La lettre juridique n°275 du 4 octobre 2007

La lettre juridique - Édition n°275

Éditorial

"Poste scriptum" : quand le recommandé tient en échec les clauses limitatives de responsabilité

Lecture: 2 min

N5850BCN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295850
Copier
scriptum" : quand le recommandé tient en échec les clauses limitatives de responsabilité - par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction">

par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


En 2005, la Cour de cassation, réunie en Chambre mixte, s'était prononcée sur les conditions de la mise en échec des limitations de responsabilité en matière de contrat de transports, en l'espèce, de courriers. Elle avait, en effet, refusé de considérer que la faute lourde était caractérisée au seul motif que l'obligation inexécutée était essentielle et a entendu réaffirmer la définition classique de la faute lourde appréciée, subjectivement, à l'aune du comportement du débiteur. La société, relevant du secteur privé, se voyait condamnée au même sort, un an plus tard, par la Chambre commerciale, qui confirmait ainsi cette tendance jurisprudentielle.

Pour le secteur public, et ce jusqu'au prononcé d'un arrêt rendu le 19 septembre dernier par la première chambre civile de la Cour de cassation, l'appréciation de la responsabilité de l'opérateur universel de transport de courrier était toute autre. Depuis une jurisprudence datant de 1998, l'article L. 13 du Code des postes et télécommunications, disposition exonératoire de responsabilité, s'imposait dans le cas où le prestataire historique, ou le transporteur que celui-ci s'est substitué, n'avait commis aucune faute lourde dans l'exécution de sa mission. Et, à la faute lourde était traditionnellement associée l'inexécution d'une obligation essentielle du contrat de transport. Or, force est de constater que, d'un point de vue objectif, le retard pris dans l'acheminement d'un courrier, mais en définitif bel et bien déposé, ne constitue pas un manquement à l'obligation essentielle du contrat de messagerie, à savoir l'acheminement et le dépôt du courrier.

Mais, à l'heure de la libéralisation des activités postales, la Cour de cassation pouvait-elle maintenir une différence d'appréciation de la faute entre secteur public et secteur privé, relative à une prestation identique ?

Ainsi, poursuivant la modernisation des activités postales orchestrée par la loi du 20 mai 2005, la Haute juridiction confirme cette tendance à l'appréciation subjective de la faute, en affirmant qu'en omettant d'indiquer sur l'envoi la date de la première présentation, l'agent officiant pour l'opérateur universel, qui a ainsi enfreint la procédure applicable à la distribution des plis recommandés, a, par son comportement, caractérisé l'inaptitude du prestataire à l'accomplissement de sa mission, tenant en échec l'application du plafond légal de réparation.

L'alignement progressif des régimes juridiques des activités postales privées et publiques est d'autant plus nécessaire qu'après avoir ouvert, en 2003, le secteur à la concurrence, aux seuls envois de correspondance intérieure et transfrontière entrante au-delà de 100 g (50 g, en principe, depuis 2006), la Commission européenne vient de décider, le 1er octobre dernier, d'ouvrir le courrier postal ordinaire à la concurrence, à compter de 2011 (sauf dérogations), tout en garantissant le maintien d'un "service universel".

Les éditions juridiques Lexbase vous proposent, notamment, de lire, cette semaine, les observations de David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit, sur cette importante décision rendue en matière de responsabilité.

newsid:295850

Internet

[Manifestations à venir] Distribution : la coexistence des réseaux virtuels et des réseaux physiques

Lecture: 1 min

N5943BC4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295943
Copier

Le 07 Octobre 2010

L'Association pour le développement de l'informatique juridique (Adij), en partenariat avec l'Ecole de formation professionnelle des Barreaux de la cour d'appel de Paris (EFB) et les éditions juridiques Lexbase, organise le mardi 23 octobre 2007 un séminaire sur le thème de "Distribution : la coexistence des réseaux virtuels et des réseaux physiques".
  • Thèmes abordés

- Réseaux de distribution et distribution en réseaux : l'infrastructure est-elle juridiquement neutre ?
- Droits et obligations du promoteur d'un réseau de distribution à l'épreuve du droit de la concurrence
- Distribution sélective des produits de luxe sur internet
- Distribution en ligne et propriété intellectuelle : identification des atteintes susceptibles d'être commises sur internet
- Copie privée, objet de distorsion ?

  • Intervenants

Lucien Rapp, Avocat au Barreau de Paris, Watson, Farley & Williams LLP, Professeur à l'Université de Toulouse
Muriel Chagny, Professeur à l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines
Regula Walter, Direction juridique, Richemont International
Giuseppe de Martino, Directeur juridique de Dailymotion, Président d'honneur de l'Association des Fournisseurs d'Accès
Cyril Chabert, Avocat au Barreau de Paris, Chargé d'enseignement à l'Université de Paris XII
Georges Decocq, Professeur à l'Université de Paris XII

  • Date et lieu

Mardi 23 octobre 2007
9h00 - 12h15
Maison du Barreau,
2/4 rue de Harlay
Paris 1er

  • Tarif

Membre de l'Adij : gratuit
Non membre de l'Adij : 50 euros
Etudiants / Elève EFB : 20 euros

  • Renseignements

coordination-adij@feral-avocats.com

newsid:295943

Délégation de service public

[Doctrine] Un cas de délégation unilatérale de service public

Réf. : CE 2° et 7° s-s-r., 13 juillet 2007, n° 299207, Commune de Rosny-sous-Bois (N° Lexbase : A2903DXS)

Lecture: 5 min

N5848BCL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295848
Copier

par Sophie Rimeu, Conseiller au tribunal administratif de Paris

Le 07 Octobre 2010

Par sa décision "Commune de Rosny-sous-Bois" du 13 juillet 2007, le Conseil d'Etat, après avoir établi que l'attribution de l'exploitation du réseau de transport intercommunal sur le territoire de la commune de Rosny-sous-Bois relevait d'une décision unilatérale du syndicat des transports d'Ile-de-France, précise que la convention d'exploitation conclue ultérieurement par la commune avec l'exploitant autorisé à exploiter ce service public sur son territoire, pour définir les conditions d'exploitation de ce service, n'est pas détachable de la procédure unilatérale de désignation de cet exploitant par le syndicat des transports d'Ile-de-France. Il en résulte que cette convention d'exploitation n'est ni un marché, ni une délégation, ni un contrat au sens des dispositions de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L6369G9R) et que le juge du référé précontractuel n'est, donc, pas compétent pour connaître de la procédure préalable par laquelle la commune propose au syndicat un exploitant. La délégation d'un service public par un acte unilatéral n'est pas courante. Cette possibilité doit être prévue par un texte.

Dans la décision du 13 juillet 2007, le syndicat des transports d'Ile-de-France, établissement public administratif chargé de l'organisation des transports publics de personnes dans la région, tire sa compétence de désignation unilatérale des exploitants de l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 modifiée, relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France (N° Lexbase : L9699HXI).

Les délégations unilatérales de service public ne sont pas soumises à la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993, dite "loi Sapin", relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques (N° Lexbase : L8653AGL). Ce point, désormais bien établi, a été fixé pour la première fois, s'agissant des transports en région Ile-de-France, par un avis de l'assemblée générale du Conseil d'Etat du 9 mars 1995 (CE n° 356931, EDEC 1995, n° 47, p. 399). Il a été confirmé, ensuite, pour d'autres délégations unilatérales de service public. Ainsi, les autorisations de transport de gaz, prévues par la loi du 15 février 1941, relative à l'organisation de la production, du transport et de la distribution de gaz (N° Lexbase : L5766HY9), ont fait l'objet d'un avis de l'assemblée générale du Conseil d'Etat du 28 septembre 1995 (CE n° 357262 et 357263, EDCE 1995, n° 47, p. 402) et la désignation des gestionnaires des marchés d'intérêt national, prévue par l'ordonnance du 22 septembre 1967, portant modification et codification des règles relatives aux marchés d'intérêt national, codifiée aux articles L. 730-1 (N° Lexbase : L3140DYX) et suivants du Code du commerce, a fait l'objet, s'agissant du marché national de Rungis, d'un avis de la section des finances du Conseil d'Etat du 28 juillet 1998 (CE n° 362417, EDCE 1999, n° 50, p. 209).

Au contentieux, cette exclusion des délégations unilatérales de service public du champ d'application de la loi "Sapin" a été posée par la décision du Conseil d'Etat du 3 mai 2004, "Fondation Assistance aux animaux" (CE 3° et 8° s-s-r., 3 mai 2004, n° 249832 N° Lexbase : A0650DC3, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon, p. 565 et 878), à propos de l'agrément ministériel des gestionnaires des fichiers nationaux d'identification des chiens, chats et carnivores domestiques, prévu par l'article 5 du décret n° 91-823 du 28 août 1991 (N° Lexbase : L5767HYA).

