et la nécessité de s'occuper des enfants, et relate ces solutions farfelues de certaines grandes entreprises innovantes ayant proposé à leurs salariés de prélever et congeler leurs ovocytes.... Le temps qu'elles fassent carrière ! Le travail la libération de la femme ? 56 % des femmes pensent qu'elles ont moins de temps disponible pour elles -mêmes que leurs mères... relate l'auteur.

Cela sonne-t-il pour autant le glas du féminisme ? Trop de législation en faveur de l'égalité femme-homme aurait-elle tué le féminisme ? Y-aurait-il une courbe de Laffer du féminisme, pire de la législation sur l'égalité femme-homme conduisant à une contre-productivité dans la conduite au changement des mentalités ?

La différence prendrait-elle le pas sur l'égalité ? D'abord, "Les plus grands progrès accomplis ces dernières décennies l'ont tous été grâce à l'audacieuse déconstruction du concept de nature. Non pour le nier, comme on l'a souvent dit, mais pour le remettre à sa place. On a ainsi offert à chacun une liberté sans précédent par rapport aux rôles traditionnels que définissaient le genre", écrit Elisabeth Badinter.

Et cette déconstruction du concept de nature, justement, est le fruit d'une législation stratifiée, années après années, jusqu'à vouloir régenter la chambre à coucher, certes. Mais, existe-t-il un autre moyen pour changer les mentalités, mettre à bas les stéréotypes genrés ?

Aussi, l'auteur de Fausse route nous met d'ailleurs en garde : "L'égalité se nourrit du même, non de la différence. A méconnaître cette logique élémentaire, à vouloir forcer le sens des termes, on aboutit au contraire de ce que l'on désirait. La parité qui en appelle à l'égalité dans la différence est une bombe à retardement. Très vite, on surestime la différence et on relativise l'égalité. La différence des sexes est un fait, mais elle ne prédestine pas aux rôles et aux fonctions".

Aie ! C'est le débat inexpugnable de la discrimination positive face à l'égalité absolue...

L'unanimité n'est donc pas de mise face à une égalité réelle qui ferait la part trop belle à la parité ou à la différence. On pourrait donc se contenter de l'égalité de droit... pour peu qu'on ait le cran d'en appliquer toutes les dispositions.

Ils sont bienheureux les mots de Jean d'Ormesson, lors de sa réponse au discours de réception à l'Académie Française de Marguerite Yourcenar, première femme académicienne en 1981 :

"Je ne vous cacherai pas, Madame, que ce n'est pas parce que vous êtes une femme que vous êtes ici aujourd'hui : c'est parce que vous êtes un grand écrivain. Être une femme ne suffit toujours pas pour s'asseoir sous la Coupole. Mais être une femme ne suffit plus pour être empêchée de s'y asseoir. Nous vous aurions élue aussi ? et peut-être, je l'avoue, plus aisément et plus vite? si vous étiez un homme. Plût au ciel que les hommes que nous avons choisis depuis trois cent cinquante ans eussent tous l'immense talent de la femme que vous êtes. Ne voyez dans votre élection, qui n'est pas une mode de la tribu, aucun tribut à la mode, ce serait faire hommage en vous au hasard de la naissance, ce serait faire injure en vous au mérite de l'écrivain. Nous n'avons pas voulu nous plier à je ne sais quelle vogue ou vague du féminisme régnant. Nous avons simplement cherché à être fidèles à notre vocation traditionnelle qui est de trouver -si faire se peut- dans les lettres françaises ce qu'il y a de meilleur, de plus digne, de plus durable".

Mais tout un chacun a-t-il la sagesse et le temps d'un immortel ?

Nuances anthropologiques : finalement, à mon sens, si la seule égalité femme -homme peut conduire parfois à une régression du statut de la femme, comme lorsque la Cour européenne des droits de l'Homme contraint la France à autoriser le travail de nuit des femmes, strictement encadré depuis le XIXème siècle, l'égalité réelle est-elle là pour corriger les imperfections ou les insuffisances de l'égalité formelle, tenant compte de la différence des sexes (indéniable), du statut particulier de mère (congé parental inégalement partagé), de la faiblesse physique des femmes face au harcèlement, aux violences.

On peut regretter qu'une fois encore "la femme se détermine et se différencie par rapport à l'homme et non celui-ci par rapport à elle ; elle est l'inessentiel en face de l'essentiel. Il est le sujet, il est l'Absolu : elle est l'Autre" (Deuxième sexe). Mais, au moins, cette égalité réelle, égalité pragmatique, conduirait progressivement vers une égalité réaliste, luttant contre la première discrimination de l'Histoire, le sexisme... avant que les mentalités des générations futures ne changent radicalement...

Et, c'est toute la fonction anthropologique du droit, chère à Alain Supiot dans son Homo juridicus. "L'homme ne naît pas rationnel, il le devient en accédant à un sens partagé avec les autres hommes. Chaque société humaine est ainsi à la manière l'instituteur de la raison". "Faire de chacun de nous un homo juridicus est la manière occidentale de lier les dimensions biologique et symbolique constitutives de l'être humain. Le Droit relie l'infinitude de notre univers mental à la finitude de notre expérience physique et c'est en cela qu'il remplit chez nous une fonction anthropologique d'institution de la raison".

Sapere aude ! Ose te servir de ton propre entendement écrivait Kant...

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Devoir de conseil de l'avocat en cas de relations conflictuelles avec le client

Réf. : CA Bordeaux, 11 août 2016, n° 14/07436 (N° Lexbase : A4855RYH)

Lecture: 4 min

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par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris

Le 06 Octobre 2016

Les obligations professionnelles auxquelles est assujetti l'avocat envers son client reposent sur le socle de l'article 1-3 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8).
L'avocat est donc tenu, dans le cadre de son activité, à un devoir de conseil, d'information, de diligence et de prudence. Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie des avocats (N° Lexbase : L6025IGA), et plus particulièrement son article 9, alinéa 1er, précise par ailleurs que l'avocat doit s'assurer de la validité et de l'efficacité de ses actes juridiques. Il doit également recueillir toutes les informations nécessaires pour garantir leur fiabilité et leur efficacité dans l'intérêt de son client. L'avocat, comme tout autre professionnel juridique, pourra ainsi voir sa responsabilité professionnelle recherchée à l'occasion de manquements commis dans l'exercice de ses fonctions. L'arrêt rendu le 11 août 2016 par la cour d'appel de Bordeaux nous rappelle néanmoins que la responsabilité de l'avocat n'est pas absolue et qu'il peut être exonéré dans certaines conditions particulières. C'est ainsi que les magistrats girondins ont pu considérer que des relations conflictuelles existant avec le client ne permettaient pas à son avocat d'accomplir sereinement sa mission de conseil.
  • Sur le devoir de conseil

Dans l'obligation de compétence requise de tout avocat, mais aussi dans toutes ses autres obligations, nous retrouvons la notion de conseil.

Ce devoir de conseil se place donc au coeur des relations entre l'avocat et son client. Un justiciable, qui estimerait n'avoir pas été ou incorrectement informé ou défendu, pourrait alors s'en prévaloir et engager la responsabilité de l'avocat qui aurait été fautif.

Il n'existe, cependant, aucune définition légale du devoir de conseil et c'est au juge qu'il appartient d'en apprécier non seulement le contenu, mais aussi la portée.

Si l'obligation de conseil s'étend à toutes les activités entrant dans la mission de l'avocat, revêt-elle un caractère relatif ou absolu ?

S'agissant, par exemple, des notaires, la Cour de cassation, après avoir plutôt opté dans un premier temps pour le caractère relatif de leur obligation de conseil, lui reconnaît désormais un caractère absolu. On considère que le conseil notarial n'est pas dû en raison de la nature même de l'acte, mais bien de la qualité de celui qui le doit, le notaire étant un officier public avec une mission de dispensateur de sécurité juridique, dont il ne peut être déchargé.

Aussi, il a pu être jugé qu'un notaire devait conseiller, alors même qu'un contrat était déjà parfait entre les parties et que rien ne lui est demandé à ce titre (Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-13.304, FS-P+B N° Lexbase : A9119DUB).

Concernant l'avocat, la diversité de ses missions rend l'appréciation plus complexe.

Une jurisprudence s'est dégagée, rappelant, en premier lieu, que l'obligation de conseil de l'avocat était limitée au mandat reçu du client. Aussi, le devoir de conseil de l'avocat, contrairement à celui du notaire, est factuel et donc variable dans son étendue. Son appréciation va ainsi dépendre, dans chaque cas, des circonstances particulières de l'affaire.

La Cour de cassation s'est également prononcée sur la question de savoir si l'obligation de conseil de l'avocat est absolue, c'est-à-dire si elle est due quelles que soient les circonstances et les missions de l'avocat.

A l'opposé de ce qu'elle a pu affirmer pour la profession notariale, la Cour a considéré que le devoir de conseil de l'avocat n'est pas absolu, car il ne lui incombe pas, quelle que soit la nature de son intervention professionnelle (Cass. civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-15.529 N° Lexbase : A3350IWY).

Le devoir de conseil, certes relatif, n'en demeure pas moins une source inépuisable de contentieux le plus souvent initiés par des clients s'estimant lésés par des décisions judiciaires contraires et tentant de faire reconnaître la perte de leur chance à cause d'un avocat défaillant : à tort (Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 15-11.156, F-D N° Lexbase : A9307N34), ou à raison (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 14-10.841, F-D N° Lexbase : A2406NBQ ou CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 7 juin 2016, n° 14/18452 N° Lexbase : A1137RSW).

L'arrêt commenté confirme ce mouvement tendant à attribuer au devoir de conseil de l'avocat un statut relatif, en l'occurrence dès lors que le client serait de mauvaise foi et entretiendrait des relations exécrables avec son avocat.

  • Les faits

Un avocat était donc traîné devant le tribunal d'instance d'Angoulême par son client lui reprochant une décision rendue finalement à son détriment par la cour d'appel de Poitiers ayant prononcé la nullité d'une clause de non concurrence dont il pensait pouvoir bénéficier.

Il invoquait à cet égard une proposition transactionnelle transmise par la partie adverse qui lui aurait notamment été communiquée tardivement par son avocat, lui ayant ainsi fait perdre la chance de transiger favorablement avec son ancien employeur. En outre, il accusait son avocat d'avoir également commis une faute en n'attirant pas son attention sur l'opportunité de donner suite ou non à cette offre de transaction.

Les premiers juges déclarent son action recevable, mais le déboutent de ses prétentions.

Sur le recours interjeté par ce client mécontent, la cour d'appel de Bordeaux confirme le jugement.

  • Relations conflictuelles et atténuation du devoir de conseil

Un certain manque de diligence de l'avocat dans la transmission de ses courriers a bien été reconnu, mais la cour retient à la décharge de l'avocat que le projet de transaction avait finalement pu être connu à temps, puisqu'une audience ne se tenait que quatre mois après et que le client avait confirmé alors ne pas souhaiter transiger de la sorte.

Surtout, et c'est la singularité de cet arrêt, ce dernier rentre dans le détail des relations entre l'avocat et son client. La décision relève leur caractère conflictuel existant à l'époque des faits reprochés, le client tenant des "propos agressifs" à l'égard de son conseil et la mise en cause de la responsabilité de ce dernier étant déjà à l'ordre du jour !

Dès lors, la cour d'appel reconnaît qu'il ne pouvait pas être reproché à l'avocat un manquement à son devoir de conseil sur les suites à donner à la proposition, "n'ayant pas été mis en mesure dans ce contexte d'indiquer à son client si elle était ou non conforme à son intérêt".

En d'autres termes, le climat délétère des relations entretenues avec un client agressif peut exonérer un avocat et exclure sa responsabilité, l'empêchant d'exercer sereinement sa mission de conseil.

Il est vrai que l'exercice des droits de la défense pour être efficace doit être serein et reposer sur une absolue confiance entre l'avocat et les divers intervenants du litige, en premier lieu son propre client !

Cet arrêt s'inscrit donc bien dans le courant jurisprudentiel actuel concernant le caractère relatif du devoir de conseil des avocats et l'appréciation que peuvent en faire les magistrats.

On ne saurait, toutefois, que recommander aux avocats de redoubler de vigilance lorsque surviennent des difficultés relationnelles qui risquent de déboucher sur leur mise en cause.

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Avocats/Déontologie

[Jurisprudence] Devoir de conseil de l'avocat en cas de relations conflictuelles avec le client

Réf. : CA Bordeaux, 11 août 2016, n° 14/07436 (N° Lexbase : A4855RYH)

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par Thierry Vallat, Avocat au barreau de Paris

Le 06 Octobre 2016

Les obligations professionnelles auxquelles est assujetti l'avocat envers son client reposent sur le socle de l'article 1-3 du règlement intérieur national (RIN) (N° Lexbase : L4063IP8).
L'avocat est donc tenu, dans le cadre de son activité, à un devoir de conseil, d'information, de diligence et de prudence. Le décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, relatif aux règles de déontologie des avocats (N° Lexbase : L6025IGA), et plus particulièrement son article 9, alinéa 1er, précise par ailleurs que l'avocat doit s'assurer de la validité et de l'efficacité de ses actes juridiques. Il doit également recueillir toutes les informations nécessaires pour garantir leur fiabilité et leur efficacité dans l'intérêt de son client. L'avocat, comme tout autre professionnel juridique, pourra ainsi voir sa responsabilité professionnelle recherchée à l'occasion de manquements commis dans l'exercice de ses fonctions. L'arrêt rendu le 11 août 2016 par la cour d'appel de Bordeaux nous rappelle néanmoins que la responsabilité de l'avocat n'est pas absolue et qu'il peut être exonéré dans certaines conditions particulières. C'est ainsi que les magistrats girondins ont pu considérer que des relations conflictuelles existant avec le client ne permettaient pas à son avocat d'accomplir sereinement sa mission de conseil.
  • Sur le devoir de conseil

Dans l'obligation de compétence requise de tout avocat, mais aussi dans toutes ses autres obligations, nous retrouvons la notion de conseil.

Ce devoir de conseil se place donc au coeur des relations entre l'avocat et son client. Un justiciable, qui estimerait n'avoir pas été ou incorrectement informé ou défendu, pourrait alors s'en prévaloir et engager la responsabilité de l'avocat qui aurait été fautif.

Il n'existe, cependant, aucune définition légale du devoir de conseil et c'est au juge qu'il appartient d'en apprécier non seulement le contenu, mais aussi la portée.

Si l'obligation de conseil s'étend à toutes les activités entrant dans la mission de l'avocat, revêt-elle un caractère relatif ou absolu ?

S'agissant, par exemple, des notaires, la Cour de cassation, après avoir plutôt opté dans un premier temps pour le caractère relatif de leur obligation de conseil, lui reconnaît désormais un caractère absolu. On considère que le conseil notarial n'est pas dû en raison de la nature même de l'acte, mais bien de la qualité de celui qui le doit, le notaire étant un officier public avec une mission de dispensateur de sécurité juridique, dont il ne peut être déchargé.

Aussi, il a pu être jugé qu'un notaire devait conseiller, alors même qu'un contrat était déjà parfait entre les parties et que rien ne lui est demandé à ce titre (Cass. civ. 1, 3 avril 2007, n° 06-13.304, FS-P+B N° Lexbase : A9119DUB).

Concernant l'avocat, la diversité de ses missions rend l'appréciation plus complexe.

Une jurisprudence s'est dégagée, rappelant, en premier lieu, que l'obligation de conseil de l'avocat était limitée au mandat reçu du client. Aussi, le devoir de conseil de l'avocat, contrairement à celui du notaire, est factuel et donc variable dans son étendue. Son appréciation va ainsi dépendre, dans chaque cas, des circonstances particulières de l'affaire.

