La lettre juridique n°284 du 6 décembre 2007

La lettre juridique - Édition n°284

Éditorial

Imposition française en pays monégasque : les ressorts d'une souveraineté octroyée

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N3641BD9

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


Qui se souvient que les Français résidant à Monaco payent, globalement, l'impôt français et ne bénéficient pas ainsi des avantages de ce paradis fiscal, parce que l'Etat monégasque souhaitait conserver la main mise sur... sa chaîne de télévision locale ?

"Les relations étroites et privilégiées qui sont le reflet de leur amitié traditionnelle, telles qu'elles sont issues de l'Histoire et telles qu'elles s'inscrivent dans leur communauté de destin" entre la France et le Rocher relèvent, pourtant, d'un rapport de force sans cesse réévalué, afin de satisfaire les intérêts politiques, commerciaux et économiques de chacun des protagonistes.

Certes le Traité d'amitié et de coopération entre la France et Monaco prévoit, en son article premier, que la République française assure à la Principauté de Monaco la défense de son indépendance et de sa souveraineté et garantit l'intégrité du territoire monégasque dans les mêmes conditions que le sien ; et que la Principauté de Monaco s'engage à ce que les actions qu'elle conduit dans l'exercice de sa souveraineté s'accordent avec les intérêts fondamentaux de la République française dans les domaines politique, économique, de sécurité et de défense. Mais, c'est là, justement, que le bât blesse. Lorsque Charles III supprime, en 1869, les impôts personnels, fonciers et mobiliers, la France, garantissant, une nouvelle fois, la souveraineté de l'Etat monégasque en 1919, ne se doutait pas que Monaco deviendrait une place financière d'importance, un paradis fiscal dont l'opacité bancaire pourrait amoindrir ses recettes et, symboliquement, porter atteinte à sa puissance régalienne. Et le fait qu'une loi de 1934 dotât Monaco d'un régime de faveur pour les holdings ne fit rien pour améliorer les relations diplomatiques des deux Etats. Finalement, qui eut dit que la prise de la forteresse gibeline par François Grimaldi, en 1297, conduirait le Conseil d'Etat, sept siècles plus tard, à rendre toujours, et encore, des décisions réglant les conflits fiscaux entre l'administration française et certains résidents monégasques ?

Dernièrement, c'est la question de la détermination du domicile fiscal des nationaux français résidant dans la Principauté de Monaco qui fut débattue devant le Haut conseil, au cours d'un arrêt rendu le 5 octobre dernier et publié sur son site internet. Le Conseil d'Etat énonce que les nationaux français qui résident dans la Principauté de Monaco sont réputés conserver leur domicile fiscal en France et sont, dès lors, passibles de l'impôt sur le revenu, sauf s'ils sont en mesure de justifier, par la production d'un certificat de domicile délivré en application de la Convention du 23 décembre 1951 ou par tous moyens, qu'ils résidaient habituellement à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au moins. Et Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice, de nous expliquer, cette semaine, pourquoi les dispositions combinées de la convention fiscale franco-monégasque de 1963, notamment ses articles 7 et 22, n'ont ni pour objet ni pour effet de faire des certificats de domicile qu'elles mentionnent le seul moyen de preuve de la résidence habituelle d'un contribuable à Monaco depuis cinq ans à la date du 13 octobre 1962.

Pour la grande Histoire, la convention franco-monégasque de 1963 est le fruit des négociations engagées à la suite de "la crise monégasque" issue de l'ordonnance "Image et Son" prise par Rainier III, en 1962. La perte du contrôle, par le Rocher, de la société gérant TMC, chaîne de télévision créée en 1954, au profit de l'Etat français, obligeait la principauté à user d'un stratagème juridique afin de permettre une action en justice visant à contester cette cession de contrôle. La suite, on la connaît : un ministre d'Etat français humilié et limogé pour avoir osé demander le retrait de l'ordonnance ; une abrogation en catimini sur fond de pression du Gouvernement français ; et l'obligation d'une remise à plat des relations franco-monégasques, dont les tenants et implications n'étaient manifestement plus les mêmes qu'en 1919 et 1930, dates des dernières tractations.

Le fond de l'affaire est moins romanesque. En 1962, le général De Gaulle ne peut que déplorer que, avec les Accords d'Evian et le règlement de la question franco-algérienne, le rapatriement des intérêts français s'effectue majoritairement dans les Alpes maritimes... Mais les plus fortunés décident, déjà, de s'installer dans la Principauté de Monaco... donc hors de portée de l'administration fiscale française. Ajoutez à cela, l'absence d'impôts directs encouragea l'implantation d'entreprises dans les domaines de la chimie, du textile, des appareils électriques de précision, des appareils ménagers, autant d'entreprises symboles de la croissance des Trente Glorieuses, et vous obtiendrez le cocktail détonnant qui oblige, aujourd'hui, les Français résidant à Monaco à payer l'impôt français, y compris l'impôt de solidarité sur la fortune. Et seuls les prélèvements sociaux échappent à cette extraction fiscale.

C'est ainsi que l'article 32 de la Constitution monégasque prend alors tout son sens : "L'étranger jouit dans la Principauté de tous les droits publics et privés qui ne sont pas formellement réservés aux nationaux"... et les droits fiscaux sont manifestement de ces derniers.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] L'expertise biologique est de droit en matière de filiation

Réf. : Ass. plén., 23 novembre 2007, n° 06-10.039, M. Bernard Romero c/ M. Bernard Trouillet, P+B+R+I (N° Lexbase : A9299DZG)

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N3591BDD

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Nul n'ignore que, en matière de filiation, deux vérités sont concevables. La première vérité est, bien sûr, la vérité biologique qui renvoie au lien existant entre l'enfant et son géniteur : c'est la vérité du sang, la vérité scientifique. Elle présente la caractéristique, du point de vue du fond, d'être unique (le lien de sang ne relie l'enfant qu'à un seul homme et à une seule femme) et immuable (en ce sens que ce lien est définitif). Du point de vue de la preuve, alors qu'il a longtemps été beaucoup plus facile d'établir ce lien à l'égard de la mère qu'à l'égard du père, la maternité présentant des signes extérieurs visibles, les empreintes biologiques et génétiques permettent aujourd'hui, on le verra, de révéler, également, le lien du sang à l'égard du père comme à l'égard de la mère. A côté de cette vérité biologique, froide, une autre vérité doit être prise en compte : la vérité sociologique, affective, celle du coeur, qui renvoie, elle, au lien existant entre l'enfant et celui qui l'élève. Contrairement à la vérité biologique, la vérité sociologique peut être plurielle et changeante et, du point de vue de la preuve, paraît aujourd'hui plus difficile à établir qu'auparavant dans une société urbaine, individualiste et mobile. Le droit de la filiation accueille ces deux vérités, la prise en compte de la possession d'état permettant de faire une place à la vérité sociologique ou affective. Hormis l'hypothèse dans laquelle la mère exigerait que les secrets de son accouchement et de son identité soient conservés et, donc, choisirait, comme le lui permet l'article 341-1 du Code civil (N° Lexbase : L2838ABQ), d'accoucher "sous X", la preuve de la maternité ne suscite guère de difficultés particulières, la grossesse et l'accouchement désignant la mère avec certitude : "mater semper certa est" disaient déjà les Romains (1). La question s'avère, en revanche, plus délicate s'agissant de la paternité. Le Code civil, pour organiser la preuve du lien biologique, avait posé des présomptions intéressant la conception de l'enfant (présomptions relatives à la période de la conception, d'une part, à la date de la conception, d'autre part). Les progrès scientifiques ont permis l'essor de moyens plus modernes et plus performants de preuve de ce lien, que la jurisprudence a entendu favoriser, comme en témoigne un récent arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation du 23 novembre dernier.

En l'espèce, M. X avait assigné M. Y en recherche de paternité et avait demandé, subsidiairement, l'organisation d'une expertise biologique. La cour d'appel l'avait débouté en énonçant que "la demande tendant à voir ordonner une expertise biologique n'est recevable que s'il a été recueilli au préalable des indices ou présomptions de paternité, que M. X n'a pas fourni de telles présomptions ou indices et que celui-ci ignorant l'adresse actuelle de M. Y, sa demande apparaît vaine". La Haute juridiction casse l'arrêt et rappelle, au visa des articles 340 (N° Lexbase : L2830ABG) et 311-12 (N° Lexbase : L4747ABD) du Code civil, dans leur rédaction applicable à l'espèce, ensemble, l'article 146 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L2261AD4), que "l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder".

Il faut, au moins, rapidement redire que les progrès de la science ont conduit, depuis quelques décennies, à étoffer la question de la preuve, la preuve de la paternité pouvant aujourd'hui être obtenue grâce aux analyses sanguines et aux empreintes génétiques avec une probabilité voisine de la certitude (plus de 99 %). C'est l'une des lois bioéthiques du 29 juillet 1994 (loi n° 94-653, relative au respect du corps humain N° Lexbase : L3102AIQ) qui a, ainsi, réglementé le recours aux empreintes génétiques. L'article 16-11 du Code civil (N° Lexbase : L8778G8M), qui en est issu, prévoit dans son alinéa 1er, que l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentées lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ainsi que, depuis une loi du 24 mars 2005 (loi n° 2005-270, portant statut général des militaires N° Lexbase : L1292G8D), d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées. Il est, en outre, précisé que, "en matière civile, cette identification ne peut être recherchée qu'en exécution d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge saisi d'une action tendant soit à l'établissement ou la contestation d'un lien de filiation, soit à l'obtention ou la suppression de subsides", étant entendu que, en tout état de cause, "le consentement de l'intéressé doit être préalablement et expressément recueilli". Il faut, du reste, préciser que, à la faveur de la loi du 6 août 2004, relative à la bioéthique (loi n° 2004-800 N° Lexbase : L0721GTU), l'alinéa 2 de l'article 16-11 du Code civil, qui en est issu, interdit l'identification post mortem par empreintes génétiques, "sauf accord exprès du vivant de la personne" (2). Par où il apparaît que le recours aux empreintes génétiques est assez strictement encadré, et ce afin de ne pas les favoriser de façon excessive.

En revanche, dans le silence de la loi, l'on s'était demandé si le recours aux expertises sanguines était limité comme l'est le recours aux empreintes génétiques : autrement dit, les règles légales, qui viennent d'être rappelées et qui concernent les empreintes génétiques, devaient-elles être transposées au cas du recours aux expertises sanguines ? Alors que l'on pouvait penser que devait ici s'appliquer le droit commun des mesures d'instructions, la décision étant laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond, la Cour de cassation ne l'a pas décidé ainsi et a considéré, après revirement, que "l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder" (3). C'est cette solution que répète aujourd'hui l'Assemblée plénière. Le juge peut déduire du refus de se soumettre à une telle expertise toutes les conséquences qui s'imposent (NCPC, art. 11 N° Lexbase : L3203ADY). Ainsi a-t-il été jugé qu'une cour d'appel a pu souverainement déduire du refus du mari et de l'ex-épouse de se soumettre à l'examen comparé des sangs et des autres indices ou présomptions retenus la vraisemblance de la paternité du concubin de l'ex-épouse (4). L'on se doute que, dorénavant, la discussion portera sur cette obscure notion de "motif légitime". En tout état de cause, un tel motif existe certainement dans l'hypothèse où il y aurait des présomptions graves, précises et concordantes en faveur de la filiation établie ou, au contraire, revendiquée ou, plus largement, de l'une des deux filiations en conflit (durée, possession d'état, etc.), ce qui justifierait alors, effectivement, de faire l'économie d'une expertise. L'existence d'un motif légitime de ne pas procéder à une expertise sanguine pourra encore résulter, de façon non moins certaine, de la stérilité avérée du père prétendu, stérilité rendant, par hypothèse, superflue l'expertise sanguine et justifiant le refus opposé par l'intéressé de s'y soumettre. Un arrêt de la première chambre civile de la Cour de cassation du 25 avril 2007 a encore retenu, rendant impossible l'expertise biologique, d'une part, le fait que la preuve de la conservation d'un échantillon de sang nécessaire à un examen sérologique comparé n'était pas rapportée, et, d'autre part, le fait que l'administrateur ad hoc de l'enfant s'opposait à une exhumation du corps du défunt (5). Une autre hypothèse apparaît, en revanche, plus délicate et renvoie aux situations dans lesquelles l'un des deux parents, dont la filiation est contestée, refuse l'expertise sanguine en sachant certes qu'il n'est pas le parent biologique, mais au motif qu'il estime avoir des droits sur un autre plan, notamment parce qu'il élève l'enfant depuis longtemps. A vrai dire, en pareil cas, et comme a justement pu le faire observer un auteur, le refus d'expertise paraîtra bien discutable, "sauf à retenir une conception très large du 'motif légitime' conduisant en fait à revoir les fondements mêmes de notre droit de la filiation" (6).


(1) Encore faut-il sans doute remarquer que, jusqu'à une époque récente, la seule indication du nom de la mère dans l'acte de naissance d'un enfant naturel ne suffisait pas à établir la filiation à son égard, une reconnaissance expresse étant alors nécessaire. L'ordonnance du 4 juillet 2005 (ordonnance n° 2005-759 N° Lexbase : L8392G9P) ayant réformé le droit de la filiation a fait évoluer cette solution discutable : le nouvel article 311-25 du Code civil (N° Lexbase : L8813G9B) dispose, en effet, désormais, que "la filiation est établie à l'égard de la mère, par la désignation de celle-ci dans l'acte de naissance".
(2) Voir, antérieurement, dans l'affaire "Yves Montand", CA Paris, 1ère ch., sect. C, 6 novembre 1997, n° 94/27539, Madame Amiel Carole c/ Madame Allegret Catherine (N° Lexbase : A2697DDA), D. 1998, p. 122, note Malaurie, jugeant que le consentement propre du défunt ne pouvant plus être recherché et ses ayants droit ayant fait connaître qu'ils ne s'y opposaient pas, il convient, alors qu'il est de l'intérêt essentiel des parties d'aboutir à une certitude biologique, d'ordonner un complément d'expertise à l'effet de procéder après exhumation du corps à l'identification génétique du défunt pour déterminer s'il peut, ou non, être le père de l'enfant ; comp. Cass. civ. 1, 3 juillet 2001, n° 00-10.254, Mme Gisèle Duperon c/ Mme Florence Beauruel (N° Lexbase : A1104AUG), Bull. civ. I, n° 203, décidant qu'il ne peut être reproché à une cour d'appel d'avoir déclaré judiciairement la paternité naturelle au moyen d'une analyse génétique effectuée après le décès du défendeur dès lors qu'il n'existait aucun doute sur la réalité du consentement donné par les héritiers du défunt aux prélèvements nécessaires.
(3) Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° 98-12.806, Mme X c/ M. Y (N° Lexbase : A8717AHC), Bull. civ. I, n° 103, D. 2000, p. 731, note Garé, JCP éd. G, 2000, II, 10409, concl. Petit, note Monsallier-Saint Mleux, Rép. Defrénois 2000, p. 769, obs. Massip, RTDCiv. 2000, p. 304, obs. Hauser ; Cass. civ. 1, 30 mai 2000, n° 98-16.059, M. X... c/ Mme Y..., divorcée Z..., inédit (N° Lexbase : A4558C7X), JCP éd. G, 2000, II, 10410, note Garé ; Cass. civ. 1, 12 juin 2001, n° 98-21.796, M. Herculano Fernandes c/ Mme Luisa Moreira-Marinho (N° Lexbase : A5816ATL), Bull. civ. I, n° 169 ; Cass. civ. 1, 17 septembre 2003, n° 01-03.408, M. Abdellah Baik c/ M. Jean-Marc Deswel, F-D (N° Lexbase : A5309C9I), RTDCiv. 2004, p. 73, obs. Hauser ; Cass. civ. 1, 9 décembre 2003, n° 02-10.097, M. Saïd Oihdi c/ Mme Marie-Christine Boukef, épouse Oihdi, F-D (N° Lexbase : A4311DAW), Rép. Defrénois 2004, p. 596, obs. Massip.
(4) Cass. civ. 1, 6 mars 1996, n° 94-11.108, Mme X c/ M. Y et autre (N° Lexbase : A9620ABW), D. 1996, p. 529, note Lemouland.
(5) Cass. civ. 1, 25 avril 2007, n° 06-13.872, M. Henri Gabert, F-P+B premier moyen (N° Lexbase : A0331DW8) et les observations de Nathalie Baillon-Wirtz, Le motif légitime de ne pas recourir à une expertise biologique destinée à contester une reconnaissance de paternité, Lexbase Hebdo n° 261 du 24 mai 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N1639BBC).
(6) Hauser, obs. RTDCiv. 2004, p. 74.

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Immobilier - Bulletin d'actualités n° 5

[Jurisprudence] Bulletin d'actualités en droit immobilier : actualité jurisprudentielle - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Décembre 2007

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N3590BDC

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Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité jurisprudentielle relative au droit immobilier. I. Contrat de construction de maisons individuelles sur plan : les pénalités de retard ne peuvent être inférieures au minimum légal (Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-18.166, FS-P+B N° Lexbase : A4203DZP) :

Par un arrêt du 7 novembre 2007, la Cour de cassation rappelle que les pénalités de retard ne peuvent être inférieures au minimum légal (soit inférieures à 1/3000ème du prix convenu par jour de retard).

En limitant l'indemnisation des époux acquéreurs pour le retard subi alors qu'en matière de pénalités de retard, les contrats de construction de maisons individuelles sur plan proposés ne peuvent prévoir une indemnisation du maître de l'ouvrage inférieure au minimum prévu par la loi, les juges du fond ont violé les articles L. 231-2 (N° Lexbase : L7277AB7), L. 231-6 (N° Lexbase : L6830HCX) et R. 231-14 (N° Lexbase : L8079ABT) du Code de la construction et de l'habitation.

La Cour de cassation s'était déjà prononcée dans le même sens dans un arrêt du 22 novembre 2000 (Cass. civ. 3, 22 novembre 2000, n° 99-11.582, Epoux Gobert-André c/ Compagnie européenne d'assurances industrielles N° Lexbase : A9476AHG, Bull. civ. III, n° 174).

II. Ordre du jour d'une assemblée générale des copropriétaires : une délibération ne peut porter que sur les questions inscrites à l'ordre du jour et ne peut être complétée par une autre qui n'y était pas inscrite (Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-18.882, Société civile immobilière (SCI) Les Lys, FS-P+B N° Lexbase : A4224DHZ) :

Dans un arrêt en date du 7 novembre 2007, la Cour de cassation rappelle, au visa de l'article 13 du décret du 17 mars 1967 (décret n° 67-223, pris pour l'application de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis N° Lexbase : L8032BB4), que l'assemblée générale des copropriétaires ne délibère valablement que sur les questions inscrites à l'ordre du jour et dans la mesure où les notifications ont été faites conformément aux dispositions réglementaires (articles 9 et 11 du décret du 17 mars 1967).

La Haute juridiction précise cette règle en indiquant qu'une décision qui a été votée conformément à l'ordre du jour ne peut être complétée par une autre qui n'y était pas inscrite.

En l'espèce, les juges du fond avaient retenu que l'assemblée générale était en droit d'amender ou d'améliorer les résolutions (inscrites à l'ordre du jour) qui lui étaient soumises dès lors qu'elles n'étaient nullement dénaturées mais complétées.

Ce raisonnement est censuré par la Cour de cassation.

III. Vente en bloc : la superficie à prendre en compte pour l'application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 (loi Carrez) est celle de l'unité d'habitation (Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-18.519, FS-P+B N° Lexbase : A4213DZ3) :

Au visa de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 (N° Lexbase : L4853AH9), la Cour de cassation rappelle que toute promesse unilatérale de vente ou d'achat, tout contrat réalisant ou constatant la vente d'un lot ou d'une fraction de lot mentionne la superficie de la partie privative de ce lot ou de cette fraction de lot.

Si la superficie est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte, le vendeur, à la demande de l'acquéreur, supporte une diminution du prix proportionnelle à la moindre mesure

En l'espèce, pour rejeter les demandes des acquéreurs, l'arrêt retient que les quatre lots objets de la vente ayant été cédés, en bloc, pour un prix non ventilé entre ces divers lots, il n'était pas possible de déterminer le prix du seul lot n° 79, dont la superficie est inférieure à celle mentionnée dans l'acte de vente, et, partant, de procéder à une réduction du prix de vente en application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement et indique qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que les lots 78 et 79 avaient été réunis pour constituer un appartement avec terrasse privative et véranda sur trois étages et que la superficie à prendre en compte pour l'application de l'article 46 de la loi du 10 juillet 1965 était celle de l'unité d'habitation, la cour d'appel a violé l'article 46 précité.

La Cour de cassation avait déjà fait référence à la notion d'"unité d'habitation" dans un précédent arrêt du 28 mars 2007 (Cass. civ. 3, 28 mars 2007, n° 06-13.796, Société civile immobilière (SCI) WBBSM, FS-P+B N° Lexbase : A8071DUH).

IV. Indemnisation du sous-traitant par le maître d'ouvrage : le sous-traitant doit avoir été préalablement identifié par le maître de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-18.870, FS-P+B N° Lexbase : A4222DZE) :

Dans son arrêt du 7 novembre 2007, la Cour de cassation rappelle que l'application de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance (loi n° 75-1334 N° Lexbase : L5127A8E) suppose que le sous-traitant ait été identifié par le maître de l'ouvrage.

En l'espèce, un sous-traitant faisait face à l'insolvabilité de l'entreprise générale (en liquidation judiciaire) et reprochait au maître de l'ouvrage de n'avoir pas exécuté les obligations prescrites par l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 qui lui imposent, notamment, de mettre en demeure l'entreprise principale de s'acquitter de ses obligations légales en faisant accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance.

Selon une jurisprudence désormais classique, le sous-traitant ne peut invoquer la carence du maître de l'ouvrage (qui le prive de son action directe) que si ce dernier a connaissance du sous-traitant (Cass. civ. 3, 26 janvier 2000, n° 98-15.999, Société l'Essor c/ Société Bricorama N° Lexbase : A3665AUB).

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation impose, désormais, que le maître d'ouvrage ait "identifié" le sous-traitant.

V. Précisions en matière de contestation d'assemblée générale de copropriétaires ou de résolutions non inscrites à l'ordre du jour (Cass. civ. 3, 14 novembre 2007, n° 06-16.392, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A5887DZ3 ; Cass. civ. 3, 7 novembre 2007, n° 06-17.361, FS-P+B N° Lexbase : A4189DZ8) :

Deux arrêts récents de la Cour de cassation méritent l'attention des praticiens en ce qu'ils apportent des précisions dans des domaines peu explorés jusque-là. Par un arrêt du 14 novembre 2007, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a, ainsi, précisé que seul le copropriétaire non convoqué ou irrégulièrement convoqué pouvant se prévaloir de l'absence ou de l'irrégularité de la convocation à l'assemblée générale, le moyen de nullité invoqué par une SCI copropriétaire relatif au point de départ du délai de convocation d'un autre copropriétaire ne pouvait être accueilli et fondé l'annulation de l'assemblée.