Cette décision a pu faire l'objet de réserves chez certains commentateurs, car le pouvoir de délégation unilatérale découle non pas d'un texte législatif, comme dans tous les autres cas précédemment évoqués, mais d'un texte réglementaire. Dans leur étude intitulée "Notion et régime juridique de la délégation unilatérale de service public", Antoine Tabouis et Aymeric Hourcabie se sont demandés si un texte réglementaire prévoyant implicitement une dérogation aux dispositions de la loi Sapin ne posait pas problème au regard du respect de la hiérarchie des normes et du principe de légalité (Contrats et Marchés publics, juin 2005, p. 5).

Dans la décision du 13 juillet 2007 était en cause la procédure lancée par la commune de Rosny-sous-Bois pour sélectionner l'entreprise qu'elle proposerait en vue de sa désignation par le syndicat des transports d'Ile-de-France comme exploitant et pour déterminer les conditions d'exploitation du réseau de transport de voyageurs sur son territoire. Outre la désignation unilatérale de l'exploitant par le syndicat des transports d'Ile-de-France, une convention devait, donc, bien être passée dans un deuxième temps entre la commune et l'exploitant pour définir les modalités d'exploitation du service. Le Conseil d'Etat a jugé que cette convention n'était pas détachable de la décision unilatérale de désignation de l'exploitant et ne pouvait, donc, pas être qualifiée de marché public, comme l'avait fait le juge du référé précontractuel du tribunal de Cergy-Pontoise en appliquant les critères de distinction entre marché et délégation de service public. De ce caractère non détachable de la décision unilatérale de désignation, le Conseil d'Etat en a déduit que ladite convention n'était ni un marché, ni une délégation de service public, ni un contrat au sens des dispositions de l'article L. 551-1 du Code de justice administrative et qu'il n'appartenait, donc, pas au juge du référé précontractuel de connaître de la procédure lancée par la commune de Rosny-sous-Bois.

La distinction entre délégation unilatérale et délégation contractuelle de service public peut être délicate et la qualification qui en est donnée par les parties en présence peut toujours faire l'objet d'une requalification par le juge (voir, sur ce point, l'étude d'Antoine Tabouis et Aymeris Hourcabie précitée et les conclusions d'Emmanuel Glaser sur CE, 3 mai 2004, n° 249832, Fondation assistance aux animaux, BJDCP, n° 37, novembre 2004, p. 464). En outre, ce n'est pas la première fois que des conventions conclues pour préciser des actes unilatéraux sont considérées comme des accessoires de ces décisions et comme tels, soumises au même régime (voir, notamment, CE Contentieux, 8 avril 1998, n° 161411, Société Serc Fun radio N° Lexbase : A7233ASP ou "Fondation assistance aux animaux" précité).

Pour autant, si la distinction entre les deux régimes juridiques, acte unilatéral/contrat, emporte d'importantes conséquences en droit interne, le droit communautaire tend à rapprocher toutes les dévolutions de service public. Ainsi, l'exclusion des délégations unilatérales de service public du champ d'application de la loi "Sapin" ne signifie pas qu'elles échappent à toute obligation de publicité et de mise en concurrence. En effet, si aucun texte de droit national n'impose le respect d'un principe de transparence pour ces délégations unilatérales, il n'en va pas de même du droit communautaire. Pour la Cour de justice des Communautés européennes, la nature juridique de l'acte de délégation du service public est sans influence sur la nécessité de respecter le principe de transparence, qui découle des Traités communautaires (voir, notamment, CJCE, 13 octobre 2005, aff. C-458/03, Parking Brixen GmbH c/ Gemeinde Brixen N° Lexbase : A7748DK8, Rec. I-8612). Dans l'affaire "Commune de Rosny-sous-Bois", il ressort des conclusions du commissaire du Gouvernement, Nicolas Boulouis, que la question de l'application de ce principe ne se posait pas, et ce, notamment, parce que la commune avait appliqué la procédure de publicité et de mise en concurrence élaborée par le Syndicat des transports d'Ile-de-France et qu'il n'était pas soutenu que cette procédure aurait été insuffisante au regard des mesures de publicité adéquate imposées par le droit communautaire.

La question d'un principe général du droit de mise en concurrence en droit français a été posée par Emmanuel Glaser dans ses conclusions sous l'arrêt précité "Fondation assistance aux animaux". Un tel principe n'a pas, alors, été retenu, mais il serait sans doute souhaitable que, dans l'avenir, les délégations unilatérales de service public soient soumises à une obligation de transparence découlant du droit français.

newsid:295848

Immobilier - Bulletin d'actualités n° 4

[Jurisprudence] Bulletin d'actualités en droit immobilier : actualités jurisprudentielles - Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés - Octobre 2007

Lecture: 8 min

N5797BCP

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295797
Copier

Le 07 Octobre 2010

Tous les deux mois, le Cabinet Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés, en partenariat avec les éditions Lexbase, sélectionne l'essentiel de l'actualité jurisprudentielle relative au droit immobilier.
  • Une association peut disposer d'un intérêt personnel pour agir en démolition et en remise en état des lieux devant le juge civil en raison de la violation de règles d'urbanisme (Cass. civ. 3, 26 septembre 2007, n° 04-20.636, Société civile immobilière (SCI) Les Chênes, FS P+B+I+R N° Lexbase : A5754DYR) :

Il résulte de l'article L. 480-13 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L1046HPG) que, lorsqu'une construction a été édifiée conformément à un permis de construire, le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l'ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d'urbanisme ou des servitudes d'utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative.

En l'espèce, une SCI avait obtenu un permis de construire une maison d'habitation et une piscine. Soutenant que les constructions avaient été réalisées dans une zone non constructible, une association agréée ayant pour objet statutaire la protection de l'environnement a assigné la SCI en démolition et en remise en état des lieux.

Saisie d'une question préjudicielle, la juridiction administrative a déclaré que l'arrêté du maire de la commune était illégal.

La SCI soutenait devant les juridictions judiciaires que l'association ne subissait pas, du fait de la violation des règles d'urbanisme portant atteinte à l'intérêt collectif qu'elle s'est donné pour mission de défendre, un préjudice personnel distinct du dommage causé à la collectivité.

La Cour de cassation, approuvant les juges d'appel, rappelle qu'une association peut agir en justice au nom d'intérêts collectifs dès lors que ceux-ci entrent dans son objet social.

La juridiction administrative ayant constaté l'illégalité du permis de construire accordé à la SCI, la cour d'appel a pu retenir que la violation par la SCI du caractère inconstructible des lieux, portant atteinte à la vocation et à l'activité au plan départemental de l'association, causait à cette dernière un préjudice personnel direct en relation avec la violation de la règle d'urbanisme.

  • L'absence de fourniture de la garantie de l'article 1799-1 du Code civil par le maître d'ouvrage et la possibilité de surseoir à l'exécution des travaux par l'entreprise (Cass. civ. 3, 12 septembre 2007, n° 06-14.540, FS-P+B N° Lexbase : A2160DYN) :

En application des dispositions d'ordre public de l'article 1799-1 du Code civil (N° Lexbase : L1936ABC), l'entrepreneur est en droit de surseoir à l'exécution de ses travaux lorsque la garantie que doit le maître de l'ouvrage n'est pas fournie après une mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours.

Dès lors qu'elle n'use pas de cette faculté de suspendre l'exécution du marché, l'entreprise reste tenue d'exécuter les travaux en vertu du contrat.

Tel est l'enseignement qui résulte de l'arrêt commenté.

En l'espèce, une SCI a fait procéder à la construction d'un immeuble pour la réalisation duquel certains lots étaient confiés à une entreprise, le terme des travaux étant fixé au 31 décembre 2001, assorti, en cas de non-respect, de pénalités de retard.

L'entreprise ayant fait l'objet d'une mesure de liquidation judiciaire, la SCI a procédé à une déclaration de créance au titre de pénalités de retard.

Le liquidateur faisait, notamment, valoir que tant que le maître de l'ouvrage ne lui a pas fourni une garantie du paiement des sommes dues au titre d'un marché de travaux privé et qu'il demeure impayé des travaux exécutés, l'entrepreneur peut surseoir à l'exécution du contrat après mise en demeure restée sans effet à l'issue d'un délai de quinze jours. La mise en oeuvre de cette faculté de surseoir à l'exécution du contrat ne permet plus, selon le liquidateur, au maître de l'ouvrage d'opposer à l'entrepreneur un dépassement du délai convenu, pour lui imposer le paiement de pénalités de retard.

Ayant constaté que l'entreprise n'avait pas usé de sa faculté de surseoir à l'exécution des travaux, la Cour de cassation déclare qu'elle était tenue de les exécuter -et donc de respecter le planning contractuel.

  • La réunion de la totalité des lots composant la copropriété en une seule main, et partant en un seul patrimoine, a pour effet la disparition de la copropriété et du syndicat et la transmission de certaines actions à l'acquéreur (Cass. civ. 3, 12 septembre 2007, n° 06-11.282, Société civile immobilière (SCI) Les Bourgognes, FS-P+B N° Lexbase : A2155DYH) :

La réunion de la totalité des lots composant la copropriété en une seule main, et partant en un seul patrimoine, a pour effet la disparition de la copropriété et du syndicat, et la transmission, à l'acquéreur devenu propriétaire de la totalité des parties communes et privatives de l'immeuble, des actions dont le syndicat disposait à l'encontre tant de l'assureur dommages ouvrage que des constructeurs et des assureurs, ces actions, en l'absence de règlement d'avances et de préfinancement par le syndicat des travaux de réparation, ne relevant pas de celles pour lesquelles ce dernier survit pour les besoins de la liquidation de son patrimoine.