La Cour de cassation s'est également prononcée sur la question de savoir si l'obligation de conseil de l'avocat est absolue, c'est-à-dire si elle est due quelles que soient les circonstances et les missions de l'avocat.

A l'opposé de ce qu'elle a pu affirmer pour la profession notariale, la Cour a considéré que le devoir de conseil de l'avocat n'est pas absolu, car il ne lui incombe pas, quelle que soit la nature de son intervention professionnelle (Cass. civ. 1, 31 octobre 2012, n° 11-15.529 N° Lexbase : A3350IWY).

Le devoir de conseil, certes relatif, n'en demeure pas moins une source inépuisable de contentieux le plus souvent initiés par des clients s'estimant lésés par des décisions judiciaires contraires et tentant de faire reconnaître la perte de leur chance à cause d'un avocat défaillant : à tort (Cass. civ. 1, 14 janvier 2016, n° 15-11.156, F-D N° Lexbase : A9307N34), ou à raison (Cass. civ. 1, 4 février 2015, n° 14-10.841, F-D N° Lexbase : A2406NBQ ou CA Paris, Pôle 2, 1ère ch., 7 juin 2016, n° 14/18452 N° Lexbase : A1137RSW).

L'arrêt commenté confirme ce mouvement tendant à attribuer au devoir de conseil de l'avocat un statut relatif, en l'occurrence dès lors que le client serait de mauvaise foi et entretiendrait des relations exécrables avec son avocat.

  • Les faits

Un avocat était donc traîné devant le tribunal d'instance d'Angoulême par son client lui reprochant une décision rendue finalement à son détriment par la cour d'appel de Poitiers ayant prononcé la nullité d'une clause de non concurrence dont il pensait pouvoir bénéficier.

Il invoquait à cet égard une proposition transactionnelle transmise par la partie adverse qui lui aurait notamment été communiquée tardivement par son avocat, lui ayant ainsi fait perdre la chance de transiger favorablement avec son ancien employeur. En outre, il accusait son avocat d'avoir également commis une faute en n'attirant pas son attention sur l'opportunité de donner suite ou non à cette offre de transaction.

Les premiers juges déclarent son action recevable, mais le déboutent de ses prétentions.

Sur le recours interjeté par ce client mécontent, la cour d'appel de Bordeaux confirme le jugement.

  • Relations conflictuelles et atténuation du devoir de conseil

Un certain manque de diligence de l'avocat dans la transmission de ses courriers a bien été reconnu, mais la cour retient à la décharge de l'avocat que le projet de transaction avait finalement pu être connu à temps, puisqu'une audience ne se tenait que quatre mois après et que le client avait confirmé alors ne pas souhaiter transiger de la sorte.

Surtout, et c'est la singularité de cet arrêt, ce dernier rentre dans le détail des relations entre l'avocat et son client. La décision relève leur caractère conflictuel existant à l'époque des faits reprochés, le client tenant des "propos agressifs" à l'égard de son conseil et la mise en cause de la responsabilité de ce dernier étant déjà à l'ordre du jour !

Dès lors, la cour d'appel reconnaît qu'il ne pouvait pas être reproché à l'avocat un manquement à son devoir de conseil sur les suites à donner à la proposition, "n'ayant pas été mis en mesure dans ce contexte d'indiquer à son client si elle était ou non conforme à son intérêt".

En d'autres termes, le climat délétère des relations entretenues avec un client agressif peut exonérer un avocat et exclure sa responsabilité, l'empêchant d'exercer sereinement sa mission de conseil.

Il est vrai que l'exercice des droits de la défense pour être efficace doit être serein et reposer sur une absolue confiance entre l'avocat et les divers intervenants du litige, en premier lieu son propre client !

Cet arrêt s'inscrit donc bien dans le courant jurisprudentiel actuel concernant le caractère relatif du devoir de conseil des avocats et l'appréciation que peuvent en faire les magistrats.

On ne saurait, toutefois, que recommander aux avocats de redoubler de vigilance lorsque surviennent des difficultés relationnelles qui risquent de déboucher sur leur mise en cause.

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Contrat de travail

[Jurisprudence] Date de la résiliation judiciaire du contrat de travail : la malheureuse résurrection du critère du "service de" l'employeur

Réf. : Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 14-30.056, FS-P+B (N° Lexbase : A0136R4S)

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N4561BWT

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par Sébastien Tournaux, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux

Le 06 Octobre 2016

Contrairement aux juridictions civiles, les juges prud'homaux disposaient jusqu'à ce jour de directives relativement claires en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail. Depuis 2007, la date de la résiliation doit être fixée par le juge au jour du jugement la prononçant à moins que le contrat de travail ait été rompu antérieurement. C'est cette jurisprudence que la Chambre sociale de la Cour de cassation aménage par un arrêt rendu le 21 septembre 2016. La Chambre sociale juge que la date de la rupture peut également être anticipée si le salarié n'était plus "au service de son employeur" (I). Elle exhume ici un critère qu'elle avait autrefois utilisé et qui semblait pourtant fort peu maniable. Le malaise reparaît donc puisque l'on ne peut pas déterminer avec certitude les cas dans lesquels le salarié est toujours au service de l'employeur (II).
Résumé

En matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur.

Commentaire

I - L'aménagement des conditions de détermination de la date de la résiliation judiciaire à la date du jugement

La détermination de la date d'effet de la résiliation judiciaire. Après avoir longtemps laissé aux juges du fond une large marge de manoeuvre dans la détermination de la date de la rupture d'un contrat de travail par résiliation judiciaire, la Chambre sociale de la Cour de cassation a choisi, en 2007, de poser une règle générale et d'harmoniser les solutions rendues au fond (1).

Depuis lors, la prise d'effet de la résiliation judiciaire "ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant" (2). La motivation de la Chambre sociale a rapidement évolué après cette décision. Alors qu'elle jugeait en 2007 que la rupture produisait ses effets au jour de la décision judiciaire "dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur" (3), cette formule disparut des arrêts postérieurs qui conditionnèrent cette date au fait que "le contrat de travail n'a pas été rompu" (4).

Ce changement de formule n'est pas tout à fait anodin. Faire dépendre la date d'effet de la résiliation judiciaire de l'absence de rupture antérieure du contrat de travail est logique selon l'idée courante, en droit du travail, que rupture sur rupture ne vaut. Un contrat de travail déjà rompu ne peut matériellement pas l'être une seconde fois. La règle est également plus facile à appréhender sur le plan juridique : il suffit de déterminer si aucun des modes de rupture habituels n'a été utilisé, ni à l'initiative de l'employeur, ni à l'initiative du salarié, ni d'un commun accord (5).

Au contraire, identifier si un salarié est toujours "au service" de l'employeur semble bien davantage relever de considérations factuelles et évoque la "rupture de fait" du contrat de travail que la Chambre sociale de la Cour de cassation semble, par ailleurs, réticente à admettre (6).

L'affaire. Après dix-huit années de travail en qualité de responsable réseau au sein d'une société exploitant des boutiques aéroportuaires, une salariée ne perçoit plus aucun salaire au motif que son contrat de travail devait être transféré à des sociétés ayant repris les activités commerciales desdits commerces. Elle saisit le juge prud'homal pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur sortant.

L'employeur tente de démontrer que le contrat de travail de la salariée avait été transféré si bien qu'il ne pouvait être tenu responsable du non-paiement des salaires. Sur cette question, que nous n'étudierons pas, les juges du fond, confortés par la Chambre sociale de la Cour de cassation, considèrent qu'aucun transfert ne devait avoir lieu. La société sortante était donc tenue de continuer à payer les salaires et son manquement est caractérisé.

Jugeant que ce manquement est d'une suffisante gravité, le conseil de prud'hommes prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail par jugement rendu le 14 février 2013. Toutefois, constatant que la salariée avait bénéficié d'un contrat de travail auprès d'un nouvel employeur à compter du 30 mai 2011, la cour d'appel d'Aix-en-Provence fait produire les effets de la résiliation judiciaire de manière rétroactive à cette date (7).

La salariée forme un pourvoi en cassation en invoquant la règle prétorienne classique selon laquelle la résiliation judiciaire produit ses effets au jour de la décision judiciaire, à moins que le contrat de travail ait été rompu antérieurement, ce qui n'était pas le cas. Par un arrêt rendu le 21 septembre 2016, la Chambre sociale rejette le pourvoi. Elle énonce par un chapeau interne "qu'en matière de résiliation judiciaire du contrat de travail, la prise d'effet ne peut être fixée qu'à la date de la décision judiciaire la prononçant, dès lors qu'à cette date le contrat de travail n'a pas été rompu et que le salarié est toujours au service de son employeur". Elle en conclut que, puisque la salariée bénéficiait d'un contrat de travail au-delà du 30 mai 2011, elle "n'était plus à la disposition de l'employeur". Les juges d'appel pouvaient donc faire produire à la rupture ses effets à cette date.

Une nouvelle exception à la date de la rupture fixée au jour de la décision judiciaire. On constate immédiatement que la formule employée par la Chambre sociale varie à la fois de celle établie en 2007 lorsque la règle a été initialement posée et de celle employée depuis lors dans les nombreuses décisions rendues à ce propos.

La date à laquelle la résiliation judiciaire produit ses effets reste, par principe, la date de la décision judiciaire. Toutefois, cette date peut être anticipée soit parce que le contrat de travail a été rompu avant le jugement, soit parce que le salarié n'était plus au service de son employeur.

II - L'impossible identification des conditions de détermination de la date de la résiliation judiciaire

L'absence de rupture antérieure du contrat de travail : une limite insuffisante ? La tardiveté de la décision judiciaire prononçant la rupture, deux ans après l'interruption du paiement des salaires et vingt-et-un mois après que la salariée ait trouvé un autre emploi aurait eu pour conséquence d'allonger substantiellement l'ancienneté de la salariée et, mécaniquement, d'augmenter le montant de ses indemnités. Surtout, d'importants rappels de salaire auraient pu lui être octroyés à condition bien sûr qu'elle se soit tenue à la disposition de l'entreprise.

Pour limiter l'étendue de ces condamnations dont la charge aurait sans doute reposé essentiellement sur l'AGS, puisque la société sortante faisait l'objet d'une liquidation amiable au moment du procès, les juges d'appel ne pouvaient recourir à l'exception tenant à la rupture antérieure du contrat de travail. Sans aucun doute, aucun accord de rupture ni aucun licenciement n'avaient rompu le contrat de travail (8). Restait l'hypothèse d'une rupture à l'initiative de la salariée qui semblait tout aussi improbable. Il ne pouvait s'agir d'une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail, procédure que la salariée aurait parfaitement pu employer mais qui nécessite une initiative qui ne semble pas avoir été prise. Il ne pouvait pas non plus s'agir d'une démission puisque cet acte unilatéral exige l'émission d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat de travail. La Chambre sociale jugeait d'ailleurs, il y a peu encore, qu'"en l'absence de démission claire et non équivoque" de la part du salarié, il n'était pas possible de considérer que celui-ci "n'était plus au service de son employeur" (9). La Chambre sociale refusait également, jusqu'ici, que le contrat de travail soit considéré comme ayant été rompu "de fait", par exemple parce que l'employeur n'avait pas fourni de travail au salarié (10).

La délicate qualification du fait de rester "au service" de l'employeur. Pour restreindre l'ampleur de la condamnation, la Chambre sociale sort donc l'exigence que le salarié soit toujours au service de l'employeur du vieux placard où elle l'avait remisée (11). Or, la formule "au service de" l'employeur est fort mal connue en droit du travail. Sur un plan symbolique, le fait d'être "au service" rappelle un temps où le droit du travail encore balbutiant s'appliquait aux parties au contrat de louage de services des articles 1779 (N° Lexbase : L1748IEH) et 1780 (N° Lexbase : L1031ABS) du Code civil dont on sait qu'ils se sont précisément effacés devant l'émergence du contrat de travail et le développement corollaire du droit du travail. En forçant le trait, cette notion de "service de" l'employeur appartient à un temps où le droit du travail n'existait pas.

Ce constat se vérifie d'ailleurs à la lecture du Code du travail où la formule "au service de l'employeur" n'est que très rarement employée. Lorsque le législateur l'utilise, c'est pour viser les cas dans lesquels un salarié est simultanément "au service" d'un autre employeur (12), pour calculer l'ancienneté d'un salarié "au service" de l'entreprise (13) ou en matière de temps de travail où elle semble alors s'apparenter à la tenue du salarié à la disposition de l'employeur (14), assimilation qui semblait également être à l'esprit des magistrats de la Chambre sociale jusqu'à aujourd'hui (15). Il ne s'agit en tous cas jamais de viser des cas dans lesquels le contrat de travail a été rompu.

Quand bien même on rapprocherait le fait d'être "au service" de l'employeur de celui de se "tenir à disposition" de celui-ci, le raisonnement de la Chambre sociale n'en serait pas moins critiquable. D'abord parce que le fait que la salariée se soit engagée auprès d'un nouvel employeur ne suffit clairement pas à démontrer qu'elle ne peut plus être au service du premier ni même à disposition de celui-ci. Le nombre sans cesse croissant de salariés pluriactifs, titulaires simultanément de plusieurs contrats de travail, devrait suffire à s'en convaincre. On se souviendra ensuite que le juge judiciaire prête une grande importance à l'obligation du salarié de se tenir à disposition de l'employeur pour condamner celui-ci à des rappels de salaire alors même que le salarié n'a pas travaillé. Ainsi par exemple, dans un arrêt jugé seulement une semaine plus tôt, la Chambre sociale condamnait le raisonnement de juges du fond qui, pour limiter le montant des sommes dues par l'employeur au titre d'un rappel de salaire, retenaient que la salariée avait exercé pendant la même période un autre emploi et n'était ainsi pas restée à la disposition de l'employeur (16). A moins que cette jurisprudence soit sur le point d'être remise en question, il est donc difficile d'identifier le fait d'être "au service" de l'employeur au fait de se tenir à sa disposition.

L'identification de ce que recouvre la situation d'un salarié "au service" de l'employeur s'avère donc très périlleuse. Alors qu'on aurait tendance spontanément à la rapprocher de la titularité d'un contrat de travail, elle s'en distingue pour la Chambre sociale sans que l'on puisse l'assimiler à la tenue du salarié à disposition de l'entreprise. Peut-être s'agit-il d'une situation intermédiaire auquel cas l'on espère que la Chambre sociale pourra en préciser les contours. On peine toutefois à chasser l'idée selon laquelle les fondements de la solution sont à rechercher dans des considérations peu juridiques...