Dans un second arrêt du 7 novembre 2007, la même chambre de la Cour de cassation a indiqué qu'une résolution adoptée à l'unanimité des copropriétaires même non inscrite à l'ordre du jour ne peut être contestée par un copropriétaire qui ne s'y est pas opposé, seuls les copropriétaires défaillants ou opposants étant recevables à la critiquer (sur ces deux arrêts, lire les observations de Marine Parmentier, Précisions en matière de contestation d'assemblée générale de copropriétaires ou de résolutions non inscrites à l'ordre du jour, Lexbase Hebdo n° 282 du 22 novembre 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N1979BDN).

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé
Marine Parmentier,
Avocat

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris


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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Le droit des contrats au secours du télétravailleur

Réf. : Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-43.524, Mme Henda Gassoumi, épouse Tahar, F-D (N° Lexbase : A9498DZS)

Lecture: 5 min

N3608BDY

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 07 Octobre 2010

Petit à petit, le télétravail fait son chemin comme mode d'organisation du travail salarié. Même si le Code du travail n'a pas consacré de statut particulier pour le télétravail salarié, la défense des intérêts du télétravailleur est parfaitement assurée par les techniques existantes et, singulièrement, par le régime général du contrat de travail. C'est ce qu'illustre un nouvel arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 novembre 2007. La Cour rappelle, ici, que l'employeur ne saurait revenir unilatéralement sur l'organisation contractuelle du travail voulue par les parties (1), ni priver le salarié de ses outils de travail (2).

Résumé

La mention sur le contrat de travail que ce contrat s'exécutera au siège de la société n'exclut pas que les parties aient pu convenir d'un mode d'organisation du travail de la salariée en tout ou partie en télétravail.

Peut valablement prendre acte, aux torts de son employeur, de la rupture du contrat de travail la salariée, privée par son employeur des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions.

1. La valeur juridique du télétravail contractuel

  • Régime du télétravail

Même si la loi n'a pas encore consacré le télétravail comme mode d'organisation du travail à part entière, cette pratique, de plus en plus répandue, dispose depuis l'accord-cadre européen du 16 juillet 2002 et, surtout, depuis l'accord étendu du 19 juillet 2005, d'un cadre conventionnel (1).

La mise en place du télétravail, soit total, soit partiel, passe normalement par la conclusion entre les parties d'un avenant spécifique organisant le nombre de jours par semaine où le salarié télétravaille, les modalités de prise en charge par l'employeur du matériel et des frais afférents, éventuellement les modalités de retour du salarié à une organisation plus traditionnelle du travail (2).

Cette organisation contractuelle du télétravail a été consacrée en tant qu'élément essentiel du contrat de travail ne pouvant être modifié unilatéralement par l'employeur.

Dans un premier arrêt en date du 2 octobre 2001, la Cour de cassation avait considéré que le fait de supprimer le bureau du salarié dans l'entreprise et de lui demander de l'installer à son domicile constituait une modification du contrat de travail (3).

Dans une autre décision rendue le 13 avril 2005, la Cour de cassation avait considéré que la suppression de la faculté reconnue au salarié de réaliser son travail administratif à son domicile, un jour par semaine, constituait, également, une modification de son contrat de travail (4).

Cette jurisprudence a été reprise et synthétisée dans un arrêt du 31 mai 2006 autour du critère de l'"organisation contractuelle du travail" qui ne peut être modifiée unilatéralement par l'employeur (5).

  • L'intangibilité du télétravail contractualisé

C'est cette jurisprudence qui se trouve confortée par ce nouvel arrêt en date du 29 novembre 2007.

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de directrice technique et administrative selon un contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel. Un avenant avait été, par la suite, signé entre les parties, prévoyant la mise en place d'un temps complet, la salariée exerçant une partie de ses activités à son domicile grâce au matériel installé par son employeur. Ce dernier ayant décidé unilatéralement de mettre un terme au télétravail et de reprendre le matériel mis à sa disposition, la salariée avait saisi le juge des référés de différentes demandes et avait, finalement, pris acte, aux torts de l'employeur, de la rupture du contrat de travail et réclamé au conseil de prud'hommes des dommages et intérêts sanctionnant, notamment, la rupture sans cause réelle et sérieuse.

La cour d'appel de Bordeaux l'avait déboutée de l'ensemble de ses demandes au motif qu'elle ne rapportait pas la preuve d'un quelconque engagement de l'employeur à lui permettre de travailler à son domicile, singulièrement parce que le contrat de travail écrit n'y faisait pas référence.

Alors que l'on pouvait s'attendre à ce que la Cour de cassation rejette le pourvoi en se fondant sur le pouvoir d'appréciation souverain des juges du fond, l'arrêt est, au contraire, cassé, pour violation de l'article 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), la Cour relevant que "la mention sur le contrat de travail que ce contrat s'exécutera au siège de la société n'exclut pas que les parties aient pu convenir d'un mode d'organisation du travail de la salariée en tout ou partie en télétravail".

Ce n'est donc pas parce que le télétravail n'a pas été gravé dans le marbre contractuel que les parties n'étaient pas convenues de cette forme d'organisation du travail, les juges ne devant pas s'arrêter, pour déterminer les éléments essentiels du contrat de travail, aux seules stipulations écrites du contrat.

Ce faisant, la Cour de cassation confirme sa conception matérielle, et non formelle, du contrat de travail qui ne s'arrête pas à l'instrumentum mais couvre plus largement, et plus informellement, toutes les pratiques convenues des parties (6).

Ce dépassement du strict cadre écrit du contrat interdit, par conséquent, aux juges du fond de s'en tenir aux clauses écrites par les parties et les contraint à sonder plus largement leurs relations de travail pour y déceler les preuves empiriques d'autres accords informels.

Cette jurisprudence est parfaitement justifiée. Sauf pour les contrats de travail spéciaux, la loi n'impose pas, en effet, la rédaction d'un document contractuel écrit. Même si le recours à l'écrit présente de nombreux avantages, il n'est donc pas systématique. Les parties qui ont conclu, lors de l'embauche, un contrat ne songent, d'ailleurs, pas nécessairement à signer des avenants à chaque fois que l'un des éléments essentiels du contrat est modifié ; dans ces conditions, rechercher la réalité du contrat de travail dans la pratique des parties paraît plus conforme à la réalité, et plus juste.

2. L'obligation faite à l'employeur de laisser au télétravailleur ses outils de travail

  • La déloyauté de l'employeur sanctionnée

Cet arrêt en date du 29 novembre 2007 présente un autre intérêt car il démontre que le salarié est, non seulement, protégé contre les modifications que l'employeur pourrait apporter au contrat de travail mais, également, contre toutes les pratiques qui pourraient rendre l'exécution effective de celui-ci impossible.

Dans cette affaire, en effet, l'employeur avait décidé de mettre un terme au télétravail en retirant à la salariée le matériel jusque-là mis à sa disposition. Il ne s'agissait donc pas, à proprement parler, d'une modification du contrat de travail, mais plutôt d'un moyen de contrainte plus insidieux destiné à la faire plier.

Or, ce procédé déloyal est condamné par la Cour de cassation, qui considère la prise d'acte par la salariée de la rupture de son contrat de travail justifiée, l'employeur étant condamné pour l'avoir privée "des moyens nécessaires à l'accomplissement de ses fonctions".

  • Une solution parfaitement justifiée

Cet arrêt confirme, ainsi, une jurisprudence bien établie qui impose à l'employeur, non seulement, de payer au salarié le salaire convenu, mais, également, de lui donner les moyens d'accomplir les fonctions qu'il lui a confiées (7). Cette obligation, directement liée à l'exigence de bonne foi qui pèse sur les parties au contrat de travail (C. trav., art. L. 120-4 N° Lexbase : L0571AZ8), impose, par conséquent, à l'employeur d'assurer le salarié qu'il pourra effectivement exécuter son contrat de travail en lui donnant les moyens adéquats pour y parvenir. A défaut, ce dernier pourra soit saisir le juge d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, soit directement prendre acte de la rupture du contrat de travail, et obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Les employeurs sont donc prévenus : le télétravail n'est pas un mode d'organisation du travail qui entrerait dans le seul pouvoir de direction du chef d'entreprise, mais une structuration de la production à part entière sur laquelle les salariés sont pleinement en droit de compter.


(1) Sur le télétravail en général, lire dernièrement le compte-rendu d'A. Serrano, Actualité sur le télétravail, Lexbase Hebdo n° 260 du 17 mai 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0428BBH), ainsi que l'ouvrage de référence de J.-E. Ray, Le droit du travail à l'épreuve des NTIC, éd. Liaisons, 2ème éd., 2001. Du même auteur, lire dernièrement Actualités des TIC, Dr. soc. 2007, p. 140 s., p. 275 s., p. 423 s., 951 s..
(2) La clause de réversibilité, ou de retour, ne doit pas être confondue avec une clause de mobilité qui est impuissante à justifier le retour du salarié dans l'entreprise : Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, Société SCC, venant aux droits de la société anonyme Allium c/ Mme Christine Couanau, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7230DPH) ; lire nos obs., L'organisation contractuelle du travail ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, Lexbase Hebdo n° 219 du 15 juin 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N9530AK8) ; JCP éd. G, 2006, II, 10135, p. 1524, obs. D. Corrignan-Carsin : "le fait pour l'employeur de lui imposer de travailler désormais tous les jours de la semaine au siège de la société constituait, peu important l'existence d'une clause de mobilité, une modification du contrat de travail que la salariée était en droit de refuser".
(3) Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.727, M. Victor Abram c/ Société Zurich assurances, publié (N° Lexbase : A6254AGQ).
(4) Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, M. François Gargala c/ Société SDP, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN) ; lire les obs. de Ch. Alour, La notion de contractualisation du lieu de travail, Lexbase Hebdo n° 165 du 28 avril 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N3665AIL).
(5) Cass. soc., 31 mai 2006, préc. : "lorsque les parties sont convenues d'une exécution de tout ou partie de la prestation de travail par le salarié à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans l'accord du salarié" ; Cass. soc., 31 octobre 2006, n° 05-41.836, Société Transamo, F-D (N° Lexbase : A2102DSN) : "la nouvelle proposition de mutation par laquelle l'employeur entendait mettre un terme à la situation de télétravail qui avait fait l'objet d'un accord entre les parties constituait une modification du contrat de travail que le salarié était en droit de refuser".
(6) Cass. soc., 10 octobre 2007, n° 06-43.051, M. Maamar Saidi, F-D (N° Lexbase : A7461DYY) ; sur cette jurisprudence, notre chron., La contractualisation rampante des éléments de la relation de travail, Lexbase Hebdo n° 277 du 18 octobre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N8720BCX).
(7) Le salarié pourra, ainsi, demander la résiliation judiciaire anticipée du contrat de travail à durée déterminée : Cass. soc., 14 janvier 2004, n° 01-40.489, Association SAOS Toulouse Football club "TFC" c/ M. Eric Garcin, publié (N° Lexbase : A7762DAQ) ; Dr. soc. 2004, p. 306, et les obs. ; Cass. soc., 10 février 2004, n° 01-45.216, M. Georges Arbona c/ Société KPMG Fiduciaire de France, FS-P+B (N° Lexbase : A2693DBD) ; lire nos obs., L'employeur doit prouver qu'il a fourni au salarié les moyens de réaliser la prestation de travail pour laquelle il était engagé, Lexbase Hebdo n° 108 du 19 février 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0558ABB) ; Cass. soc., 10 mai 2006, n° 05-42.210, Mlle Florence Lucas c/ Société Gecoma, F-P+B (N° Lexbase : A3653DPY) ; lire les obs. S. Tournaux, L'exécution de bonne foi du contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 216 du 25 mai 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N8745AK4).
Décision

Cass. soc., 29 novembre 2007, n° 06-43.524, Mme Henda Gassoumi, épouse Tahar, F-D (N° Lexbase : A9498DZS)

Cassation (CA Bordeaux, chambre sociale, section B, 10 novembre 2005)

Texte visé : C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clefs : contrat de travail organisation du travail ; télétravail ; modification du contrat de travail.

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Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Convention collective et bulletin de paie : revirement de jurisprudence !

Réf. : Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-44.008, Mme Gabrielle Dos Santos Martins c/ Société Oeno Conseil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7430DZ9)

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par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

En application de l'article R. 143-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1837G9W), l'employeur est tenu d'indiquer, dans le bulletin de paie, l'intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié. La Cour de cassation avait donné à cette mention une portée extrêmement rigoureuse puisqu'elle considérait que celle-ci "valait reconnaissance de l'application de la convention à l'égard du salarié". En d'autres termes, et en quelque sorte, cette mention constituait une présomption irréfragable d'applicabilité de la convention collective visée à la relation de travail. Un important arrêt, rendu le 15 novembre dernier et promis à la plus large des publications, vient mettre un terme à cette jurisprudence. Si la mention de la convention collective dans le bulletin de paie continue de valoir présomption de l'applicabilité de la convention à l'égard des salariés, l'employeur est, désormais, en mesure d'apporter la preuve contraire.

Résumé

Aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ), l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable. Si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie. Cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire.

1. Retour sur la jurisprudence antérieure

  • La mention de la convention collective sur le bulletin de paie vaut reconnaissance de l'application de celle-ci à l'entreprise

En application de l'article R. 143-2 du Code du travail, le bulletin de paie doit comporter un certain nombre de mentions obligatoires, parmi lesquelles figure "l'intitulé de la convention collective de branche applicable au salarié".

Le respect de cette exigence légale ne pose aucun problème lorsque la convention mentionnée dans le bulletin de paie correspond à la convention effectivement et obligatoirement applicable dans l'entreprise. Cette applicabilité obligatoire dépend, on le sait, de l'affiliation syndicale de l'employeur, de la situation géographique de l'entreprise et, enfin, de son activité économique (v., sur la question, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, Droit du travail, Précis Dalloz, 23ème éd., 2006, §§ 822 et s.) (1).

La difficulté naît lorsque le bulletin de salaire vise une convention collective de branche qui ne correspond pas à celle normalement applicable dans l'entreprise. Cette différence procède fréquemment d'une erreur de l'employeur (2). Elle peut, également, être la conséquence de la décision de l'employeur d'appliquer tout ou partie des dispositions d'une convention collective qui n'est pas normalement applicable. En effet, et la Cour de cassation l'affirme de longue date, l'employeur peut, par une manifestation claire et non équivoque de volonté, soumettre volontairement le contrat de travail à une convention collective à laquelle il n'est pas assujetti (Cass. soc., 5 octobre 1993, n° 89-43.869, Société Surveillance de l'Ouest c/ Mme Lorillard et autre N° Lexbase : A6265ABN ; RJS 11/93, n° 1122).

Partant, quelle conséquence tirer de la mention dans le bulletin de paie d'une convention collective de branche qui n'est pas celle normalement applicable dans l'entreprise ? Pendant un temps, la Chambre sociale considérait qu'une telle mention constituait seulement un indice de la volonté de l'employeur d'appliquer cette convention, les juges du fond devant rechercher l'intention de l'employeur (Cass. soc., 10 avril 1991, n° 87-45.375, Coudray c/ SARL Art et bâtir, inédit N° Lexbase : A1471AAQ ; RJS 6/91, n° 733). Mais, par un important arrêt rendu le 18 novembre 1998, la Cour de cassation allait juger que la mention de la convention collective sur le bulletin de paie valait reconnaissance de l'application de la convention collective à l'entreprise (Cass. soc., 18 novembre 1998, n° 96-42.991, Société hôtelière cognacaise c/ Mme Mazif, publié N° Lexbase : A3757ABR ; JCP éd. G, 1999, II, 10088, note J.-Ph. Lhernould). En d'autres termes, et à compter de cette date, la mention de la convention collective n'était plus seulement un élément de preuve de l'application volontaire par l'employeur de ladite convention. Celle-ci devenait applicable par le seul fait de sa mention sur le bulletin de paie du salarié, qui pouvait dès lors s'en prévaloir.

  • Les évolutions postérieures

Les décisions ultérieures rendues en la matière devaient conduire la Cour de cassation à préciser la solution retenue, mais aussi à en limiter la portée. Ainsi, celle-ci allait-elle rapidement souligner que, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise. En revanche, dans les relations individuelles, le salarié, à défaut de se prévaloir de cette convention, peut demander l'application de la convention collective mentionnée au bulletin de paie (Cass. soc., 18 juillet 2000, n° 97-44.897, M. Lapassouse c/ Société ASD, publié N° Lexbase : A8745AHD ; Dr. soc. 2000, p. 921, obs. J.-Y. Frouin) (3).

La Cour de cassation allait, par ailleurs, apporter des assouplissements à la rigoureuse solution retenue en 1998, sans pour autant renier sa position. Tout d'abord, elle affirmait en 2003 que "l'application volontaire par un employeur d'une convention collective résultant de la mention dans un contrat de travail n'implique pas à elle seule l'engagement d'appliquer à l'avenir les dispositions de ses avenants, même lorsque cette mention est reproduite sur les bulletins de salaire ultérieurs" (Cass. soc., 2 avril 2003, n° 00-43.601, Mme Marie-Odile Yvin c/ SCP Roux Delaere, publié N° Lexbase : A6342A7Z ; Dr. soc. 2003, p. 901, obs. Ch. Radé. V. aussi, du même auteur, La portée probatoire du bulletin de paie les limites d'une jurisprudence fictive, Lexbase Hebdo n° 66 du 10 avril 2003 - édition sociale N° Lexbase : N6847AAT). Elle soulignait, ensuite, que "lorsque le contrat de travail prévoit l'application volontaire de certaines clauses d'une convention collective, la seule mention de cette convention sur les bulletins de paie ne confère pas au salarié le droit de bénéficier de l'application des autres dispositions de cette convention" (Cass. soc., 10 juin 2003, n° 01-41.328, M. Alain Libert c/ GIE Groupe Laborde, publié N° Lexbase : A7229C8A).

Critiquée par certains auteurs (4), cette décision a été approuvée par d'autres, qui se demandaient si la Cour de cassation n'était pas prête à admettre que la mention de la convention applicable sur le bulletin de salaire ne créé qu'une présomption simple d'application, présomption que l'employeur pourrait renverser par tout autre moyen (Ch. Radé, La portée probatoire du bulletin de paie : le réalisme est de retour !, Lexbase Hebdo n° 76 du 19 juin 2003 - édition sociale N° Lexbase : N7843AAQ).

L'arrêt rendu le 15 novembre dernier vient confirmer, certes avec un certain retard, la justesse de ces propos, mettant ainsi un terme à une jurisprudence critiquable.

2. La fin d'une jurisprudence contestable

  • Le revirement

Jusqu'à l'arrêt rapporté, la solution était donc simple : la mention de la convention collective applicable sur le bulletin de paie valait reconnaissance de son application à l'entreprise. Encore que la qualification ait pu être discutée, on pouvait considérer qu'on était en présence d'une présomption irréfragable. Ce qui est certain, c'est que le salarié pouvait exiger l'application de cette norme conventionnelle sans que l'employeur soit en mesure de démontrer qu'il n'avait nullement voulu faire une application volontaire de la norme en cause. Sans doute, l'employeur pouvait-il mettre un terme à cette situation pour l'avenir, en dénonçant ce qui était, au fond, un engagement unilatéral de sa part. Il n'en demeure pas moins que la solution était critiquable. D'une part, elle faisait bon ménage de l'exigence d'une volonté claire et non équivoque de l'employeur. D'autre part, elle conduisait à tirer une conséquence pour le moins excessive d'une exigence légale dont on pouvait parfaitement considérer qu'elle avait simplement valeur d'information.

Cette assertion, loin d'être erronée, était corroborée par la jurisprudence de la CJCE. Dans l'arrêt "Kampelmann" du 4 décembre 1997, celle-ci avait précisé qu'il convient d'attribuer à l'information délivrée au salarié une force probante telle qu'elle puisse être considérée comme élément susceptible de démontrer la réalité des éléments essentiels du contrat et qu'elle soit, de ce fait, revêtue d'une présomption de vérité comparable à celle qui s'attacherait dans l'ordre juridique interne à pareil document établi par l'employeur et communiqué au travailleur. Mais l'arrêt ajoutait qu'"en l'absence de régime de preuve établi par la directive elle-même, l'établissement des éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail ne saurait dépendre de la seule communication faite par l'employeur. Dès lors, l'employeur doit être autorisé à apporter toute preuve contraire en démontrant soit que les informations contenues dans la communication sont fausses en elles-mêmes, soit qu'elles ont été démenties par les faits" (CJCE, 4 décembre 1997, aff. C-253/96, Helmut Kampelmann et a. N° Lexbase : A5879AYE ; Dr. ouvrier 1998, p. 235, note M. Bonnechère).

Il apparaît ainsi que, là où la CJCE attache à la communication faite par l'employeur, en application de la Directive du 14 octobre 1991, des éléments essentiels de la relation de travail et, notamment, la convention collective applicable, la portée d'une présomption simple d'application de ladite convention, la Cour de cassation y voyait l'équivalent d'une présomption irréfragable (v., en ce sens, J.-Y. Frouin, obs. préc., p. 922). La Cour de cassation avait, sans doute, eu conscience du fait que sa jurisprudence était en contradiction avec celle de la CJCE. On en veut pour preuve que, si l'arrêt fondateur du 18 novembre 1998 avait été rendu au visa de la Directive européenne 91/533 du 14 octobre 1991 et de l'article R. 143-2 du Code du travail, les arrêts ultérieurs étaient uniquement fondés sur ce dernier texte (v., notamment, l'arrêt précité du 18 juillet 2000). Il n'en demeure pas moins que la jurisprudence de la Cour de cassation n'était pas conforme à celle de la CJCE et portait ainsi atteinte à la primauté du droit communautaire (V. en ce sens, J.-Ph. Lhernould, op. cit.).

Nonobstant ces arguments, la Cour de cassation aura maintenu, pendant près de 10 ans, une solution que l'arrêt commenté vient condamner. Ainsi que l'affirme la Chambre sociale, "aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie, interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable ; si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; cette mention vaut présomption de l'applicabilité de la convention collective à son égard, l'employeur étant admis à apporter la preuve contraire" (5).

On l'aura donc compris, la mention de la convention collective dans le bulletin de paie ne constitue plus désormais qu'une présomption simple d'applicabilité de l'acte juridique en cause dans l'entreprise. Présomption que l'employeur peut renverser en apportant la preuve contraire.

  • La portée de la solution

L'arrêt sous examen nous conduit à faire un singulier bond dans le temps, puisqu'on en revient, au fond, à la jurisprudence antérieure à l'arrêt du 18 novembre 1998. A nouveau la mention de la convention collective dans le bulletin de paie constitue un élément de preuve de l'application volontaire par l'employeur de ladite convention.

Par suite, si l'employeur ne parvient pas à renverser la présomption, il faut considérer qu'il a entendu appliquer volontairement la convention visée dans le bulletin de paie (6). Le salarié est, dès lors, en droit d'exiger l'application de cette convention, mais aussi, même si la Cour de cassation ne l'affirme pas expressément en l'espèce, la convention collective normalement applicable dans l'entreprise. En revanche, s'agissant des relations collectives de travail, seule cette dernière convention doit être appliquée.