En posant ce principe, la Cour de cassation précise la portée de son précédent arrêt du 4 juillet 2007, dans lequel elle indiquait que la réunion de tous les lots de copropriété entre les mains d'un unique propriétaire entraîne la dissolution automatique du syndicat qui ne survit que pour les besoins de la liquidation (voir Cass. civ. 3, 4 juillet 2007, n° 06-11.015, FS-P+B N° Lexbase : A0760DXG et lire M. Parmentier, La dissolution automatique du syndicat à la suite de la réunion de tous les lots entre les mains d'un unique propriétaire, Lexbase Hebdo n° 269 du 19 juillet 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N9392BBH).

Dans l'arrêt du 12 septembre, la Haute cour a l'occasion de donner un exemple d'action ne relevant pas de celles pour lequel le syndicat survit pour les besoins de sa liquidation.

Il s'agit des actions dont le syndicat disposait à l'encontre tant de l'assureur dommages ouvrage que des constructeurs et des assureurs, en l'absence de règlement d'avances et de préfinancement par le syndicat des travaux de réparation.

  • Contrat de construction de maisons individuelles : précisions sur les obligations du garant (Cass. civ. 3, 12 septembre 2007, n° 06-10.246, FS-P+B+I N° Lexbase : A2105DYM et Cass. civ. 3, 12 septembre 2007, n° 06-10.042, FS-P+B N° Lexbase : A2154DYG) :

Des maîtres d'ouvrage ont conclu avec un constructeur, depuis lors en liquidation judiciaire, un contrat de construction de maison individuelle sans fourniture de plan, stipulant une durée d'exécution de douze mois à compter de l'ouverture du chantier fixée au 19 janvier 1999.

La société Swisslife a fourni la garantie de livraison prévue par l'article L. 231-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L6830HCX).

En décembre 1999, arguant que les travaux avaient été interrompus alors que la maison n'avait pas atteint le stade du hors d'eau et qu'il existait un retard de plusieurs mois, les maîtres de l'ouvrage ont mis en oeuvre la garantie. Les travaux n'ayant pas repris en dépit de la mise en demeure adressée par la société Swisslife à l'entrepreneur, les maîtres de l'ouvrage ont à nouveau demandé la désignation d'un repreneur au garant, lequel a obtenu du juge des référés une ordonnance rendue le 22 juin 2000 nommant un expert pour rechercher si le comportement des maîtres de l'ouvrage avait eu des conséquences sur le déroulement du chantier et constater jusqu'à l'achèvement de la maison la conformité des travaux réalisés avec ceux objets de la garantie de livraison.

L'entrepreneur initialement désigné n'ayant pas poursuivi les travaux pendant le cours de l'expertise, l'expert judiciaire a déposé son rapport en l'état le 31 juillet 2002.

Les maîtres de l'ouvrage, invoquant l'abandon du chantier par l'entrepreneur, ont demandé en référé que le garant soit condamné à désigner une nouvelle entreprise chargée de l'achèvement de l'ouvrage, sous astreinte.

Arguant que les conditions de la mise en oeuvre de sa garantie n'étaient pas réunies, la société Swisslife a assigné les maîtres de l'ouvrage et l'entrepreneur. Des demandes reconventionnelles ont été formées, par M. D. O. en résiliation du contrat de construction aux torts exclusifs des maîtres de l'ouvrage et en règlement d'un solde de travaux, les maîtres d'ouvrage sollicitant de leur côté la désignation par le garant d'une nouvelle entreprise chargée d'achever la construction, et le paiement de diverses sommes pour pénalités de retard et dommages et intérêts.

Le premier arrêt (n° 06-10.246) apporte plusieurs précisions :

- d'une part, dès lors que le garant constate que le délai de livraison n'a pas été respecté et faute par le constructeur de procéder à l'achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux : il s'agit d'un prestataire unique et il n'est pas laissé au garant la faculté d'avoir recours à plusieurs intervenants, quand bien même cette intervention se ferait sous sa responsabilité ;
- d'autre part, la responsabilité contractuelle du garant peut être engagée pour inexécution ou mauvaise exécution de ses obligations : ainsi, dès lors qu'elle avait constaté que la société Swisslife, dont la garantie était due depuis le mois de décembre 1999, n'avait exécuté la condamnation mise à sa charge par le tribunal de désigner un nouveau constructeur qu'avec un retard de plus de deux ans, la cour d'appel ne pouvait rejeter l'action indemnitaire des maîtres d'ouvrage.

Dans le second arrêt (n° 06-10.042), la Cour de cassation rappelle que le garant appelé à désigner la personne qui terminera les travaux, a l'obligation de s'assurer que celle-ci accepte effectivement sa mission : la cour d'appel ne pouvait donc se borner à retenir que la société Swisslife, dont la seule obligation assortie d'une astreinte était la désignation d'un nouveau constructeur tenu d'achever les travaux, et non l'acceptation de devis ou la signature de marchés de travaux, avait satisfait à cette obligation, alors que l'acceptation était contestée par les maîtres d'ouvrage.

Cette précision résultait déjà d'un arrêt en date du 26 octobre 2005 (Cass. civ. 3, 26 octobre 2005, n° 04-15.466, Société civile immobilière (SCI) Le Plan de Cachène c/ Société Caisse de garantie immobilière de la Fédération française du bâtiment (CGI FFB), FS-P+B N° Lexbase : A1532DLC).

  • Limite à l'obligation de résultat du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage (Cass. civ. 3, 4 juillet 2007, n° 06-13.798, FS-D N° Lexbase : A0805DX4) :

Il résulte d'une jurisprudence constante que le sous-traitant est tenu d'une obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal (Cass. civ. 3, 13 avril 1998, n° 87-11.036, Société Isosol c/ Société Batisol et autre N° Lexbase : A7876AAX, Bull civ. III, n° 73 et Cass. civ. 1, 21 octobre 1997, n° 95-16.717, Monsieur Léger c/ Centre Transport Europe Orient et autre N° Lexbase : A0565ACW, Bull. civ. I, n° 279).

Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation apporte une limite à cette obligation de résultat : l'hypothèse dans laquelle le sous-traitant a effectué ses travaux sous la conduite et les consignes de l'entreprise.

Ainsi, selon la Haute cour, dès lors que les premiers juges avaient constaté que le sous-traitant avait exécuté les travaux sous la conduite des consignes et directives de l'entreprise, et que les désordres affectaient également la partie réalisée par cette société, ils ne pouvaient, en application des articles 1134 (N° Lexbase : L1234ABC) et 1147 (N° Lexbase : L1248ABT) du Code civil, condamner le sous-traitant au coût des travaux de reprise.

James Alexandre Dupichot,
Avocat associé
Marine Parmentier,
Avocat

Contact :
SELARL Peisse Dupichot Zirah Bothorel & Associés,
22 avenue de Friedland
75008 Paris


newsid:295797

Procédures fiscales

[Evénement] Les droits et garanties du contribuable, vingt ans après le rapport "Aicardi"

Lecture: 13 min

N5938BCW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295938
Copier

par Anne-Lise Lonné, rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale

Le 07 Octobre 2010

Le 8 juillet 1987, était adoptée par le Parlement la loi n° 87-502, modifiant les procédures fiscales et douanières (N° Lexbase : L9705AUY), véritable socle des garanties du contribuable en matière de procédures fiscales, à partir des mesures proposées par la Commission "Aicardi", et qui visait à trouver un équilibre entre, d'une part, la nécessité d'assurer au contribuable de meilleures garanties dans le respect des libertés fondamentales et, d'autre part, les impératifs légitimes du contrôle fiscal qui constituent la seule contrepartie du système déclaratif et la garantie d'une juste répartition des charges fiscales entre les citoyens. Vingt ans après, l'occasion était donnée de faire le point sur l'évolution des textes, de la jurisprudence et des pratiques de l'administration fiscale. LexisNexis a réuni les plus grands spécialistes lors d'un colloque qui se tenait le 20 septembre dernier au Press Club de France, intitulé "Droits et garanties du contribuable - Evolutions et perspectives 20 ans après le rapport Aicardi", sous la direction scientifique de Maurice Cozian, Patrick Dibout, et Jean-Luc Pierre, et sous le Haut patronage de M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre.

Présentes à cet événement, les éditions Lexbase vous proposent de retrouver un compte-rendu de la première table ronde, sur le thème "Le dialogue précontentieux : bilan et perspectives", présidée par Patrick Dibout, Professeur à l'Université Panthéon-Assas (Paris II), Avocat associé Ernst & Young, et avec les interventions de Jean-Louis Gautier, Sous-directeur, Sous-Direction du contrôle fiscal de la DGI, Patrick Suet, Secrétaire général adjoint Société Générale, et Jérôme Turot, Avocat, Cabinet Turot, ancien Maître des requêtes au Conseil d'Etat. Ce débat a permis d'aborder la question des garanties du contribuable tout au long de la procédure de contrôle, avant de se recentrer sur la question plus particulière des rescrits fiscaux.