(1) Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 05-40.626, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A4828DTY) et les obs. de G. Auzero, Lexbase, éd. soc., 2007, n° 245 (N° Lexbase : N7973A98) ; Dr. soc., 2007, p. 498, note J. Savatier ; RDT, 2007, p. 237, note J. Pélissier.
(2) Cette date peut toutefois varier si un appel est interjeté et que le contrat de travail n'a pas été effectivement rompu, v. Cass. soc., 13 novembre 2014, n° 13-17.595, F-D (N° Lexbase : A3070M34) ; Cass. soc., 3 février 2016, n° 14-17.000, FS-P+B (N° Lexbase : A3059PKI) et nos obs., Lexbase, éd. soc., 2016, n° 644 (N° Lexbase : N1373BWR).
(3) V. également un arrêt isolé et inédit, rendu en 2013, qui reprenait cette condition de maintien du salarié "au service" de l'employeur, Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 11-22.119, F-D (N° Lexbase : A0802I34).
(4) V. Cass. soc., 14 octobre 2009, n° 07-45.257, FP-P+B (N° Lexbase : A0819EMB) : "en cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la date d'effet de la résiliation ne peut être fixée qu'au jour de la décision qui la prononce, dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date". V. également Cass. soc., 26 septembre 2012, n° 10-24.286, F-D (N° Lexbase : A6315IT3) ; Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28.629, FS-P+B (N° Lexbase : A6850KCP) ; Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-18.584, F-D (N° Lexbase : A6147M7S) ; Cass. soc., 12 juillet 2016, n° 14-26.374, F-D (N° Lexbase : A1876RXR).
(5) Pour reprendre les modes de rupture énoncés, pour le contrat à durée indéterminée, par l'article L. 1231-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8654IAR).
(6) V. toutefois, Cass. soc., 18 juin 2014, n° 13-10.204, FS-P+B (N° Lexbase : A5821MRZ) et nos obs., Lexbase, éd. soc., 2014, n° 577 (N° Lexbase : N2960BU8).
(7) CA Aix-en-Provence, 30 octobre 2014, n° 13/06502 (N° Lexbase : A3465MZD).
(8) La liquidation de la société ne pouvait servir à caractériser la rupture du contrat de travail, v. Cass. soc., 10 décembre 2014, n° 13-18.584, F-D (N° Lexbase : A6147M7S) ; Cass. soc., 26 novembre 2015, n° 14-19.263, F-D (N° Lexbase : A0919NYP).
(9) Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 11-22.119, F-D (N° Lexbase : A0802I34).
(10) Cass. soc., 4 mars 2015, n° 13-27.126, F-D (N° Lexbase : A8978NCI) ; Cass. soc., 20 janvier 2016, n° 14-10.134, F-D (N° Lexbase : A5715N4G).
(11) La Chambre sociale cassait par exemple, en 2013, une décision des juges du fond qui avaient estimé que le salarié n'était plus au service de l'employeur au moment du jugement, v. Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-25.016, F-D (N° Lexbase : A8283KQT).
(12) Par ex., C. trav., art. L. 1226-6 (N° Lexbase : L1017H9K) s'agissant de l'application des règles relatives à la suspension du contrat de travail pour risque professionnel ; C. trav., art. L. 1231-5 (N° Lexbase : L1069H9H) et art. L. 1532-1 (N° Lexbase : L2099H9M) à propos du salarié mis "au service" d'une filiale étrangère par la société mère.
(13) Par ex., C. trav., art. L. 1234-9 (N° Lexbase : L8135IAK) pour le calcul de l'indemnité de licenciement.
(14) Par ex., C. trav., art. L. 3121-9 (N° Lexbase : L6904K9L) en matière d'astreintes.
(15) Cass. soc., 9 janvier 2013, n° 11-22.119, préc..
(16) Cass. soc., 14 septembre 2016, n° 15-15.944, FS-P+B (N° Lexbase : A2419R3Y).

Décision

Cass. soc., 21 septembre 2016, n° 14-30.056, FS-P+B (N° Lexbase : A0136R4S).

Rejet (CA Aix-en-Provence, 30 octobre 2014, n° 13/06502 N° Lexbase : A3465MZD).

Mots-clés : résiliation judiciaire ; date de la rupture ; salarié au service de l'employeur.

Liens base : (N° Lexbase : E2954E48).

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Contrôle fiscal

[Jurisprudence] Non-imputation des déficits et réductions d'impôts pour l'établissement de l'IR en cas d'application de certaines pénalités fiscales

Réf. : Cons. const., 16 septembre 2016, n° 2016-564 QPC (N° Lexbase : A2487R3I)

Lecture: 10 min

N4601BWC

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par Franck Laffaille, Professeur de droit public, Faculté de droit (CERAP) - Université de Paris XIII (Sorbonne/Paris/Cité)

Le 06 Octobre 2016

Dans sa décision du 16 septembre 2016, les Sages de la rue de Montpensier estiment constitutionnelles les dispositions législatives neutralisant les déficits et réductions d'impôts en cas de manquements graves conduisant à l'application de certaines pénalités fiscales (Cons. const., 16 septembre 2016, n° 2016-564 QPC). Etait soumis au tamis jurisprudentiel du Conseil constitutionnel le 1 de l'article 1731 bis du CGI (N° Lexbase : L4749I7Z) tel que visé dans sa rédaction issue de la loi du 14 mars 2012 (loi n° 2012-354 du 14 mars 2012, de finances rectificative pour 2012 N° Lexbase : L4518IS7) : "Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu, les revenus mentionnés aux I et I bis de l'article 156 (N° Lexbase : L6600K8X) et les réductions d'impôts ne peuvent s'imputer sur les rehaussements et droits donnant lieu à l'application de l'une des majorations prévues aux b et c du 1 de l'article 1728 (N° Lexbase : L9544IY7), à l'article 1729 (N° Lexbase : L4733ICB) et au a de l'article 1732 (N° Lexbase : L1722HN4)". Au cas présent, le requérant a subi une taxation d'office à l'impôt sur le revenu au titre des années 2011 et 2012 : il avait omis de déposer ses déclarations d'impôt sur le revenu dans les délais exigés et n'avait point accompli cette obligation dans les 30 jours suivants la réception de l'attendue mise en demeure. Une majoration de 40 % avait été appliquée sur le fondement du b du 1 de l'article 1728 du CGI ; l'article 1731 bis du CGI lui avait encore été appliqué s'agissant des revenus perçus durant l'année 2012. Le requérant ayant connu des déficits catégoriels, l'activation du 1 de l'article 1731 bis du CGI a engendré une imposition supplémentaire non négligeable à laquelle a été appliquée une majoration de 40 %.

Ayant saisi le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, l'intéressé a posé la présente QPC aux fins de contester la régularité constitutionnelle de l'article 1731 bis (TA Cergy-Pontoise, 14 mars 2016, n° 1503572 N° Lexbase : A5797RTU). Pour le requérant mécontent de son sort fiscal, de telles dispositions instituent une sanction portant atteinte au principe de proportionnalité des peines (car celle-ci n'est pas corrélée au manquement sanctionné mais aux déficits ou réductions d'impôt), au principe d'individualisation des peines (car celle-ci n'est pas reliée directement au comportement du contribuable), et au principe d'égalité devant la loi (car celle-ci s'applique au seul contribuable disposant de déficits ou réductions d'impôt). Le Conseil constitutionnel ne censure pas les dispositions contestées. Pour appréhender en peu de mots cette décision, il convient de cogiter sur les règles de calcul des droits et pénalités en cas d'infraction fiscale constitutive d'un manquement grave (I), sur la notion de sanction ayant le caractère d'une punition (II), et sur la non-violation des articles 8 (N° Lexbase : L1372A9P) et 6 (N° Lexbase : L1370A9M) e la DDHC (III).

I - Les règles de calcul des droits et pénalités en cas d'infraction fiscale constitutive d'un manquement grave

Tout commence par une sanction, a fortiori si elle présente le caractère d'une punition. Selon l'article 1731 bis, les déficits catégoriels ou globaux en matière d'IR visés aux § I et I bis de l'article 156 du CGI et l'ensemble des réductions d'IR ne sont pas imputables sur les rehaussements et droits dans les hypothèses suivantes :

- majoration de 40 % pour absence de déclaration ou d'indication des éléments à retenir dans les 30 jours suivant la réception d'une mise en demeure (b du 11 de l'article 1728 du CGI) ;

- majoration de 80 % pour exercice d'une activité occulte (c du 1 de l'article 1728 du CGI) ;

- majorations de 40 ou 80 % pour insuffisance de déclaration en cas de manquement délibéré, abus de droit ou manoeuvres frauduleuses (article 1729 du CGI) ;

- majoration de 100 % en présence d'une procédure d'évaluation d'office mise en oeuvre en cas d'opposition à contrôle fiscal (a de l'article 1732 du CGI).

L'application de l'article 1731 bis du CGI empêche l'imputation de tout déficit ou toute réduction d'impôt sur le rehaussement ou la cotisation supplémentaire ; telle est la conséquence de l'application de pénalités à l'imposition supplémentaire. Quant au 2 de l'article 1731 bis, il conduit à la neutralisation des avantages susceptibles de s'imputer sur l'ISF dès lors que les droits dus au titre de l'ISF sont frappés des mêmes pénalités.

II - La notion de sanction ayant le caractère d'une punition

Arrêtons nous un temps sur la notion de sanction et de punition, et ce avant même de se tourner vers la Déclaration de 1789, notamment son article 8. Car les principes issus de cet article 8 de la DDHC (principe de légalité des délits et des peines, principe de proportionnalité, principe de non rétroactivité, principe de proportionnalité, principe d'individualisation des peines) ont vocation à s'appliquer à "toute sanction ayant le caractère d'une punition". En d'autres termes, toute sanction ne mérite pas la qualité de punition ; et pour déterminer si une sanction relève de la catégorie punition, il convient de se tourner vers l'intention du législateur en sa finalité répressive. Est une sanction ayant le caractère de punition toute mesure répressive, qu'elle relève du champ pénal, administratif, civil ou encore disciplinaire. Certaines majorations et amendes fiscales constituent des sanctions présentant le caractère de punitions, à l'instar :

- des majorations de 40 % et 80 % pour insuffisance de déclaration (article 1729 du CGI) ;

- de la majoration de 40 % pour absence de déclaration après mise en demeure (article 1728 du CGI) ;

- des majorations égales à 100 % de l'impôt éludé ou acquitté avec retard de l'amende fiscale pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger (article 1736 du CGI).

Dans la présente QPC, le Conseil constitutionnel souligne l'intention du législateur pour opérer le lien entre punition et sanction. Les dispositions frappent le contribuable disposant de déficits ou bénéficiant de réduction d'impôt ; elles l'empêchent d'utiliser ou de faire valoir ces derniers pour diminuer l'impôt et les pénalités subies. Ce faisant, le législateur a voulu "conférer une effectivité renforcée à la répression des manquements" évoqués en amont. En instituant une telle sanction synonyme de punition, il n'a rien fait d'autre que de donner sens à un objectif de valeur constitutionnelle : la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales. Les pénalités instituées privent certes le contribuable de certains droits par dérogation aux règles de droit commun, constate le juge constitutionnel. Mais ce dernier ajoute aussitôt : "La sanction instituée par les dispositions contestées s'applique uniquement lorsque sont encourues les pénalités qui répriment les manquements particulièrement graves". Sans l'indiquer dans la décision (cf. le commentaire), le Conseil constitutionnel se réfère aux intentions du législateur, donc aux travaux préparatoires de la loi de finances rectificatives pour 2012 : l'exposé de l'amendement "Censi" à l'Assemblée nationale révèle combien l'objectif est de "compléter les sanctions résultant d'infractions constitutives de manquements graves". N'est-il pas révélateur que l'assiette des pénalités fiscales en cas de manquement grave soit l'assiette brute ? La dimension éminemment répressive du mécanisme institué en 2012 apparaît aussi à l'aune des modifications législatives réalisées ultérieurement. Le 2 de l'article 1731 bis a en effet été modifié par l'article 60 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 dont l'intitulé ne trompe pas : lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (N° Lexbase : L6136IYW) (application à la majoration de 40 % de l'ISF dû en présence d'avoirs à l'étranger non déclarés). La volonté de renforcer l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale s'entrevoit encore dans la modification du 1 de l'article 1731 bis par l'article 100 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 (N° Lexbase : L2844I7H) (cf. les majorations de 40 % applicables en cas d'imposition de revenus transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger via des contrats ou comptes non déclarés ; cf. les majorations de 80 % applicables en cas d'imposition d'éléments du train de vie).

III - La non violation des articles 8 et 6 de la DDHC

L'article 8 de la DDHC dispose : "La loi ne peut établir que des peines strictement et évidement nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée". A peine le Conseil constitutionnel a-t-il rappelé cette disposition qu'il ajoute aussitôt la formule emblématique lui permettant, quand il le souhaite, de faire oeuvre d'auto-limitation : "L'article 61-1 (N° Lexbase : L5160IBQ) de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement". Armé de ce truisme (oui, le Conseil n'est pas le Parlement et oui, il n'accomplit pas d'identiques tâches), il se penche sur les dispositions contestées pour les jauger au regard du principe de proportionnalité. Au juge, il incombe de vérifier l'absence de disproportion manifeste entre l'infraction et la peine encourue. En effet, il exerce seulement un contrôle de l'erreur manifeste lorsqu'il analyse l'adéquation de la sanction à l'infraction ; en d'autres termes, censure il y a seulement si le législateur a eu recours au feu nucléaire pour endiguer une épidémie de dengue. Dans le cadre de son appréciation de la proportionnalité d'une sanction fiscale, le juge regarde si celle-ci, au regard tant de l'assiette que du taux, n'est manifestement pas disproportionnée par rapport aux faits reprochés. Dans la présente QPC, le Conseil va se contenter d'opérer un lien (sans argumenter pour autant) entre la teneur des dispositions législatives déférées et la volonté du législateur. Puisque le législateur a voulu lutter contre la fraude et l'évasion fiscales...puisqu'il a entendu, avec la sanction instituée ayant le caractère de punition, poursuivre cette lutte qui revêt la qualité d'"objectif de valeur constitutionnelle"... puisque la sanction visée s'applique uniquement en présence de pénalités qui répriment des "manquements particulièrement graves"... donc (sic) les pénalités prononcées sur le fondement des b et c du 1 de l'article 1728, de l'article 1729 et du a de l'article 1732 du CGI sont proportionnées aux manquements réprimés.

A l'aune d'un tel raisonnement, il est loisible de se demander si le contrôle de proportionnalité possède encore quelque substance et quelque vertu. Il semble suffire que le législateur entende lutter contre la fraude et l'évasion fiscales, qu'il entende réprimer des "manquements particulièrement graves" pour que le contrôle du juge se réduise à l'instar d'une peau de chagrin. Quid d'ailleurs de la notion de gravité, appliquée aux fameux manquements ? La fraude et l'évasion fiscales étant par définition et essence des "manquements particulièrement graves", le contrôle de proportionnalité se dilue devant la volonté répressive du législateur fiscal/pénal.

Second principe issu de l'article 8 de la DDHC de 1789 : le principe d'individualisation des peines. Selon le Conseil, il n'est pas porté atteinte à un tel principe. Tout d'abord, il est constaté que les dispositions législatives contestées ont pour finalité d'assurer "l'effectivité des pénalités" mentionnées en amont : plus précisément, elles permettent de faire obstacle "à ce qu'un contribuable échappe, de fait, au moyen des déficits et réductions d'impôt dont il dispose ou bénéficie, aux sanctions prévues par le législateur pour les manquements réprimés". Certes, mais point d'argumentation substantielle là encore ; que le législateur fiscal/pénal entend réprimer relève de l'évidence, tout comme relève de l'évidence que sa production normative a pour objectif de permettre "l'effectivité des pénalités". Mais quant à l'éventuelle argumentation susceptible de démontrer en quoi telle ou telle disposition législative ne porte pas (effectivement, concrètement) au principe d'individualisation des peines, elle n'existe pas. Le Conseil constitutionnel se contente de rappeler que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, soit de maintenir la pénalité, soit d'en dispenser le contribuable s'il n'a pas commis les manquements réprimés. Bref, les dispositions contestées sont constitutionnelles et il n'est pas porté atteinte au principe d'individualisation des peines parce qu'il existe en France un juge de l'impôt qui exerce un contrôle plein et entier sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration ! Raccourci jurisprudentiel surréaliste ! A pousser jusqu'à son acmé le raisonnement du Conseil, on se demande jusqu'à quel point un contrôle de la constitutionnalité des lois fiscales/pénales a raison d'être puisque la France est un Etat de droit au sein duquel officie un juge de l'impôt.