Telle n'est évidemment pas la situation la plus problématique. La difficulté risque de naître lorsque l'employeur apportera la preuve que, malgré la mention de telle ou telle convention dans le bulletin de paie, il n'a pas entendu en faire une application volontaire. Encore convient-il, ici, de distinguer deux cas. Si, comme en l'espèce, la convention collective de branche revendiquée par les salariés n'a jamais été appliquée, en tout ou partie, dans l'entreprise, il n'y a aucun problème. En revanche, si la convention visée par le bulletin de paie a été appliquée et a permis aux salariés de bénéficier de certains avantages, l'employeur n'est-il pas en droit d'exercer une action en répétition de l'indu ? Une réponse affirmative doit sans aucun doute être apportée, d'autant plus que, on le sait, en cas d'indu objectif, l'erreur du solvens n'est plus une condition de la répétition de l'indu.

Pour autant, on peut considérer que si l'employeur a respecté les obligations mises à sa charge par la convention collective, c'est qu'il a clairement entendu en faire une application volontaire, ainsi que le laisse entendre la mention de la convention dans le bulletin de paie (7). Il n'en demeure pas moins que la solution retenue par la Cour de cassation laisse à notre sens supposer que, dans certaines situations, un employeur pourra être en mesure de renverser la présomption induite de la mention de la convention collective dans le bulletin de paie, alors même que celle-ci aura reçu application dans l'entreprise. Il faut alors espérer que l'employeur saura se montrer raisonnable et qu'il ne tirera pas toutes les conséquences de son erreur.


(1) Encore que l'hypothèse soit rare, il se peut ainsi fort bien qu'une entreprise ne soit, de manière obligatoire, soumise à aucune convention collective de branche.
(2) Il en va, notamment, ainsi lorsque l'entreprise a des activités multiples. Sans doute, est-il de règle que seule compte l'activité principale. Mais, la détermination de cette dernière n'est pas toujours évidente. En outre, l'entreprise peut changer d'activité (sur l'ensemble de cette question, v. J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, ouvrage préc., § 825).
(3) Pour être justifiée, cette solution conduit à un concours de conventions collectives et à la nécessité de faire prévaloir la disposition la plus favorable.
(4) V. notamment, J. Pélissier, A. Supiot, A. Jeammaud, ouvrage préc., p. 946, note 2, pour qui la solution est contestable "car elle confond la décision soumettant unilatéralement le salarié à un statut collectif (résultant de la mention sans réserve du bulletin de paie) avec la contractualisation de certains éléments de ce statut (résultant de l'incorporation de certaines clauses de la convention dans le contrat individuel)".
(5) Solution confirmée par un arrêt de cassation rendu le même jour : Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-43.383, Association Anais, FS-P+B (N° Lexbase : A7428DZ7).
(6) Il faut souligner que, dans les cas où le bulletin de paie se borne à viser la convention collective normalement applicable dans l'entreprise, un salarié est toujours en mesure de rapporter la preuve que l'employeur a entendu appliquer volontairement une autre convention.
(7) On peut penser que les juges se montreront stricts quant à l'admission des éléments permettant de renverser la présomption. En l'espèce, la Cour de cassation relève que "l'employeur apportait la preuve que la seule convention collective applicable au regard de l'activité de l'entreprise était celle du commerce de gros, de vins spiritueux et liqueurs, que la convention collective nationale de l'import-export revendiquée par la salariée n'avait jamais été appliquée en tout ou partie dans l'entreprise et que la mention portée sur les bulletins de paie procédait d'une erreur manifeste". On aurait aimé en savoir plus sur les éléments ayant conduit à retenir cette "erreur manifeste".
Décision

Cass. soc., 15 novembre 2007, n° 06-44.008, Mme Gabrielle Dos Santos Martins c/ Société Oeno Conseil, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7430DZ9)

Rejet (CA Nancy, chambre sociale, 19 mai 2006)

Texte concerné : C. trav., art. R. 143-2 (N° Lexbase : L1837G9W), interprété à la lumière de la Directive européenne 91/533/CEE du Conseil du 14 octobre 1991 (N° Lexbase : L7592AUQ).

Mots-clefs : bulletin de paie ; convention collective ; application volontaire ; présomption simple.

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Responsabilité

[Le point sur...] Le dommage corporel (première partie) *

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 01 Novembre 2013

Dans le prolongement d'une conférence sur "le dommage corporel" donnée à Montargis le 26 novembre dernier, l'auteur se propose de revenir, cette semaine et la semaine prochaine, sur deux questions techniques ayant fait l'objet d'une réforme récente : l'assiette du recours des tiers payeurs d'abord (I), l'incidence des partages de responsabilité sur l'assiette du recours, ensuite (II) (cf. l’Ouvrage "Droit de la responsabilité" N° Lexbase : E5786ETH). I - L'assiette du recours des tiers payeurs
  • Données du problème

Lorsque, à la suite d'un accident, des prestations sont versées à la victime par une personne ou un organisme qui y est tenu en vertu de la loi, d'un statut ou d'une convention, un recours lui est attribué si la prestation a un caractère indemnitaire. Contribuant à l'indemnisation de la victime, ce versement doit logiquement autoriser, en application de l'article 1251-3° du Code civil (N° Lexbase : L0268HPM), la subrogation légale du tiers payeur dans les droits de la victime dont la créance contre le responsable a été, en partie au moins, payée. Du même coup, les sommes versées doivent s'imputer sur les droits de la victime, partiellement indemnisée, afin d'éviter tout enrichissement de celle-ci et toute augmentation injustifiée de la dette de responsabilité.

Les relations entre le tiers payeur et la personne tenue à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne sont régies par les dispositions du chapitre II de la loi du 5 juillet 1985 (loi n° 85-677, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation N° Lexbase : L4304AHU), quelle que soit la nature de l'événement ayant occasionné le dommage. La loi détermine de façon limitative le domaine du recours subrogatoire des tiers payeurs (art. 29 N° Lexbase : L4290AHD à 33). Et, hormis les prestations mentionnées dans la loi du 5 juillet 1985, aucun versement effectué au profit d'une victime en vertu d'une obligation légale, conventionnelle ou statutaire n'ouvre droit à une action contre la personne tenue en réparation du dommage ou son assureur (art. 33 N° Lexbase : L4295AHK). Toutefois, lorsqu'il est prévu par contrat, le recours subrogatoire de l'assureur qui a versé à la victime une avance sur indemnité du fait de l'accident peut être exercé contre l'assureur de la personne tenue à réparation. A vrai dire, aujourd'hui, les difficultés ne concernent plus tellement le domaine des recours (on sait que, pour ouvrir droit à un recours subrogatoire, les prestations versées par des tiers doivent avoir un caractère indemnitaire), mais se concentrent pour l'essentiel sur la question de l'assiette des recours. Et, concrètement, les interrogations portent sur la détermination des indemnités dues par le tiers responsable qui sont soumises au recours des tiers payeurs : doit-on limiter l'assiette des recours aux seules indemnités correspondant aux préjudices réparés par les prestations versées (essentiellement les préjudices corporels économiques) ?

  • Systèmes concevables

Deux systèmes sont alors concevables. Le premier système se rattache à une conception unitaire et globale du préjudice corporel. Le préjudice est conçu comme un ensemble d'éléments indifférenciés, interchangeables, fongibles entre eux et non individualisés, de sorte que les prestations peuvent être recouvrées et imputées indifféremment sur les indemnités réparant les divers éléments qui le composent. L'imputation des prestations indemnitaires s'opérant globalement sur l'ensemble du préjudice réparable, elle peut être qualifiée d'imputation globale. Le second système réalise, au contraire, un fractionnement du dommage corporel et une distinction des différents chefs ou postes de préjudice définis selon la nature et le type d'intérêt lésé. Il postule une analyse du préjudice de la victime conduisant à l'élaboration d'une nomenclature détaillée de ses multiples éléments pour déterminer l'assiette des recours et l'imputation des prestations. D'où le nom de méthode analytique qui est donné à ce système ou méthode d'imputation "poste par poste". Par rapport à la méthode globale, l'imputation "poste par poste" est moins favorable aux tiers payeurs qui ne peuvent reporter les excès de prestations par rapport au préjudice indemnisé sur des indemnités réparant d'autres préjudices. Mais pour les victimes, le compartimentage des éléments de préjudice les protège d'une compensation arbitraire dans la réparation de préjudices distincts et préserve leur droit à réparation de préjudices que les prestations sociales ne contribuent pas à indemniser.

  • Réforme et état du droit positif

Jusqu'à une époque très récente, le droit applicable en la matière trouvait sa source dans la loi du 27 décembre 1973, relative aux recours de la Sécurité sociale. Cette loi avait introduit, dans les articles L. 376-1 (N° Lexbase : L3414HWD) et L. 454-1 (N° Lexbase : L9367HEN) du Code de la Sécurité sociale, une disposition limitant l'assiette des recours à "la part d'indemnité qui répare l'atteinte à l'intégrité physique de la victime, à l'exclusion de la part d'indemnité à caractère personnel correspondant aux souffrances physiques ou morales par elles endurées et au préjudice esthétique ou d'agrément ou, s'il y a lieu, de la part d'indemnité correspondant au préjudice moral des ayants droit". Il résultait de ces textes, assez peu explicites, que seules étaient exclues des recours les indemnités dites "à caractère personnel" qui réparent des préjudices extrapatrimoniaux énumérés par la loi. Par soustraction, l'on en déduisait que toutes les autres indemnités, qui, d'après la loi, réparent "l'atteinte à l'intégrité physique" et n'ont pas de caractère personnel, étaient soumises aux recours. Cette ventilation entre les indemnités soumises aux recours et celles qui en sont soustraites, parce qu'elles réparent des préjudices personnels, avait été reprise dans les mêmes termes par l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 et, par conséquent, généralisée à l'ensemble des tiers payeurs. L'avantage du système légal était de se rapprocher de la méthode d'imputation analytique en s'appuyant sur l'idée que les tiers payeurs ne versent généralement pas de prestations indemnisant des préjudices personnels, ce qui justifie d'exclure de l'assiette des recours les indemnités les réparant. Mais cette ventilation opérée par la loi était demeurée assez grossière et approximative. En outre, et surtout, la jurisprudence avait étendu l'assiette des recours à des indemnités réparant des préjudices d'une nature différente et qui ne correspond pas à celle des préjudices que les prestations prennent en charge. Ainsi, l'exercice des recours sur l'indemnité réparant le préjudice fonctionnel, qu'il soit temporaire ou définitif, avait soulevé un débat important. Ce préjudice, dont le caractère personnel n'est guère contestable puisqu'il résulte d'une réduction du potentiel physique, psychique ou intellectuel de la personne, ne fait bien souvent l'objet d'aucune prestation des tiers payeurs. C'est le cas, notamment, pour les caisses d'assurances-maladie qui ne versent aucune prestation au titre des accidents de droit commun. Or, la Cour de cassation admettait les recours sur ces indemnités, et un arrêt rendu en Assemblée plénière par la Cour de cassation le 19 décembre 2003 avait, d'ailleurs, confirmé cette solution (Ass. plén., 19 décembre 2003, n° 02-14.783, Société MAAF assurances c/ M. Cédric Gibert, P N° Lexbase : A4684DAQ, Bull. ass. pl., n° 8, JCP éd. G, 2004, II, 10008, note P. Jourdain, D. 2004, p. 161, note Y. Lambert-Faivre). La raison pouvait en être trouvée dans le fait que le préjudice fonctionnel n'était pas expressément mentionné par la loi dans la liste des préjudices personnels soustraits aux recours, laquelle était généralement considérée comme limitative.

C'est dans ce contexte qu'une réforme est intervenue, aux termes de laquelle le recours des tiers payeurs doit se faire poste par poste, ce qui impose que les tiers payeurs déterminent précisément à quel titre ils ont versé des indemnités à la victime. La loi du 21 décembre 2006 (loi n° 2006-1640, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 N° Lexbase : L8098HT4), publiée au JO du 22 décembre, a ainsi modifié l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 sur les accidents de la circulation. Il est ainsi prévu que "les recours subrogatoires des caisses contre les tiers payeurs [(art. L. 376-1) - "des tiers payeurs" (art. 31 L. 1985)] s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel".

L'on voit donc bien que le système antérieur, qui se contentait d'un cantonnement de l'assiette des recours sur les indemnités à caractère non personnel, est remplacé par une méthode postulant un fractionnement du dommage corporel en une pluralité de chefs ou postes de préjudice définis selon la nature et le type d'intérêt lésé. Les recours ne pourront, dorénavant, s'exercer que sur les indemnités propres à ces chefs de préjudice que les prestations sociales versées contribuent à réparer, lesquelles prestations s'imputeront sur ces mêmes indemnités.

Exceptionnellement, les tiers payeurs peuvent, toutefois, se faire payer sur des postes de préjudices personnels. Il est, en effet, indiqué que, "cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice". Il y a là un renversement de la charge de la preuve, et c'est à la Caisse d'établir qu'elle a un droit sur un tel chef de préjudice. Cette exception est assez logique : dans le cas où les prestations réparent des préjudices personnels, il est naturel d'autoriser un recours sur les indemnités qui les concernent. On notera, seulement, que ce recours fait ici formellement figure d'exception au principe d'exclusion formulé à l'alinéa 1er.

  • Observations

Trois séries de précisions doivent être apportées à la mise en oeuvre des dispositions nouvelles, et ce à la faveur d'un avis rendu par la Cour de cassation le 29 octobre 2007 (Cass. avis, 29 octobre 2007, n°0070017P [LXB=A2874DZH ], D. 2007, p. 2801) :

- d'abord, la Cour de cassation, dans son avis, a indiqué que les dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, dispositions relatives à l'exercice des recours des tiers payeurs contre les personnes tenues à réparation d'un dommage résultant d'une atteinte à la personne, s'appliquent aux événements ayant occasionné ce dommage survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de cette loi, dès lors que le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé. Cette précision est, du reste, conforme, en l'absence de dispositions transitoires, à la solution selon laquelle toute loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques extracontractuelles en cours au moment où elle entre en vigueur. Et l'on n'a pas manqué de relever qu'admettre le contraire aurait provoqué le maintient pendant encore de nombreuses années de l'ancien système défavorable aux victimes, aux côtés du nouveau système plus favorable ;

- ensuite, les commentateurs de la réforme de 2006 s'étaient étonnés de ce que l'article L. 454-1 du Code de la Sécurité sociale, concernant les accidents du travail et les maladies professionnelles, n'ait pas été modifié, comme l'a été l'article L. 376-1. L'on avait, cependant, fait valoir que cet oubli devrait être sans conséquence au motif que l'article 31 de la loi de 1985, lui aussi modifié en 2006, étant un texte de portée générale, devrait s'appliquer à tous les recours ouverts aux tiers payeurs visés par les articles 29 et suivants de la loi de 1985. Cette interprétation est en effet confirmée par l'avis de la Cour de cassation du 23 octobre dernier qui précise que les dispositions de l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, modifié par l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, s'appliquent aux recours exercés par les caisses de sécurité sociale dans une action engagée par la victime d'un accident du travail sur le fondement de l'article L. 454-1 du Code de la Sécurité sociale ;

- enfin, troisième remarque, la Cour de cassation, saisie pour avis, avait à répondre à la question de la nature de la rente accident du travail pour les salariés et de la rente viagère d'invalidité pour les fonctionnaires ainsi qu'à la question de leur mode d'imputation (savoir si elles devaient uniquement s'imputer sur le préjudice professionnel ou bien également sur le déficit fonctionnel ?). En répondant que la rente accident du travail pour les salariés et la rente viagère d'invalidité pour les fonctionnaires indemnisent "notamment les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l'incapacité", la Cour de cassation reconnaît la nature hybride de ces prestations, composées, d'une part, d'une dimension patrimoniale et, d'autre part, d'une dimension extrapatrimoniale. Elle précise, ensuite, le mode d'imputation de ces rentes sur leur part de dimension patrimoniale : "prioritairement sur les pertes de gains professionnels, puis sur la part d'indemnité réparant l'incidence professionnelle" (ce qui renvoie à une distinction des postes de préjudice figurant dans la nomenclature "Dintilhac"). Le mode d'imputation de ces rentes sur leur part de dimension extrapatrimoniale n'est en revanche pas précisé par la Cour de cassation. On sait que l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985 prévoient que "les recours subrogatoires des caisses contre les tiers payeurs [(art. L. 376-1) - "des tiers payeurs" (art. 31, L. 1985)] s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel". Et l'on sait que ce n'est que par exception qu'il peut en être autrement. C'est pourquoi l'avis de la Cour de cassation se contente ici de reprendre les termes du nouvel article 31, alinéa 3, de la loi de 1985 pour les appliquer aux rentes accident du travail pour les salariés et aux rentes viagères d'invalidité pour les fonctionnaires. Il en ressort que celles-ci peuvent bien partiellement indemniser un préjudice personnel et, lorsque c'est le cas, un recours du tiers payeur sur ce préjudice n'est possible qu'à la double condition du paiement effectif et préalable à la victime de la prestation l'indemnisant.

  • Conclusion

Cette réforme mérite entière approbation. Il reste qu'elle pourrait bien poser quelques difficultés d'application. Elle suppose, en effet, pour pouvoir être valablement et efficacement mise en oeuvre, qu'il existe une nomenclature précise des préjudices corporels permettant le compartimentage voulu par le législateur. Et on sait qu'il existe, dans ce sens, une nomenclature des préjudices corporels, dite "Dintilhac" (1). Mais le problème vient du fait qu'elle ne s'impose nullement aux juridictions qui seront parfaitement libres de ne pas s'y référer (2). Par ailleurs, il n'est pas certain que les avocats des victimes, surtout s'ils ne sont pas spécialisés, formulent toujours leurs demandes conformément à cette nomenclature. Les juges ne pourront pas le leur reprocher tant qu'elle n'a rien d'obligatoire. Et ils ne pourront en particulier pas refuser de faire droit à des demandes globalisant plusieurs chefs de préjudices ou se référant à d'autres expressions telles que l'incapacité permanente ou l'incapacité temporaire.


(1) Le groupe de travail présidé par Mme Lambert-Faivre a déposé son rapport le 15 juin 2003. Compte tenu des conclusions de ce rapport, la Secrétaire d'Etat aux droits des victimes a demandé au Premier président de la Cour de cassation, au mois de novembre 2004, de confier à un groupe de travail le soin d'élaborer une nomenclature des préjudices corporels. A cette fin, le président de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, Jean-Pierre Dintilhac, a été chargé de constituer et de diriger un groupe de travail dans le but précis de procéder à "l'établissement d'une nomenclature des chefs de préjudice corporel cohérente, reposant sur une distinction claire entre les préjudices économiques et non économiques, notamment en ce qui concerne l'incapacité permanente partielle". Installé le 28 janvier 2005, ce groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et son rapport a été déposé en juillet 2006.
(2) Un avis du Conseil d'Etat du 4 juin 2007 (CE Contentieux, 4 juin 2007, n° 303422, M. Lagier N° Lexbase : A5708DWC, RTDCiv. 2007, p. 577, obs. P. Jourdain), qui avait à dire si l'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006 était ou non subordonnée à l'intervention d'un décret d'application définissant les postes de préjudice mentionnés à l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale et à l'article 31 de la loi du 5 juillet 1985, a considéré que "dès lors que l'application de ces dispositions, qui déterminent les droits respectifs des victimes d'accidents et des caisses de sécurité sociale qui leur versent des prestations à l'égard des tiers responsables, n'est pas manifestement impossible en l'absence d'un texte réglementaire -que d'ailleurs elles ne prévoient pas-, elles sont applicables sans que soit nécessaire l'intervention d'un tel texte". Pas manifestement impossible, soit ; mais certainement difficile. C'est sans doute pourquoi l'avis ajoute que l'application immédiate de la loi "ne fait cependant pas obstacle à ce que le Premier ministre fasse usage de son pouvoir réglementaire d'exécution des lois pour établir par décret une nomenclature des postes de préjudice et une table de concordance de ces derniers avec les prestations servies par les tiers payeurs"... A quand une consécration réglementaire de la nomenclature "Dintilhac" ?


* La seconde partie de cette chronique sera publiée dans Lexbase Hebdo n° 285 du 14 décembre 2007 - édition privée générale.

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Social général

[Jurisprudence] Les conditions de versement d'une indemnité différentielle compensant la réduction du temps de travail

Réf. : Cass. soc., 16 novembre 2007, n° 06-43.499, Société Dieudonné et compagnie, F-P+B (N° Lexbase : A7183DZ3)

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par Sébastien Tournaux, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Alors que le mécanisme de la réduction du temps de travail, mis en place par les lois "Aubry" en 1998 (loi n° 98-461 du 13 juin 1998, d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail N° Lexbase : L7982AIH) et 2000 (loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3), a subi de nombreux coups de boutoirs n'ayant jamais été jusqu'à le remettre formellement en cause, les accords de réduction du temps de travail conclus sous l'influence de ces législations continuent de produire du contentieux auprès des juridictions sociales. Plus précisément, il était question, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 16 novembre 2007, de savoir si une indemnité différentielle, destinée à compenser les pertes de salaire subies par les salariés du fait de la réduction du temps de travail, devait être versée aux salariés de l'entreprise alors même que celle-ci n'avait pas effectivement réduit la durée hebdomadaire de travail. Reprenant là une solution désormais constante, la Cour de cassation confirme que ce type d'indemnités différentielles ne peut être servi aux salariés qu'à condition que la durée de travail ait bien été effectivement réduite (1). Cette solution, en apparence fort logique, semble pourtant laisser de côté le fait que la réduction du temps de travail s'est, peu ou prou, imposée à toutes les entreprises par l'effet de la loi (2).

Résumé

L'accord de branche n'imposant pas la réduction effective du temps de travail à 35 heures hebdomadaires, l'employeur n'est tenu au versement d'une indemnité différentielle, prévue par l'accord, qu'à l'égard des salariés dont le temps de travail a été effectivement réduit.

1. Le versement des indemnités différentielles conditionné à la réduction effective du temps de travail

  • La mise en place de la réduction du temps de travail en application d'un accord de branche

Les lois "Aubry" du 13 juin 1998 et du 19 janvier 2000 ont mis en place des mécanismes alternatifs de négociation dans l'entreprise, afin que soient conclus des accords de réduction du temps de travail (ARTT). Ainsi, à défaut de délégués syndicaux dans les entreprises, il demeurait toujours possible d'avoir recours à un salarié mandaté pour conclure un ARTT. La loi "Aubry II" avait même prévu qu'à défaut de mandatement, il serait possible de recourir à un accord conclu avec les délégués du personnel de l'entreprise, de tels accords ayant, pourtant, toujours été jusque là considérés comme des accords atypiques (1).

Malgré l'ouverture de la négociation à ces nouveaux acteurs, persistait le risque que, faute de négociateur dans certaines entreprises, aucun accord ne puisse être conclu. Pour ces entreprises, les lois avaient, alors, imaginé un mécanisme subsidiaire d'application de la réduction du temps de travail par le biais de l'accord de branche et d'une décision unilatérale de l'employeur.