1. Les garanties du contribuable au cours du dialogue précontentieux : un point d'équilibre ?

Les garanties du contribuable constituent la contrepartie des prérogatives dont dispose l'administration, au nom de l'intérêt général, pour asseoir, recouvrer et contrôler l'impôt. Les fondements des garanties sont très diversifiés. Beaucoup d'entre elles trouvent leur source dans la loi, mais d'autres procèdent également du rôle prétorien du juge, comme les droits de la défense, et l'administration elle-même, dans sa pratique, accorde des garanties aux contribuables.

L'objectif est de trouver un point d'équilibre entre les garanties du contribuable, d'un côté, et les prérogatives de l'administration, de l'autre, autrement dit, entre la justification d'un intérêt général et la protection des intérêts individuels.

La Commission "Aicardi", en son temps, avait formulé ses propositions dans le constat d'un déséquilibre qui apparaissait préjudiciable à une bonne application du principe démocratique du consentement à l'impôt. Un certain nombre de mesures a, alors, été adopté par le législateur, notamment, pour corriger des procédures qui paraissaient trop contraignantes.

Aussi, à la lumière de ces mesures et de l'expérience dont on dispose, qu'en est-il de ce point d'équilibre aujourd'hui ?

Avant tout, P. Suet précise qu'il n'est pas satisfaisant de parler d'équilibre, alors qu'il s'agit de rechercher une protection maximale du contribuable. Néanmoins, il faut admettre que la situation a très largement progressé et que l'on dispose, aujourd'hui, d'un ensemble de règles relativement équilibrées.

Il convient, toutefois, de distinguer deux situations, selon la taille des entreprises. Dans les grandes entreprises, le niveau de professionnalisme est tel qu'un certain nombre de procédures, qui peuvent paraître dramatiques dans une PME, sont dédramatisées, dans les grandes entités, par la compétence des intervenants. Subsistent, malgré tout, des lourdeurs et des situations d'incompréhension, notamment en matière de vérifications informatiques. Par ailleurs, dans les petites entreprises, il est assez difficile d'obtenir un climat de confiance. Même si la menace par les pénalités n'est pas aussi forte qu'avant, celle par l'abus de droit est bien présente.

De son côté, J. Turot soulève le fait qu'il existe une "forteresse de garanties" dans le domaine du contrôle fiscal, alors qu'elles sont inexistantes en matière de droit de communication. Or, le vérificateur établit son redressement par le droit de communication, avant même d'entamer le contrôle fiscal. Il se forge alors son opinion, sans établir le moindre dialogue avec le contribuable. Le contribuable ne bénéficie donc pas du contradictoire lors de cette étape.

Enfin, du point de vue de l'administration, J.-L. Gautier estime que l'équilibre, sans être parfait, est atteint, en insistant sur le fait qu'il s'agit d'un équilibre entre, d'un côté, les garanties du contribuable et, d'un autre, l'efficacité du contrôle, qui est tout aussi important.

Aussi, si le besoin de garanties du contribuable est illimité, l'efficacité du contrôle doit aussi être pris en compte. Or, certains déséquilibres en défaveur de ce dernier peuvent être relevés. Concernant la durée des contrôles, tout d'abord, celle-ci est de trois mois dans les PME. Ce délai peut s'avérer trop court dans certains cas, notamment pour les nécessités du contrôle informatique, pour une demande d'assistance, ou encore pour une expertise. Ensuite, s'agissant des comptabilités informatisées, on peut se demander, vingt ans après la loi instaurant le contrôle informatique, si le dispositif n'a pas un peu vieilli, et si les garanties qui y sont attachées ne sont pas trop contraignantes pour l'administration. Enfin, à propos des procédures elles-mêmes, il semble que le contexte soit favorable au développement de la fraude. A noter une innovation, l'année dernière, pour les "carrousel" TVA, avec un dispositif qui permet de sanctionner une personne qui savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait à un circuit frauduleux. La question se pose alors de savoir si, dans certaines situations de fraudes graves présumées, il ne faudrait pas dépasser nos procédures administratives et leurs garanties.

Mais, au-delà de ces questions, J.-L. Gautier rappelle que l'administration fiscale a le souci permanent d'améliorer ses relations avec le contribuable, ce en dehors de la loi, et de s'imposer des exigences de comportement et d'actions.

Après ce bilan général, il convient d'examiner quelques points particuliers relatifs au contrôle et à sa mise en oeuvre.

1.1. La programmation du contrôle

Comme le souligne P. Dibout, on peut considérer que le caractère aléatoire du contrôle est garant de son efficacité, dès lors que l'ensemble des contribuables a vocation à être contrôlé. Mais, là encore, deux situations doivent être distinguées : celle des très grandes entreprises qui évoluent dans un système de contrôle permanent et celle des autres, qui restent soumises à un contrôle aléatoire.

Aussi, il regrette que cette distinction ne transparaisse davantage dans les dispositifs, d'autant que le contrôle permanent dans les grandes entreprises représente une garantie contre les éventuelles distorsions de concurrence.

Du point de vue de l'administration, J.-L. Gautier rappelle que le contrôle fiscal a trois finalités : une finalité répressive, afin de sanctionner le contribuable ; une finalité budgétaire, en vue de recouvrer les impôts qui n'ont pas été payés ; et une finalité dissuasive. Sachant qu'il existe à peu près trois millions d'entreprises et que 47 000 par an seulement sont contrôlées, l'administration fiscale doit, ainsi, être très sélective et choisir les "meilleurs" contrôles compte tenu des finalités du contrôle fiscal. Dans ce contexte, la programmation du contrôle fiscal, est extrêmement subtile et complexe, allant de l'analyse de risque à la recherche du renseignement, ou encore au choix événementiel ou aléatoire. Tout cela repose sur une organisation professionnelle hautement encadrée. Le contrôle fiscal, en général, et la programmation, en particulier, font donc eux-mêmes l'objet de contrôles internes, mais également de l'inspection générale des finances, de la Cour des comptes, ou encore du Parlement.

1.2. Le déroulement du contrôle, sur le terrain des garanties

Sur l'exigence du caractère contradictoire d'une procédure, l'équilibre est globalement satisfaisant, mais il convient d'examiner trois questions :

- la motivation des propositions de rectification et leur variabilité ;
- l'articulation du droit de contrôle et du droit de communication ;
- l'information du contribuable au terme du contrôle, et notamment "le rescrit de contrôle".

1.2.1. La motivation des redressements

Selon J. Turot, il convient d'évoquer, ici, le problème de l'évolution des motifs en cours de contrôle qui, parfois, vient annihiler le caractère contradictoire.

A cet égard, la jurisprudence retient que, lorsque l'administration change de motif dans le cadre de sa réponse aux observations du contribuable, elle doit renotifier pour rouvrir un débat contradictoire. Mais, interprétant la notion de changement de motif comme un véritable changement de fondement juridique, elle sanctionne que très rarement ce genre de modification.

Comme le relève J. Turot, le changement de motif est particulièrement choquant en cas de notification interruptive, et il estime que le fait, pour l'administration, de procéder à une notification interruptive de prescription avec un motif extrêmement vague est une pratique à laquelle le juge doit mettre un terme.

A ce sujet, P. Suet ajoute que la responsabilité du vérificateur est importante. En effet, la technique de la notification interruptive n'est pas un acte sans conséquence dans un contexte où le risque opérationnel de l'entreprise est omniprésent, dès lors que l'interruptif représente un risque potentiel assez fort.

J.-L. Gautier s'est montré sensible à cette difficulté, en admettant que dans les systèmes applicables aux Etats-Unis, ou au Canada, le contribuable peut demander à ce que la prescription ne lui soit pas opposable. Cette règle permettrait peut-être de résoudre la question. En tout état de cause, c'est un sujet de réflexion pour l'administration.

1.2.2. L'articulation du droit de contrôle et du droit de communication

Selon P. Dibout, le droit de communication, qui offre à l'administration fiscale le pouvoir de rechercher auprès de tiers les renseignements nécessaires à la poursuite de ses missions est un dispositif majeur. Mais, force est de constater que ce droit de communication n'est pas entouré de garanties aussi importantes et significatives que celles attachées au pouvoir de contrôle.

La jurisprudence a réalisé des avancées en la matière avant d'être suivie par le législateur. A titre d'exemple, on peut citer l'obligation pour l'administration d'informer le contribuable avant la mise en recouvrement de la teneur et des renseignements obtenus dans l'exercice du droit de communication (LPF, art. L. 76 B [LXB=L7606HEG ]). Le Conseil d'Etat est venu préciser la portée de cette garantie vis-à-vis du débat oral et contradictoire en retenant que celui-ci ne s'impose que lorsque la communication auprès des tiers porte sur les pièces comptables.