Ultime norme du bloc de constitutionnalité invoquée par le requérant, l'article 6 de la DDHC, à savoir le principe d'égalité devant la loi. Le grief tiré de la violation de ce principe est rapidement écarté par le juge sur le fondement, en premier lieu de la non-identité de situation. Les contribuables susceptibles de subir les peines prévues aux b et c du 1 de l'article 1728, à l'article 1729 et au a de l'article 1732 "ne sont pas placés dans une même situation selon qu'ils disposent ou non de déficits ou qu'ils bénéficient ou non de réductions d'impôts". Rien à redire à cette lecture littérale de ces dispositions législatives ; reste qu'il s'agit, là encore, d'un constat qui ne saurait en rien relever de l'argumentaire et de la démonstration. A l'aune d'un tel constat (et en poussant jusqu'à l'absurde ce type de raisonnement) l'existence de situations non identiques implique systématiquement la non violation du principe d'égalité devant la loi.

Second élément retenu par le juge pour écarter le grief tiré de la violation du principe d'égalité devant la loi : le couple "différence de traitement/rapport direct avec l'objet de la loi". La différence de traitement instituée, qui résulte de l'application des dispositions législatives déférées, est "en rapport direct avec l'objet de la loi, qui confère une effectivité renforcée à la répression aux manquements visés". Puisque la loi institue une différence de traitement afin de réprimer plus sévèrement et plus effectivement les manquements constatés, l'article 6 de la DDHC s'en trouve respecté. Là encore, le raisonnement robotique du Conseil constitutionnel surprend. La trilogie "différence de traitement/rapport direct avec l'objet de la loi/effectivité renforcée à la répression" ne représente rien d'autre qu'un facile outil herméneutique permettant au juge d'objectiviser son raisonnement afin de compenser l'absence d'arguments.

Il est salutaire de faire lire aux étudiants les décisions du Conseil constitutionnel. Cela permet de leur montrer concrètement combien truismes et paralogismes représentent les socles herméneutiques d'une juridiction qui devrait être, à l'instar du Tribunal constitutionnel allemand ou de la Cour constitutionnelle italienne, une authentique cour suprême. Non pas seulement par le nom et les attributions, mais aussi et surtout par la capacité réflexive et pédagogique.

newsid:454601

Discrimination et harcèlement

[Brèves] Fausses accusations de harcèlement moral : précisions sur les infractions de diffamation et de dénonciation calomnieuse

Réf. : Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-21.823, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2309R4B)

Lecture: 2 min

N4539BWZ

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Le 06 Octobre 2016

Le salarié qui, de bonne foi, dénonce des faits de harcèlement moral, ne peut être poursuivi pour diffamation ; toutefois, lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue. Telle est la solution dégagée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 21 septembre 2016 (Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-21.823, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2309R4B).
En l'espèce, une salariée soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de deux autres salariés. Elle a envoyé au directeur des ressources humaines de la société, une lettre dénonçant ces faits, dont elle a adressé une copie au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et à l'inspecteur du travail.
Les autres salariés et la société, estimant que les propos contenus dans cette lettre étaient diffamatoires à leur égard, ont assigné la salariée, sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 (N° Lexbase : L7589AIW), pour obtenir réparation de leurs préjudices. La cour d'appel (CA Paris, 8 janvier 2014, n° 12/20090 N° Lexbase : A2795MKQ) leur donne raison au motif que, si les articles L. 1152-1 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L0724H9P) ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n'édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d'un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l'honneur ou à la considération des personnes qu'elles visent. La salariée se pourvoi en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel en ce qu'il dit que les propos écrits par la salariée sont diffamatoires à l'égard des autres salariés. Elle vise les articles L. 1152-2 (N° Lexbase : L8841ITM), L. 4131-1, alinéa 1er (N° Lexbase : L1463H93), du Code du travail et 122-4 du Code pénal (N° Lexbase : L7158ALP), ensemble les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et estime qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0257E7N).

newsid:454539

Entreprises en difficulté

[Brèves] Banqueroute : inconstitutionnalité de l'interdiction faite au juge pénal de prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer lorsqu'une juridiction civile ou commerciale a déjà prononcé une telle mesure

Réf. : Cons. const., décision n° 2016-573 QPC, du 29 septembre 2016 (N° Lexbase : A7364R4I)

Lecture: 2 min

N4615BWT

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Le 06 Octobre 2016

L'article L. 654-6 du Code de commerce (N° Lexbase : L3511ICZ), qui interdit au juge pénal, lorsque ce dernier condamne un prévenu pour banqueroute, de prononcer la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer lorsqu'une juridiction civile ou commerciale a déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits, est contraire à la Constitution. Tel est l'apport d'une décision du Conseil constitutionnel du 29 septembre 2016 (Cons. const., décision n° 2016-573 QPC, du 29 septembre 2016 N° Lexbase : A7364R4I) qui avait été saisi d'une QPC par la Cour de cassation (Cass. crim., 28 juin 2016, n° 16-90.010, FS-D N° Lexbase : A2004RW7). Il estime, en effet, qu'une personne en redressement ou liquidation judiciaire devant le juge civil ou commercial et poursuivie pour banqueroute devant le juge pénal peut ainsi faire l'objet deux fois d'une mesure de faillite personnelle ou deux fois d'une mesure d'interdiction de gérer si le juge pénal se prononce avant la décision définitive du juge civil ou commercial. A l'inverse, la même personne ne peut faire l'objet qu'une seule fois de telles mesures si le juge civil ou commercial a définitivement statué au moment où le juge pénal se prononce. Cette différence de traitement n'est justifiée ni par une différence de situation, ni par un motif d'intérêt général. En conséquence, l'article L. 654-6 du Code de commerce, qui méconnaît le principe d'égalité devant la loi, doit être déclaré contraire à la Constitution. En revanche, le Conseil retient que le 2° de l'article L. 654-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3433IC7) et les mots "ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale" figurant au 2° de l'article L. 654-5 du même code (N° Lexbase : L2532IBE), qui ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent lui être déclarés conformes (cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E9057EP7).

newsid:454615

Expropriation

[Chronique] Chronique de droit de l'expropriation - Octobre 2016

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-18.509, F-D (N° Lexbase : A2450R37) ; CE 2° et 7° ch.-r., 11 juillet 2016, n° 389936 (N° Lexbase : A9883RWX) ; CE 1° et 6° ch.-r., 6 juillet 2016, n° 371034 (N° Lexbase : A6112RWB)

Lecture: 10 min

N4540BW3

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par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE), Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition publique

Le 06 Octobre 2016

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité de droit de l'expropriation rédigée par Pierre Tifine, Professeur à l'Université de Lorraine et directeur adjoint de l'Institut de recherches sur l'évolution de la Nation et de l'Etat (IRENEE). La présente chronique revient d'abord sur la question du droit de rétrocession qui peut, dans certains cas, être exercé avant l'expiration du délai de cinq ans visé par l'article L. 12-6 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L2915HLK) (Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-18.509, F-D). Sont ensuite abordés deux arrêts du Conseil d'Etat qui apportent de nouveaux éclaircissements sur l'appréciation sommaire des dépenses qui doit figurer au dossier d'enquête publique d'une opération d'aménagement (CE 2° et 7° ch.-r., 11 juillet 2016, n° 389936, mentionné aux tables du recueil Lebon) et sur le contrôle de la nécessité de l'opération visée par la déclaration d'utilité publique (CE 1° et 6° ch.-r., 6 juillet 2016, n° 371034, mentionné aux tables du recueil Lebon).
  • L'exercice du droit de rétrocession avant l'expiration du délai fixé par l'article L. 12-6 du Code de l'expropriation (Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-18.509, F-D N° Lexbase : A2450R37)

La question de l'exercice du droit de rétrocession continue d'alimenter une jurisprudence déjà foisonnante. Dans la présente affaire, la société X avait cédé les 28 et 29 juin 2005 des parcelles lui appartenant au Syndicat mixte des transports pour le Rhône et l'agglomération lyonnaise (SYTRAL) en vue de la réalisation d'un projet de construction d'une ligne de tramway et d'un parc relais. Alléguant qu'une partie des terrains n'avait pas reçu la destination prévue, la SCI en avait sollicité la rétrocession. Toutefois, dans un arrêt du 17 mars 2015, la cour d'appel de Lyon avait considéré que cette demande était prématurée, dès lors qu'elle avait été formulée avant l'expiration du délai de cinq ans visé par l'article L. 12-6, alinéa 1er, du Code de l'expropriation, devenu l'article L. 421-1 de ce code (N° Lexbase : L8022I4U). On rappellera qu'en application de ces dispositions, "si les immeubles expropriés en application du présent code n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique".

En application d'une jurisprudence constante, si les terrains ont reçu la destination prévue par la déclaration d'utilité publique, les propriétaires n'ont pas la possibilité d'en demander la rétrocession (1). Ainsi, par exemple, il a été jugé que la réalisation de travaux de viabilisation et de construction d'un parc justifie la destination prévue par une déclaration d'utilité publique prononcée en vue d'aménager une zone d'aménagement concertée, alors même qu'elle ne précise pas les affectations à réaliser dans ce secteur (2).

En principe, également, la rétrocession n'est possible qu'à l'expiration du délai de cinq ans qui court à compter de la date de l'ordonnance d'expropriation. Une exception est prévue, toutefois, lorsque la destination donnée à l'immeuble ne peut être modifiée. Dans un tel cas, le droit de rétrocession est acquis même si le délai de cinq ans n'est pas expiré au jour de l'acte introductif d'instance. Cette exception a vocation à s'appliquer, par exemple, dans une hypothèse où la déclaration d'utilité publique a été prise en vue de la réalisation d'un programme de logements locatifs, dès lors que ces logements ont été vendus dans le cadre d'une opération d'accession à la propriété (3).

Au regard de cette jurisprudence, toute demande de rétrocession formulée avant l'expiration du délai de cinq ans de l'article L. 12-6 du Code de l'expropriation n'est donc pas nécessairement prématurée. En conséquence, l'arrêt contesté qui avait jugé la demande faite par l'exproprié prématurée doit être cassé, faute pour les juges du fond d'avoir recherché si la destination donnée aux parcelles concernées avait été ou non modifiée.

  • Des précisions relatives à l'appréciation sommaire des dépenses d'une opération d'aménagement (CE 2° et 7° ch.-r., 11 juillet 2016, n° 389936, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9883RWX)

Dans son arrêt n° 389936 du 11 juillet 2016, le Conseil d'Etat met un terme aux incertitudes concernant la façon dont les juges doivent appréhender l'appréciation sommaire des dépenses d'une opération d'aménagement.

A la demande de l'association requérante, le tribunal administratif de Melun avait annulé un arrêté préfectoral déclarant d'utilité publique les travaux et acquisitions foncières nécessaires à la réalisation d'une zone d'aménagement concerté (ZAC) sur le territoire de la commune de Saint-Thibault-des-Vignes. Les juges avaient retenu le moyen soulevé par la requérante qui soutenait que l'appréciation sommaire des dépenses devant figurer au dossier d'enquête publique, en application de l'article R. 11-3 du Code de l'expropriation (N° Lexbase : L3015HLA), devait mentionner non seulement les dépenses supportées par l'autorité expropriante mais également celles se rapportant aux différents éléments faisant partie du projet d'ensemble de la ZAC. Les premiers juges avaient ainsi considéré que les dépenses liées à l'opération étaient sous-évaluées, dès lors que n'apparaissait pas le coût des quatre cents logements qui devaient être construits dans ce cadre.

La cour administrative d'appel de Paris, dans un arrêt du 2 mars 2015, avait ensuite censuré ce raisonnement au motif que "pour l'appréciation de l'utilité publique doivent seules être prises en compte les dépenses correspondant à l'acquisition et à l'équipement des terrains (ou travaux d'infrastructures) destinés ensuite à accueillir les constructions (ou travaux de superstructures) faisant l'objet du programme de la zone d'aménagement concerté, qu'il s'agisse de bâtiments édifiés par des promoteurs privés, tels qu'en l'espèce les logements, les locaux d'activités et la résidence-services pour personnes âgées, ou d'équipements collectifs réalisés par une collectivité publique, en l'espèce l'extension du centre culturel, la création d'un cimetière et la création de locaux techniques municipaux, pour lesquels la commune est maître d'ouvrage" (4). La cour avait en conséquence considéré que le tribunal avait pris en compte des dépenses qui n'ont pas à figurer dans l'évaluation sommaire du dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique.

Si comme, on le verra, le Conseil d'Etat va valider le raisonnement de la cour, il décide toutefois de casser la décision rendue en raison de l'application erronée faite par elle de la théorie du bilan inaugurée par le célèbre arrêt "Ville Nouvelle-est" (5). En effet, les juges relèvent que la cour, "après avoir énoncé que l'expropriation envisagée n'avait pas pour seule finalité la satisfaction d'intérêts privés, s'est bornée à énoncer que le préfet n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'opération présentait un intérêt public justifiant les atteintes portées à l'environnement et à la propriété privée". Or, l'application de la théorie du bilan suppose que soient effectivement confrontés les avantages et inconvénients présentés par l'opération litigieuse, le juge devant vérifier si "les atteintes alléguées aux intérêts publics et privés n'étaient pas excessifs au regard de l'intérêt de l'opération". La cour avait ainsi commis une erreur de droit qui est censurée par la juridiction administrative suprême.

Faisant usage de son pouvoir de régler au fond l'affaire (6), le Conseil d'Etat va clarifier la question de la consistance de l'appréciation sommaire des dépenses devant figurer dans le dossier d'enquête publique concernant la création d'une ZAC. Les juges précisent d'abord que "l'appréciation sommaire des dépenses doit inclure les dépenses nécessaires à l'aménagement et à l'équipement des terrains et, le cas échéant, le coût de leur acquisition". En revanche, contrairement à ce qui avait été jugé par le tribunal administratif de Melun, ils considèrent que "les dépenses relatives aux ouvrages qui seront ultérieurement construits dans le périmètre de la zone n'ont pas à être incluses". En l'espèce, le programme de la ZAC prévoit que, sur une période d'environ dix années, l'aménageur fera réaliser par des entrepreneurs privés la construction de logements neufs, d'une résidence pour personnes âgées et de locaux d'activité. Il sera en outre procédé à l'extension du centre culturel et de locaux techniques communaux ainsi qu'à la création d'un cimetière. Les juges considèrent que les dépenses afférentes à ces constructions n'avaient pas à être incluses dans l'estimation sommaire des dépenses jointe au dossier d'enquête publique.

Cette solution confirme la jurisprudence antérieure dont il résulte que seules les acquisitions foncières menées en vue de la réalisation de l'opération déclarée d'utilité publique doivent être comptabilisées pour le calcul de l'estimation sommaire des dépenses figurant dans le dossier d'enquête publique (7). En d'autres termes, seules les dépenses nécessairement impliquées par l'opération d'aménagement devront être prises en compte, à l'exclusion de celles -qui ne sont pas à la charge de l'aménageur- liées aux constructions qui seront en principe construites dans la phase de commercialisation de l'opération.

  • Le Conseil d'Etat prône une approche restreinte du contrôle de la nécessité de l'opération faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique (CE 1° et 6° ch.-r., 6 juillet 2016, n° 371034, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6112RWB)

A l'occasion de l'arrêt n° 371034 du 6 juillet 2016, le Conseil d'Etat vient préciser la méthodologie du contrôle des déclarations d'utilité publique, telle que celle-ci avait été définie dans son arrêt "Commune de Levallois-Perret" du 19 octobre 2012 (8). Dans cet arrêt le Conseil d'Etat avait considéré que, lorsqu'il est amené à se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, le juge de l'excès de pouvoir devait contrôler successivement trois points : que l'opération répond à une finalité d'intérêt général ; que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation ; et que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente. En clarifiant la méthodologie du contrôle des déclarations d'utilité publique, le Conseil d'Etat mettait un terme à une certaine confusion qui avait parfois conduit les juges à intégrer la problématique de la nécessité de l'opération dans l'appréciation du bilan de l'opération projetée (9). Or, comme l'avait précisé le Conseil d'Etat, la question de la nécessité de l'opération "est préalable et distincte de celle du caractère excessif, eu égard à l'intérêt que présente cette opération, des atteintes portées à la propriété privée, des inconvénients de l'opération ou de son coût financier" (10).