C'est précisément ce mécanisme que prévoyait l'article 2 de l'accord de branche de l'hospitalisation privée du 27 janvier 2000 applicable à l'espèce. La décision était, alors, formalisée par une simple note d'information, prise néanmoins après consultation des délégués du personnel de l'entreprise.

Pourtant, à l'instar de l'accord en question, un certain nombre de ces accords cadres est demeuré en deçà des obligations faites par les textes légaux. Au lieu d'imposer, selon telle ou telle condition, la réduction du temps de travail dans les entreprises du secteur concernées, elles se sont, parfois, contentées de prévoir la simple faculté pour l'employeur de réduire effectivement l'horaire de travail.

  • Les conséquences de l'absence de réduction effective du temps de travail

Prenant acte du caractère non coercitif de l'accord de branche, certaines entreprises n'ont donc pas effectivement réduit le temps de travail dans l'entreprise, continuant à faire travailler leurs salariés pour une durée hebdomadaire de 39 heures. Quelles devaient, alors, être les conséquences de cette absence de réduction effective du temps de travail ?

On sait que depuis le 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et le 1er janvier 2002 pour les PME de 20 salariés ou moins (2), la durée de 35 heures hebdomadaires de travail est devenue la durée légale du travail. Les heures de travail effectuées au-delà de cette durée devaient donc être considérées comme des heures supplémentaires.

Mais, une autre question pouvait légitimement se poser lorsque les accords cadres avaient envisagé, dans le cadre de la réduction du temps de travail, que seraient mises en place, dans ces entreprises, des indemnités différentielles compensant la perte de salaire qui devait mécaniquement affecter les salariés dont l'horaire était réduit. Cette indemnité différentielle devait-elle être versée aux salariés dont l'horaire de travail n'avait pas été réduit ?

  • En l'espèce

Une infirmière travaillant dans une entreprise soumise à l'accord de branche de l'hospitalisation privée du 27 janvier 2000, accord qui mettait en oeuvre la réduction du temps de travail dans les entreprises de la branche, n'avait pas vu son horaire de travail réduit à 35 heures. Elle avait donc continué à travailler 39 heures par semaine. Pour autant, elle n'avait pas bénéficié de l'indemnité différentielle prévue par l'accord lui-même.

La Cour de cassation estime que, n'ayant pas vu son horaire de travail effectivement réduit, la salariée ne devait pas bénéficier de cette indemnité puisque celle-ci n'intervenait qu'en contrepartie de la réduction effective du temps de travail pour compenser la perte de rémunération induite. Cette solution n'est, en réalité, pas nouvelle puisque la Cour a déjà, plusieurs fois, eu l'occasion de se prononcer sur cette question (3).

La mesure pourrait, à première vue, paraître tout à fait logique. Si la salariée travaillait toujours 39 heures, elle ne devait pas avoir subi de perte de salaire et l'indemnité était donc sans objet. Pourtant, si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que la logique apparente de cette décision peut être sérieusement mise à mal.

2. La distinction implicite entre réduction d'origine légale et réduction conventionnelle du temps de travail

  • La réduction du temps de travail imposée par la loi

La décision de la Chambre sociale conclut que l'accord de branche "n'imposait nullement" la réduction effective du temps de travail dans les entreprises concernées. Si cette interprétation des articles 1 et 2 de l'accord semble parfaitement correcte, cela occulte, pourtant, les dispositions légales qui imposaient le passage de la durée légale à 35 heures hebdomadaires en 2000 ou en 2002 selon l'effectif des entreprises.

Or, la salariée demandait un rappel de paiement de l'indemnité différentielle compensant la réduction du temps de travail pour une période s'étalant de mai 2000 à février 2003. Si cette réduction n'était, en effet, pas effective avant le changement légal de la durée du travail, elle l'était en application de la loi au plus tard au 1er janvier 2002, si bien que la Cour aurait probablement pu rendre une solution différente selon les périodes considérées. La réduction du temps de travail était nécessairement effective, au minimum, entre le 1er janvier 2002 et le mois de février 2003.

Implicitement, on peut clairement voir, ici, un déni du caractère obligatoire de la réduction du temps de travail dans les entreprises pour lesquelles aucun accord n'avait imposé une telle mesure. Cela nous paraît tout à fait contestable.

  • Distinction entre réduction légale et réduction conventionnelle du temps de travail

En réalité, la Cour de cassation aurait donc probablement dû estimer que la durée de travail était effectivement réduite à compter du moment où les dates butoirs des lois "Aubry" étaient atteintes.

Cela n'empêchait pas, bien évidemment, l'employeur d'imposer à sa salariée, dans le respect des contingents prévus par l'accord lui-même, d'effectuer un certain nombre d'heures supplémentaires qui, techniquement, pouvait permettre de maintenir une durée hebdomadaire à 39 heures. Mais, dans cette hypothèse, la durée de travail hors heures supplémentaires étant de 35 heures, il fallait nécessairement que l'indemnité différentielle prévue par l'accord soit versée à la salariée.

Une comparaison pourrait utilement illustrer cette idée. Imaginons une entreprise qui, par accord collectif, a effectivement réduit la durée hebdomadaire à 35 heures. Les salariés, en application de l'accord, percevraient alors l'indemnité différentielle. Mais, cela n'empêcherait pas, bien entendu, l'employeur de leur faire effectuer des heures supplémentaires dont la rémunération viendrait s'ajouter, et non se substituer, à l'indemnité en question.

La seule différence entre la situation décrite et celle ayant donné lieu à l'espèce provient de la source ayant imposé la réduction du temps de travail. Alors, certes, l'existence d'indemnités différentielles n'était pas prévue par les lois "Aubry" (4). Pour autant, fallait-il détacher l'existence de cette indemnité de la réduction du temps de travail, qu'elle provienne de la loi ou de l'accord ?

  • Les conséquences quant à la nature juridique des indemnités conventionnelles

Le fait de conditionner le versement de l'indemnité différentielle à une réduction conventionnelle -et non légale- de la durée hebdomadaire de travail semble confirmer les doutes qui pouvaient être émis sur la nature juridique d'une telle indemnité.

Deux approches étaient envisageables, comme c'est souvent le cas pour de tels versements d'argent au salarié en lien avec la relation de travail. Il était, tout d'abord, envisageable de considérer que de telles indemnités différentielles revêtaient la nature d'une rémunération et étaient, en tant que telle, imposables et soumises à cotisations sociales. S'il paraît bien curieux d'imaginer que l'on puisse percevoir une rémunération en contrepartie de "travail en moins", puisque l'indemnité compense la perte de salaire subie du fait de la réduction du temps de travail, c'est pourtant bien le choix qui a été opéré par le législateur, après quelques tergiversations jurisprudentielles (5). En effet, la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2006 (loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006 N° Lexbase : L9963HDD), modifiant l'article L. 242-1, alinéa 1er, du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L3404HWY), a définitivement incorporé ce type d'indemnités -désormais bien mal nommées- aux rémunérations soumises à cotisations (6).

En refusant le versement d'une indemnité conventionnelle pour les salariés n'ayant vu leur durée de travail hebdomadaire réduite que par l'effet de la loi et non par le jeu de l'accord de branche, la Cour de cassation semble confirmer l'idée selon laquelle ce type d'indemnités ne vient pas compenser, tels des dommages-intérêts, le préjudice subi du fait de la réduction du temps de travail. Au contraire, il s'agit alors, à l'image d'une prime, d'une partie de la rémunération qui ne trouve sa cause que dans son existence dans la convention collective et pour laquelle une condition d'existence est exigée, celle du passage conventionnel à 35 heures de travail hebdomadaire.

Cette interprétation ne manque pas d'être surprenante, tant l'analyse consistant à considérer l'indemnité différentielle comme une contrepartie de la perte de revenu induite par la réduction du temps de travail paraît naturelle. Elle a, au moins, le mérite d'être en accord avec les dispositions du Code de la Sécurité sociale précitée. Il fallait au moins cela pour justifier de ne pas prendre en compte la réduction légale du temps de travail !


(1) A l'exception du mécanisme prévu par la loi "Robien" du 12 novembre 1996 (loi n° 96-985, relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective N° Lexbase : L2581ATR), qui prévoyait la faculté de conclure des accords relatifs à la diminution du temps de travail avec les "représentants élus du personnel", ce qui semblait comprendre, à la fois, la délégation du personnel et la représentation élue au comité d'entreprise (article 6, II, de la loi du 12 novembre 1996).
(2) V. l'article 1er II de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail.
(3) Dans un premier temps, la Chambre sociale sembla admettre le versement de l'indemnité différentielle pour les salariés n'ayant pas subi de réduction du temps de travail. V. Cass. soc., 1er juin 2004, n° 02-43.386, Association chinonaise de gestion de l'Etablissement de services sociaux et médicaux-sociaux (ACGESSMS) c/ M. Michel Brazille, F-D (N° Lexbase : A5192DCB). Elle se ravisa, ensuite, pour exclure ces salariés du bénéfice de ces indemnités. V. Cass. soc., 13 décembre 2006, n° 05-43.617, Mme Josiane Marin, épouse Allio, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A8804DSU) ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-45.203, Société Bosquet, FS-P+B (N° Lexbase : A7862DW4) ; Cass. soc., 13 juin 2007, n° 05-44.843, Société Ambulances Bergmann, FS-P+B (N° Lexbase : A7859DWY) et les obs. de Ch. Willmann, Le régime contentieux de l'indemnité différentielle de réduction du temps de travail, Lexbase Hebdo n° 266 du 28 juin 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N6006BB3).
(4) Le Professeur Willmann considère, néanmoins, que certaines dispositions de la loi "Aubry II" pouvaient avoir une influence sur les indemnités différentielles prévues par les ARTT, V. Le régime contentieux de l'indemnité différentielle de réduction du temps de travail, préc..
(5) Ainsi, un premier arrêt incorporait le montant de ces indemnités dans l'assiette de la contribution des employeurs au financement de l'allocation d'assurance chômage : Cass. soc., 17 juin 2003, n° 00-21.407, Assedic des Hauts de France c/ Société Rabot-Dutilleul, FS-P (N° Lexbase : A8747C8H) ; Bull. civ. V n° 197 p. 196 ; Dr. soc. 2003, p. 1032, obs. Ch. Radé. Pourtant, par un arrêt ultérieur, la Chambre sociale décida implicitement que cette indemnité revêtait le caractère de dommages-intérêts, les excluant de l'assiette de cotisations à la sécurité sociale : Cass. civ. 2, 20 janvier 2004, n° 02-30.950, Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de la Mayenne c/ Société Durand, FS-D (N° Lexbase : A8828DA9) ; et les obs. de Ch. Willmann, L'indemnité compensatrice versée en contrepartie de la RTT est exclue de l'assiette des cotisations sociales, Lexbase Hebdo n° 108 du 19 février 2004 - édition sociale (N° Lexbase : N0539ABL).
(6) Loi n° 2005-1579 du 19 décembre 2005, de financement de la Sécurité sociale pour 2006, art. 14, 1° du II (N° Lexbase : L9963HDD).
Décision

Cass. soc., 16 novembre 2007, n° 06-43.499, Société Dieudonné et compagnie, F-P+B (N° Lexbase : A7183DZ3)

Cassation partiellement sans renvoi (CA Pau, chambre sociale, 4 mai 2006)

Textes visés : C. trav., art. L. 212-1 (N° Lexbase : L5835AC4) ; art. 1 et 2 de l'accord de branche de l'hospitalisation privée du 27 janvier 2000 ; chapitre III bis de l'annexe à l'accord de branche de l'hospitalisation privée du 27 janvier 2000

Mots-clés : accord de réduction du temps de travail ; indemnité différentielle ; réduction effective du temps (non).

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Fiscalité internationale

[Jurisprudence] La preuve de la résidence habituelle à Monaco peut être apportée par tous moyens ou comment le Conseil d'Etat atténue la spécificité de la Convention franco-monégasque

Réf. : CE, 5 octobre 2007, n° 292388, MINEFI c/ Mme Mori-Bodin (N° Lexbase : A6691DYH)

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N3726BDD

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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)

Le 07 Octobre 2010

Par une décision du 5 octobre 2007 (CE, 5 octobre 2007, n° 292388, MINEFI c/ Mme Mori-Bodin, Dr. fisc. 2007 n° 947 conclusions Olléon), le Conseil d'Etat a jugé que les ressortissants français résidant à Monaco pouvaient, afin de justifier qu'ils résidaient dans la Principauté depuis le 13 octobre 1957 au plus tard et qu'ils devaient, ainsi, échapper à l'impôt sur le revenu, fournir tous éléments de preuve, sans être obligés de fournir le certificat de domicile auquel font références les stipulations de l'article 22-3 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 (N° Lexbase : L6726BHL). L'intérêt principal de cette décision réside dans l'application à cette convention, qui est pourtant tout à fait spécifique vis-à-vis des conventions fiscales classiques en ce qu'elle n'a pas pour but d'éviter les doubles impositions mais vise à prévenir toute évasion fiscale et, donc, toute absence d'imposition des Français résidant à Monaco, des principes et du raisonnement suivis par le juge administratif en ce qui concerne les rapports entre les dispositions fiscales nationales et les stipulations des conventions fiscales bilatérales. La décision du Conseil d'Etat, bien qu'elle s'attache à accorder aux stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque, qui prévoient la soumission de la plupart des Français résidant à Monaco à l'impôt sur le revenu, une autonomie vis-à-vis des autres stipulations de la convention, n'en considère pas moins implicitement, mais nécessairement selon nous, que ces stipulations ne peuvent par elles-mêmes servir de base légale à cette imposition. C'est dire que les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963, si elles sont autonomes par rapport aux stipulations de l'article 22-3 de la même convention, ne le sont cependant pas vis-à-vis des dispositions des articles 4 A (N° Lexbase : L1009HLX) et 4 B (N° Lexbase : L1010HLY) du CGI.

La décision du Conseil d'Etat du 5 octobre 2007 a, ainsi, pour effet d'atténuer la spécificité de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 qui se voit appliquer les principes précédemment dégagés par le Conseil d'Etat à propos des conventions fiscales internationales "classiques", à savoir les conventions fiscales bilatérales destinées à éviter les doubles impositions.

1. La délivrance d'un certificat de domicile prouvant la résidence à Monaco n'est ni prévue ni, à plus forte raison, exigée par les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque

1.1. La délivrance d'un certificat de domicile était auparavant exigée des Français qui se prévalaient d'une résidence principale à Monaco pour échapper à l'impôt sur le revenu

Les certificats de domicile délivrés par les autorités monégasques furent pendant longtemps des documents indispensables à certaines catégories de Français qui revendiquaient le bénéfice de l'exemption de l'impôt sur le revenu.

L'article 6 de la Convention concernant la répression des fraudes fiscales et le renforcement de l'assistance administrative mutuelle conclue le 14 avril 1945 entre la Principauté de Monaco et le Gouvernement provisoire de la République française prévoyait déjà, dans le but de prévenir toute évasion fiscale via des transferts de domicile fictifs dans la Principauté, que les Français qui, à la date du 1er janvier 1945, étaient passibles en France des impôts directs en raison de leur résidence dans ce pays, y demeureraient soumis tant qu'ils ne produiraient pas un certificat de domicile délivré par le ministre d'Etat de Monaco, après avis du Consulat général de France, et constatant qu'ils ont eu leur résidence habituelle en Principauté depuis cinq ans au moins. La convention de 1945 consacrait, donc, l'apparition des certificats de domicile. Ces certificats de domicile étaient, cependant, délivrés sans aucune limitation de durée, ce qui signifie qu'après leur délivrance, les ressortissants français étaient, en principe, assurés d'échapper à l'impôt sur le revenu, pour peu qu'ils veillassent à conserver une adresse, même fictive, à Monaco, pour leur correspondance avec l'administration fiscale.

La convention concernait, donc, essentiellement les Français quittant la France pour s'installer dans la Principauté pour des raisons purement fiscales. Il était exigé d'eux une résidence habituelle de cinq années à Monaco avant qu'ils puissent échapper à l'impôt sur le revenu français.

Le juge administratif vérifiait, d'ailleurs, que la condition de détention du certificat de domicile était bien remplie par les Français qui se prévalaient de leur résidence à Monaco pour échapper à l'impôt sur le revenu. Le Conseil d'Etat a, ainsi, jugé qu'à défaut de s'être vu délivrer ce certificat de domicile, un Français ayant transféré son domicile de France à Monaco ne pouvait échapper à l'impôt sur le revenu, quand bien même il s'attacherait à démontrer par la production de documents qu'il résidait depuis cinq ans au moins dans la Principauté (CE 8° et 9° s-s-r., 6 octobre 1969, n° 74169, Sieur X. N° Lexbase : A4447B7T : Dr. fisc. 1970 n° 280, conclusions E. Dufour).

Par la suite, la France et Monaco ont signé le 23 décembre 1951 une Convention de voisinage et d'assistance administrative mutuelle. L'article 14 de la convention de 1951 visait, cette fois, les Français passibles des impôts directs en France à raison de leur résidence, sans plus aucune précision de date, si bien que tous les Français qui transféreraient leur résidence de France (mais pas de l'étranger) à Monaco devraient, désormais, y résider cinq ans et obtenir un certificat de domicile pour échapper à l'impôt sur le revenu français. Comme dans la convention précédente, les certificats de domicile délivrés en application de la Convention de 1951 l'étaient, cependant, sans limitation de durée.

Ce sont précisément ces certificats de domicile qui étaient en cause dans l'affaire jugée par le Conseil d'Etat le 5 octobre 2007. Il s'agissait, en particulier, pour le Conseil de déterminer si leur détention et leur production devaient être exigées de Français qui, devant le juge de l'impôt, se prévalaient d'une résidence à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au plus tard pour soutenir qu'ils devaient échapper à l'impôt sur le revenu français.

1.2. Les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque soumettent à l'impôt sur le revenu tous les Français qui se sont installés à Monaco après le 13 octobre 1957

Il faut, en effet, rappeler que les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ont pour objet de soumettre à l'impôt sur le revenu la plupart des ressortissants français résidant à Monaco, ce qui, pour ces derniers, enlève à cet Etat la qualité de paradis fiscal que certains lui prêtent ou en attendent.

Aux termes de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 : "les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 seront soumises à l'impôt en France dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France".

En prévoyant en son article 7 que les Français qui s'installent à Monaco ne pourraient plus échapper à l'impôt sur le revenu français, la convention a entendu mettre un terme à l'évasion fiscale. Le champ de cet article est large puisqu'il concerne tous les Français, quel que soit le pays dans lequel ils résidaient avant de s'installer à Monaco, alors que les Français établis hors de France n'avaient pas été concernés jusqu'alors par les Conventions de 1945 et 1951.

L'on peut, ainsi, distinguer quatre catégories de personnes physiques en ce qui concerne les modalités d'application de la Convention franco-monégasque.

En premier lieu, les Français ayant leur résidence habituelle à Monaco depuis au moins cinq ans au 13 octobre 1962 demeurent, en vertu d'une stipulation expresse de l'article 7-1, en dehors du champ d'application de la convention : ce sont, donc, les seuls Français qui pourront échapper à l'impôt. Continuant comme par le passé à être considérés comme domiciliés hors de France, ils ne sont éventuellement passibles de l'impôt en France que dans les conditions prévues par la loi interne, à savoir : soit sur leurs revenus de source française, au sens de l'article 164 B du CGI (N° Lexbase : L1891HND) ; soit suivant les règles de l'article 164 C dudit code ([LXB=L2839HLQ ]), c'est-à-dire sur une base forfaitaire égale au triple de la valeur locative réelle de la ou des habitations dont les intéressés disposent en France.

En deuxième lieu, les Français ayant leur résidence habituelle à Monaco depuis moins de cinq ans au 13 octobre 1962 (domicile fiscal en France) sont, en application du premier alinéa du paragraphe 1 de l'article 7 de la Convention du 18 mai 1963, assujetties en France à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile en France. En effet, le terme "résidence" employé dans cet article doit s'entendre du lieu de séjour principal et cette notion se confond avec celle de domicile en droit interne.

En troisième lieu, les personnes transférant leur domicile ou leur résidence à Monaco sont, également, assujetties en France à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France.

En quatrième et dernier lieu, se pose la question des binationaux résidant à Monaco. Dans la mesure où l'article 7-1 de la convention vise les personnes de nationalité française, il est indifférent que ces personnes aient ou non une autre nationalité : elles sont de toute manière assujetties en France à l'impôt sur le revenu dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile en France. En conséquence, seules les personnes de nationalité française ayant leur résidence habituelle continue à Monaco depuis au moins cinq ans au 13 octobre 1962 devraient demeurer hors du champ d'application de cette disposition.

Toutefois, en application du second alinéa du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention, sont exclues de l'application des dispositions du premier alinéa dudit paragraphe les personnes faisant partie ou relevant de la Maison souveraine et les fonctionnaires, agents et employés des services publics de la Principauté qui ont établi leur résidence habituelle à Monaco antérieurement au 13 octobre 1962. Ces dérogations conventionnelles ont été étendues par voie doctrinale aux personnes qui possèdent à la fois la nationalité française et la nationalité monégasque. En outre, dans le cadre de la commission consultative mixte instituée par l'article 25 de la convention, il a été également admis que, en certaines circonstances, les personnes possédant à la fois la nationalité française et une nationalité étrangère autre que monégasque seraient placées hors du champ d'application du premier alinéa du paragraphe 7 de la convention.

Au total deux catégories de Français qui habitaient déjà à Monaco lorsque la convention de 1963 est entrée en vigueur ont été pénalisées par rapport au système antérieur. Il s'agit, d'abord, des Français venant de France qui se sont établis en Principauté après le 13 octobre 1957 et qui, tant que la Convention de 1951 était en vigueur, attendaient leurs cinq ans de résidence pour pouvoir obtenir un certificat de domicile et être exemptés d'impôt sur le revenu. Ceux-là ne bénéficieront jamais de l'exemption. Un traitement de faveur a cependant été réservé aux fonctionnaires français agents et employés des services publics de la Principauté : il suffit qu'ils se soient établis à Monaco avant le 13 octobre 1962 pour échapper à l'impôt sur le revenu. L'autre catégorie pénalisée est celle des Français précédemment domiciliés hors de France qui sont venus s'établir à Monaco après le 13 octobre 1957. Tant que la Convention de 1951 produisait ses effets, ils pouvaient échapper à l'impôt sur le revenu dès leur installation, sans avoir à attendre les cinq années de résidence, puisque l'exigence d'un certificat de domicile ne leur était pas applicable. C'est donc le cas de tous ceux qui se sont établis à Monaco jusqu'au 13 octobre 1962. La Convention de 1963 met ainsi un terme à l'exemption dont ils bénéficiaient, puisque seuls les Français établis à Monaco avant le 13 octobre 1957 pourront, désormais, bénéficier de l'exonération d'impôt. Par ailleurs, à la différence des Conventions de 1945 et 1951, la Convention de 1963 n'a nullement soumis le bénéfice de l'exemption d'impôt sur le revenu à la délivrance d'un certificat de domicile. Ce document n'a donc plus d'existence et de légitimité conventionnelles depuis 1963.