J. Turot considère qu'il s'agit d'une avancée importante, mais élémentaire. En effet, lorsque l'administration invoque formellement un document qu'elle a obtenu auprès d'un tiers dans l'exercice de son droit de communication à l'appui d'un redressement, il semble normal qu'elle doive communiquer ce document, étant précisé qu'elle n'y est tenue que si le contribuable le demande. Le dispositif reste donc très insuffisant, ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, l'administration invoque, dans le cadre de son redressement, des informations ou des documents qu'elle a obtenus auprès de tiers, mais non nécessairement toutes les informations ; elle peut avoir fondé implicitement son analyse de la situation sur des informations dont elle ne va pas faire état explicitement. Dans ce cas-là, le contribuable ne peut rien demander.

Ensuite, il faut tenir compte du fait que l'administration instruit à charge, et qu'elle ne révèle pas toutes les informations recueillies, notamment celles qui pourraient jouer en faveur du contribuable. Le contribuable n'ayant pas accès à cette même masse d'informations, il existe donc une inégalité réelle entre le vérificateur, qui dispose d'un certain nombre d'informations à charge et à décharge, et le contribuable qui n'en dispose d'aucune. A ce propos, J.-L. Gautier tient, toutefois, à rectifier cette idée en indiquant que l'administration n'instruit pas à charge et qu'elle retient les éléments allant dans les deux sens.

Pour P. Suet, l'un des risques liés à l'articulation des deux procédures réside dans le fait que rien n'empêche l'administration d'exercer son droit de communication dans une entreprise en prétextant la recherche d'éléments sur un tiers, puis d'utiliser, par la suite, les informations recueillies contre cette entreprise. Autrement dit, cette pratique permet d'initier une vérification sans en informer l'entreprise. Apparaît ici une difficulté liée à l'absence d'étanchéité entre les deux procédures.

Pour y remédier, J. Turot demande le retour de l'arrêt "Léonard", resté isolé en 1988 (CE Contentieux, 11 juillet 1988, n° 73302, Ministre du Budget c/ Léonard N° Lexbase : A6614APN). Il en ressortait que, dès lors que l'administration exerce son droit de communication auprès d'un tiers en centrant ses recherches sur un contribuable déterminé, elle doit procéder à une ouverture officielle du contrôle fiscal avant même d'aller exercer son droit de communication chez un tiers. L'idée était d'intégrer le droit de communication à l'intérieur de la procédure de contrôle, autrement dit dans un cadre contradictoire, lorsque le droit de communication est centré sur un contribuable déterminé, puisqu'il s'agit, en réalité, d'un début de contrôle. Mais cet arrêt n'a pas été suivi, ce qu'il regrette.

1.2.3. L'information formelle du contribuable au terme du contrôle

Il y a lieu, ici, de mentionner une instruction du 20 juillet 2005 (BOI 13 L-3-05 N° Lexbase : X2990AD4) qui prévoit que la mise en oeuvre de la garantie du contribuable contre les changements de doctrine de l'administration prévue par les articles L. 80 A (N° Lexbase : L8568AE3) et L. 80 B (N° Lexbase : L5529HWP) du LPF est étendue, sous certaines conditions, aux points examinés en cours de vérification de comptabilité et qui n'ont pas donné lieu à rectification.

Selon P. Suet, cette instruction ne fait que permettre au contribuable de demander le rescrit au vérificateur et non à l'inspecteur gestionnaire, et ne présente alors qu'un intérêt limité. En effet, il conviendrait de mettre en oeuvre une véritable réforme du rescrit en contrôle fiscal, qui prévoirait, à l'issue du contrôle, que le vérificateur fasse état de l'ensemble des diligences auxquelles il a procédé, et qu'il établisse une liste de ce qui est conforme. Cela constituerait une garantie lors de la vérification suivante, afin d'éviter des changements de doctrine, de vérification à vérification.

Toutefois, J.-L. Gautier estime que le dispositif actuel, tel que prévu par l'instruction précitée, n'est justement pas si éloigné du dispositif sollicité par P. Suet. En effet, l'instruction prévoit la possibilité pour l'entreprise vérifiée de demander au vérificateur que les éléments ayant été examinés et qui n'ont pas donné lieu à des redressements lui soient confirmés. Il admet que cela n'est pas un droit, mais une simple faculté.

Quant à J. Turot, il estime que la problématique se situe davantage dans le moment auquel le contribuable peut procéder à cette demande, c'est-à-dire avant la notification de redressement, alors qu'il se trouve encore dans l'incertitude de l'objet du redressement. Il conviendrait de l'étendre à la fin du contrôle, après la notification.

1.3. L'issue du contrôle

D'une manière générale, P. Suet constate que les dispositifs actuels ne permettent pas de modifier substantiellement les conclusions de la vérification. D'une part, s'agissant des commissions administratives, il n'est pas convaincu que l'organisation des commissions administratives paritaires permette d'évaluer de façon satisfaisante un litige compliqué de transfert, par exemple.

D'autre part, s'agissant de la médiation, pour rendre le système plus efficient, il souhaiterait que l'interlocuteur ne soit pas situé dans la ligne hiérarchique de celui qui décide et contrôle les objectifs. J. Turot s'accorde à dire qu'il faudrait envisager une sortie du cadre hiérarchique, laquelle pourrait consister en une délocalisation afin de prendre un recul géographique.

Concernant les commissions, ce dernier estime, également, qu'une réforme doit être menée. En effet, le niveau départemental ne semble pas adapté, et devrait être supprimé au profit d'un niveau régional, voire inter-régional. Il faudrait, en outre, envisager la création de commissions spécialisées au niveau national, compétentes sur des questions techniques (par exemple, sur les problèmes de prix de transfert, sur les problèmes d'évaluation d'incorporels...).

A cet égard, J.-L. Gautier rappelle que le principe des commissions spécialisées sur les questions complexes avait été évoqué en 2004, mais écarté par crainte de créer un système à deux vitesses, selon la taille des entreprises. Toutefois, il admet qu'il est légitime de réenvisager la question, dans la mesure où les problèmes des grandes entreprises diffèrent de ceux des petites et moyennes entreprises. Ne pas apporter de réponse adaptée à une telle situation peut être source d'inefficacité au détriment des grandes entreprises, la notion de "grandes entreprises" étant assez connexe de celle de questions complexes. Aussi, l'administration fiscale est ouverte à la réflexion, celle-ci pouvant emprunter plusieurs voies, comme la création de séances spéciales dans les commissions actuelles, ou la création de commissions nationales par thèmes, comme le préconise J. Turot.

Quant au problème de l'interlocution, après avoir précisé que les directeurs n'ont pas d'objectifs financiers en terme de contrôle fiscal, mais celui de ne pas créer de contentieux inutile, J.-L. Gautier souligne qu'une interlocution consiste précisément en un recours hiérarchique, et qu'il ne s'agit pas de médiation externe.

2. Les rescrits fiscaux : comment les rendre plus attractifs ?

Procédant à un état des lieux, J.-L. Gautier indique que le système de rescrit constitue l'axe fort de l'action de l'administration en faveur du droit à la sécurité juridique, s'inscrivant dans l'amélioration des relations avec les contribuables. Depuis 2005, à la suite des trente mesures visant à améliorer les relations entre l'administration et les contribuables, l'administration a professionnalisé le montage et le suivi du rescrit pour en assurer mieux l'efficacité. Ainsi, les contribuables disposent d'un site internet qui fournit tous les éléments utiles et, notamment, le mode d'emploi de la demande de rescrit. Par ailleurs, l'administration mène une politique active d'information par la presse, les organismes professionnels, dans les colloques, et publie, chaque année, de plus en plus de décisions de rescrits anonymisées pour qu'elles profitent à tous. En 2006, a été enregistrée une augmentation de 40 % par rapport à l'année précédente. Le bilan est, donc, plutôt satisfaisant, étant précisé que le système peut encore être amélioré.

En vue d'une amélioration, P. Suet soulève la question de l'anonymat, dès lors que l'on se trouve en présence d'opérations complexes. Dans ce même type d'opérations, qui comportent une phase préparatoire au montage, il conviendrait également d'enfermer l'administration dans un délai tacite, assez court, de l'ordre de trois mois. En effet, les opérations plus sophistiquées appellent des protections plus importantes, en vue d'éviter la crainte d'un contrôle.

Pour J. Turot, la procédure du rescrit, qui est globalement satisfaisante, appelle deux remarques. D'abord, il regrette l'absence d'une publication systématique de tous les rescrits. Ensuite, concernant l'anonymat, le problème ne se situe pas, selon lui, dans la crainte de la répression, d'une vérification systématique, mais surtout dans l'enjeu que cela comporte en cas de refus. La demande de rescrit implique pour le contribuable qu'il se soumette par avance à la réponse de l'administration. L'anonymat, en cela, présenterait un grand intérêt.