C'est le caractère autonome et décalé du contrôle de la nécessité de l'opération qui est rappelé dans la présente affaire. Surtout, le Conseil d'Etat précise les modalités selon lesquelles ce contrôle doit s'opérer. Il estime qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, "s'il est saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l'expropriation, que l'inclusion d'une parcelle déterminée dans le périmètre d'expropriation n'est pas sans rapport avec l'opération déclarée d'utilité publique".

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Versailles avait considéré qu'était illégale la déclaration d'utilité publique d'un projet de zone d'aménagement concerté qui incluait, dans le périmètre délimitant les immeubles susceptibles d'expropriation, une parcelle sur laquelle était édifié l'immeuble commercial. Plus précisément, les juges avaient estimé que l'opération d'aménagement du centre ville d'Achères pouvait être réalisée de façon équivalente sans expropriation de cette parcelle, dès lors que l'immeuble à vocation commerciale qui y est implanté ne porte pas atteinte aux objectifs de la zone d'aménagement concerté. Or, conformément à la méthodologie de contrôle des déclarations d'utilité publique décrite dans l'arrêt "Commune de Levallois-Perret", la cour aurait dû se borner à s'assurer que l'inclusion de cette parcelle dans le périmètre de l'expropriation n'était pas sans rapport avec l'opération d'aménagement déclarée d'utilité publique. Elle ne pouvait, en revanche, rechercher dans le cadre du contrôle de la nécessité de l'opération si les objectifs de la zone d'aménagement concerté pouvaient être atteints dans le cadre d'un projet ne comprenant pas cette parcelle. En d'autres termes, la seule question que les juges peuvent se poser consiste à déterminer si l'expropriation d'une parcelle déterminée a bien un lien avec l'opération projetée, sans qu'ils aient à s'interroger sur la conformité de l'affectation initiale de cette parcelle aux objectifs poursuivis par l'expropriation.

Cette solution s'inscrit dans la droite ligne d'une jurisprudence qui est dans l'ensemble bien peu favorable aux droits des propriétaires, et cela particulièrement parce que les juges prennent garde à ce que le contrôle de la nécessité de l'opération ne dérive pas vers un contrôle de son opportunité et qu'ils considèrent que l'expropriation constitue le plus sûr moyen permettant à l'administration de mener à bien ses projets.

Certes, les juges vérifient qu'il n'existe pas de solutions alternatives à l'expropriation permettant de réaliser l'opération projetée dans des "conditions équivalentes" (11). Toutefois, les annulations à ce titre demeurent très rares (12). A titre d'exemple, il a été jugé que le fait qu'une commune dispose de terrains pour réaliser un parking ne retire pas à l'opération son caractère d'utilité publique "dès lors que leur situation par rapport au centre-ville est différente de celle des terrains expropriés" (13).

En réalité, l'annulation de la déclaration d'utilité publique pour absence de nécessité concerne avant tout deux types d'hypothèses. La première concerne justement les opérations d'aménagement, dans le cas où il apparaît possible d'utiliser des surfaces déjà existantes. Tel était le cas, par exemple, dans une affaire où il était question d'un projet de construction d'une zone d'aménagement concerté qui n'a pas été jugée nécessaire du fait de l'existence, à proximité des parcelles qui devaient être utilisées, de deux autres zones du même type pouvant être utilisées par les entreprises intéressées (14). La seconde hypothèse, qui se présente plus fréquemment, est celle du surdimensionnement du périmètre de la déclaration d'utilité publique. En d'autres termes, l'emprise ne doit pas porter sur une superficie trop importante au regard des ouvrages qui doivent être construits. Ainsi, par exemple, le Conseil d'Etat a eu l'occasion d'annuler un arrêté déclarant cessibles des parcelles d'une superficie totale de 85867 m², alors que les équipements qui devaient être construits avaient une surface totale de 8752 m² (15). En revanche, comme le précise le Conseil d'Etat dans la présente affaire, le fait que l'affectation de la parcelle visée par la déclaration d'utilité publique serait conforme aux objectifs de l'opération projetée ne doit pas être pris en compte.


(1) CE, 31 janvier 1958, Gaidelin, Rec. p. 57.
(2) Cass. civ. 3, 12 novembre 2003, n° 02-14.502, F-D (N° Lexbase : A1352DAC), AJDI, 2004, p. 302, obs. C. Morel.
(3) Cass. civ. 3, 19 février 1992, n° 90-12.652 (N° Lexbase : A5075AHG), Bull. civ. III, n° 48, AJPI, 1992. 785, obs. C.M.
(4) CAA Paris, 1ère ch., 2 mars 2015, n° 13PA03637 (N° Lexbase : A4377NQ8).
(5) Rec. p. 409, concl. G. Braibant, D., 1972, jurispr. p. 194, note J. Lemasurier, RDP, 1972, p. 454, note M. Waline, AJDA, 1971, p. 404, chron. D. Labetoulle et L. Cabanes, concl. G. Braibant, Rev. adm., 1971, p. 422, concl. G. Braibant, JCP, 1971, II, 16873, note A. Homont, CJEG, 1972, p. 35, note J. Virole.
(6) CJA, art. L. 821-2 (N° Lexbase : L3298ALQ).
(7) CE, 19 octobre 2012, n° 343070 (N° Lexbase : A7055IUT), Constr.-Urb., 2012, comm. 174, note L. Santoni, Dr. rur. 2013, comm. 22, nos obs., JCP éd. A, 2012, act. 718, obs. C.-A Dubreuil.
(8) CE 6° et 1° s-s-r., 19 octobre 2012, n° 343070 (N° Lexbase : A7055IUT), Constr.-Urb., 2012, comm. 174, note L. Santoni, JCP éd. A, 2012, act. 718, obs. C.-A. Dubreuil.
(9) Voir dans ce sens, CE, 28 décembre 2009, n° 311831 (N° Lexbase : A0359EQD). Voir également CAA Nancy, 30 octobre 2008, n° 07NC01399 (N° Lexbase : A2911EBG), Millet, RD imm., 2009, p. 101, obs. R. Hostiou, LPA, 27 mai 2009, nos obs.
(10) CE, 5 mars 1997, n° 136687 (N° Lexbase : A8809ADM), Rec., p. 73, RD imm., 1997, p. 422, chron. Ch. Morel et M. Denis-Linton.
(11) CE, 26 novembre 1974, Epoux Thony et Epoux Hartmann-Six, Rec. tables, p. 1009.
(12) V. toutefois CE, 3 avril 1987, n° 64995 (N° Lexbase : A3311APC), Rec. p. 121, AJDA, 1987, p. 549, obs. Prétot ; CAA Douai, 26 mai 2005, n° 03DA01094 (N° Lexbase : A2738DKM) ; CAA Marseille, 19 décembre 2011, n° 09MA01995 (N° Lexbase : A5272IGD).
(13) CE, 7 février 1992, n° 92781 (N° Lexbase : A5509ARH). V. également CE, 5 mars 1997, n° 136687, préc. ; CE, 21 juin 1999, n° 178013 (N° Lexbase : A4899AXQ), RFDA, 1999, p. 1185, note R. Hostiou, Constr.-Urb. 1999, comm. 315, note Ch. Larralde, Collectivités-Intercommunalité, 1999, comm. 17, note L. Erstein, RD imm., 2000, p. 152, chron. C. Morel et F. Donnat ; CAA Marseille, 2 novembre 2015, n° 14MA00848, n° 14MA01000 (N° Lexbase : A8454NUN).
(14) CAA Lyon, 7 avril 2011, n° 09LY01040 (N° Lexbase : A7230HPH).
(15) CE, 21 mai 2008, n° 295609 (N° Lexbase : A7212D8M). Voir également CAA Nancy, 1er février 2007, n° 05NC01208 (N° Lexbase : A1958DU3).

newsid:454540

Fiscalité des particuliers

[Brèves] Système du quotient : cas du revenu global négatif, hors revenu différé

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 384465, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7332R4C)

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N4633BWI

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Le 13 Octobre 2016

S'il découle de la lettre même des dispositions de l'article 156 (N° Lexbase : L6600K8X) qu'un déficit global constaté au titre d'une année, avant prise en compte d'un éventuel revenu exceptionnel ou différé, ne peut être reporté sur les années suivantes que si le contribuable ne dispose pas, au titre de cette même année, de revenus, y compris exceptionnels ou différés, suffisants pour compenser ce déficit, de sorte qu'un déficit global "ordinaire" ne saurait donner lieu à report lorsque le contribuable a disposé de revenus exceptionnels ou différés d'un montant suffisant pour l'absorber, il ne s'en déduit nullement que, pour le calcul de l'impôt dû au titre de l'année de perception du revenu exceptionnel ou différé, il faille, en cas de revenu net global "ordinaire" négatif, déroger à la règle de calcul prévue par les dispositions de l'article 163-0 A (N° Lexbase : L2066IGM), en appliquant le système du quotient non au revenu exceptionnel ou différé net mais à ce même revenu réduit du montant du déficit global "ordinaire". Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 28 septembre 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 384465, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7332R4C). En l'espèce, le requérant a déclaré, en 2007, un revenu différé correspondant à un arriéré de droits à pensions assorti d'intérêts moratoires perçu au cours de l'année 2006, pour lequel il a demandé à bénéficier du mode d'imposition dit "du quotient" prévu à l'article 163-0 A du CGI, son revenu global, hors revenu différé, étant par ailleurs négatif. L'administration lui a alors refusé sa demande. Toutefois, la Haute juridiction a donné raison au contribuable. En effet, les juges suprêmes ont tout d'abord rappelé le principe selon lequel aux fins d'atténuer les effets de la progressivité de l'impôt sur le revenu en cas de perception par le contribuable d'un revenu exceptionnel ou différé, l'impôt dû au titre de l'année où ce revenu a été perçu est, si le contribuable en fait la demande, déterminé selon une méthode de calcul consistant à appliquer le barème progressif de l'impôt sur le revenu au revenu net global dit "ordinaire", c'est-à-dire hors prise en compte du revenu exceptionnel, calculé conformément aux dispositions de l'article 156 du CGI, auquel est ajouté le quart du revenu exceptionnel ou différé net des charges catégorielles correspondantes, puis à appliquer à la différence entre les droits ainsi calculés et les droits qui résulteraient de l'application du barème au seul revenu net global "ordinaire" une multiplication par quatre, l'imposition due au titre de cette année étant le résultat de la somme du produit de cette multiplication et des droits calculés par application du barème au seul revenu net global "ordinaire". Ensuite, par la solution dégagée, le requérant a eu gain de cause .

newsid:454633

Licenciement

[Brèves] Nécessité d'une décision préalable du conseil d'administration pour le licenciement des dirigeants salariés des mutuelles

Réf. : Cass. soc., 28 septembre 2016, n° 15-13.499, FS-P+B (N° Lexbase : A7068R4K)

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N4567BW3

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Le 07 Octobre 2016

Le licenciement des dirigeants salariés des mutuelles ne peut être prononcé sans décision préalable du conseil d'administration. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 septembre 2016 (Cass. soc., 28 septembre 2016, n° 15-13.499, FS-P+B N° Lexbase : A7068R4K ; voir déjà Cass. soc., 12 juillet 2010, n° 08-45.633, FS-P+B N° Lexbase : A6754E4W).
En l'espèce, un salarié, engagé en qualité de directeur général d'une société mutualiste, est licencié. Il saisit la juridiction prud'homale pour contester son licenciement.
La cour d'appel (CA Toulouse, 19 décembre 2014, n° 13/01711 N° Lexbase : A4017M8B) juge que la lettre de licenciement a été signée par une personne en ayant le pouvoir. Elle retient qu'en application de l'article L. 114-19 du Code de la mutualité (N° Lexbase : L6182DK8), le conseil d'administration nomme et révoque les dirigeants salariés et que, par conséquent, le président d'une mutuelle ne peut engager une procédure de licenciement à l'encontre d'un directeur qu'après y avoir été autorisé par le conseil d'administration. En revanche, le conseil d'administration n'a pas à donner une nouvelle autorisation pour permettre au président de mener la procédure de licenciement jusqu'à son terme et d'adresser au directeur la lettre de licenciement. Le salarié se pourvoit en cassation.
En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse et annule l'arrêt rendu par la cour d'appel au visa de l'article L. 114-19, alinéa 1er, du Code de la mutualité alors en vigueur qui prévoit que dans les organismes nommant un ou plusieurs dirigeants salariés, le conseil d'administration nomme ceux-ci et fixe leur rémunération, que ces dirigeants assistent à chaque réunion du conseil d'administration et qu'ils sont révocables à tout moment par le conseil d'administration. En statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E2800ETU).

newsid:454567

Marchés publics

[Brèves] Marché public relatif à des livres : l'offre proposant un prix inférieur à 91 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur doit être déclarée inacceptable

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 400393, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7359R4C)

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N4580BWK

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Le 07 Octobre 2016

Dans le cadre d'un marché public relatif à des livres, le candidat a l'obligation de ne pas proposer un prix inférieur à 91 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur sous peine de voir déclarée son offre inacceptable. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 28 septembre 2016 (CE 2° et 7° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 400393, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A7359R4C). Il résulte des articles 1, 3 et 5 de la loi n° 81-766 du 10 août 1981, relative au prix du livre (N° Lexbase : L3886H3C), que le prix de vente aux collectivités territoriales, pour leurs besoins propres, excluant la revente, d'un livre, n'ayant pas le caractère d'un livre scolaire, édité ou importé depuis moins de deux ans et dont le dernier approvisionnement par le vendeur remonte à moins de six mois, ne peut être inférieur à 91 % du prix de vente au public fixé par l'éditeur. En l'espèce, le marché public portait sur la conception, impression et livraison de dictionnaires destinés aux collégiens. Or, la circonstance que les dictionnaires objets du marché en litige comportaient une première et une dernière page de couverture modifiée par rapport à la version du dictionnaire déjà vendue au public et huit pages supplémentaires personnalisées ne suffisait pas à les faire regarder comme des ouvrages distincts du dictionnaire destiné au public. Dès lors, une offre proposant un prix inférieur à 91 % du prix de vente au public de ce dictionnaire, dont il n'est pas contesté qu'il n'avait pas la qualité de livre scolaire, devait être rejetée comme inacceptable (cf. l’Ouvrage "Marchés publics" N° Lexbase : E7002E99).

newsid:454580

Entreprises en difficulté

[Brèves] SNC : recevabilité de l'action du liquidateur judiciaire contre les associés en fixation de leur contribution aux pertes sociales

Réf. : Cass. com., 27 septembre 2016, n° 15-13.348, F-P+B (N° Lexbase : A7279R4D)