2. Les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque n'ont pas à être combinées avec les stipulations de l'article 22-3 de la même convention

2.1. Les stipulations de l'article 22-3, qui font référence aux certificats de domicile délivrés en application de la Convention du 23 décembre 1951, risquaient de faire échec à l'application des stipulations de l'article 7-1

Afin de faire échec à l'argumentation de la requérante qui avait eu gain de cause devant la cour administrative d'appel de Marseille en se prévalant de sa qualité de résidente monégasque depuis le mois de mars 1957, qualité qui lui valait de ne pas être soumise à l'impôt sur le revenu, le ministre de l'Economie invoquait les stipulations de l'article 22-3 de la Convention franco-monégasque, insérées au titre V consacré à "l'assistance administrative".

Aux termes de cet article : "le Gouvernement Princier procédera avant le 1er juillet 1963, en liaison avec l'Administration française, à la révision de la situation des Français titulaires d'un certificat de domicile, délivré en application de la convention du 23 décembre 1951, afin de vérifier si les intéressés ont bien conservé leur résidence habituelle à Monaco. La validité du certificat de domicile sera désormais limitée à trois ans. Il appartiendra à chaque détenteur d'en faire proroger la durée par l'Administration monégasque en apportant la preuve de sa résidence à Monaco. En outre si l'Administration française recueille des renseignements lui permettant de penser qu'un titulaire dudit certificat de domicile n'a plus effectivement à Monaco sa résidence habituelle, elle peut demander à l'Administration monégasque de mettre l'intéressé en demeure de justifier de cette résidence et, à défaut, de lui retirer son certificat au besoin avec effet du jour où cette condition a cessé d'être remplie".

Le ministre soutenait, en particulier, que seule la production d'un certificat de domicile délivré aux personnes physiques de nationalité française résidant à Monaco en application de la précédente Convention fiscale franco-monégasque du 23 décembre 1951, permettant à ces dernières, sous certaines conditions, de ne plus être imposées en France, était de nature à justifier de cinq années de résidence habituelle à Monaco au sens de l'article 7-1 de la Convention fiscale franco-monégasque du 18 mai 1963.

Une telle combinaison aurait eu pour effet de restreindre sinon de supprimer la possibilité pour les Français installés de longue date à Monaco d'échapper à l'impôt sur le revenu : il leur aurait fallu, en effet, non seulement prouver une résidence continue à Monaco depuis le 13 octobre 1957 et jusqu'à la date de l'imposition en cause, mais encore, et surtout, il aurait fallu qu'ils détiennent un certificat de domicile délivré en application de la Convention de 1951 et régulièrement renouvelé (c'est-à-dire tous les trois ans) jusqu'à la date de l'imposition : les Français "éligibles" à cette exemption, déjà peu nombreux au regard de la seule condition de résidence, risquaient, ainsi, de se compter sur les doigts de quelques mains. L'application littérale des stipulations de l'article 22-3 de la Convention franco-monégasque du 18 mai 1963 aurait ainsi conduit à faire en grande partie échec à l'application des stipulations de l'article 7-1 de cette même convention en ce qu'elles prévoient que ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu les Français qui peuvent "justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962". La nécessaire combinaison des stipulations des articles 7-1 et 22-3, invoquée par le ministre, aboutissait, donc, en fait, à faire prévaloir les secondes sur les premières puisqu'elles (les secondes) restreignaient leur champ d'application. Toutefois, cette combinaison, bien qu'avantageuse pour les finances publiques, n'était guère conforme à la logique juridique.

2.2. La résidence habituelle à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au plus tard peut être prouvée par tous moyens

Le Conseil d'Etat a, en effet, relevé, dans la décision du 5 octobre 2007, que les stipulations de l'article 22-3 avaient un champ d'application différent de celui de l'article 7-1, puisqu'elles ont trait à l'assistance administrative alors que ces dernières se rapportent à la situation des Français résidant à Monaco au regard de l'impôt sur le revenu. De manière générale, en effet, les stipulations des conventions fiscales sont d'interprétation stricte. Ainsi que l'indiquait G. Bachelier dans ses conclusions sous la décision "Benmiloud" (CE, 30 décembre 1996, n° 128611, Ministre chargé du Budget c/ M. Benmiloud N° Lexbase : A2104APM : RJF 1997 n° 158), les conventions fiscales, loin de constituer un bloc homogène, "sont composées d'un ensemble de dispositions qui ne poursuivent pas les mêmes finalités", de sorte qu'il est inopportun de s'obliger à une lecture uniforme des différents articles et de sorte, surtout, que "chaque clause de la convention, qui n'est pas clairement dépendante d'une autre clause, doit être interprétée au regard de sa lettre même". Or, il est bien évident que les stipulations de la Convention franco-monégasque relatives à la soumission des Français résidant à Monaco à l'impôt sur le revenu ne sauraient être dépendantes des stipulations de la même convention relatives à l'assistance administrative entre la France et la Principauté de Monaco. L'approche juridique habituelle des conventions fiscales internationales commandait, donc, de ne pas combiner les stipulations de l'article 7-1 et celles de l'article 22-3 ou, pour le dire plus précisément, de ne pas lier l'application des premières au respect des secondes.

Au fond, les stipulations de l'article 22-3 ont une valeur et un intérêt essentiellement historiques puisque, selon la décision du Conseil, "elles se bornent à modifier les modalités de détention du certificat de domicile qui était délivré, en application de la précédente convention fiscale franco-monégasque du 23 décembre 1951, à ceux des résidents français domiciliés à Monaco qui en étaient titulaires". Il est vrai que l'on peut imaginer que certains Français qui étaient détenteurs de tels certificats ont pu jusqu'à présent, en application de ces stipulations, se voir régulièrement renouveler ces documents. Il n'en reste pas moins, cependant, que les stipulations de l'article 22-3 sont devenues inutiles du fait de la teneur des stipulations de l'article 7-1 qui ne font plus de la délivrance d'un certificat de domicile la condition nécessaire à l'exemption d'impôt sur le revenu.

Il faut d'ailleurs souligner que la jurisprudence du Conseil d'Etat n'a jamais opéré un lien entre les stipulations de l'article 7-1 et celles de l'article 22-3. Dans une décision du 24 octobre 1973 (CE 7° et 8° s-s-r., 24 octobre 1973, n° 81614, Ministre de l'Economie et des Finances N° Lexbase : A6789B8X : Dr. fisc. 1973 n° 1712 ; Dr. fisc. 1974 n° 1176, conclusions Delmas-Marsalet), le Conseil a ainsi jugé que le requérant, en tant qu'il n'avait pas une résidence habituelle en France et était domicilié à Monaco, ne relevait pas de la Convention du 18 mai 1963 et n'était, donc, pas assujetti à l'impôt sur le revenu, ce sans faire mention de la détention par le contribuable d'un certificat de domicile. De même, dans une décision du 10 juillet 1996 (CE 10 juillet 1996, n° 127892, M. Dody N° Lexbase : A0123APA : Dr. fisc. 1996 n° 1310, conclusions Bachelier ; RJF 1996, n° 1130), le Conseil d'Etat a jugé qu'en vertu de l'article 7 de la Convention du 18 mai 1963 et de l'article 4 A du CGI, un contribuable qui résidait dans la principauté de Monaco depuis 1948 n'était passible, en France, de l'impôt sur le revenu qu'en raison de ses seuls revenus de source française, ce sans faire mention d'une condition relative à la détention d'un certificat de domicile. Soulignons, enfin, que dans ses conclusions sous une décision du 9 mai 1990 (CE 9 mai 1990, n° 57085, d'Errico N° Lexbase : A5052AQ8 : Dr. fisc. 1990 n° 1687, conclusion Chahid-Nouraï ; RJF 1990, n° 777), le commissaire du Gouvernement relevait, déjà, que la Convention de 1963 "ne fait pas expressément du certificat [de domicile] la condition 'sine qua non' du bénéfice de la non imposition en France", avant d'ajouter que "l'Administration admet d'ailleurs -semble-t-il- que la preuve soit apportée par tous moyens".

Il faut, en effet, et également, souligner que l'instruction du 17 juillet 1964 (BOCD 1964 II-2696) qui avait pour objet de commenter la Convention du 18 mai 1963 prévoyait expressément que les personnes qui n'avaient pas demandé la délivrance d'un certificat de domicile "1951", soit parce qu'il n'était pas exigé à l'époque, soit parce qu'il ne présentait pas d'intérêt pour elles, pourraient justifier "par tous les moyens de preuve" qu'elles résidaient bien habituellement à Monaco depuis au moins cinq ans à la date du 13 octobre 1962. L'administration avait, ainsi, déjà pris position sur l'autonomie des stipulations de l'article 7-1 de la convention par rapport à celles de l'article 22-3. Plus généralement, cette instruction indiquait que la Convention de 1963 ne prévoyait plus la délivrance de certificats de domicile attestant de la résidence habituelle à Monaco depuis une période donnée en précisant que cette délivrance était devenue inutile puisque les Français qui s'installent à Monaco sont passibles de l'impôt sur le revenu dès cette installation (§ 54 de l'instruction).

Rien d'étonnant, donc, à ce que la décision du 5 octobre 2007 considère que les stipulations de l'article 22-3 "n'ont ni pour objet ni pour effet de faire des certificats de domicile qu'elles mentionnent le seul moyen de preuve de la résidence habituelle d'un contribuable à Monaco depuis cinq ans à la date du 13 octobre 1962", avant d'indiquer qu'en application des stipulations de l'article 7-1 de la Convention du 18 mai 1963, qui sont donc seules pertinentes et opérantes en la matière, les Français résidant à Monaco sont passibles de l'impôt sur le revenu en application des dispositions des articles 4 A et 4 B du CGI, "sauf s'ils sont en mesure de justifier, par la production d'un certificat de domicile délivré en application de la convention du 23 décembre 1951 ou par tous moyens, qu'ils résidaient habituellement à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au moins" (nous soulignons). La décision du 5 octobre 2007 ôte, ainsi, tout caractère contraignant aux stipulations de l'article 22-3 puisque les Français résidant à Monaco ne pourront jamais voir leur exemption à l'impôt sur le revenu soumise à la délivrance d'un certificat de domicile : cette décision rejette la nécessité (mais non la possibilité) d'une combinaison entre les stipulations de l'article 7-1 et les stipulations de l'article 22-3.

Ajoutons, enfin, que si, dans ses conclusions sous cette décision, le commissaire du Gouvernement L. Olléon estimait que "la preuve de la résidence habituelle à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au moins peut être apportée par la production d'un certificat de domicile délivré en application de la convention du 23 décembre 1951 ou, à défaut, par tous moyens" (nous soulignons), le Conseil d'Etat n'a pas repris cette locution dans les motifs de sa décision, ce qui signifie, selon nous, qu'il a refusé (à raison), dans l'examen des stipulations de la Convention franco-monégasque, toute priorité des stipulations de l'article 22-3 sur celles de l'article 7-1. En d'autres termes, ce n'est pas "à défaut" de pouvoir fournir un certificat de domicile "1951" qu'un Français peut apporter tous éléments de preuve pour établir qu'il réside habituellement à Monaco depuis le 13 octobre 1957 au moins, de sorte que le juge n'a pas à examiner, d'abord, si l'intéressé dispose d'un tel certificat au titre de l'année d'imposition en litige : ce sont, au contraire, les stipulations de l'article 7-1, qui seules fondent l'imposition à l'impôt sur le revenu ou l'exemption de cette imposition, qui permettent d'emblée au requérant d'apporter tous éléments de preuve et qui permettent d'emblée au juge d'examiner la pertinence de ces éléments. Ici, de nouveau, se trouve affirmée l'autonomie des stipulations de l'article 7-1 vis-à-vis de celles de l'article 22-3.

3. Une lecture autonome des stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque qui rappelle la spécificité de ces stipulations et plus généralement la spécificité de la Convention franco-monégasque tout en la limitant

3.1. Une lecture autonome des stipulations de l'article 7-1 qui rappelle la spécificité de la Convention franco-monégasque

La Convention franco-monégasque est différente dans son objet des autres conventions fiscales conclues par la France : en effet, contrairement à ces dernières, elle n'est pas destinée à éviter les doubles impositions entre les deux pays mais à régler des problèmes de voisinage liés, notamment, à la différence des régimes fiscaux : il s'agit, donc, d'éviter les situations, non de double imposition, mais de double absence d'imposition. La Convention franco-monégasque a essentiellement pour objet de prévoir l'institution à Monaco d'un impôt sur les bénéfices, de définir le régime applicable en matière d'impôt sur le revenu aux Français installés à Monaco et de fixer les règles d'assistance administrative entre les deux pays.

Ce qui est vrai pour la plupart des conventions fiscales internationales ne l'est donc pas pour la Convention franco-monégasque. En effet, pour les conventions rédigées sur le modèle de l'OCDE, ce qui est le cas de la plupart des conventions fiscales internationales, il est évident qu'une personne résidant dans un Etat contractant ne peut qu'être domiciliée fiscalement dans cet Etat au titre de son "foyer permanent d'habitation". En la matière, le fait et le droit coïncident. Toutefois, la Convention franco-monégasque n'est pas une convention fiscale classique dans la mesure où elle a pour but, non de remédier aux cas de double imposition, mais au contraire d'éviter les situations de "double absence d'imposition". C'est pourquoi cette convention ne contient aucune définition de la résidence fiscale qui ferait explicitement obstacle à la notion de domicile fiscal au sens de l'article 4 B du CGI.

Il résulte des stipulations de l'article 7-1 qu'un Français résidant à Monaco, et qui devrait donc y avoir son domicile fiscal, est exceptionnellement traité, en ce qui concerne l'impôt sur le revenu, comme s'il avait son domicile fiscal en France. En la matière, le fait (la résidence à Monaco) et le droit (l'assimilation au domicile fiscal en France) ne coïncident plus. Contrairement aux articles initiaux des conventions fiscales classiques, l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque ne porte, donc, pas sur la détermination du domicile fiscal des personnes entrant dans le champ d'application de la convention, mais sur l'assujettissement à l'impôt sur le revenu de ces personnes. Plus précisément, il ne fait état du domicile fiscal que pour justifier l'assujettissement à l'impôt sur l'ensemble de leurs revenus des Français résidant à Monaco. Dès lors, ces stipulations ne peuvent être considérées comme décidant, dans l'absolu, du domicile fiscal de ces derniers.

Si l'article 7-1 de la convention indique que les personnes de nationalité française résidant à Monaco sont assujetties à l'impôt sur le revenu "dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France" (nous soulignons), la formulation retenue signifie bien, a contrario, que ces personnes n'ont et ne peuvent avoir leur domicile ou leur résidence en France. Ce n'est, ainsi, que pour le seul impôt sur le revenu que la convention rend applicables les articles 4 A et 4 B du CGI.

Plus généralement, il faut souligner que les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque concernent essentiellement les Français résidant à Monaco et non les personnes (physiques) de nationalité monégasque qui échappent au champ d'application de la convention. En cela, cette convention diffère, bien entendu, des conventions fiscales classiques qui sont intrinsèquement binationales et concernent les ressortissants et souvent les résidents des deux Etats parties. En adoptant, dans la décision du 5 octobre 2007, une lecture autonome des stipulations de l'article 7-1, c'est-à-dire une lecture non dépendante de la teneur et de l'application des stipulations de l'article 22-3, le Conseil d'Etat rappelle la spécificité de la Convention franco-monégasque qui, en matière d'impôt sur le revenu, concerne avant tout les ressortissants français et n'a donc pas une portée "binationale", les ressortissants français n'étant pas dans l'obligation, en conséquence, de solliciter de la part des autorités monégasques un certificat de domicile pour pouvoir prouver la durée de leur résidence habituelle à Monaco et revendiquer, ainsi, avec succès l'exemption d'impôt sur le revenu.

3.2. La décision du 5 octobre 2007 apporte cependant une limite à cette spécificité en appliquant à la Convention franco-monégasque le raisonnement juridique relatif aux conventions fiscales classiques

L'article 55 de la Constitution (N° Lexbase : L1320A9R) dispose que les Traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l'autre partie. C'est en s'appuyant sur ces dispositions que le Conseil d'Etat a, par une série de décisions célèbres, abandonné la théorie de la loi-écran et fait prévaloir sur les lois nationales, même quand elles leur sont postérieures, les Traités (CE Assemblée, 20 octobre 1989 n° 108243, Nicolo N° Lexbase : A1712AQH : RJF 11/89 n° 1266), les Règlements communautaires (CE, 24 septembre 1990, n° 58657, Boisdet N° Lexbase : A5667AQX : RJF 11/90 n° 1408) et les Directives communautaires (CE Assemblée, 28 février 1992 n° 56776 et 56777, SA Rothmans International France et SA Philip Morris France N° Lexbase : A5373ARG : RJF 4/92 n° 579, chronique J. Turot ; RJF 11/92 p. 863).

Il ne fait aucun doute que les conventions fiscales, dès lors qu'elles entrent dans le champ d'application de l'article 55 de la Constitution, s'imposent à la loi française. Toutefois, à la différence de certains textes conventionnels qui, parce qu'ils régissent intégralement une matière, sont regardés par le juge comme se substituant à la loi interne (le Conseil d'Etat l'a ainsi jugé, en matière d'extradition, par une décision du 23 octobre 1991 : CE, n° 122690, Urdiain Cirizar N° Lexbase : A0039ARU, au Recueil p. 347), les conventions fiscales ne sauraient donner elles-mêmes un fondement à l'imposition, lequel suppose toujours l'intervention du législateur. Le but de ces textes est seulement d'éviter les doubles impositions en organisant un partage de compétence fiscale entre les Etats contractants. A cette fin, ils rendent la loi nationale inapplicable dans certains cas (cf., pour ce raisonnement, les conclusions de Daniel Fabre, publiées à Dr. fisc. 27/76 c. 925, sous CE 19 décembre 1975 n° 84774-91895 N° Lexbase : A3446B87 : RJF 2/76 n° 77 avec chronique B. Martin Laprade p. 41).

A première vue, il peut paraître surprenant qu'un moyen de droit interne soit examiné avant celui qui est fondé sur une convention internationale alors que l'article 55 de notre Constitution reconnaît aux Traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés, une autorité supérieure à celle des lois françaises, et que, par ailleurs, le Code général des impôts fait systématiquement réserve des dispositions des conventions internationales. Le paradoxe n'est toutefois qu'apparent si l'on remarque que les conventions internationales conclues en vue d'éviter les doubles impositions ne permettent pas, en principe, de prélever un impôt que la loi interne n'eût pas permis de prélever ; autrement dit, elles n'ont pas pour effet de donner par elles-mêmes un fondement autonome -et le cas échéant dérogatoire à la loi interne- à l'application d'un impôt. Leur objet est seulement, comme leur nom l'indique d'ailleurs, de faire éventuellement obstacle à une imposition déjà prévue par la loi interne. La hiérarchie des normes juridiques n'a donc pas lieu d'intervenir dès lors que la logique de ces conventions implique que soient d'abord définis le champ d'application et la portée de la loi interne avant que ne soient envisagées les éventuelles dérogations que celles-là apportent à celle-ci. Ainsi que l'indiquait J. Arrighi de Casanova, dans ses conclusions sous l'arrêt "Memmi" de 1993 (CE 17 mars 1993, n° 85894 N° Lexbase : A8711AML, RJF 1993 p. 359), "Ces conventions ont donc ceci de particulier qu'elles présentent un caractère subsidiaire : l'autorité supérieure à celle des lois que l'article 55 de la Constitution confère à tout engagement international ne peut jouer que pour autant que la loi est d'abord susceptible de trouver application". C'est pourquoi en la matière, le juge de l'impôt se place, d'abord, au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Ce n'est qu'ensuite qu'il peut éventuellement rapprocher cette qualification "interne" des stipulations de la convention afin de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Autrement dit, lorsque le juge considère que l'imposition ne trouve pas de fondement dans la loi fiscale, il n'y a pas lieu d'examiner la portée de la convention fiscale.

Le Conseil d'Etat a rappelé ces principes tout récemment dans une décision de juillet 2007 (CE 3° et 8° s-s-r., 13 juillet 2007, n° 290266 N° Lexbase : A2858DX7) selon laquelle "si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une imposition", le Conseil rappelant, ensuite, qu'il "incombe au juge de l'impôt de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie" et que, "s'il conclut que tel n'est pas le cas, il n'a pas à analyser, d'office, la situation du contribuable au regard des stipulations d'une convention fiscale". Ce principe et ce raisonnement sont-ils applicables à la Convention franco-monégasque dont nous avons vu qu'elle avait pour particularité de ne pas chercher à remédier aux situations de doubles impositions mais, au contraire, de remédier aux situations d'évasion fiscale ? Il semble, d'abord, qu'une réponse négative doive être apportée à cette question : en effet, le raisonnement en deux temps effectué par le juge de l'impôt en matière de confrontation de la loi fiscale nationale avec les conventions fiscales bilatérales n'a pas lieu d'être en ce qui concerne la Convention franco-monégasque puisqu'en tout état de cause, c'est cette convention elle-même qui renvoie à la loi fiscale nationale, de sorte qu'il ne saurait y avoir le moindre conflit entre la loi interne et la convention. En d'autres termes, par définition, la convention ne peut faire obstacle à l'application de la loi fiscale et aucun doute n'existe sur le caractère applicable de cette loi. Cette situation particulière n'est en fait que la manifestation de l'absence de caractère bilatéral de la Convention franco-monégasque en matière d'impôt sur le revenu : dans ce domaine, la Convention franco-monégasque ne vise nullement à éviter aux ressortissants français et monégasques de subir une imposition à la fois en France et à Monaco, ce pour la bonne et simple raison qu'aucun impôt sur le revenu n'est perçu à Monaco. La Convention franco-monégasque n'aura, donc, jamais pour objet ou pour effet d'attribuer l'imposition des nationaux français et monégasques à tel ou tel des deux Etats parties et, ce faisant, de faire obstacle à la loi fiscale nationale de l'un d'eux.

Toutefois, si le raisonnement suivi par le juge de l'impôt en matière de confrontation entre la loi fiscale nationale et les conventions fiscales "classiques" ne paraît guère transposable aux stipulations de la Convention franco-monégasque relatives à l'imposition des revenus des Français résidant à Monaco, les principes applicables au droit fiscal conventionnel n'en sont pas moins pertinents à leur encontre.