En réponse à ces remarques, J.-L. Gautier précise, à propos de l'anonymisation que, du point de vue de l'administration, qui cherche toujours à gagner en transparence, "cela laisse une drôle d'impression". S'agissant d'une réduction des délais, il souligne que cela peut entraîner des effets corrélatifs négatifs, dans la mesure où le réflexe naturel de l'administration, si elle ne dispose pas d'un temps suffisant, est de répondre par la négative. Il conclut en s'interrogeant sur le fait que, finalement, l'un des freins au rescrit pourrait résider dans le choix d'une préférence du contribuable pour une part du risque, au détriment d'une sécurité juridique totale. En ce cas, au-delà de tous les efforts qui peuvent être réalisés par l'administration, peut-être touche-t-on une limite.

newsid:295938

Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Précisions quant à la recevabilité de l'action en contestation du protocole d'accord préélectoral

Réf. : Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.222, Syndicat national des cadres, employés, techniques, agents de maîtrise et assimilés des industries du BTP et des activités annexes et connexes c/ Société GTM bâtiment, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4377DYR)

Lecture: 6 min

N5822BCM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295822
Copier

par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010

Compte tenu de son objet, le protocole d'accord préélectoral constitue une pièce essentielle de l'organisation des élections professionnelles dans l'entreprise. L'importance capitale de cet acte juridique explique aussi, sans doute, pourquoi il est souvent au coeur du contentieux électoral. Soucieuse de limiter les actions en justice des organisations syndicales de salariés en la matière, la Chambre sociale a, très tôt, soumis celles-ci à des conditions que la loi ne prévoit pourtant pas expressément. L'arrêt rendu le 19 septembre 2007 par la Cour de cassation, qui figurera dans son rapport annuel, doit être rangé dans cette ligne jurisprudentielle tout en constituant, sinon un véritablement revirement, du moins une évolution notable de celle-ci.

Résumé

Sans être tenu de saisir le juge avant les élections, le syndicat qui n'a pas signé l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré et peut donc le contester. Il ne peut, toutefois, le faire que si, lors du dépôt de sa liste de candidats, il exprime des réserves.

1. Les syndicats admis à contester l'accord préélectoral

  • Les syndicats signataires

En affirmant, dans la présente espèce, qu'un syndicat qui n'a pas signé l'accord préélectoral peut le contester, la Cour de cassation paraît signifier, à rebours, que l'organisation syndicale qui a consenti à un tel acte juridique n'est pas recevable à en contester la validité. Il s'agit là, a priori, d'une confirmation de jurisprudence, la Cour de cassation ayant jugé, dans un arrêt rendu en 1997, que "la partie qui a signé un accord électoral n'est pas recevable à en contester l'application" (1). On notera, cependant, que la contestation de "l'application" d'un accord ne doit pas être assimilée à la contestation de sa "validité".

En effet, il ne saurait être discuté qu'une partie signataire d'un accord préélectoral, qui reste, d'abord et avant tout, un contrat, doit en respecter les stipulations et ne peut donc échapper à son application. Il en va, ici, du respect de la force obligatoire des contrats. En revanche, et à notre sens, un syndicat signataire d'un accord de ce genre doit être admis à en contester la validité, s'il peut faire état d'un vice du consentement. Sans doute, cette hypothèse apparaît-elle bien hypothétique. Il n'en demeure pas moins que la Cour de cassation a, par le passé, admis qu'un syndicat signataire d'un accord préélectoral peut invoquer sa nullité en cas d'erreur (2).

  • Les syndicats non signataires

Il semble se déduire des développements précédents qu'un syndicat non signataire d'un accord préélectoral peut, dans tous les cas, en contester la validité en saisissant le juge compétent.

Telle n'était pas, cependant, la position retenue par la Cour de cassation, à tout le moins jusqu'à l'arrêt commenté. En effet, antérieurement, celle-ci avait décidé, à plusieurs reprises, qu'un syndicat qui présente des candidats aux élections professionnelles dans l'entreprise, sans avoir contesté le protocole d'accord préélectoral, est réputé y avoir adhéré même s'il ne l'a pas signé (3). Il en résultait que le syndicat en cause ne pouvait ultérieurement remettre en cause le protocole d'accord et, par voie de conséquence, le résultat des élections. La Chambre sociale avait, cependant, apporté un tempérament à cette solution en considérant que le syndicat, qui a présenté des candidats aux élections professionnelles, n'est réputé adhérer au protocole qu'il n'a pas signé que dans la mesure où il n'a pas exprimé de réserve (4).

Cette dernière précision était sinon nécessaire, du moins la bienvenue. En effet, s'il est bien évident qu'un syndicat non signataire d'un accord préélectoral, et plus généralement d'un accord collectif (5), peut y adhérer, encore faut-il qu'il y ait de sa part manifestation de volonté en ce sens. Il n'est guère besoin de rappeler qu'en principe, "qui ne dit mot ne consent pas" et que, si l'acceptation tacite est exceptionnellement retenue en droit des contrats, c'est à de strictes conditions. Or, inférer du fait que le syndicat a présenté aux élections une acceptation tacite de l'accord préélectoral apparaît très contestable, alors même que celui-ci ne fait, à ce moment là, aucune réserve.

De ce point de vue, la solution retenue par la Cour de cassation dans l'arrêt commenté nous paraît plus conforme aux principes en cause. En effet, ainsi que l'indique cette dernière, "le syndicat qui n'a pas signé l'accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré et peut donc le contester ; [...]". En d'autres termes, et si l'on comprend bien la décision, un syndicat non signataire d'un accord préélectoral n'est pas réputé y avoir adhéré, alors même qu'il a déposé une liste de candidats aux élections professionnelles. N'étant donc pas partie à l'accord préélectoral, le syndicat peut en contester la validité, à condition, cependant, de respecter les autres conditions énoncées par la Cour de cassation.

2. Les modalités de la contestation

  • Limites

Ainsi que l'indique la Cour de cassation, le syndicat qui conteste la validité du protocole d'accord préélectoral n'est pas tenu de saisir le juge avant les élections. En d'autres termes, le syndicat peut parfaitement attendre la fin du processus électoral avant de saisir le juge d'une contestation du protocole préélectoral et, par voie de conséquence, d'une action en nullité des élections.

Toutefois, une telle action en justice n'est recevable que si, lors du dépôt de sa liste de candidats, le syndicat demandeur a exprimé des réserves. Il faut, ainsi, comprendre que, par le seul fait qu'il ait déposé une liste de candidats sans manifester de réserve, le syndicat perd ensuite son droit d'agir en contestation de la validité du protocole d'accord préélectoral. Si une telle solution peut se comprendre au regard de contraintes très pratiques, elle paraît plus discutable d'un point de vue juridique.

Ce faisant, on serait presque tenté de regretter la solution antérieure aux termes de laquelle, nous l'avons vu, la Cour de cassation considérait que le syndicat ayant présenté des candidats aux élections professionnelles, sans manifester de réserves, était réputé avoir adhéré à l'accord préélectoral. Pour être contestable, cette position offrait une explication à la perte du droit d'agir du syndicat en contestation de l'accord. La Chambre sociale ayant mis un terme à cette jurisprudence dans l'arrêt commenté, il convient de rechercher un autre fondement juridique. Celui-ci ne pouvant être, à notre sens, trouvé du côté de l'intérêt à agir (6), reste l'hypothèse de la confirmation de l'acte nul. On sait que celle-ci peut être tacite et résulter d'actes émanant du titulaire de l'action en nullité qui révèle son intention non équivoque de renoncer à celle-ci (7). Le dépôt d'une liste de candidats, sans qu'aucune réserve ne soit manifestée quant à la validité du protocole d'accord préélectoral, pourrait, ainsi, être assimilé à un acte confirmatif.

  • Portée

Au total, il paraît bien résulter de l'arrêt rendu le 19 septembre 2007, dont il faut souligner qu'il fera l'objet d'une mention dans le rapport annuel de la Cour de cassation, qu'il n'y a, désormais, plus de place pour une quelconque acceptation tacite du protocole préélectoral de la part d'un syndicat non signataire. Ce changement n'a, cependant, pas pour effet d'ouvrir complètement à ce dernier l'action en contestation de l'accord, lorsqu'il présente des candidats aux élections. Il lui appartient, pour conserver son droit d'agir en contestation, de faire état, dans le même temps, de réserves.

Mais, il faut alors en déduire que, dès lors que le syndicat aura pris soin de manifester des réserves sérieuses, il pourra contester en toute circonstance l'accord préélectoral, y compris après les élections. Par suite, un syndicat ayant, par exemple, manifesté son désaccord sur les modalités et le déroulement des opérations électorales, sans saisir le juge avant le vote, pourra cependant contester la validité de l'accord a posteriori. Cette conséquence apparaît cependant troublante dans la mesure où la loi précise que les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales, sur lesquelles aucun accord n'a pu intervenir, peuvent être fixées par le juge d'instance (C. trav., art. L. 423-13, al. 3 N° Lexbase : L9603GQQ et L. 433-9, al. 3 N° Lexbase : L9605GQS). La Cour de cassation en déduit que l'absence d'unanimité ne rend pas, à elle seule, le protocole d'accord préélectoral irrégulier, mais a pour seul effet de permettre à la partie qui peut y avoir intérêt de saisir le juge d'instance d'une demande de fixation des modalités sur lesquelles l'accord unanime n'a pu intervenir (8). Si personne n'a saisi le juge, l'employeur fixe lui-même les modalités du vote.