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N4558BWQ

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Le 06 Octobre 2016

Le liquidateur judiciaire est recevable à agir, sur le fondement de l'article 1832 du Code civil (N° Lexbase : L2001ABQ), contre les associés d'une société en nom collectif en fixation de leur contribution aux pertes sociales. Tel l'un des enseignement d'un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 septembre 2016 (Cass. com., 27 septembre 2016, n° 15-13.348, F-P+B N° Lexbase : A7279R4D). En l'espèce, une SNC ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 18 mars et 31 août 2010, le liquidateur a assigné les deux associés de celle-ci pour voir fixer leur contribution aux pertes sociales. La cour d'appel ayant déclaré le liquidateur recevable à agir et ayant condamné les associés à payer solidairement à celui-ci une certaine somme, ils ont formé un pourvoi en cassation. Tout d'abord, ils soutenaient que la clôture de la liquidation judiciaire doit intervenir dans un délai fixé par le tribunal dans le jugement prononçant la liquidation, délai qui ne peut être prorogé que par une décision motivée, de sorte qu'à l'issue de ce délai, si aucune demande de prorogation n'a été formulée, la mission du liquidateur judiciaire doit être considérée comme achevée. Or, la date de clôture de la procédure avait été fixée au 31 août 2013. Ainsi, à défaut pour le mandataire liquidateur d'avoir demandé et obtenu judiciairement une prolongation du délai, sa mission devait être considérée comme terminée. La Cour de cassation rejette cette argumentation et approuve sur ce point la cour d'appel, retenant que l'absence de prorogation du délai fixé en application de l'article L. 643-9, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L7337IZR), au terme duquel la clôture de la liquidation judiciaire doit être examinée, ne met pas fin de plein droit à cette procédure. En outre, les demandeurs au pourvoi faisaient valoir que les associés d'une SNC demeurent tenus personnellement à l'égard des créanciers sociaux même en cas de procédure collective de cette société. Dès lors, le liquidateur judiciaire n'a pas qualité pour exercer l'action ouverte par l'article L. 221-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L1584K7S) à chacun des créanciers contre les associés, de sorte que la cour d'appel ne pouvait décider au contraire que le liquidateur pouvait intenter à l'encontre des associés en nom, une action en paiement des créances déclarées au passif, sur le fondement de l'article L. 221-1 du Code de commerce. Mais énonçant la solution précitée, la Cour de cassation rejette ce moyen : en déclarant recevable, sur le fondement de l'article 1832 du Code civil, la demande du liquidateur contre les associés, la cour d'appel n'a pu violer l'article L. 221-1 du Code de commerce, dont elle n'a pas fait application (cf. les Ouvrages "Droit des sociétés" N° Lexbase : E4906A7T et "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E4996EUL).

newsid:454558

Pénal

[Doctrine] Vers un droit de la peine dérogatoire

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N4557BWP

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par Romain Ollard, Professeur à l'université de la Réunion, Directeur scientifique des Encyclopédies "Droit pénal" et "Procédure pénale"

Le 06 Octobre 2016

Si la privation de liberté est sans doute consubstantielle à l'organisation des rapports entre les hommes et se trouve légitimée par la revendication d'un "droit à la sécurité" qui justifie notamment l'enfermement des individus jugés dangereux, le droit à la sûreté -qui veut que nul ne soit arrêté, ni détenu en dehors des cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle a prescrites (1) -vient lui apporter la contradiction en protégeant le citoyen contre toutes les formes de privations de liberté illégales ou arbitraires. Le droit à la sûreté ne peut ainsi être compris que dans sa mise en balance avec le droit à la sécurité, dans un contexte prégnant -pesant- de lutte contre la figure de l'"ennemi" terrorisme où les autorités publiques succombent parfois à la tentation sécuritaire, comme en témoigne la multiplication des législations d'exception, par exemple la procédure dérogatoire applicable en matière de criminalité organisée (2). Il existe en effet aujourd'hui toute une kyrielle de procédures pénales dérogatoires -véritable "procédure pénale bis" selon le mot du Professeur Lazerges- qui opèrent dans deux directions principales, non seulement en autorisant des actes d'enquête plus intrusifs que les procédures de droit commun, mais encore en justifiant un aménagement parfois substantiel des droits de la défense (augmentation de la durée de la garde à vue, report de la présence de l'avocat, etc.). Si tout ceci est trop connu pour qu'il soit utile d'y revenir, un semblable mouvement semble pouvoir être constaté en droit de la "peine" -entendu au sens large comme englobant tant les peines stricto sensu que les mesures de sûreté-, spécialement s'agissant des mesures privatives de liberté. Du droit commun au droit dérogatoire. Alors qu'en droit commun de la peine, un recul significatif de la mesure privative de liberté est perceptible à l'époque contemporaine, notamment avec la démultiplication des alternatives à l'emprisonnement, la privation de liberté semble au contraire connaître un essor considérable dans des domaines plus inattendus, qu'il s'agisse de la sphère post-pénale, après l'exécution de la peine, ou dans la sphère extra-pénale, en dehors de toute condamnation pénale se prononçant sur la culpabilité. Initié depuis plusieurs années déjà, ce mouvement législatif, qui prétend neutraliser la dangerosité de l'individu, s'est récemment amplifié avec la vague d'attentats terroristes que la France a essuyé et pourrait l'être encore davantage si certaines propositions de réforme venaient à être adoptées dans l'avenir. L'un des traits saillants de la législation nouvelle réside en effet dans l'organisation de régimes d'exception, comme presque toutes les lois anti-terroristes adoptées en France depuis maintenant une trentaine d'années. Au fil des réformes, qui s'empilent à un rythme effréné, les procédures dérogatoires se multiplient en la matière, laissant ainsi, peu à peu, l'exception se normaliser de manière pérenne. Or, la législation anti-terroriste récente peut apparaître comme une parabole -amplifiante- d'une lente mais certaine évolution de notre droit de la peine qui, à côté du droit commun, promeut des régimes dérogatoires fondés sur les concepts de risque et de dangerosité. Ce droit d'exception peut être constaté tant au stade du prononcé (I) de la mesure privative de liberté qu'au stade de son exécution (II).

I - Le renforcement dérogatoire du prononcé de la mesure privative de liberté

Droit commun. Longtemps considérée comme la peine de référence, la peine privative de liberté est désormais en recul en droit commun de la peine, les pouvoirs publics affichant ostensiblement, depuis quelques années, leur volonté de rendre cette peine exceptionnelle pour des raisons ambivalentes tenant tant à l'objectif de resocialisation des personnes condamnées qu'à la volonté de lutter contre la surpopulation carcérale. Ainsi, le recours à l'emprisonnement ferme apparaît-il désormais comme subsidiaire dès lors que le juge ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis "qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire", "si toute autre sanction est manifestement inadéquate" et seulement après avoir "spécialement motivé le choix de cette peine" (3). Initié par la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 (N° Lexbase : L9344IES), cette volonté législative de s'opposer au prononcé "sec" de la peine privative de liberté s'est amplifiée avec la loi dite "Taubira" du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales (N° Lexbase : L0488I4T) qui prétend ainsi lutter contre le système du "tout carcéral", les peines privatives de liberté, spécialement les courtes peines, étant jugées contre-productives. D'une part, la législation favorise les mesures d'aménagement immédiat de la peine privative de liberté, ab initio, dès leur prononcé (semi-liberté, placement à l'extérieur, placement sous surveillance électronique, etc.) (4). D'autre part, la peine privative de liberté est aujourd'hui concurrencée par la multiplication des alternatives à l'emprisonnement conçues comme des peines de substitution pouvant être prononcées en lieu et place de la peine privative de liberté sans qu'aucune hiérarchie ne soit instaurée entre elles (TIG, stage de citoyenneté, confiscation, interdiction professionnelle, sanction-réparation etc.) (5). La loi "Taubira" s'inscrit assurément dans cette oeuvre de diversification, visant à offrir au juge un large panel de peines lui permettant de choisir la sanction idoine, avec la création d'une nouvelle peine correctionnelle de substitution -la contrainte pénale (6)-, avatar imparfait de la peine de probation, qui constitue une sanction effectuée en milieu ouvert afin d'éviter toute forme de désocialisation. Si la contrainte pénale ne créé pas à proprement parler d'obligations nouvelles (7), notamment par rapport au sursis avec mise à l'épreuve ou au suivi socio-judiciaire, elle se distingue néanmoins des peines classiques qui n'organisent qu'une simple surveillance de la personne condamnée, dès lors que, évolutive et modulable, la contrainte pénale instaure un suivi renforcé de l'évolution du probationnaire, qui sera régulièrement évalué, au moins une fois par an (8), pour permettre le cas échéant l'adaptation des obligations mises à sa charge. C'est là une autre philosophie du droit de la peine qui prétend ainsi désormais "punir dehors".

Droit dérogatoire : sphère pénale. Toutefois, si un recul de la privation de liberté peut être ainsi constaté en droit commun de la peine, un renforcement dérogatoire de la privation de liberté, fondé sur le concept de dangerosité, est perceptible dans divers domaines. Dans la sphère strictement pénale d'abord, la lutte contre la récidive est devenue une obsession du législateur contemporain au point qu'aucun intitulé de lois récentes ou presque n'échappe au vocable. Ainsi peut-on citer, parmi les mesures les plus symboliques créées ces dernières années, le mécanisme de la réitération, qui aggrave la répression lorsque les conditions de la récidive ne sont pas réunies (9), le développement des traitements inhibiteurs de libido censés neutraliser le potentiel dangereux de personnes condamnées sur le fondement des infractions sexuelles ou la restauration de l'antique mécanisme des peines planchers à l'encontre des récidivistes -aujourd'hui abrogé par la loi "Taubira"- instaurant des seuils minimums que le juge ne pouvaient écarter qu'en motivant spécialement sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité de l'auteur ou des garanties d'insertion ou de réinsertion qu'il présente (10).

Droit dérogatoire : sphère extra-pénale. Mais c'est surtout ensuite en dehors de la matière pénale stricto sensu que se sont développées les mesures privatives de liberté, qui prennent alors d'autres chemins que la peine, fondées qu'elles sont alors, non plus sur une déclaration de culpabilité prononcée par le juge pénal, mais sur la dangerosité de l'individu. Dans la sphère extra-pénale, d'une part, s'il est vrai que l'hospitalisation d'une personne atteinte de troubles mentaux contre sa volonté est admise de longue date, depuis la loi "Esquirol" de 1838, la question a connu de récents développements. Alors que traditionnellement, l'hospitalisation d'office était décidée par l'autorité administrative (11), depuis la loi du 25 février 2008, le juge pénal est désormais compétent -en cas de déclaration d'irresponsabilité pénale- pour prononcer certaines "mesures de sûreté" dont une hospitalisation d'office lorsqu'il est établi, par une expertise psychiatrique, que les troubles mentaux de l'intéressé "nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public" (12), bref lorsque l'individu est jugé dangereux. Dans la sphère post-pénale d'autre part, la rétention de sûreté (13) permet de placer un individu condamné pour une infraction particulièrement grave (14), après l'exécution de sa peine, dans un "centre socio-médico-judiciaire de sûreté", lorsque cet individu présente une "particulière dangerosité caractérisée par une probabilité très élevée de récidive parce qu'elle souffre d'un trouble grave de la personnalité". Fondée sur le concept pour le moins évanescent de dangerosité, laquelle est évaluée tous les ans par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, composée notamment de médecins, cette mesure privative de liberté est potentiellement perpétuelle (15) puisque, indéfiniment renouvelable, l'enfermement peut durer tant que perdure la dangerosité de l'individu. Non fondée sur la rétribution d'un acte passé, la rétention de sûreté a ainsi pour finalité de prévenir la récidive en neutralisant, pour l'avenir, l'état dangereux de l'individu. Tout comme l'injonction de soins, cette "peine après la peine", selon une expression plus parlante que juridique, permet de mettre en exergue un transfert de compétence du pouvoir judiciaire au "pouvoir" médical, à des techniciens en "blouse blanche", ce qui ne laisse pas d'inquiéter au regard de l'incertitude des diagnostics et des traitements. C'est là une autre philosophie du droit de la peine, fondé moins sur les concepts de responsabilité et de culpabilité que sur celui de dangerosité (16).

Et demain ? Ce mouvement dérogatoire au droit commun de la peine pourrait encore s'amplifier demain tant il est vrai que, face à la menace terroriste, des propositions -particulièrement sécuritaires- émergent dans les travaux législatifs et le discours politique. D'abord, au titre des propositions envisagées mais finalement non retenues par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (N° Lexbase : L4202K87), le Sénat avait envisagé, d'une part, de créer une rétention de sûreté "spéciale" en matière de terrorisme qui, répondant au même régime juridique que la rétention de sûreté classique, avait la particularité d'étendre son champ d'application à toutes les condamnations à une peine de réclusion criminelle (17) fondée sur une infraction terroriste (18). D'autre part et surtout, en proposant d'incriminer, en tant qu'acte terroriste, le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d'opérations de groupements terroristes (19), le Sénat entendait faire intervenir la répression très tôt sur l'iter criminis, à un stade où aucun projet d'attentat terroriste n'est encore avéré ou attesté par des éléments matériels tangibles, ni même par des actes préparatoires : la répression (et la privation de liberté) seraient alors fondées, non sur l'activité matérielle du coupable, mais sur un simple risque -potentiel- d'attentat, lequel serait déduit d'un séjour à l'étranger sur le théâtre d'opérations de "groupements terroristes" avec toutes les difficultés qu'il peut y avoir -parfois- à identifier un tel concept. Dans le même ordre d'idées, au titre des propositions qui fleurissent depuis quelques semaines dans le discours politique ensuite, il en est une qui, quoique non encore formalisée juridiquement, propose de créer une "rétention administrative pour les individus fichés les plus dangereux" (20). Or, cette proposition ne laisse d'inquiéter dès lors qu'une telle mesure, fondée sur un simple soupçon, consacrerait une forme de privation de liberté préventive, ante delictum, intervenant indépendamment de toute activité matérielle, indépendamment de tout passage à l'acte. Si l'activité de renseignement peut légitimement fonder, spécialement en ces périodes troubles, des mesures de surveillance et d'enquête, les fiches "S" -qui ne concernent d'ailleurs pas que les personnes signalées en matière de terrorisme- ne sauraient en revanche justifier, du moins dans un cadre purement administratif, un enfermement préventif sur la foi d'une simple suspicion, ainsi que le Conseil d'Etat est d'ailleurs venu le rappeler (21).

II - Le recul dérogatoire des mesures d'aménagement de la peine privative de liberté

Droit commun. Aux termes de l'article 707 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9874I34), "le régime d'exécution des peines privatives de liberté [...] est adapté au fur et à mesure de l'exécution de la peine, en fonction de l'évolution de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale de la personne condamnée". Elevé au rang de principe directeur par la loi pénitentiaire du 29 novembre 2009 (22), l'aménagement des peines, qui participe de l'individualisation de la sanction pénale, devient un mode normal d'exécution des peines (23), qu'il s'agisse d'un aménagement matériel (placement à l'extérieur, surveillance électronique, semi-liberté, etc.) ou temporel de la peine (réduction de peines, libération conditionnelle, fractionnement). A cet égard, la loi "Taubira" a instauré le nouveau mécanisme de la libération sous contrainte (24), distinct de la libération conditionnelle, en ce qu'elle ne constitue pas un aménagement octroyé en fonction des efforts de la personne condamnée, mais une étape normale de l'exécution de la peine destinée à l'accompagner à sa sortie de détention. Impliquant l'exécution de la fin de peine en milieu ouvert, la libération sous contrainte entend ainsi proscrire les "sorties sèches", sans aucune forme de suivi judiciaire, en instaurant un retour progressif du condamné à la liberté sous le régime -déjà connu- de la semi-liberté, du placement extérieur, de la libération conditionnelle ou du placement sous surveillance électronique. Il ressort de cette présentation rapide que l'enfermement n'apparaît plus aujourd'hui, en droit commun de l'exécution des peines, comme la panacée, celui-ci devant être aménagé afin de garantir la réinsertion de la personne condamnée lors de sa remise en liberté (25).