Il faut, à cet égard, citer, à nouveau, la décision du 5 octobre 2007. Selon cette décision : "en application des stipulations [...] de l'article 7-1 de la Convention du 18 mai 1963, qui sont donc seules pertinentes et opérantes en la matière, les nationaux Français qui résident dans la Principauté de Monaco sont réputés conserver leur domicile fiscal en France et sont, dès lors, passibles de l'impôt sur le revenu en application des dispositions [...] des articles 4 A et 4 B du code général des impôts". Cette partie du considérant est remarquable : elle opère une sorte de distinction des rôles ou des objets entre les stipulations de l'article 7-1 de la convention et les dispositions des articles 4 A et 4 B du CGI. En effet, les stipulations de l'article 7-1 ont pour objet, selon le Conseil, de fixer en France le domicile fiscal des Français résidant à Monaco (même si le droit et le fait ne coïncident pas ici) mais non de fonder leur imposition à l'impôt sur le revenu, ce conformément au principe général selon lequel une convention fiscale ne peut fonder une imposition. L'on peut également considérer, et cela est toujours conforme au droit commun des conventions fiscales, que l'article 7-1 attribue un pouvoir d'imposition à la France. En revanche, selon le Conseil, seules les dispositions des articles 4 A et 4 B du CGI fonde l'imposition à l'impôt sur le revenu puisque les Français de Monaco sont passibles de cet impôt en application de ces dispositions et non en application des stipulations de l'article 7-1. Il nous semble que le Conseil d'Etat n'avait jamais été aussi clair sur la portée de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque et son rapport avec les dispositions des articles 4 A et 4 B du CGI : en résumé, ces stipulations, à titre dérogatoire, fixent en France le domicile fiscal des Français résidant à Monaco tandis que ces dispositions, auxquelles renvoient nécessairement ces stipulations puisqu'elles fixent le domicile fiscal qui est l'objet même des articles 4 A et 4 B, constituent la base légale de l'imposition. Au total, les stipulations de l'article 7-1 de la Convention franco-monégasque, de même que celles des conventions fiscales classiques, ne constituent donc pas la base légale (au sens générique de ce terme) de l'imposition (à l'impôt sur le revenu) des Français résidant à Monaco.

La spécificité de la Convention franco-monégasque est ainsi moindre que l'on n'aurait pu le penser.

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Procédure civile

[Chronique] La chronique de procédure civile d'Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble II

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Le 30 Septembre 2011

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II. Au sommaire de cette chronique seront abordées, la clause de médiation, l'autorité de la chose jugée, les conditions de l'intervention volontaire d'un tiers en appel et la concurrence de deux pourvois contre la même décision I - Clause de médiation obligatoire et procédure contractuelle de médiation
  • Les parties au contrat sont tenues de respecter la procédure de médiation prescrite par une clause du contrat destinée à cet effet : Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 06-13.366, M. Albert Scémama, F-P+B (N° Lexbase : A2306DZG)

Depuis l'arrêt de principe rendu par une Chambre mixte de la Cour de cassation, le 14 février 2003, l'on sait que les clauses de conciliation ou de médiation imposées par un contrat constituent des fins de non-recevoir qui font obstacle à la saisine de la juridiction tant qu'il n'est pas constaté que la tentative de conciliation a échoué (1).

En revanche, la Cour de cassation n'avait pas précisé quelles étaient les formalités à accomplir pour démontrer l'échec de la conciliation.

Dans l'arrêt étudié, cette question faisait débat, car le contrat avait aménagé une procédure complexe de conciliation dans une clause rédigée ainsi :

"En cas de difficultés soulevées par l'application du présent contrat, les parties s'engagent, préalablement à toute action contentieuse, à soumettre leur différend à deux membres du conseil départemental de l'ordre des médecins des Yvelines, chacun choisissant librement l'un de ces deux membres. Ceux-ci s'efforcent de concilier les parties et de les amener à une solution amiable, et ce, dans un délai maximum de trois mois à compter de la désignation du premier conciliateur".

Pour autant, l'une des parties avait cru pouvoir contourner cette procédure en soumettant la tentative de conciliation à un tiers non visé par le contrat et en communiquant un projet de transaction à son cocontractant qui l'avait refusé.

Fort de cet échec, le contractant à l'origine de la tentative de conciliation avait pris l'initiative de saisir la justice et la cour d'appel avait déclaré l'action recevable en raison de l'impossibilité de trouver un accord amiable.

La Cour de cassation casse cette décision au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), 122 (N° Lexbase : L2068ADX) et 123 (N° Lexbase : L2069ADY) du Nouveau Code de procédure civile. Elle considère, implicitement, que la tentative de conciliation n'était pas conforme aux prévisions du contrat et qu'elle ne peut, dès lors, ouvrir la voie de l'action en justice.

Cette solution est intéressante, car elle reconnaît la valeur contraignante de la procédure de conciliation prévue par le contrat. En d'autres termes, les parties liées par une clause de conciliation ou de médiation doivent, non seulement tenter de s'entendre, mais elles doivent encore le faire conformément à la procédure instituée dans le contrat.

Cette solution est conforme à l'article 1134 du Code civil. Elle nous apprend aussi que les règles de conciliation échappent à l'ordre public et peuvent être librement aménagées par les parties.

II - Autorité de la chose jugée et principe de concentration des moyens

  • Le rejet d'une action en responsabilité délictuelle fait obstacle à une action en responsabilité contractuelle entre les mêmes parties et pour le même objet : Cass. civ. 2, 25 octobre 2007, n° 06-19.524, M. Etienne Blot, FS-P+B (N° Lexbase : A2533DZT)

La notion d'identité des causes a longtemps fait débat jusqu'à ce que l'Assemblée plénière en précise partiellement la signification (2). La Haute juridiction a, notamment, affirmé qu'une modification du moyen de droit invoqué par une partie n'entraînait pas un changement de cause et ne permettait pas d'exercer une nouvelle action. Elle a, ainsi, posé le principe de concentration des moyens en adoptant la formule suivante : "il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci".

La deuxième chambre civile vient de faire application de cette jurisprudence dans un arrêt d'espèce intéressant.

A la suite d'un accident médical, une patiente avait exercé l'action civile devant le juge répressif. Pour autant, le médecin avait été relaxé et l'action en responsabilité délictuelle avait été rejetée par la juridiction pénale.

Désormais méfiante à l'égard des juridictions répressives, la victime de l'accident décida de porter une nouvelle action en responsabilité contractuelle devant le juge civil.

La cour d'appel crut pouvoir déclarer cette action recevable, mais son arrêt fut cassé par la deuxième chambre civile au visa de l'article 1351 du Code civil (N° Lexbase : L1460ABP). Reprenant le principe de concentration des moyens, la Cour de cassation a ajouté : "comme la demande originaire, la demande dont était saisie [la cour d'appel], formée entre les mêmes parties, tendait à l'indemnisation des préjudices résultant de l'intervention médicale".

La Cour a donc constaté qu'il y avait identité de parties et d'objet et que le changement de fondement juridique (responsabilité contractuelle plutôt que délictuelle) ne pouvait entraîner une modification de la cause.

Cette identité entre responsabilités délictuelle et contractuelle est d'autant plus convaincante en matière médicale, qu'aujourd'hui ces deux régimes ont été fusionnés au profit d'un droit unique de la responsabilité aménagé dans le Code de la santé publique (C. santé publ., art. L. 1142-1 N° Lexbase : L8853GT3).

III - Conditions de l'intervention volontaire d'un tiers en appel

  • L'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond : Cass. mixte, 9 novembre 2007, n° 06-19.508, Société Les Ballades c/ Société Colisée rareté, P+B+R+I (N° Lexbase : A5534DZY)

L'intervention d'un tiers au procès pour la première fois en appel soulève des difficultés, tant au regard du principe du double degré de juridiction, que de l'immutabilité du litige. Deux conditions cumulatives doivent ainsi être réunies pour que l'intervention volontaire soit déclarée recevable. D'une part, le tiers doit avoir intérêt à intervenir dans le litige en cours (NCPC, art. 554 N° Lexbase : L2804AD9). Cet intérêt s'apprécie au regard du litige qui a été tranché en première instance, de sorte que le tiers, en s'immisçant dans le procès, ne doit pas faire naître un nouveau litige. D'autre part, la prétention du tiers doit être rattachée aux prétentions originaires des parties en première instance par un lien suffisant (NCPC, art. 325 N° Lexbase : L2539ADE).

Cette double appréciation de l'intérêt du tiers et du lien suffisant faisait l'objet d'une interprétation pour le moins aléatoire des différentes chambres de la Cour de cassation (3). La question fut donc portée devant une Chambre mixte. Cette affaire particulièrement complexe portait au fond sur la validité d'un congé donné par le propriétaire d'un bail commercial à son preneur, une EURL. Après que ce congé eut été confirmé par les juges de première instance, l'EURL fit appel de la décision et, par la suite, l'associée unique de l'EURL exerça une intervention volontaire dans cette instance. Cette intervention fut déclarée irrecevable par la cour d'appel.

L'intervenante forma un pourvoi en cassation contre cette décision d'irrecevabilité en invoquant le fait que l'intervention avait pour objet d'obtenir le versement d'une indemnité personnelle consécutive au congé délivré par le bailleur.

Ce pourvoi fut rejeté par la Cour de cassation qui considéra de façon laconique que "l'appréciation de l'intérêt à agir de l'intervenant volontaire et du lien suffisant qui doit exister entre ses demandes et les prétentions originaires relève du pouvoir souverain des juges du fond".

Cette solution met donc fin à l'incertitude pesant sur cette question. L'on peut tout de même regretter une telle solution. En application de cette jurisprudence, l'intérêt pour agir du tiers est apprécié pour la première et la dernière fois par la cour d'appel. Le désintérêt de la Cour de cassation place l'intervenant dans une position délicate. S'il est exclu du procès par la cour d'appel, ce dernier n'a d'autre solution que d'exercer une nouvelle fois son action devant les premiers juges. Il n'est pas certain que la procédure gagne ici en efficacité.

IV - Concurrence de deux pourvois contre la même décision

  • Lorsque la Cour de cassation est saisie de deux pourvois dont le premier est irrecevable, la Haute juridiction doit écarter le premier recours et examiner le second : Ass. plén., 23 novembre 2007, n° 05-17.975, M. Bernard Romero c/ M. Bernard Trouillet, P+B+R+I (N° Lexbase : A9299DZG)

A l'occasion d'une action en recherche de paternité, un fils prétendu a été débouté de sa demande d'expertise biologique. Il a formé deux pourvois contre l'arrêt d'appel. Le premier pourvoi a été exercé avant la signification de l'arrêt et le second pourvoi après cette signification. La première chambre civile saisie de ces deux pourvois a renvoyé l'affaire devant l'Assemblée plénière.

La situation de l'auteur des pourvois était délicate. En effet, en application de l'article 611-1 du NCPC (N° Lexbase : L2867ADK), le premier recours était irrecevable, car il avait été formé avant la signification de l'arrêt d'appel.

L'avocat s'était vraisemblablement rendu compte de cette erreur et c'est pour cette raison qu'il avait formé un nouveau pourvoi après la signification. Mais ce second pourvoi était confronté à une autre règle, jurisprudentielle cette fois, selon laquelle deux pourvois ne peuvent être exercés contre une même décision. Cette règle, issue de l'adage "pourvoi sur pourvoi ne vaut", a été reprise par la Cour de cassation sous diverses formules (4).

Si les deux principes étaient appliqués simultanément, l'auteur des pourvois risquait de voir ses deux recours déclarés irrecevables sans que la question de fond (sur l'expertise biologique) soit tranchée par la Cour de cassation. Cette solution aurait été théoriquement envisageable, mais elle n'était pas conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme pour qui le droit au recours découle de l'article 6 § 1 de la CESDH (N° Lexbase : L7558AIR) et ne peut être atteint dans sa substance même ou réduit en raison d'un formalisme excessif (5).

L'Assemblée plénière a donc choisi une autre option. En se fondant sur l'article 611-1 du NCPC, elle a déclaré que le premier pourvoi en cassation était irrecevable pour avoir été exercé avant la signification de l'arrêt attaqué. Elle a, ensuite, statué au fond sur le moyen qui concernait l'expertise génétique. Implicitement, elle a donc admis la recevabilité du second pourvoi en raison de l'irrecevabilité du premier (6).

On en déduit que la règle "pourvoi sur pourvoi ne vaut" ne peut s'appliquer que dans l'hypothèse où le premier pourvoi est recevable.

La solution est aussi logique que souhaitable. Lorsqu'elle est saisie de deux pourvois successifs contre la même décision, la Cour de cassation doit simplement en écarter un et examiner l'autre.


(1) Cass. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423, M. Daniel Poiré c/ M. Daniel Tripier, P (N° Lexbase : A1830A7W), D. 2003, p. 1386.
(2) Ass. plén., 7 juillet 2006, n° 04-10.672, n° 04-10.672, M. Gilbert Cesareo, P+B+R+I (N° Lexbase : A4261DQU), D. 2006, p. 2135, Procédures n° 10, octobre 2006, comm. 201.
(3) Voir, sur ce point, le rapport du conseiller M. Lacabarats, qui cite nombre de jurisprudences allant en sens contraires les unes vis-à-vis des autres.
(4) Par exemple, "Attendu qu'une même personne, agissant en la même qualité, ne peut former qu'un seul pourvoi en cassation contre la même décision", Cass. civ. 1, 9 février 1999, n° 97-04.041, Crédit municipal de Paris, établissement public c/ M. Richard Gossart et autres, inédit (N° Lexbase : A1194CQB).
(5) Voir, par exemple, CEDH, 26 juillet 2007, Req. n° 35787/03, Walchli c/ France (N° Lexbase : A5133DXE).
(6) Cette interprétation est déduite de la lecture du rapport du conseiller M. Moussa.

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Environnement

[Doctrine] Nouvelle codification du droit de l'environnement : vers une nécessaire simplification ?

Réf. : Décret n° 2007-1467 du 12 octobre 2007, relatif au livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement et modifiant certaines autres dispositions de ce code (N° Lexbase : L7538HYT)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

Le 07 Octobre 2010

Pour simplifier l'accès au droit de l'environnement, le législateur mène, depuis plusieurs années, un travail de rassemblement des articles traitant du domaine de l'environnement en un seul code, le Code de l'environnement. Avec la publication du livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement (1), partie qui traite, notamment, de la prévention des pollutions, des risques et des nuisances sonores, le travail de codification est, ainsi, entièrement achevé. Le temps, pourtant, n'est pas si loin où l'on attendait que le droit de l'environnement puisse acquérir quelques lettres de noblesse supplémentaires grâce à sa codification. Le droit de l'environnement a toujours été, par son histoire et ses fondements, un droit épars, qui a puisé à des sources diverses et qui s'est édifié au coup par coup selon les aléas des enjeux sociaux. Il n'a, à l'origine et en ce sens, jamais constitué un domaine autonome du droit. Pourtant, la matière a pris progressivement de l'importance en tant qu'enjeu social : catastrophe de l'Erika, protocole de Kyoto sur le réchauffement climatique, traitement des déchets nucléaires, amiante... L'opinion est devenue de plus en plus sensible aux questions environnementales. En conséquence, la réglementation en la matière s'est développée, les sources juridiques existantes se sont compliquées et la nécessité s'est fait jour de doter la société française d'un instrument rationnel et moderne de codification de ce droit. Un projet de codification a, ainsi, été amorcé à l'aube des années 1990. La Commission d'universitaires chargée de ce travail (présidée par le doyen Prieur) présenta un rapport (2) dans lequel elle concluait à la nécessité de procéder à une véritable codification du droit de l'environnement (3). De très nombreux problèmes étaient apparus, problèmes techniques (4) et problèmes politiques (5). La difficulté principale ayant résidé dans l'absence de catégories homogènes pour penser les problèmes et organiser les réponses aux questions d'environnement.

Tiraillées entre des logiques différentes (6), les dispositions qui composent, aujourd'hui, le patchwork du droit de l'environnement ne fonctionnent pas en tant que système unifié. Tantôt ce droit raisonne en termes de milieux (eau, air, sol), tantôt en termes d'activités humaines (chasse, pêche, exploitation d'industries, de mines, de carrières), tantôt en termes d'aménagement d'espaces (littoral, montagne, réserve, parc national, site), tantôt, enfin, en termes de protection d'espèces (faune, flore). Ce découpage hétéroclite est le résultat d'une sédimentation historique propre à chaque pays, mais qui atteint, en France, des proportions spectaculaires, la prolifération des normes européennes et internationales ne faisant que complexifier cet agglomérat (7).

C'est, d'abord, l'ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000, relative à la partie législative du Code de l'environnement (8), qui a réalisé la codification de législations d'origine et d'époques différentes, ce qui a constitué une première étape de la modernisation du droit de l'environnement (9), mais il manquait l'essentiel pour les praticiens, c'est-à-dire la codification de la partie réglementaire.

Le pouvoir réglementaire a poursuivi la codification, en 2005, par la publication de quatre des sept livres de la partie réglementaire du Code de l'environnement. Le livre Ier, relatif aux dispositions communes, le livre III, relatif aux espaces naturels, et le livre IV, relatif à la faune et la flore sont, ainsi, codifiés (10). Ces trois livres venant s'ajouter au livre VII relatif à la "Protection de l'environnement en Antarctique" (11). Les livres II et VI ont été publiés en 2007 (12). Les dispositions réglementaires du Code de l'environnement ont fait l'objet d'une publication spéciale annexée au décret n° 2007-397 du 22 mars 2007, relatif aux dispositions du livre II de la partie réglementaire du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7511HUQ). Le décret codifie, à droit constant, les livres II et VI de la partie réglementaire du Code de l'environnement et abroge les textes ainsi codifiés (70 décrets, outre les articles R. 262-1 N° Lexbase : L6257DKX à R. 264-18). Il modifie, également, différents décrets relatifs à la déconcentration des décisions administratives individuelles. Il apporte quelques modifications aux livres III et IV de la partie réglementaire du code. Il est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis-et-Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.

De son côté, le décret n° 2007-396 (décret du 22 mars 2007, relatif aux dispositions du livre II de la partie réglementaire du Code de l'environnement issues de décrets délibérés en conseil des ministres N° Lexbase : L7509HUN) précise que les dispositions du décret n° 74-415 du 13 mai 1974, relatif au contrôle des émissions polluantes dans l'atmosphère et à certaines utilisations de l'énergie thermique (N° Lexbase : L4210H3C), peuvent être modifiées par décret en Conseil d'Etat. Il abroge l'article 8 du décret du 6 mai 1998, relatif à l'agrément des organismes de surveillance de la qualité de l'air (décret n° 98-361 N° Lexbase : L4212H3E, JO du 13 mai 1998), et l'article 10 du décret du 6 mai 1998, relatif aux plans régionaux pour la qualité de l'air (décret n° 98-362 N° Lexbase : L4213H3G, JO du13 mai 1998). Le travail de codification devrait être achevé cette année par la publication du livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement, relatif à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances. Les quelques 3 000 articles formant la partie réglementaire de ce code auront, alors, été rassemblés.

Le décret vise, environ, 3 000 articles et abroge de nombreux décrets du plus ancien (13) au plus récent (14). Neuf titres sont concernés, soit le régime réglementaire des installations classées, des produits chimiques et biocides, des organismes génétiquement modifiés, des déchets, de certains ouvrages et installations (Seveso, carrière et stockage de déchets, éoliennes), de la prévention des risques naturels, des nuisances sonores, de la protection du cadre de vie et des installations nucléaires.

L'abrogation est intégrale et immédiate, à l'exception de certains décrets qui, soit connaissent le report de cette abrogation pour certaines de leurs dispositions (15), soit voient certaines dispositions exclues du champ de la codification (16).

Aux côtés de la codification du Livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement (I), le présent décret comprend d'autres dispositions modificatives (II).

I - La codification du Livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement

Désormais, les titres I à VIII du livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement se répartissent ainsi (17) : installations classées pour la protection de l'environnement (C. env., art. D. 511-1 N° Lexbase : L1652H3L à R. 517-10), produits chimiques et biocides (C. env., art. R. 521-1 N° Lexbase : L0836H3D à D. 523-11), organismes génétiquement modifiés (C. env., art. D. 531-1 N° Lexbase : L1665H33 à R. 536-12), déchets (C. env., art. D. 541-1 N° Lexbase : L1688H3W à D. 543-213), dispositions particulières à certains ouvrages ou certaines installations (C. env., art. R. 551-1 N° Lexbase : L1383H3M à R. 551-14), prévention des risques naturels (C. env., art. R. 561-1 N° Lexbase : L1397H37 à D. 565-12), prévention des nuisances sonores (C. env., art. R. 571-1 N° Lexbase : L1460H3H à R. 572-11), protection du cadre de vie (C. env., art. R. 581-1 N° Lexbase : L1564H3C à R. 581-88).

Le titre Ier de ce nouveau livre fixe les dispositions relatives aux installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) (C. env., art. D. 511-1 à R. 517-10). Il reprend, notamment, le contenu du décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux ICPE (N° Lexbase : L1886HCT) (loi codifiée aux articles L. 511-1 et suivants du Code de l'environnement N° Lexbase : L2633ANT), et la nomenclature ICPE issue du décret n° 53-578 du 20 mai 1953, relatif à la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes (N° Lexbase : L4214H3H).

Le titre II concerne les produits chimiques et biocides (C. env., art. R. 521-1 à D. 523-11). Il contient les dispositions relatives au contrôle et à la mise sur le marché de ces produits. Ainsi, ce titre reprend, notamment, les dispositions du décret n° 92-1074 du 2 octobre 1992, relatif à la mise sur le marché, à l'utilisation et à l'élimination de certaines substances et préparations dangereuses (N° Lexbase : L4211H3D), et du décret n° 2004-187 du 26 février 2004 (N° Lexbase : L4396DPI), portant transposition de la Directive 98/8/CE du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (N° Lexbase : L9950AU3).

Le titre III vise les organismes génétiquement modifiés (OGM) (C. env., art. D. 531-1 à R. 536-12). Il reprend, notamment, les deux décrets récemment adoptés dans ce domaine, à savoir le décret n° 2007-358 du 19 mars 2007, relatif à la dissémination volontaire à toute autre fin que la mise sur le marché de produits composés en tout ou partie d'OGM (N° Lexbase : L7244HUT), et le décret n° 2007-359 du 19 mars 2007, relatif à la procédure d'autorisation de mise sur le marché de produits non destinés à l'alimentation composés en tout ou partie OGM (N° Lexbase : L7245HUU).

Le titre IV regroupe l'ensemble des dispositions relatives aux déchets (C. env., art. D. 541-1 à D. 543-213). Il contient les dispositions relatives à l'élimination des déchets ménagers, des déchets dangereux, des déchets radioactifs, des déchets inertes et des déchets spécifiques (huiles usagées, polychlorobiphényles, emballages, piles et accumulateurs, fluides frigorigènes, pneus usagés, véhicules hors d'usage, équipements électriques et électroniques, imprimés).

Le titre V contient les dispositions particulières aux infrastructures routières, ferroviaires et portuaires, ainsi que les installations multimodales (C. env., art. R. 551-1 à R. 551-14). Il reprend les dispositions issues du décret n° 2007-700 du 3 mai 2007 (N° Lexbase : L4211HXA), relatif aux études de dangers des ouvrages d'infrastructures de stationnement, chargement ou déchargement de matières dangereuses portant application de l'article L. 551-2 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L1714DKP).

Le titre VI concerne la prévention des risques naturels (C. env., art. R. 561-1 à D. 565-12). Ce titre fixe, notamment, les dispositions relatives aux mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs, aux plans de prévention des risques naturels et à la prévision des crues.

Le titre VII rassemble les dispositions relatives à la prévention des nuisances sonores (C. env., art. R. 571-1 à R. 572-11). Il concerne, notamment, la lutte contre le bruit (bruit des objets, bruit de voisinage, bruit des transports), les cartes de bruit et les plans de prévention du bruit dans l'environnement.