Il résultait de cela que, même si un syndicat avait manifesté son désaccord sur une des modalités du vote, sans cependant saisir le juge avant le vote, l'employeur pouvait organiser les élections. Sans doute, cette solution n'est-elle pas remise en cause par l'arrêt commenté. Mais, désormais, le syndicat en cause conserve le droit de contester l'accord préélectoral, ce qui fait évidemment courir le risque que les élections soient, en fin de compte, annulées. Afin d'éviter un tel désagrément, l'employeur aura tout intérêt, à défaut d'accord unanime (9), à prendre lui-même l'initiative de saisir le juge.


(1) V. antérieurement, Cass. soc., 10 juin 1997, n° 96-60.118, Société nationale des chemins de fer français(SNCF) c/ Syndicat CGT des cheminots de Vesoul, publié (N° Lexbase : A2305ACD) ; Bull. civ. V, n° 215.
(2) Cass. soc., 13 mars 1985, n° 84-60.731, Société Matra Manurhin Défense c/ USTM CGT du Haut-Rhin, publié (N° Lexbase : A3305AAN) ; Cass. soc., 3 mai 1995, n° 94-60.335, Société anonyme banque Tarneaud c/ Union départementale CFDT Haute-Vienne, inédit (N° Lexbase : A8083CLX).
(3) Cass. soc., 22 juin 1993, n° 91-60.263, Union départementale des syndicats FO de l'Orne c/ Kunkel, inédit (N° Lexbase : A8502AGY) ; Cass. soc., 15 novembre 1995, n° 95-60.047, M. Jean-Pascal Baez, délégué syndical CGT à l'entreprise ATE-DPS c/ Unité économique Est sociale ATE-DPS-EDS et autres, inédit (N° Lexbase : A2925AGG).
(4) Cass. soc., 8 janvier 2002, n° 00-60.270, Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Val-de-Marne c/ Syndicat CGT de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, publié (N° Lexbase : A7675AXK).
(5) C. trav., art. L. 132-9 (N° Lexbase : L5689ACP).
(6) On ne voit pas en quoi le fait de déposer une liste de candidats sans manifester de réserves ferait perdre au syndicat son intérêt à agir en contestation du protocole d'accord préélectoral.
(7) V. sur la question, F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Précis Dalloz, 9ème éd., 2005, § 406.
(8) Cass. soc., 28 octobre 1997, n° 96-60.272, M. Quenouiller et a. c/ Société Dercam technologie (N° Lexbase : A6390AGR).
(9) Ou, à défaut, d'accord tout court.
Décision

Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-60.222, Syndicat national des cadres, employés, techniques, agents de maîtrise et assimilés des industries du BTP et des activités annexes et connexes c/ Société GTM bâtiment, FS-P+B+R (N° Lexbase : A4377DYR)

Rejet (TI de Puteaux, contentieux des élections professionnelles, 15 septembre 2006)

Textes concernés : C. trav., art. L. 423-3 (N° Lexbase : L9172HD3), L. 423-13 (N° Lexbase : L9603GQQ), L. 433-2 (N° Lexbase : L9121HD8) et L. 433-9 (N° Lexbase : L9605GQS).

Mots-clefs : élections professionnelles ; protocole d'accord préélectoral ; syndicat non signataire ; contentieux électoral.

Lien bases :

newsid:295822

Social général

[Jurisprudence] Du cumul des indemnités de rupture : indemnité pour violation du statut protecteur d'un délégué syndical et indemnité due au salarié victime d'un accident du travail

Réf. : Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-41.227, M. Frédéric Cholat, FS-P+B (N° Lexbase : A4358DY3)

Lecture: 7 min

N5843BCE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295843
Copier

par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 07 Octobre 2010


Un salarié, délégué syndical, licencié alors qu'il se trouvait en période de suspension de son contrat de travail pour cause d'accident du travail, peut-il cumuler l'indemnité versée au titre de la violation du statut protecteur, singulièrement l'indemnité versée au salarié licencié sans autorisation administrative de licenciement, et l'indemnité due au salarié victime d'un accident du travail en application de l'article L. 122-32-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5519ACE) ? A cette question, la Cour de cassation vient répondre par l'affirmative. Elle considère, en effet, que "le salarié bénéficiaire à la fois de la protection accordée aux représentants du personnel et aux victimes d'accidents du travail ou d'une maladie professionnelle a droit à la réparation du préjudice subi résultant de l'inobservation des règles qui lui sont applicables à ce double titre". Cette solution doit être approuvée. Les règles en présence n'ayant ni la même cause, ni le même objet, il y a lieu de les cumuler.

Résumé

L'indemnité versée au salarié délégué syndical irrégulièrement licencié se cumule avec l'indemnité accordée au salarié licencié alors qu'il se trouve en période de suspension de son contrat de travail pour cause d'accident du travail.

1. Indemnisation du licenciement illicite d'un délégué syndical victime d'un accident du travail

  • Indemnisation du salarié au titre de la violation des règles protectrices du salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle

L'article L. 122-32-2 du Code du travail dispose qu'"au cours des périodes de suspension, l'employeur ne peut résilier le contrat de travail à durée indéterminée que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de l'impossibilité devant laquelle il se trouve, pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie, de maintenir ledit contrat. Il ne peut résilier le contrat que s'il justifie d'une faute grave ou d'un cas de force majeure. La résiliation du contrat de travail effectuée en méconnaissance de ces dispositions est nulle".

La nullité de la rupture n'est pas toujours encourue, singulièrement parce qu'elle n'est pas toujours demandée. Si le salarié ne désire pas être réintégré, il peut demander l'attribution d'une indemnité. Cette indemnité est destinée à réparer l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et est, au moins, égale à celle prévue à l'article L. 122-14-4 du Code du travail (N° Lexbase : L8990G74) (Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-43.016, FS-P N° Lexbase : A0992AXZ ; Bull. civ. V, n° 341 ; Dr. soc. 2001, 115, obs. Couturier). Elle n'est pas exclusive des indemnités de rupture.

Le salarié victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle n'est pas le seul salarié bénéficiaire d'un régime protecteur. Les salariés protégés disposent, également, d'une protection exorbitante du droit commun. Contrairement au salarié en période de suspension de contrat pour cause de maladie ou d'accident, le salarié représentant du personnel peut être licencié, mais, préalablement à toute rupture, l'employeur doit solliciter et obtenir une autorisation de l'inspecteur du travail.

  • Indemnisation du salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement

L'article L. 412-18 du Code du travail (N° Lexbase : L0040HDT) interdit à l'employeur de poursuivre le licenciement d'un salarié délégué syndical sans avoir obtenu, au préalable, l'autorisation de l'inspecteur du travail. En l'absence d'une telle autorisation, le licenciement prononcé est nul.

Le salarié peut, alors, demander soit sa réintégration, soit une indemnité (Cass. soc., 1er octobre 2003, n° 01-41.418, M. Azzeddine Ben Romdhane c/ Société Paris Banlieue intervention (PBI), F-D N° Lexbase : A6595C97 ; RJS 2003, 987, n° 1416). Cette indemnité, destinée à compenser la violation de la protection qui est reconnue au représentant du personnel, est égale aux salaires que le salarié aurait dû percevoir entre le licenciement et l'expiration de la période de protection (Cass. soc., 27 octobre 2004, n° 01-45.902, F-P+B N° Lexbase : A6643DDE ; Bull. civ. V, n° 275 ; RJS 2005, 53, n° 58).

Quid du salarié, représentant du personnel, licencié alors que son contrat de travail est suspendu pour cause de maladie ou d'accident ? Peut-il cumuler ces deux indemnités ? C'est à cette question que vient répondre la Cour de cassation dans la décision commentée.

  • Espèce

Dans cette espèce, un salarié, délégué syndical, victime d'un accident du travail, avait été convoqué à un entretien préalable au licenciement alors qu'il avait repris son travail 4 jours plus tôt en mi-temps thérapeutique, puis avait été licencié pour faute grave.

L'employeur avait saisi le tribunal d'instance, afin qu'il se prononce sur la régularité de la désignation du salarié en qualité de délégué syndical. Deux décisions irrévocables ont déclaré cette contestation irrecevable, de même que le recours de la société contre le premier jugement.

Contestant ce licenciement, le salarié avait, pour sa part, saisi la juridiction prud'homale d'une demande de nullité de la rupture pour violation des règles protectrices des salariés protégés. Devant la cour d'appel, le salarié avait formé une demande additionnelle d'indemnité pour licenciement prononcé en méconnaissance du statut protecteur des salariés victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. La cour d'appel avait fait partiellement droit aux demandes du salarié, refusant le cumul d'indemnités et ne lui accordant une indemnisation qu'au titre de la violation du statut protecteur en sa qualité de délégué syndical.

L'administrateur de la société, cette dernière ayant, entre temps, été mise en redressement judiciaire, faisait grief aux juges du second degré d'avoir inscrit au passif du redressement judiciaire de la société en liquidation des sommes au titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement illicite et des salaires dus pendant la mise à pied conservatoire avec les congés payés y afférent.