Droit dérogatoire : perpétuité réelle ? Or, par dérogation à de tels préceptes, la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a prétendu instaurer la possibilité de prononcer une peine de perpétuité réelle et incompressible pour les crimes terroristes. Il résulte en effet du nouvel article 421-7 du Code pénal (N° Lexbase : L4798K89) que la Cour d'assises pourra désormais, par dérogation à 132-23 (N° Lexbase : L3750HGY), soit porter la période de sûreté jusqu'à trente ans, soit, si elle prononce la réclusion criminelle à perpétuité, décider qu'aucune mesure d'aménagement de peines ne pourra être accordée au condamné (suspension ou fractionnement de peine, placement à l'extérieur, permissions de sortir, semi-liberté, libération conditionnelle). C'est cette dernière possibilité offerte à la Cour d'assises qui permettrait d'assimiler la peine ainsi prononcée à une "perpétuité incompressible" puisque le condamné serait alors privé de tout aménagement de peine lui permettant d'envisager une sortie (26).

Droit à un espoir de sortie. La question pourrait toutefois se poser de savoir si le mécanisme ainsi instauré est bien conforme à la jurisprudence de la Cour européenne qui considère qu'une "peine perpétuelle incompressible" est constitutive d'un traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (27). Sans doute la Cour décide-t-elle que "les Etats contractants doivent rester libres d'infliger des peines perpétuelles aux adultes auteurs d'infractions particulièrement graves" et "qu'une peine de réclusion à vie puisse en pratique être purgée dans son intégralité" sans méconnaître la Convention (28). Elle n'en exige pas moins des législations nationales qu'elles offrent une "possibilité de réexamen", afin de "rechercher si, au cours de l'exécution de sa peine, le détenu a tellement évolué et progressé sur le chemin de l'amendement qu'aucun motif légitime d'ordre pénologique ne permet plus de justifier son maintien en détention" (29), consacrant ainsi le "droit à un espoir" de sortie de détention. C'est d'ailleurs précisément parce que le droit français prévoit, à l'article 720-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L5647DYS), une possibilité de réexamen de la situation du condamné à l'issue d'une "incarcération d'une durée au moins égale à trente ans" que les peines françaises perpétuelles ont pu être déclarées conformes à la CEDH (30).

Renforcement du régime de l'exécution des peines. Il apparaît ainsi que, contrairement à ce qui a pu être affirmé dans le discours politique, la peine prétendument perpétuelle et incompressible prononcée par la Cour d'assises en application de l'article 421-7 du Code pénal n'en sera pas véritablement une puisqu'un réexamen sera toujours possible en vertu de l'article 720-4 du Code de procédure pénale, au terme d'une période de trente ans d'incarcération, ledit article offrant la possibilité au tribunal de l'application des peines, après une expertise médicale relative à "l'état de dangerosité du condamné", d'accorder une mesure d'aménagement de peine. Il n'en demeure pas moins que, par dérogation au droit commun, le régime d'exécution des peines des personnes condamnées sur le fondement d'une infraction terroriste se trouve singulièrement renforcé par la loi nouvelle, qu'il s'agisse de la possibilité de réduire la durée de période de sûreté (31) ou d'accorder une libération conditionnelle (32), mesures qui ne pourront être accordées, là encore, qu'après évaluation de la dangerosité de la personne condamnée. Comme au stade du prononcé de la mesure privative de liberté, le régime de l'exécution des peines, dont on sait qu'il a connu une importante déjudiciarisation importante depuis la loi pénitentiaire de 2009, opère donc un double transfert de compétences, non seulement à l'autorité administrative mais encore, de manière moins officielle, au pouvoir médical, à travers l'évaluation de la dangerosité du condamné qui devient décidément un "concept" central en droit de la peine.


(1) DDHC, art. 7 (N° Lexbase : L1371A9N) Adde, CEDH, art. 5 (N° Lexbase : L4786AQC).
(2) Sur la question, v. notamment C. Lazerges, La dérive de la procédure pénale, RSC, 2003, p. 644 ; D. Thomas, La tentation sécuritaire, Mélanges R. Ottenhof, Dalloz, 2006, p. 53.
(3) C. pén., art. 132-19 (N° Lexbase : L5060K8W). Adde, dans le même sens, pour l'obligation de motivation spéciale de la décision d''hospitalisation d'office de la personne souffrant d'un trouble mental décision, C. proc. pén., art. 706-135 (N° Lexbase : L7018IQY).
(4) V. C. proc. pén., art. 723-15 (N° Lexbase : L9858I3I) Adde, C. proc. pén., art.707 (N° Lexbase : L9874I34).
(5) C. pén., art. 131-5 (N° Lexbase : L0403DZX) à 131-9.
(6) C. pén., art. 131-4-1 (N° Lexbase : L9812I3S).
(7) C. pén., art. 131-4-1, al. 4.
(8) C. proc. pén., art. 713-44 (N° Lexbase : L9815I3W).
(9) C. pén., art. 132-16-7 (N° Lexbase : L3755HG8).
(10) C. pén., anc. art. 132-18 (N° Lexbase : L2265AMT) et s..
(11) Si l'autorité administrative compétente est en principe le préfet, le maire est toutefois autorisé, en cas d'urgence, lorsque des "troubles mentaux manifestes" causent un "danger imminent pour la sûreté des personnes", attesté par un avis médical, à ordonner une hospitalisation d'office provisoire, à charge pour lui d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statue sans délai par voie d'arrêté (C. santé. pub., L. 3213-1 N° Lexbase : L3005IYX et s.).
(12) C. proc. pén., art. 706-135 (N° Lexbase : L6275H9B) et s..
(13) C. proc. pén., art. 706-53-13 (N° Lexbase : L7444IGS).
(14) L'individu doit avoir été condamné -au titre de l'une des infractions limitativement énumérées- à une peine de réclusion criminelle d'une durée au moins égale à quinze ans par la cour d'assises qui doit, en outre, avoir expressément prévu dans sa décision l'éventualité d'une rétention de sûreté à l'issue de l'exécution de la peine.
(15) C. proc. pén., art. 706-53-16 (N° Lexbase : L6243H94).
(16) Sur la question, v. Ph. Salvage, La grande délinquance est-elle une maladie, Dr. pén., 2010, Etude 3.
(17) Alors que, dans la rétention de sûreté classique, le prononcé de la mesure est subordonné à une condamnation à une peine de réclusion criminelle d'une durée au moins égale à quinze ans (C. proc. pén., art. 706-53-13 N° Lexbase : L7444IGS).
(18) C. proc. pén., art. 706-25-15 et s. (issus du projet de loi)
(19) Voir proposition de création d'un art. 421-2-7 au sein du Code pénal : "Constitue un acte de terrorisme le fait d'avoir séjourné intentionnellement à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes afin d'entrer en relation avec un ou plusieurs de ces groupements, en l'absence de motif légitime".
(20) Le Monde, 28 juillet 2016.
(21) Avis consultatif du 23 décembre 2015 relatif à la constitutionnalité et la compatibilité avec les engagements internationaux de la France de certaines mesures de prévention du risque de terrorisme.
(22) Tandis qu'antérieurement à cette loi, les peines "pouvaient" être aménagées, désormais, elles "sont" aménagées au terme d'un indicatif valant impératif (C. proc. pén., art. 707 N° Lexbase : L9874I34).
(23) Particulièrement des peines de moins de deux ans (v. la procédure simplifiée instaurée par l'art. 723-15 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L9858I3I).
(24) C. proc. pén., art. 720 (N° Lexbase : L9831I3I).
(25) C. proc. pén., art. 707, al. 2.
(26) V. déjà, C. pén., art. 221-3 (N° Lexbase : L3256IQN) et 221-4 (N° Lexbase : L8825ITZ), pour des assassinats aggravés par certaines circonstances.
(27) CEDH, 9 juillet 2013, Req. 66069/09 (N° Lexbase : A5379KI3), Dr. pén., 2014, Chr. 14, V. Peltier
(28) Ibid. § 106 et 108.
(29) Ibid. § 110.
(30) CEDH, 13 novembre 2014, Req. 40014/10 (N° Lexbase : A0031M3K).
(31) V. C. proc. pén., art 720-5 (N° Lexbase : L4877K87).
(32) V. C. proc. pén., art 730-2-1 (N° Lexbase : L4803K8E).

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Permis de conduire

[Brèves] Dérogation à l'exigence de procédure contradictoire dans le cadre d'une suspension de permis de conduire

Réf. : CE 4° et 5° ch.-r., 28 septembre 2016, deux arrêts mentionnés aux tables du recueil Lebon, n°s 390438 (N° Lexbase : A7340R4M) et 390439 (N° Lexbase : A7341R4N)

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N4586BWR

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Le 11 Octobre 2016

Il peut être dérogé à l'exigence de procédure contradictoire dans le cadre d'une suspension de permis de conduire dans le cas où différer la suspension créerait des risques graves pour le conducteur ou pour les tiers. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans deux arrêts rendu le 28 septembre 2016 (CE 4° et 5° ch.-r., 28 septembre 2016, deux arrêts mentionnés aux tables du recueil Lebon, n°s 390438 N° Lexbase : A7340R4M et 390439 N° Lexbase : A7341R4N). Dans la première espèce (n° 390438), l'imprégnation alcoolique de M. X le 19 novembre 2004 a été établie par deux mesures indiquant des seuils de 0,82 mg et 0,84 mg d'alcool par litre d'air expiré. Sept mois auparavant, le 19 avril 2014, le permis de conduire de l'intéressé avait déjà été suspendu pour une période de trois mois pour conduite sous l'empire d'un état alcoolique à un taux supérieur à 0,40 milligramme par litre de sang et il avait également fait l'objet, pour ce même motif, d'une suspension prononcée en 2007 par le juge judiciaire pendant une durée de cinq mois. Dès lors en jugeant que ces circonstances ne caractérisaient pas une situation d'urgence au sens du 1° de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (N° Lexbase : L0420AIE), le tribunal administratif d'Orléans a dénaturé les faits qui lui étaient soumis. Son jugement ayant annulé pour excès de pouvoir la décision par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a suspendu la validité du permis de conduire de M. X pour une durée de six mois doit, par suite, être annulé. Dans la seconde espèce (n° 390439), sur le même motif, le Conseil d'Etat censure le jugement ayant annulé la décision du 19 janvier 2015 par laquelle le préfet d'Eure-et-Loir a suspendu pour une durée de quatre mois et demi la validité du permis de conduire d'une personne dont le comportement était caractérisé par la récidive de faits de conduite d'un véhicule sous l'empire d'un état alcoolique.

newsid:454586

Procédure civile

[Brèves] Du commencement de preuve par écrit

Réf. : Cass. civ. 3, 29 septembre 2016, n° 15-20.177, F-P+B (N° Lexbase : A7260R4N)

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N4594BW3

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Le 11 Octobre 2016

Constitue un commencement de preuve par écrit, tout acte qui émane de celui contre lequel la demande est formée et qui rend vraisemblable le fait allégué. Telle est la solution retenue par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, rendu le 29 septembre 2016 (Cass. civ. 3, 29 septembre 2016, n° 15-20.177, F-P+B N° Lexbase : A7260R4N). En l'espèce, par acte notarié du 4 mai 2005, Mme A. a vendu à M. T., la moitié indivise d'un immeuble. L'acte précisait que "l'acquéreur a payé le prix comptant dès avant ce jour directement et en dehors de la comptabilité du notaire, ainsi que le vendeur le reconnaît et lui en consent quittance sans réserve". Le 14 décembre 2011, Mme A. a assigné M. T. en résolution de la vente pour non-paiement du prix. Pour prononcer la résolution de la vente, la cour d'appel a retenu que Mme A. a fait délivrer, le 27 juillet 2011, à M. T. une sommation de payer le prix convenu dans l'acte ou de justifier de son règlement, que celui-ci a répondu ne pouvoir payer cette somme et qu'il a ainsi admis le non-paiement du prix. L'arrêt d'appel est censuré par la Haute juridiction qui souligne qu'en déduisant un commencement de preuve par écrit des seules réponses mentionnées par un huissier de justice dans une sommation interpellative, la cour d'appel a violé l'article 1347 (désormais article 1362 N° Lexbase : L1004KZ9) du Code civil (N° Lexbase : L1457ABL) (cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E7396ET4).

newsid:454594

Responsabilité médicale

[Brèves] Infection nosocomiale : l'indemnisation au titre de la solidarité nationale n'exclut pas la possibilité pour la victime et le tiers-payeur de rechercher la responsabilité pour faute de l'établissement et du médecin

Réf. : Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-16.117, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2310R4C)

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N4545BWA

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Le 06 Octobre 2016

Même lorsque les dommages résultant d'une infection nosocomiale ouvrent droit, en raison de leur gravité, à une indemnisation au titre de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article L. 1142-1-1, 1° (N° Lexbase : L1859IEL) du Code de la santé publique, qui exclut l'application du régime de responsabilité de plein droit prévu à l'article L. 1142-1, I, alinéa 2 (N° Lexbase : L1910IEH), la responsabilité de l'établissement où a été contractée cette infection comme celle du professionnel de santé, ayant pris en charge la victime, demeurent engagées en cas de faute ; tant les victimes du dommage que les tiers payeurs, disposant, selon l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L1282I7M), d'un recours contre l'auteur responsable d'un accident, gardent la possibilité d'agir à l'encontre de l'établissement et de ce professionnel de santé, conformément à l'article L. 1142-1, I, alinéa 1er, sur le fondement des fautes qu'ils peuvent avoir commises et qui sont à l'origine du dommage, telles qu'un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales. Tel est le principe énoncé par la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 28 septembre 2016 (Cass. civ. 1, 28 septembre 2016, n° 15-16.117, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2310R4C). En l'espèce, le 24 février 2005, Mme Y a contracté une infection nosocomiale ayant entraîné un déficit fonctionnel permanent de 60 %, lors d'un accouchement par césarienne, au sein d'une clinique, comportant une rachianesthésie réalisée par M. X, médecin-anesthésiste exerçant son activité à titre libéral. Elle a assigné en responsabilité et indemnisation la clinique et son assureur, ainsi que M. X et son assureur, en invoquant l'existence de fautes à l'origine de l'infection, et appelé dans la cause la CPAM et sa mutuelle, lui versant des prestations au titre de son incapacité de travail. M. Y, époux de la victime, est intervenu dans la procédure en son nom personnel et en qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs. La clinique a appelé en cause l'ONIAM. Les enfants, devenus majeurs, ont repris l'instance. Déboutés en cause d'appel, la clinique, le médecin et leurs assureurs respectifs, ont formé un pourvoi en cassation, s'appuyant sur le moyen pris de la violation de l'article L. 1142-1-1 du Code de la santé publique. La Haute juridiction, énonçant la solution précitée, rejette le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Droit médical" N° Lexbase : E5260E7X).

newsid:454545

Sociétés

[Jurisprudence] Démembrement de propriété, droits sociaux et convocation à l'assemblée générale : qui doit être convoqué ?