Enfin, le titre VIII codifie les dispositions relatives à la protection du cadre de vie (C. env., art. R. 581-1 à R. 581-88). Il s'agit des règles applicables en matière de publicité, d'affichage et d'enseignes et préenseignes. Ce titre sera complété ultérieurement par un chapitre relatif à la prévention des nuisances visuelles.

A noter que, une semaine après sa publication, le livre V a déjà fait l'objet d'une modification. En effet, le décret n° 2007-1496 du 18 octobre 2007, relatif aux conditions de mise sur le marché et d'emploi des composés de l'arsenic, des sulfonates de perfluorooctane (N° Lexbase : L7325HYX), modifie l'article R. 521-14 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L0849H3T) et crée les articles R. 521-15-1 (N° Lexbase : L0852H3X) et R. 521-42-1 (N° Lexbase : L0880H3Y) à R. 521-42-6.

Le titre Ier du décret compile et abroge 90 décrets consacrés à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances, parmi lesquels figurent des textes fondamentaux du droit de l'environnement, tel que le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977, pris pour l'application de la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Les textes concernés couvrent la période comprise entre le décret du 24 mai 1953, relatif à la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes et celui du 7 mai 2007, relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans les équipements frigorifiques et climatiques.

Le titre IV du présent décret précise l'application de ces titres à Mayotte, exception faite des dispositions particulières à certains ouvrages ou certaines installations et de la protection du cadre de vie.

Regrouper, en un seul, plusieurs textes épars intéressant une même matière pour en assurer une meilleure compréhension constitue l'objectif de la codification. En maintenant en vigueur plusieurs dispositions réglementaires, le présent décret ne tend pas pleinement au but recherché. L'article 20 du décret du 7 mai 2007, relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans les équipements frigorifiques et climatiques, voit son abrogation différée au 4 juillet 2008.

II - Un décret qui comprend d'autres dispositions modificatives

Le préfet a compétence pour prendre les décisions administratives individuelles entrant dans le champ des compétences des administrations civiles de l'Etat, à l'exception de celles concernant les agents publics (décret n° 97-34 du 15 janvier 1997, relatif à la déconcentration des décisions administratives individuelles, art. 1er N° Lexbase : L4216H3K, JO du 18 janvier 1997). Néanmoins, un décret simple ou pris en Conseil d'Etat peut fixer, pour chaque ministre, une liste de décisions relevant de sa compétence (décret n° 97-34, préc., art. 2).

Le titre II du présent décret remplace l'annexe du décret n° 97-1204, adopté le 19 septembre 1997, relatif aux décisions administratives individuelles adoptables par le ministre en charge de l'Environnement (N° Lexbase : L4217H3L, JO du 27 décembre 1997). Ces décisions administratives se répartissent entre les mesures prises au titre du droit de l'environnement et celles tirées hors de cette législation (protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque et urbanisme). Les décisions issues du droit de l'environnement se subdivisent en fonction de leur adoption, individuelle ou conjointe avec un ou plusieurs ministres.

Le dernier point significatif du décret, son titre III, vient compléter la codification du livre II du Code de l'environnement consacré aux milieux physiques opérée par le décret du 22 mars 2007 (décret n° 2007-396, préc.). Par l'introduction de nouveaux articles R. 211-11-1 (N° Lexbase : L0467H3P) à R. 211-11-3, la législation sur l'eau s'enrichit d'un "programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses", destiné à prévenir, réduire ou éliminer la pollution des eaux de surface, des eaux de transition et des eaux marines intérieures et territoriales par les substances énoncées dans une liste de 157 substances, métaux ou métalloïdes annexée à l'article R. 211-11-1. Chaque élément de cette liste se verra appliquer par le ministre en charge de l'Environnement une norme basée sur leur toxicité respective. Cette nouvelle codification du livre II entraîne de facto l'abrogation des décrets n° 2005-378 du 20 avril 2005, relatif au programme national d'action contre la pollution des milieux aquatiques par certaines substances dangereuses (N° Lexbase : L2597G8P) et n° 2007-491, adopté le 29 mars 2007, concernant l'interdiction des phosphates dans certains détergents (N° Lexbase : L8698HUP).


(1) Décret n° 2007-1467 du 12 octobre 2007, relatif au livre V de la partie réglementaire du Code de l'environnement et modifiant certaines autres dispositions de ce code (N° Lexbase : L7538HYT) (JO du 16 octobre 2007, p. 38283).
(2) Michel Prieur (dir.), Rapport sur la faisabilité d'un Code de l'environnement, Paris, Ministère de l'Environnement, 1993.
(3) La Commission prenait, également, partie sur certaines questions et se prononçait, par exemple, sur la nécessité d'intégrer dans le code les dispositions de droit international et de droit communautaire applicables en France.
(4) Délimitation de la matière, harmonisation des règles entre secteurs, dispositions pénales.
(5) Opportunité politique, choix de méthode législative.
(6) Gestion patrimoniale publique, garantie des droits de propriété et d'action individuels, prévention des risques, etc..
(7) Formulées, au départ, dans une perspective principalement économique, ces normes attestent, aujourd'hui, d'une autonomisation des préoccupations d'environnement au plan mondial.
(8) Ordonnance n° 2000-914 du 18 septembre 2000, relative à la partie législative du Code de l'environnement (N° Lexbase : L8585AIS).
(9) En près de 1 150 articles, la partie législative du Code de l'environnement regroupe, aujourd'hui, les dispositions de 39 lois précédemment dispersées et celles des textes votés depuis 2000.
(10) Décrets n° 2005-934 (N° Lexbase : L1216HBN) et n° 2005-935 (N° Lexbase : L1214HBL) du 2 août 2005, relatifs à la partie réglementaire du Code de l'environnement.
(11) Décret n° 2005-403 du 28 avril 2005, relatif à la protection de l'environnement en Antarctique et modifiant le Code de l'environnement (N° Lexbase : L3459G8M).
(12) Décret n° 2007-396 du 22 mars 2007, relatif aux dispositions du livre II de la partie réglementaire du Code de l'environnement issues de décrets délibérés en Conseil des ministres (N° Lexbase : L7509HUN), et n° 2007-397 du 22 mars 2007, relatif à la partie réglementaire du Code de l'environnement (N° Lexbase : L7511HUQ) (publiés au JO du 23 mars 2007).
(13) Décret n° 53-578 du 20 mai 1953, relatif à la nomenclature des établissements dangereux, insalubres ou incommodes (JO du 20 juin 1953).
(14) Décret n° 2007-737 du 7 mai 2007, relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans les équipements frigorifiques et climatiques (N° Lexbase : L4404HXE) (JO du 8 mai 2007).
(15) Au titre de cette première solution, l'article 20 du décret n° 2007-737 du 7 mai 2007 précité sera abrogé le 4 juillet 2008 en raison de son caractère transitoire, qui maintenait en vigueur, jusqu'à cette date, certains articles du décret du 7 décembre 1992, relatif à certains fluides frigorigènes utilisés dans les équipements frigorifiques et climatiques (décret n° 92-1271 N° Lexbase : L7768GTU, JO du 8 décembre 1992).
(16) Solution qui concerne, le plus souvent, des dispositions transitoires ou hors le champ du droit de l'environnement.
(17) Voir annexe du décret n° 2007-1467, préc., JCP éd. G, 2007, act. 483 ; JCP éd. A, 2007, act. 931, aperçu rapide Ph. Billet.

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Famille et personnes

[Jurisprudence] La caducité de la prestation compensatoire en cas de remariage d'époux divorcés

Réf. : Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 06-20.451, M. Maurice Regen, FS-P+B (N° Lexbase : A8123DYI)

Lecture: 4 min

N3603BDS

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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférence à l'Université de Reims

Le 07 Octobre 2010

Lorsque des époux divorcent une première fois puis se remarient ensemble avant de divorcer une seconde fois, la prestation compensatoire judiciairement fixée lors du premier jugement de divorce est rendue caduque par l'effet du second mariage. Tel est le principe dont la première chambre civile de la Cour de cassation fait application dans un arrêt rendu le 17 octobre 2007. Elle casse ainsi, au visa des articles 212 (N° Lexbase : L1362HIB) et 270, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2662AB9), ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 (loi n° 2004-439, relative au divorce N° Lexbase : L2150DYB), l'arrêt de la cour d'appel selon lequel les décisions judiciaires relatives au premier divorce étaient définitives et conservaient, malgré le remariage et le second divorce, leur force exécutoire. Selon les faits rapportés, un jugement du 28 juin 1989, confirmé par arrêt du 13 novembre 1990, a converti en divorce la séparation de corps aux torts du mari prononcée en 1983. Celui-ci est alors condamné à verser à son ex-épouse une rente mensuelle viagère de 9 000 francs (environ 1 372 euros) avec indexation, à titre de prestation compensatoire. Le couple se remarie en 1992, puis divorce à nouveau en 1999. La demande de prestation compensatoire de l'épouse est, cette fois, rejetée au motif que l'ex-mari étant toujours tenu au versement de la prestation compensatoire fixée lors du premier divorce, la rupture du second mariage ne créait pas au détriment de l'épouse une disparité dans les conditions de vie des époux. L'ex-épouse met alors en place une procédure de paiement direct pour obtenir le versement de la prestation compensatoire allouée par le premier jugement de divorce. De ce fait, l'ex-mari saisit le juge de l'exécution d'une demande tendant à voir déclarer caducs et privés de tout effet le jugement du 28 juin 1989 et l'arrêt du 13 novembre 1990 ayant fixé la prestation compensatoire à l'occasion du premier divorce.

La cour d'appel déboute l'ex-époux de sa demande au motif que les décisions précitées étaient définitives et avaient toujours force exécutoire en dépit du remariage et du second divorce. En d'autres termes, l'arrêt rendu lors du second divorce n'a pas remis en cause les effets de la première décision.

La Cour de cassation, dans l'arrêt ici commenté, censure cette analyse au visa de l'article 212 et de l'article 270, alinéa 1er, du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, portant réforme du divorce. Selon cette motivation, la prestation compensatoire allouée à l'ex-épouse par l'arrêt du 13 novembre 1990 est caduque à compter du remariage en 1992.

L'arrêt du 17 octobre 2007 apporte donc une réponse intéressante à la question délicate que pose le remariage des époux divorcés sur le sort des mesures accessoires au prononcé du divorce. Aucune disposition légale ne prévoit, en effet, la caducité du jugement se prononçant sur la prestation compensatoire, notamment, en cas de remariage des divorcés entre eux. Cette difficulté semble, toutefois, être plus théorique que pratique. L'on peut effectivement penser que, dans les faits, les époux se conformeront à leur nouveau statut matrimonial et "éluderont spontanément l'application des mesures de l'après divorce" (1) ; ceci d'autant plus que le devoir de secours que les époux se doivent mutuellement en application de l'article 212 du Code civil prend le relais de la prestation compensatoire.

Néanmoins, une nouvelle mésentente peut survenir et aboutir au prononcé d'un second divorce, ce qui était le cas en l'espèce. Le sort de la prestation devient alors une difficulté d'ordre pratique. Le créancier de la rente judiciairement fixée à l'occasion de la première séparation recouvre-t-il le droit de réclamer les termes échus et à échoir, d'autant plus que la prescription ne court pas entre époux et que la règle "les aliments ne s'arréragent pas" ne joue pas pour la prestation compensatoire (2) ? Selon la Cour de cassation, la réponse à cette question doit être négative. La prestation devient caduque à compter du jour de la seconde union. Cette analyse semble tout à fait logique. En effet, si les ex-époux se remarient ensemble, rien ne justifie que l'un d'entre eux continue à recevoir de l'autre la prestation compensatoire fixée à l'occasion du premier jugement de divorce. Etant caduque, la rente ne peut donc renaître au prononcé du second divorce.

Cependant, la portée de cette solution se limite à la seule hypothèse d'un remariage entre ex-époux. La situation est, en effet, différente lorsque les divorcés se remarient avec des tiers. Le caractère forfaitaire et intangible de la prestation compensatoire interdit en principe la révision, voire la suppression de la rente par suite de remariage ou de concubinage, sauf si conformément à l'actuel article 276-3 du Code civil (N° Lexbase : L2844DZD), la nouvelle union entraînerait un changement important dans les ressources de l'époux créancier (3). Notons à ce sujet la récente proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 24 octobre 2007 et "tendant à modifier les conditions du maintien de la prestation compensatoire en cas de remariage du conjoint créancier" (4). Ce texte propose, ainsi, de rendre caduque la prestation, "après validation du juge sur saisine du débiteur ou toute personne ayant intérêt, dès lors que le créancier a contracté un nouveau contrat de mariage".

En définitive, la précision apportée par l'arrêt du 17 octobre 2007 au régime de la prestation compensatoire en cas de remariage d'époux divorcés est essentielle. Deux conséquences importantes découlent de son analyse. D'une part, les décisions judiciaires relatives au premier divorce perdent, du fait du remariage des ex-époux, leur caractère définitif et leur force exécutoire. D'autre part, si la première prestation compensatoire est caduque, rien n'interdit à l'ex-épouse de demander le versement d'une seconde prestation si la rupture du remariage créé à son détriment une disparité dans les conditions de vie des époux (C. civ., art. 270).


(1) V. Larribau-Terneyre, J.-Cl. Civil, art. 263 à 265-2, Fasc. 10, n° 47.
(2) V. Larribau-Terneyre, op. cit..
(3) A ainsi été cassé l'arrêt de la cour d'appel qui n'avait pas recherché si le fait que l'ex-épouse créancière ait un compagnon ne constituait pas un changement important dans sa situation : Cass. civ. 1, 25 avril 2006, n° 05-16.345, M. Philippe Willems c/ Mme Christine Herail, divorcée Willems, FS-P+B (N° Lexbase : A2171DP4), RTD. civ. 2006, p.545, obs. J. Hauser. La possibilité de révision de la prestation compensatoire vaut également en cas de remariage de l'époux débiteur. A ainsi été censurée la décision des juges du fond de rejeter une demande de révision de rente au motif qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte le remariage du débiteur et la naissance d'un nouvel enfant : Cass. civ. 1, 28 juin 2005, n° 02-16.556, M. Jean-Claude Guyot c/ Mme Anne Briant, FS-P+B (N° Lexbase : A8403DI3), Dr. fam. 2005, comm. n° 184, note V. Larribau-Terneyre.
(4) Proposition de loi AN n° 336 présentée par M. Roubaud.

newsid:303603

Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Licenciement pour faute grave d'un salarié accidenté

Réf. : Cass. soc., 21 novembre 2007, n° 06-44.993, M. Eric Phenix, F-P+B (N° Lexbase : A7196DZK)

Lecture: 7 min

N3589BDB

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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Le licenciement du salarié malade ou victime d'un accident du travail n'est pas une chose aisée. Il existe, en effet, des règles protectrices qui interdisent, par principe, à l'employeur de procéder à une quelconque rupture (C. trav., art. L. 122-32-2 N° Lexbase : L5519ACE). Les hypothèses de licenciement "admis" sont limitativement énumérées par le législateur. Quand le licenciement trouve son fondement dans la faute grave du salarié, la rupture doit, en outre, intervenir dans le respect de la procédure disciplinaire prescrite par l'article L. 122-41 du Code du travail (N° Lexbase : L5579ACM). Le cas échéant, c'est la légitimité du licenciement qui se trouve réduite à néant. L'employeur qui ne licencie pas le salarié dans le mois suivant l'entretien préalable voit celui-ci requalifié en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui rend nulle la rupture prononcée au cours de la période de suspension de son contrat de travail pour cause d'accident du travail. C'est ce principe dont a fait application la Cour de cassation dans un arrêt en date du 21 novembre 2007, et à juste titre d'ailleurs.

Résumé

La résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée prononcée au cours d'une période de suspension, résultant d'un arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle, est nulle à moins que l'employeur ne justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité devant laquelle il se trouve, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir le contrat de travail.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite de la rupture, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fond, dès lors qu'il est, au moins, égal à celui prévu à l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74).

1. Licenciement du salarié malade : mode d'emploi

  • Admission restrictive du licenciement du salarié dont le contrat de travail est suspendu pour cause de maladie ou d'accident professionnel

L'article L. 122-32-2 du Code du travail dispose que, "au cours des périodes de suspension du contrat de travail, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie de maintenir ledit contrat". L'alinéa 3 de ce même texte prévoit que "toute résiliation du contrat de travail prononcée en méconnaissance des dispositions du présent article est nulle".

Ainsi, seule la faute grave ou l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie (comme, par exemple, une fin de chantier) peut être invoquée au soutien d'un licenciement lorsque la rupture intervient au cours d'une période de suspension du contrat de travail pour cause d'accident ou de maladie professionnelle

Lorsque l'employeur invoque la faute grave, il faut qu'il respecte la procédure disciplinaire.

Cette procédure, qui s'articule avec la procédure de licenciement, est prévue à l'article L. 122-41 du Code du travail.

  • Respect de la procédure disciplinaire en cas de licenciement pour faute grave

Cet article prescrit, dans son second alinéa, notamment, de notifier la sanction disciplinaire au moins un jour franc et au plus un mois après la tenue de l'entretien. Ceci signifie, en présence d'un licenciement, que la notification de celui-ci ne peut intervenir plus d'un mois après la tenue de l'entretien préalable. Le cas échéant, le licenciement est considéré comme ne reposant pas sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 14 septembre 2004, n° 03-43.796, F-P N° Lexbase : A3870DDP ; Bull. civ. V, n° 226), ce qui entraîne la mise à l'écart de la faute grave, fût-elle avérée, qui était invoquée par l'employeur au soutien de la rupture.

Cette disqualification de la rupture n'est pas sans conséquence, notamment, lorsque le licenciement est intervenu sur le fondement de l'article L. 122-32-2 du Code du travail et, singulièrement, lorsque l'employeur avait retenu la faute grave pour pouvoir licencier le salarié dont le contrat était suspendu pour cause d'accident du travail. Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, l'employeur ne pouvait rompre le contrat de travail du salarié. La dérogation prévue par l'article L. 122-32-2 du Code du travail ne pouvait être invoquée, le licenciement survenu était donc nul.

Tel était le cas dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, un salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour faute grave, auquel il ne s'est pas présenté. Après plusieurs convocations, un entretien s'est tenu le 17 décembre 2002. Le lendemain, le salarié adressait à son employeur des certificats médicaux se référant à un accident du travail survenu le 18 décembre 2002 et prescrivant un arrêt de travail jusqu'au 20 avril 2003. Licencié le 14 avril 2003 pour faute grave, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation en se fondant sur la nullité de la rupture intervenue.

La cour d'appel a fait partiellement droit à la demande du salarié. Elle a, en effet, condamné l'employeur mais simplement parce qu'elle a considéré que le licenciement du salarié était sans cause réelle et sérieuse, refusant, par là même, de retenir la nullité de la rupture et prononçant son indemnisation sur le fondement de l'article L. 122-14-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5570ACB).

La Cour de cassation ne l'entend pas de la même manière. Elle rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, la résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée prononcée au cours d'une période de suspension résultant d'un arrêt de travail pour cause d'accident du travail ou de maladie professionnelle est nulle, à moins que l'employeur justifie soit d'une faute grave de l'intéressé ou de l'impossibilité devant laquelle il se trouve pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie de maintenir le contrat de travail. Elle souligne, en second lieu, que, dans une telle hypothèse, le salarié qui ne demande pas sa réintégration a droit, d'une part, aux indemnités de rupture et, d'autre part, à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié par les juges du fonds dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 122-14-4 du Code du travail, soit six mois de salaire. Relevant que la cour d'appel avait constaté que le licenciement avait été notifié après le délai d'un mois prévu à l'article L. 122-41 du Code du travail, et prononcé pendant une période de suspension du contrat de travail pour cause d'accident du travail, elle conclut à la nullité de la rupture.

Cette solution entière doit pleinement être approuvée d'un point de vue théorique. D'un point de vue pratique, en revanche, elle semble quelque peu disproportionnée.

2. La nullité corollaire de la disqualification de la faute du salarié

  • Une solution parfaitement justifiée

La cour d'appel avait retenu une solution différente de celle de la Haute juridiction. Les juges du second degré, appliquant la jurisprudence traditionnelle en la matière, avaient conclu à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement prononcé. Ils n'étaient, toutefois, pas allés jusqu'au bout de leur raisonnement, omettant par là même de tirer les conséquences de cette disqualification sur le licenciement prononcé. Ce sont, en effet, les particularités de l'espèce qui entraînent ces conséquences en cascade ; il ne pouvait en être autrement.

L'article L. 122-32-2 du Code du travail est une disposition protectrice du salarié accidenté ou malade. Cette disposition tend, en effet, à éviter que l'employeur ne se débarrasse d'un salarié pendant la période de suspension de son contrat de travail. Le principe est donc l'interdiction de licencier. A cette interdiction, le législateur est venu poser deux exceptions : l'impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif non lié à l'accident ou la maladie et la faute grave. Ces deux exceptions sont d'interprétation stricte.

Si l'on suit la lettre de l'article L. 122-32-2 du Code du travail, la conclusion s'impose, la cause du licenciement détermine la possibilité ou l'impossibilité devant laquelle se trouvait l'employeur de rompre le contrat de travail de son salarié et, partant, la légitimité ou la nullité de la rupture.

Dans la mesure où, indépendamment de sa cause, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, il n'est pas fondé sur une faute grave ; l'employeur ne pouvait donc pas poursuivre la rupture du contrat de travail sur ce fondement.

En conséquence, le salarié pouvait soit demander la nullité de la rupture et réintégrer l'entreprise, soit demander l'indemnisation du préjudice résultant de l'illicéité du licenciement laquelle trouve son fondement dans l'article L. 122-14-4 du Code du travail et ne peut être inférieure à six mois de salaire.

CQFD, la solution est donc parfaitement justifiée.

  • Une solution en pratique injuste ?

Mais, bien qu'il faille admettre que la nullité devait dans ce cas être retenue, étant la conséquence directe de la disqualification de la rupture, elle peut apparaître totalement disproportionnée.

Sanctionner par la nullité une simple irrégularité de forme est une sanction que l'on peut qualifier d'"anormale", notamment au regard des règles entourant le droit du licenciement. La sanction d'une irrégularité de forme est, en principe, une indemnité, voire la disqualification du licenciement qui voit son caractère réel et sérieux remis en cause (voir, sur ce point, C. trav., art. L. 122-14-4) mais, en aucun cas, elle n'aboutit à l'annulation de la rupture. On veut bien comprendre que le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doive être protégé mais, de là à un faire un salarié "hyper" protégé... La critique se fait d'autant plus vive que la nullité n'est pas directement prévue par un texte et qu'elle est appliquée dans une hypothèse que l'on peut qualifier de douteuse.

Comment, en effet, expliquer qu'une erreur dans les délais de notification du licenciement puisse être à l'origine de la nullité du licenciement d'un salarié originairement prononcé pour faute grave ? Certes, les règles contenues dans le Code du travail doivent être observées, mais de là à permettre à un salarié exclu en raison de son attitude envers ses collègues de réintégrer l'entreprise, et au surplus de lui faire bénéficier d'une indemnisation maximale...

Cette question se fait d'autant plus pressante et la disproportion encore plus criante, lorsque, comme dans l'espèce commentée, l'accident survient le lendemain de l'entretien préalable, lequel, au vu des circonstances de la rupture, n'a pas dû bien se passer. Quelle coïncidence !

Décision

Cass. soc., 21 novembre 2007, n° 06-44.993, M. Eric Phenix, F-P+B (N° Lexbase : A7196DZK)

Cassation (CA Bordeaux, 5ème ch., 1er décembre 2005, n° 04/02106, M. Eric Phénix N° Lexbase : A8127DNC)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-32-2 (N° Lexbase : L5519ACE)

Mots-clefs : licenciement ; suspension du contrat de travail ; non-respect de la procédure disciplinaire ; accident du travail ; nullité de la rupture ; indemnisation du préjudice du salarié ; absence de demande de réintégration.

Lien bases :

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Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] La mise à la retraite d'office n'est pas nécessairement discriminatoire au nom des politiques de l'emploi

Réf. : CJCE, 16 octobre 2007, aff. C-411/05, Félix Palacios de la Villa c/ Cortefiel Servicios SA (N° Lexbase : A7508DYQ)

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N3667BD8

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

Le 07 Octobre 2010

La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) est assez rarement sollicitée sur la conformité d'une législation nationale à la Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4), notamment lorsque la discrimination porte sur l'âge. Le dernier arrêt de la CJCE (CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm N° Lexbase : A6265DLM) (1) avait marqué les esprits, en raison de l'actualité française, marquée par l'Accord national interprofessionnel (Ani) sur l'emploi des seniors (2) et la création du CDD senior (décret n° 2006-1070 du 28 août 2006, aménageant les dispositions relatives au contrat à durée déterminée afin de favoriser le retour à l'emploi des salariés âgés N° Lexbase : L6779HKB ; Ani emploi des seniors du 13 oct. 2005 ; C. trav., art. D. 322-24 N° Lexbase : L3234HPH) (3). L'arrêt rendu par la CJCE, le 16 octobre 2007, diffère de celui de 2005, tant sur le point de droit que sur la solution. La juridiction de renvoi éprouvant des doutes au sujet de la conformité avec le droit communautaire du régime de la mise à la retraite, tel que résultant du droit espagnol alors applicable (autorisant le maintien des clauses de conventions collectives qui stipulent la mise à la retraite d'office des travailleurs, pour autant que ces derniers ont atteint l'âge prévu pour la retraite et satisfont aux autres conditions requises par la législation nationale en matière de Sécurité sociale pour avoir droit à une pension de retraite de type contributif), a formulé une demande de décision préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 13 du Traité CE ainsi que 2 § 1, et 6 de la Directive 2000/78. Cette demande a été présentée dans le cadre d'un litige opposant M. P. à son employeur, Cortefiel Servicios SA, au sujet de la rupture de plein droit de son contrat de travail en raison du fait qu'il avait atteint la limite d'âge, fixée à 65 ans par la réglementation nationale, pour la mise à la retraite d'office d'un travailleur. Le droit communautaire retient un principe de non-discrimination fondé sur l'âge, mais l'arrêt rapporté montre que ce principe souffre d'exceptions, dont l'appréciation est soumise à l'étroit contrôle de la CJCE.

1. L'interdiction de discrimination fondée sur l'âge

1.1. Le cadre juridique en droit communautaire

La Directive 2000/78, adoptée sur le fondement de l'article 13 du Traité CE, énonce que le droit de toute personne à l'égalité devant la loi et à la protection contre la discrimination constitue un droit universel reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'Homme (N° Lexbase : L6814BHT), par la Convention des Nations unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, par les pactes des Nations unies relatifs aux droits civils et politiques (N° Lexbase : L6816BHW) et aux droits économiques, sociaux et culturels (N° Lexbase : L6817BHX) et par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L6799BHB). La Convention OIT nº 111 interdit la discrimination en matière d'emploi et de travail. De nombreux travaux en ont rendu compte (4).

1.2. La réglementation nationale

  • Droit espagnol

De 1980 à 2001, le législateur espagnol a utilisé le mécanisme de la mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint un certain âge aux fins de résorber le chômage. Selon la cinquième disposition additionnelle de la loi 8/1980 portant statut des travailleurs du 10 mars 1980, la capacité de travailler ainsi que la fin des contrats de travail dépendent de la limite d'âge fixée par le Gouvernement en fonction des disponibilités de la Sécurité sociale et du marché du travail. L'âge limite est fixé à 69 ans, sans préjudice de la possibilité d'accomplir les périodes de carence en vue de la pension de retraite. Dans le cadre de la négociation collective, les âges de la retraite pourront être convenus librement, sans préjudice des dispositions prévues à cette fin en matière de Sécurité sociale. Le décret royal législatif 1/1995, du 24 mars 1995, a approuvé le texte refondu de la loi 8/1980, dont la dixième disposition additionnelle a repris, en substance, la cinquième disposition additionnelle de la loi permettant l'utilisation de la mise à la retraite d'office comme instrument de la politique de l'emploi. Le décret-loi 5/2001 du 2 mars 2001, portant mesures urgentes de réforme du marché du travail en vue d'augmenter l'emploi et d'en améliorer la qualité, validé par la loi 12/2001 du 9 juillet 2001, a abrogé la dixième disposition additionnelle.

Les articles 4 et 17 de la loi 8/1980, dans leur version modifiée résultant de la loi 62/2003 du 30 décembre 2003, établissant des mesures fiscales, administratives et d'ordre social, qui vise à transposer la Directive 2000/78 dans l'ordre juridique espagnol et est entrée en vigueur le 1er janvier 2004, traitent du principe de non-discrimination, notamment en raison de l'âge. Par la suite, le législateur espagnol a adopté la loi 14/2005 concernant les clauses des conventions collectives relatives à la survenance de l'âge normal de la retraite. Cette dernière loi a réintroduit le mécanisme de la mise à la retraite d'office, tout en prévoyant des conditions différentes selon qu'il s'agit du régime définitif ou du régime transitoire de cette loi.

En l'espèce, la juridiction de renvoi demande à la CJCE si l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge en matière de conditions d'emploi et de travail doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une réglementation nationale, en vertu de laquelle sont considérées comme valables les clauses de mise à la retraite d'office figurant dans des conventions collectives et qui exigent, comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d'âge, fixée à 65 ans par la réglementation nationale, pour l'admission à la retraite et remplisse les autres critères en matière de sécurité sociale pour avoir droit à une pension de retraite de type contributif.

La CJCE rappelle que la Directive 2000/78 a pour objet de combattre, en matière d'emploi et de travail, certains types de discriminations, au nombre desquelles figure celle fondée sur l'âge, en vue de mettre en oeuvre, dans les Etats membres, le principe de l'égalité de traitement. La réglementation espagnole alors applicable, selon laquelle le fait pour le travailleur d'atteindre l'âge fixé par cette réglementation pour l'admission à la retraite emporte cessation de plein droit du contrat de travail, doit être considérée comme imposant, de manière directe, un traitement moins favorable aux travailleurs ayant atteint cet âge par rapport à l'ensemble des autres personnes en activité. Une telle réglementation instaure, dès lors, une différence de traitement directement fondée sur l'âge, telle que visée à l'article 2 § 1 et 2, sous a, de la Directive 2000/78.

  • Droit interne

Des clauses de la convention collective ou du contrat de travail du salarié peuvent aménager la mise à la retraite (C. trav., art. L. 122-14-2 N° Lexbase : L5567AC8). Avant la loi "Fillon", la clause dite souple était celle qui prévoyait l'âge, forcément supérieur ou égal à 60 ans, auquel l'employeur pouvait procéder à la mise à la retraite du salarié sous condition que ce dernier puisse bénéficier du taux plein. Désormais, les clauses "souples" ne sont valables que dans le cadre des deux dérogations qui permettent à un employeur de mettre un salarié à la retraite avant l'âge de 65 ans. Dans le cadre de ces dérogations, les clauses aménageant la mise à la retraite sont licites lorsqu'elles prévoient un âge de mise à la retraite au moins égal à 60 ans et qu'à cet âge, le salarié peut bénéficier d'une retraite à taux plein. La rupture du contrat de travail par l'employeur qui ne respecte pas les conditions de mise à la retraite est nulle. La question de la mise à la retraite donne lieu à un abondant contentieux (5), y compris sur le point précis de leur caractère discriminatoire (6).

2. Les dérogations à la prohibition de toute discrimination fondée sur l'âge

2.1. Régime dérogatoire prévu par les textes

Aux termes de l'article 6 de la Directive 2000/78, les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment, par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

Ces différences de traitement peuvent, notamment, comprendre : la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle, d'emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rémunération, pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection ; la fixation de conditions minimales d'âge, d'expérience professionnelle ou d'ancienneté dans l'emploi, pour l'accès à l'emploi ou à certains avantages liés à l'emploi ; la fixation d'un âge maximum pour le recrutement, fondée sur la formation requise pour le poste concerné ou la nécessité d'une période d'emploi raisonnable avant la retraite.

Les Etats membres peuvent prévoir que ne constitue pas une discrimination fondée sur l'âge la fixation, pour les régimes professionnels de sécurité sociale, d'âges d'adhésion ou d'admissibilité aux prestations de retraite ou d'invalidité, y compris la fixation, pour ces régimes, d'âges différents pour des travailleurs ou des groupes ou catégories de travailleurs et l'utilisation, dans le cadre de ces régimes, de critères d'âge dans les calculs actuariels, à condition que cela ne se traduise pas par des discriminations fondées sur le sexe.

2.2. Appréciation par la CJCE du régime dérogatoire

Selon la CJCE (point 35, arrêt rapporté), l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78 autoriserait une exception au principe de non-discrimination en fonction de l'âge aux fins de la poursuite de certains objectifs légitimes, pour autant que les moyens pour les réaliser sont appropriés et nécessaires. Selon la juridiction de renvoi, le régime définitif prévu à la dixième disposition additionnelle est de nature à relever de cet article 6 § 1, étant donné qu'il exige l'existence d'un lien concret entre la mise à la retraite des travailleurs et des objectifs légitimes en matière de politique de l'emploi. En revanche, le premier alinéa de la disposition transitoire unique espagnole n'exigerait pas l'existence d'un tel lien et, de ce fait, il n'apparaîtrait pas conforme aux conditions énoncées à l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78. A partir de l'année 2001, l'évolution du marché du travail espagnol aurait été favorable et la décision du législateur espagnol d'introduire la disposition transitoire, influencée par les partenaires sociaux, n'aurait poursuivi d'autre but que celui de modifier la jurisprudence du Tribunal Supremo.

  • Un objectif légitime

Pour la CJCE, il ressort de l'article 6 § 1, alinéa 1er, de la Directive 2000/78 que de telles inégalités ne constituent pas une discrimination interdite lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. En l'espèce, la CJCE relève que la disposition transitoire unique autorisant l'insertion dans les conventions collectives de clauses de mise à la retraite d'office des travailleurs a été adoptée à l'instigation des partenaires sociaux dans le cadre d'une politique nationale visant à promouvoir l'accès à l'emploi par une meilleure distribution de celui-ci entre les générations.

La CJCE relève qu'un certain nombre d'éléments, tirés du contexte général de la mesure concernée, permettent l'identification de l'objectif sous-tendant cette dernière aux fins de l'exercice d'un contrôle juridictionnel quant à sa légitimité ainsi qu'au caractère approprié et nécessaire des moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif. En l'occurrence, il ressort que, premièrement, la mise à la retraite d'office des travailleurs ayant atteint un certain âge a été introduite dans la réglementation espagnole au cours de l'année 1980, dans un contexte économique caractérisé par un niveau de chômage élevé, aux fins d'offrir, dans le cadre de la politique nationale de l'emploi, des opportunités sur le marché du travail aux personnes à la recherche d'un emploi. Deuxièmement, un tel objectif était expressément énoncé à la dixième disposition additionnelle. Troisièmement, après l'abrogation, au cours de l'année 2001, de cette disposition additionnelle et à la suite de la signature par le gouvernement espagnol ainsi que par les organisations patronales et syndicales de la déclaration pour le dialogue social 2004 portant sur la compétitivité, l'emploi stable et la cohésion sociale, le législateur espagnol a réintroduit le mécanisme de la mise à la retraite d'office par la loi 14/2005. Or, celle-ci a elle-même pour objectif d'offrir des opportunités sur le marché du travail aux personnes à la recherche d'un emploi. Elle subordonne, ainsi, la possibilité de prévoir dans les conventions collectives des clauses autorisant la rupture du contrat de travail en raison de la survenance de l'âge de la retraite à la condition que cette mesure soit liée à des objectifs formulés dans la convention collective et compatibles avec la politique de l'emploi, tels que la transformation de contrats temporaires en contrats à durée indéterminée, le soutien à l'emploi ou l'engagement de nouveaux travailleurs. Ainsi replacée dans son contexte, la disposition transitoire unique vise donc à réguler le marché national de l'emploi, notamment aux fins d'enrayer le chômage (arrêt rapporté, point 62).

En l'espèce, pour la CJCE, la légitimité d'un tel objectif d'intérêt général ne saurait être raisonnablement mise en doute, la politique de l'emploi ainsi que la situation sur le marché du travail figurant au nombre des objectifs expressément énoncés à l'article 6 § 1, alinéa 1er, de la Directive 2000/78 et la promotion d'un niveau d'emploi élevé constituant l'une des finalités poursuivies tant par l'Union européenne que par la Communauté. En outre, la CJCE a déjà jugé, en 2007, que la promotion de l'embauche constitue incontestablement un objectif légitime de politique sociale ou de l'emploi des Etats membres (7), et cette appréciation doit s'appliquer à des instruments de la politique du marché du travail national visant à améliorer les chances d'insertion dans la vie active de certaines catégories de travailleurs. Bref, un objectif de la nature de celui visé par la réglementation espagnole doit, en principe, être considéré comme justifiant objectivement et raisonnablement, dans le cadre du droit national, ainsi que le prévoit l'article 6 § 1, alinéa 1er, de la Directive 2000/78, une différence de traitement fondée sur l'âge édictée par les Etats membres.

  • Des moyens appropriés et nécessaires

Encore faut-il vérifier si les moyens mis en oeuvre pour réaliser un tel objectif légitime sont appropriés et nécessaires. En l'état actuel du droit communautaire, les Etats membres ainsi que les partenaires sociaux au niveau national disposent d'une large marge d'appréciation dans le choix non seulement de la poursuite d'un objectif déterminé parmi d'autres en matière de politique sociale et de l'emploi, mais également dans la définition des mesures susceptibles de le réaliser (8).

Le régime dérogatoire au principe de non-discrimination selon l'âge prend en compte les politiques nationales de l'emploi, c'est-à-dire, le choix que peuvent être amenées à effectuer les autorités nationales, en fonction de considérations d'ordre politique, économique, social, démographique et/ou budgétaire et eu égard à la situation telle qu'elle se présente concrètement sur le marché du travail d'un Etat membre déterminé, d'allonger la durée de la vie active des travailleurs ou, au contraire, de prévoir le départ à la retraite plus précoce. La CJCE reconnaît aux Etats membres la possibilité de modifier les moyens mis en oeuvre au service d'un objectif légitime d'intérêt général, par exemple en les adaptant à l'évolution de la situation de l'emploi dans l'Etat membre concerné. Ainsi, il incombe, selon la CJCE, aux Etats membres de trouver un juste équilibre entre les différents intérêts en présence. Mais les mesures nationales prévues dans ce contexte ne doivent pas aller au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi par l'Etat membre concerné.

Or, pour la CJCE, il n'apparaît pas déraisonnable pour un Etat membre d'estimer qu'un dispositif de mise à la retraite dès qu'un salarié atteint un certain âge, puisse être appropriée et nécessaire pour atteindre l'objectif légitime invoqué dans le cadre de la politique nationale de l'emploi et consistant à promouvoir le plein emploi en favorisant l'accès au marché du travail. Une telle mesure ne saurait être regardée comme portant une atteinte excessive aux prétentions légitimes des travailleurs mis à la retraite d'office du fait qu'ils ont atteint la limite d'âge prévue, dès lors que la réglementation ne se fonde pas seulement sur un âge déterminé, mais prend, également, en considération la circonstance que les intéressés bénéficient au terme de leur carrière professionnelle d'une compensation financière au moyen de l'octroi d'une pension de retraite, telle que celle prévue par le régime espagnol, dont le niveau ne saurait être considéré comme déraisonnable.

En résumé, selon la CJCE, l'interdiction de toute discrimination fondée sur l'âge, telle que mise en oeuvre par la Directive 2000/78, doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à une réglementation nationale, en vertu de laquelle sont considérées comme valables les clauses de mise à la retraite d'office figurant dans des conventions collectives et qui exigent, comme seules conditions, que le travailleur ait atteint la limite d'âge, fixée à 65 ans par la réglementation nationale, pour l'admission à la retraite et remplisse les autres critères en matière de Sécurité sociale pour avoir droit à une pension de retraite de type contributif, dès lors que cette mesure est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime relatif à la politique de l'emploi et au marché du travail, et que les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif d'intérêt général n'apparaissent pas inappropriés et non nécessaires.


(1) Ch. Willmann, Le CDD senior en droit allemand censuré par la CJCE, Lexbase Hebdo n° 197 du 12 janvier 2006 - édition sociale (N° Lexbase : N2944AKA).
(2) Ch. Willmann, La place de l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 dans les politiques de vieillissement actif, Lexbase Hebdo n° 191 du 24 novembre 2005 - édition sociale (N° Lexbase : N1192AKD).
(3) F. Bousez, Le retour des seniors dans l'emploi : le CDD seniors, JCP éd. S, 2006, n° 1809 ; F. Favennec-Héry, L'accord national interprofessionnel relatif à l'emploi des seniors : un premier pas, JCP éd. S, n° 21, 15 novembre 2005, étude n° 1329, p. 14 ; S. Robin-Olivier, Les contrats à durée déterminée des seniors à l'épreuve du principe général de non-discrimination en fonction de l'âge, Rev. dr. trav. 2006, p. 133 ; P.-Y. Verkindt, Changer le regard sur le travail des seniors après l'ANI du 13 octobre 2005, Semaine sociale Lamy, 31 octobre 2005, n° 1234 ; Ch. Willmann, Promouvoir le vieillissement actif : les modestes propositions des partenaires sociaux (ANI du 13 oct. 2005), Dr. soc. 2006, p. 144.
(4) C. Aubin et B. Joly, De l'égalité à la non-discrimination : politique européenne et approche des inégalités en France, Dr. soc. 2007, p. 1295 ; A. Barre, La discrimination dans le droit international du travail, Thèse de Doctorat d'Etat, Universté de Lyon III, Droit public 1985, dir. J. Pélissier ; J.- M. Lattes, Le principe de non-discrimination en droit du travail, Thèse de Doctorat de l'Université de Toulouse I, Droit privé 1989, Dr. M. Despax ; F. Edel, Le principe d'égalité dans la Convention européenne des droits de l'Homme : contribution à une théorie générale du principe d'égalité, Thèse pour le Doctorat de l'Université Robert Schuman (Strasbourg) 2003, dir. J.-F. Flauss ; M.-C. Amauger-Lattes, Du nouveau sur la rupture du contrat en vue du départ en retraite du salarié, RDT 2007, p. 99.
(5) Cass. soc., 18 octobre 2007, n° 06-41.586, Société Siemens, FS-P+B (N° Lexbase : A8156DYQ) ; Ch. Willmann, Contrôle judiciaire des clauses conventionnelles de mise à la retraite, Lexbase Hebdo n° 281 du 15 novembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N0114BDL) ; Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-12.816, Société Bretagne Angleterre Irlande, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A3624DTE) et les obs. de S. Tournaux, La nullité de la mise à la retraite prématurée, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N7461A99) ; Cass. soc., 7 mars 2007, n° 05-42.279, M. Jean Cleuet, FP-P+B (N° Lexbase : A6005DUX) et les obs. de G. Auzero, Nullité de la mise à la retraite prononcée au cours des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, Lexbase Hebdo n° 253 du 22 mars 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N3453BA7).
(6) CA Aix-en-Provence, 9ème ch., sect. A, 8 mars 2007, n° 05/19576, Monsieur Dominique Morael c/ SA Electricité de France (N° Lexbase : A1568DXD) et les obs. d'O. Pujolar, Discriminations et régimes spéciaux : les bonifications réservées aux mères dans les industries électriques et gazières, Lexbase Hebdo n° 277 du 18 octobre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N8649BCC).
(7) CJCE, 11 janvier 2007, aff. C-208/05, ITC Innovative Technology Center GmbH c/ Bundesagentur für Arbeit (N° Lexbase : A4560DT3), Rec. p. I 181, point 39 ; J. Cavallini, La prise en charge des frais de placement d'un chômeur par la sécurité sociale ne peut dépendre d'une condition d'emploi sur le sol national, JCP éd. S, 2007 nº 1211 p. 37 ; F. Kauff-Gazin, Bénéficiaire de la libre circulation des travailleurs, Europe 2007 mars 2007, Comm. nº 87 p.15 ; E. Broussy, F. Donnat et C. Lambert, Libre circulation des travailleurs, AJDA 2007 p. 298.
(8) CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm (N° Lexbase : A6265DLM) ; J. Cavallini, De la suppression des restrictions à la conclusion d'un contrat à durée déterminée lorsque le salarié est un senior, JCP éd. S, 2005, nº 1414 p. 25 ; E. Dubout, Revue des affaires européennes 2005, p. 723 ; L. Idot, Politique sociale - Mesures pour faciliter l'emploi des seniors et non-discrimination, Europe janvier 2006, Comm. nº 18 p.19 ; D. Martin, L'arrêt Mangold - Vers une hiérarchie inversée du droit à l'égalité en droit communautaire ?, Journal des tribunaux du travail 2006 p.109 ; E. Broussy, F. Donnat, et C. Lambert, L'objectif d'insertion professionnelle des chômeurs âgés ne justifie pas un CDD pour les plus de 52 ans, AJDA 2006 p. 249 ; H. Tissandier, L'actualité de la jurisprudence communautaire et internationale, RJS 2006 p. 257 ; A. S. Petitdemange, Une application anticipée des directives non transposées ?, Gazette du Palais 2006 nº 102-103 I, Jur. p. 22 ; O. Leclerc, Le contrat de travail des seniors à l'épreuve du droit communautaire, D. 2006 Jur. 558-561 ; O. Dubos, La Cour de justice, le renvoi préjudiciel, l'invocabilité des directives: de l'apostasie à l'hérésie ?, JCP éd. G, 2006, II 10107 p. 1295.
Décision

CJCE, 16 octobre 2007, aff. C-411/05, Félix Palacios de la Villa c/ Cortefiel Servicios SA (N° Lexbase : A7508DYQ)

Textes visés : Directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail (N° Lexbase : L3822AU4).

Mots-clefs : Egalité de traitement en matière d'emploi et de travail ; portée ; convention collective stipulant la rupture de plein droit de la relation d'emploi lorsque le travailleur atteint l'âge de 65 ans et bénéficie d'une pension de retraite ; discrimination liée à l'âge ; justification.

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