Réf. : Cass. civ. 3, 15 septembre 2016, n° 15-15.172, FS-P+B (N° Lexbase : A2399R3A)

Lecture: 6 min

N4642BWT

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR (CRJFC, EA 3225), UFR SJEPG (Université de Franche-Comté)

Le 06 Octobre 2016

Les assemblées générales peuvent donner lieu à cristallisation des conflits latents existant lorsque les associés d'une société sont membres d'une même famille, comme le démontre l'arrêt rendu le 19 septembre 2016 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation (1).
En l'espèce, une société civile immobilière a été constituée entre les membres d'une même famille. Elle est propriétaire d'une maison d'habitation, constituant le seul actif social. Les parts sociales ont été démembrées, l'usufruit ayant été attribué à la mère et la nue-propriété répartie entre les enfants. L'usufruitière n'a pas été convoquée à l'assemblée générale dont l'ordre du jour était la vente de l'immeuble social. Considérant que l'usufruitière devait être convoquée, l'un des nu-propriétaire et l'usufruitière ont demandé en justice la nullité de l'assemblée générale. La cour d'appel a rejeté leur demande considérant que l'assemblée générale litigieuse ayant pour objet des décisions collectives autres que celles concernant l'affectation des bénéfices ne saurait être annulée au motif que l'usufruitière des parts sociales n'avait pas été convoquée pour y participer. Ils rédigent un pourvoi. Ils prétendent que le droit de vote ne se confond pas avec le droit de participer aux décisions collectives d'une assemblée générale. Si la qualité d'usufruitier empêche de prendre part aux votes relatifs à la vente de l'immeuble de la société, cette qualité ne saurait suffire à exclure le droit de participer aux assemblées générales. En procédant de la sorte, les juges du fond auraient violé l'article 1844 du Code civil (N° Lexbase : L2020ABG). Par l'arrêt du 15 septembre 2016, la Cour de cassation rejette le pourvoi et, par voie conséquence, les arguments avancés par ses auteurs : n'ayant pas pour objet l'affectation des bénéfices, l'assemblée générale a été valablement convoquée. Les délibérations décidées par les nus-propriétaires des parts sociales ayant décidé la vente de l'immeuble dans les conditions financières proposées ne peuvent être remises en cause, car il n'y a pas nullité de l'assemblée générale. La solution énoncée par l'arrêt du 15 septembre 2016 l'a été à propos d'une société civile. Toutefois, la problématique porte sur la qualité d'associé en cas de démembrement des droits sociaux, peu importe qu'il s'agisse de parts sociales de société civile, de parts sociales de société commerciale ou bien encore d'actions. Ainsi, il convient de revenir sur la détermination de la qualité d'associé en cas de démembrement des droits sociaux (I) avant d'indiquer comment la jurisprudence reconnaît le droit de voter dans les assemblées à chaque titulaire du droit d'associé démembré (II).

I - La détermination de la qualité d'associé en cas de démembrement des droits sociaux

La notion d'associé n'a pas été définie par le législateur. Les ouvrages de droit des sociétés n'apportent que peu d'informations sur cette notion. Toutefois, on peut définir l'associé comme étant la personne physique ou morale qui est membre d'un groupement constitué sous forme de société et dont la participation est conditionnée par la réalisation d'un apport en contrepartie duquel, l'associé reçoit des droits sociaux. Cette présentation est très synthétique et ne fait pas état du droit au partage des bénéfices ou à la contribution aux pertes, ni à l'exercice des droits politiques et des droits financiers caractérisant les droits sociaux que l'associé reçoit en contrepartie de son apport.

La problématique en matière de détermination de la qualité d'associé intervient en cas de concours, c'est-à-dire lorsque plusieurs personnes peuvent revendiquer cette qualité. Dans ce cas, il convient de distinguer entre le concours horizontal, lorsque des personnes ont vocation aux mêmes droits sur les parts sociales, et le concours vertical, lorsque des personnes ont des droits différents sur les mêmes parts sociales. Il s'agit, dans ce dernier cas, de l'indivision des époux mariés sous un régime communautaire, qui ne sont pas au coeur de faits de l'espèce.

La situation est plus complexe en cas de concours horizontal, et tout particulièrement lorsque la propriété des parts sociales est démembrée. La loi est silencieuse sur cette question, et la Cour de cassation semble éviter d'avoir à prendre position (2). Par conséquent, prononcer une réponse est une mission confiée à la doctrine. Toutefois, sur ce point, les analyses sont divergentes.

Il est certain que le nu-propriétaire a le droit de participer aux décisions collectives, droit qui est d'ordre public car aucune clause des statuts ne peut l'écarter (3). Cependant, son droit de vote peut être supprimé à condition de ne pas déroger à son droit de participer aux décisions collectives (4). Ainsi, il doit avoir été valablement convoqué, avoir reçu l'information préalable et le cas échéant, la possibilité d'exprimer un avis consultatif (5). Actuellement, il semble que le droit de vote ne peut pas être retiré au nu-propriétaire dès lors que l'on porte atteinte à la substance de droits sociaux (6). Par conséquent, le nu-propriétaire a la qualité d'associé (7).

Dans ces conditions, quelle est la situation de l'usufruitier ? Peut-il avoir la qualité d'associé ? La doctrine est actuellement divisée sur ce point. Il semble qu'un élément de réponse à cette question se situe dans la nature juridique de l'usufruit : s'agit-il d'une charge réelle ou d'un droit démembré ? Mais aucune précision n'a été formulée à ce jour, ni par le législateur, ni par la Cour de cassation. Une autre piste semble possible et a été énoncée (8). Ainsi, le titre d'associé étant lié à l'acte d'apport, seul l'auteur de l'apport ou son successeur peut avoir la qualité d'associé. L'usufruitier n'étant ni l'apporteur, ni le successeur de l'apporteur, il ne pourrait alors pas prétendre avoir la qualité d'associé. En effet, les parts sociales sont la contrepartie de l'acte d'apport, conférant des droits politiques et financiers à l'associé. Au regard du droit des biens, les parts sociales constituent une chose appropriée dont le propriétaire est l'apporteur. Par conséquent, l'associé est la version utilisée en droit des sociétés, pour désigner le propriétaire des parts sociales en droit des biens. En outre, l'usufruit ne porte pas atteinte au droit de propriété ; il restreint seulement son exercice en raison de la constitution d'un droit réel de jouissance générale des parts sociales. Présenté ainsi, l'usufruitier doit conserver la substance des parts sociales grevées et, par conséquent, il ne pourrait pas avoir le droit de voter les décisions dans les assemblées générales ayant pour objet de porter atteinte à l'intégrité ou à la destination des parts sociales.

Pour autant, l'obligation de conserver la substance des droits sociaux n'empêche pas nécessairement l'usufruitier d'avoir la qualité d'associé. En effet, la Cour de cassation lui a reconnu le droit de voter en assemblée générale dès lors qu'il s'agit de décider de l'affectation des bénéfices (9).

Au final, nous sommes en présence d'une controverse doctrinale. Pour certains auteurs, l'usufruitier a la qualité d'associé (10). Pour d'autres, ce n'est pas possible (11). Enfin une solution médiane est également proposée (12). Ainsi, on peut constater que les prérogatives de l'associé sont réparties entre le nu-propriétaire et l'usufruitier des droits sociaux, ce qui permettrait d'affirmer que la qualité d'associé est partagée entre eux. Ainsi, on reprendra une proposition doctrinale selon laquelle, en raison du démembrement des titres sociaux, il y a démembrement de la qualité d'associé. Par conséquent, la réunion des titres forme la qualité unique d'associé (13).

Cette analyse, en attente de validation par la Cour de cassation, permet ainsi de répartir les droits et obligations respectifs du nu-propriétaire et de l'usufruitier de droits sociaux.

II - La participation distributive aux assemblées générales et les actions réservées à l'associé

En l'espèce, la question soulevée par l'usufruitière et l'un des nus-propriétaires était savoir si la première avait ou non le droit de participer aux assemblées générales et de voter les résolutions mises à l'ordre du jour, tout spécialement parce que la vente du seul actif social, une maison d'habitation, était projetée.

Actuellement, en application des articles 1844, alinéa 3, et 578 (N° Lexbase : L3159ABM) du Code civil, l'usufruitier a qualité pour voter les décisions concernant l'affectation des bénéfices. Ce droit a été reconnu par la Cour de cassation (14). Il a été présenté comme étant "irréductible" par le Professeur Viandier et n'est plus actuellement contesté. Il en va autrement lorsque la distribution porte sur les réserves. Dans ce cas, la Cour de cassation a récemment rappelé (15) que "si l'usufruitier a droit aux bénéfices distribués, il n'a aucun droit sur les bénéfices qui ont été mis en réserve, lesquels constituent l'accroissement de l'actif social et reviennent en tant que tel au nu-propriétaire" (16).

L'arrêt du 15 septembre 2016 précise la cadre juridique, en précisant que l'absence de convocation de l'usufruitier pour une assemblée générale qui n'a pas vocation à décider du sort des bénéfices réalisés par la société au cours du dernier exercice social n'entraîne pas l'annulation de l'assemblée, et avec elle, celle des résolutions adoptées par les seuls nus-propriétaires. Ainsi, lorsque les statuts n'ont pas organisés la répartition du droit de vote de l'associé en cas de démembrement des droits sociaux, l'usufruitier ne peut prétendre avoir plus de droit que celui relatif au vote des derniers bénéfices réalisés, qui n'ont pas encore été affectés à un compte de réserve.

Plus généralement, il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation que l'usufruitier peut exercer les droits attachés à la qualité d'associé, et tout spécialement des actions dès lors qu'elles ont une nature conservatoire (17), ou bien qu'elles portent sur des prérogatives d'information. Dans ce cas, ces actions pourraient être exercées aussi bien par le nu-propriétaire que par l'usufruitier, à condition que l'on considère qu'ils aient, pour partie, la qualité d'associé (18).

En pratique, il peut être utile de réfléchir à la répartition des pouvoirs entre nu-propriétaire et usufruitier. Tout spécialement, comme en l'espèce, ne serait-il pas opportun d'envisager, au moins, la convocation et l'audition de l'usufruitier lorsque la société est une SCI familiale dont le seul actif social est une maison d'habitation, dans laquelle était vraisemblablement logée l'usufruitière ? La réponse à cette question de nature juridique appartient au domaine sociologique, voire éthique....


(1) Lexbase, édition aff., 2016, n°480 (N° Lexbase : N4403BWY).
(2) J. Prieur, S. Schillier, Th. Revet, R. Mortier, L'usufruit des droits sociaux : quelle liberté contractuelle ?, JCP éd. N, 2010, 1221, spéc. n° 16 et s..
(3) Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-20.256, publié (N° Lexbase : A4835AC3), Bull. civ. IV, n° 10 ; Dr sociétés, 1994, com. 45, note Th. Bonneau ; Defrénois, 1994, p. 556, obs. P. Le Cannu ; Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 249, note J.-J. Daigre ; M. Cozian, Du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, qui a la qualité d'associé ?, JCP éd. E, 1994, 374 ; JCP éd. E, 1994, I, 363, n° 4, obs. A. Viandier et J.-J. Caussain.
(4) Cass. com., 22 février 2005, n° 03-17.421, F-D (N° Lexbase : A8706DGK), JCP éd. E, 2005, 1046, n° 3, obs. J.-J. Caussain, Fl. Deboissy et G. Wicker ; R. Kaddouch, Conditions de l'attribution statutaire de la totalité du droit de vote au seul usufruitier, JCP éd. E, 2005, 968.
(5) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, 28ème éd., LexisNexis, 2015, n° 342.
(6) C. civ., art 578 (N° Lexbase : L3159ABM) ; Cass. com., 2 décembre 2008, n° 08-13.185, F-D (N° Lexbase : A5368EBG), Dr., sociétés 2009, comm . 198, obs. M.-L. Coquelet, D., 2009, p. 780, note B. Dondero, cassant CA Caen, 19 février 2008, n° 05/00192 N° Lexbase : A3564GT8), JCP éd. E, 2008, JCP éd. E, 1025, note Y. Paclot, Dr. sociétés, 2008, comm. 198, obs. M.-L. Coquelet
(7) Cass. soc., 8 novembre 1967, n° 66-11.296, publié (N° Lexbase : A9345R4U), Bull. civ. IV, n° 705; Cass. com., 4 janvier 1994, n° 91-20.256, préc.. note 3.
(8) J. Prieur, S. Schillier, Th. Revet, R. Mortier, préc. note 2, spéc. n° 18.
(9) Cass. com., 31 mars 2004, n° 03-16.694, FS-P+B (N° Lexbase : A7593DBT), JCP éd. E, 2004, 929, note A. Rabreau ; A. Viandier, L'irréductible droit de vote de l'usufruitier, RJDA, 8-9/2004, p. 859.
(10) A. Viandier, La notion d'associé, LGDJ, 1978, n° 248 et s..
(11) M. Cozian, Du nu-propriétaire ou de l'usufruitier, qui a la qualité d'associé ?, JCP éd. E, 1994, 374.
(12) Fl. Deboissy et G. Wicker, Le droit de vote est une prérogative essentielle de l'usufruitier de droits sociaux, JCP éd. E, 2004, 1290.
(13) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, Droit des sociétés, préc. note 5, n° 344.
(14) Cf. note 9.
(15) Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-16.246, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A6622NI4), Bull Joly Sociétés, 2015, p. 409 ; Rev. Lamy Dr. aff., septembre 2015, p. 10, nos obs. ; D., 2015, p. 1752, note A. Rabreau ; Dr. sociétés, 2015, comm. 144, note R. Mortier ; JCP éd. G, 2015, 767, note A. Tadros ; B. Saintourens et F. Julienne, Lexbase, éd. aff., 2015, n° 431 (N° Lexbase : N8295BUR).
(16) Cass. civ. 1, 22 juin 2016, n° 15-19.471, F-P+B (N° Lexbase : A2344RUD), Dr. sociétés, 2016, comm. 141, note H. Hovasse ; Jour. des sociétés, octobre 2016, p. 47 ; Gaz. Pal., 13 septembre 2016, p. 46, note C. Barrillon ; G. Beaussonie, in Chron., Lexbase, éd. priv., 2016, n° 670 (N° Lexbase : N4446BWL).
(17) Action relative à la désignation d'un expert, l'action sociale ut singuli.
(18) M. Cozian, A. Viandier et Fl. Deboissy, préc. note 5, n° 345.

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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Brèves] Exonération des sommes versées au titre de la garantie "de vacuité"

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 393229, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A7346R4T)

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Le 11 Octobre 2016

Les sommes versées par une société aux acquéreurs des immeubles qu'elle avait fait construire en exécution d'une garantie "de vacuité" revêtent la nature d'une réduction de prix consentie à ses clients, et peuvent par suite être déduites des bases de TVA de cette société. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 28 septembre 2016 (CE 9° et 10° ch.-r., 28 septembre 2016, n° 393229, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7346R4T). En l'espèce, la société requérante exerce une activité de promotion immobilière consistant à vendre, en l'état futur d'achèvement, à des investisseurs locatifs ou à des accédants à la propriété, des immeubles qu'elle fait construire. Cette société propose, en accompagnement du contrat de vente, une garantie dite "de vacuité" en vertu de laquelle elle s'engage à verser aux acquéreurs n'ayant pu trouver immédiatement un locataire, pendant une durée maximale de six mois, une somme correspondant au loyer qui aurait été perçu en cas de location du bien. La société subordonne néanmoins le bénéfice de cette garantie à la condition que l'acquéreur confie la gestion de son bien immobilier à un gestionnaire agréé par elle-même. L'administration fiscale a alors regardé les sommes versées par cette société au titre de la garantie "de vacuité" non comme des réductions de prix mais comme la contrepartie d'une prestation de services rendue à cette société par les acquéreurs et consistant, pour ces derniers, dans le choix de faire appel à un gestionnaire agréé. Cependant, la Haute juridiction en a décidé autrement. En effet, une garantie de loyer constitue, en principe, une modalité de réalisation de la vente de l'immeuble de nature à entraîner, à concurrence des sommes versées en exécution de cette garantie, une réduction du prix d'acquisition initialement stipulé ainsi que, par voie de conséquence, de la TVA correspondante. Ainsi, selon le Conseil d'Etat, le fait d'imposer à l'acquéreur de faire appel à un gestionnaire agréé par le vendeur ne remet pas en cause ce principe .

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