La Cour de cassation confirme la décision des juges du second degré sur ce premier point. Elle considère, en effet, que, dans la mesure où la désignation du salarié en qualité de délégué syndical avait été déclarée irrévocable par jugement définitif du tribunal d'instance, le salarié licencié bénéficiait, pendant la durée de son mandat, de la protection qui court à compter de la date à laquelle l'employeur a reçu la lettre de désignation.

Mais, elle infirme la décision des juges du second degré sur l'allocation au salarié de l'indemnité due en application de l'article L. 122-32-2 du Code du travail. Elle affirme que le salarié, bénéficiaire à la fois de la protection accordée aux représentants du personnel et aux victimes d'accident du travail ou d'une maladie professionnelle, a droit à la réparation du préjudice subi résultant de l'inobservation par l'employeur des règles protectrices qui lui sont applicables à ce double titre.

Cette solution ne peut que recevoir un accueil favorable.

2. Cumul d'indemnités en cas de licenciement illégal d'un délégué syndical victime d'un accident du travail

  • Différence d'objet des règles protectrices

Les règles protectrices du salarié dont il était question dans l'espèce commentée pouvaient se cumuler car elles portaient toutes deux sur une cause et un objet distinct.

L'article L. 412-18 du Code du travail prévoit un statut exorbitant du droit commun contre le licenciement des salariés délégués syndicaux, interdisant à l'employeur de poursuivre la rupture de leur contrat de travail sans l'autorisation de l'inspecteur du travail.

C'est le libre exercice par le délégué syndical de ses "prérogatives" que tend, ici, à garantir le législateur. Le but est d'éviter que l'employeur ne se débarrasse trop aisément et trop rapidement d'un salarié "gênant".

Ce que vient sanctionner le législateur par la réintégration, voire par l'indemnisation, c'est la violation par l'employeur de ces règles protectrices du salarié protégé.

L'objet de l'article L. 122-32-2 du Code du travail est différent. Cette disposition vient assurer une protection particulière au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, pour les périodes de suspension de son contrat de travail. Dans cette hypothèse, la nullité ou l'indemnité sanctionne la violation par l'employeur de l'interdiction de licencier un salarié malade.

Les règles de protection ne sont pas les mêmes, l'indemnité accordée est également différente.

Le salarié protégé, qui ne souhaite pas être réintégré, a droit à une indemnité allant du licenciement à l'expiration de la période de protection (Cass. soc., 27 octobre 2004, préc.).

L'indemnité versée au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle en compensation du préjudice résultant de la rupture survenue en période de suspension de son contrat de travail est, pour sa part, au moins égale à celle prévue à l'article L. 122-14-4 du Code du travail, soit 6 mois de salaire.

Si ces différences justifient le cumul, celui-ci trouve sa confirmation dans les principes directeurs du droit du travail.

  • Légitimité du cumul d'indemnités n'ayant ni la même cause ni le même objet

Dans la mesure où les règles en présence n'avaient ni la même cause, ni le même objet, ce qui aurait justifié qu'il soit fait appel au principe de faveur, principe de règlement des conflits de normes en droit du travail, elles pouvaient se cumuler (Ass. plén., 18 mars 1988, n° 84-40.083, Mme Chevallier N° Lexbase : A8500AA3 ; D. 1989, 221, note Chauchard). La jurisprudence considère, en effet, que, lorsque les dispositions n'ont pas la même cause ou n'ont pas le même objet, il n'y a pas lieu d'appliquer certaines dispositions de préférence aux autres, notamment en raison de leur caractère plus favorable au salarié. Dans ce cas, sauf disposition légale contraire, c'est-à-dire prévoyant le non-cumul des dispositions en présence, le cumul s'impose (Cass. soc., 12 janvier 2006, n° 03-44.776, Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Sarrazyn, enseigne Max Plus c/ M. Mustapha Osmane, F-D N° Lexbase : A3377DMZ ; voir, également, C. trav., art. L. 122-3-13 N° Lexbase : L5469ACK).

S'agissant de l'indemnité accordée au salarié protégé licencié sans autorisation administrative et de celle accordée au salarié victime d'un accident du travail, le législateur n'a rien prévu.

Les juges ne pouvaient donc qu'accorder au salarié les deux indemnités ; les règles y afférent étant, faut-il le rappeler, d'ordre public (Cass. crim., 26 novembre 1996, n° 94-86.016, Duforet Jean-Claude et autres, publié N° Lexbase : A6503AHC ; Bull. crim., n° 428 ; RJS 1997, 204, n° 304).

Décision

Cass. soc., 19 septembre 2007, n° 06-41.227, M. Frédéric Cholat, FS-P+B (N° Lexbase : A4358DY3)

Cassation (CA Grenoble, chambre sociale, 9 janvier 2006)

Texte visé : C. trav., art. L. 122-32-2 (N° Lexbase : L5519ACE)

Mots-clefs : délégué syndical ; accident du travail ; licenciement sans autorisation administrative ; cumul des indemnités dues au titre du statut protecteur et au titre de la suspension du contrat.

Lien bases :

newsid:295843

Contrats et obligations

[Jurisprudence] Appréciation de la faute lourde susceptible de tenir en échec l'application d'un plafond légal de réparation

Réf. : Cass. civ. 1, 19 septembre 2007, n° 05-17.769, Société Sacer Atlantique, FS-P+B (N° Lexbase : A4165DYW)

Lecture: 5 min

N5769BCN

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/3209358-edition-n-275-du-04102007#article-295769
Copier

par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Le moins que l'on puisse dire, c'est que, assurément, le contentieux relatif à l'efficacité des limitations, voire des exclusions, légales ou conventionnelles, de responsabilité est particulièrement abondant depuis quelques années. De nombreux arrêts émanant de la Cour de cassation, parfois réunie en formation solennelle, se sont, en effet, succédés pour apporter d'utiles précisions concernant les différents moyens aujourd'hui mobilisés pour faire tomber ces limitations ou exclusions de responsabilité : la cause, l'obligation essentielle, la faute lourde... Un nouvel arrêt de la première chambre civile en date du 19 septembre dernier, à paraître au Bulletin, constitue, ainsi, un nouveau feuilleton de cette véritable saga. En l'espèce, une société de travaux publics routiers, répondant à un appel d'offres, avait adressé à une commune un pli en recommandé avec demande d'avis de réception. Le pli, parvenu au centre local de distribution de la Poste le jour de la date limite fixée par le maire pour la réception des offres, n'a été remis que deux jours plus tard, soit hors délai. L'offre de la société n'ayant pas pu être examinée, celle-ci a assigné la Poste en responsabilité au motif qu'elle avait perdu une chance de voir son offre retenue. La Poste, pour sa défense, a fait valoir que le pli avait bien été présenté dans la limite de recevabilité des offres mais que la mairie était, à cet instant, fermée, si bien que le facteur avait préféré, "selon une entente tacite avec le secrétariat de la mairie", garder le pli afin de le présenter à nouveau le lendemain, ce qu'il avait d'ailleurs fait mais, la mairie étant de nouveau fermée, le pli n'avait finalement pu être remis à son destinataire que deux jours après sa réception au centre de tri. Le facteur avait, cependant, nul ne le contestait, omis d'indiquer sur l'envoi la date de la première présentation. La difficulté venait, ici, de ce que le Code des postes et télécommunications, alors en vigueur, comporte, dans son article 13 (N° Lexbase : L1893HHL), des dispositions qui exonèrent la Poste de toute responsabilité en cas de retard dans la distribution ou de non-remise du courrier. Or, il est, aujourd'hui, acquis que ces dispositions exonératoires de responsabilité ne s'imposent que dans le cas où La Poste, ou le transporteur que celle-ci s'est substituée, n'a commis aucune faute lourde dans l'exécution de sa mission. Tel est, au reste, ce qu'avait jugé un important arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation le 30 juin 1998 (1). Et, dans l'affaire aujourd'hui soumise à la Cour de cassation, la première chambre civile reprend presque mot pour mot cette formule. La question était donc, de ce point de vue, parfaitement entendue : la Poste ne peut se prévaloir des dispositions exonératoires de responsabilité du Code des postes et télécommunications qu'à la condition de ne pas avoir commis une faute lourde dans l'exécution de sa mission. Aussi bien la question portait-t-elle en l'espèce sur le point de savoir si, précisément, une telle faute pouvait ou non lui être reprochée.

Les juges du fond (Poitiers, 17 mai 2005) ne l'avaient en tout cas pas considéré et avaient, pour débouter la société de sa demande en réparation, retenu que la Poste avait seulement commis une faute de négligence en ne laissant pas d'avis de passage dans la boîte aux lettres du destinataire du pli, précisant au demeurant que cette faute ne portait pas sur l'obligation essentielle du contrat, à savoir la remise effective du courrier au destinataire et le retour de l'avis de réception, mais sur une modalité d'exécution du contrat. Autrement dit, pour justifier cette solution, les premiers juges s'étaient efforcés, pour minimiser la faute et, par suite, exclure la possibilité qu'il ait pu s'agir d'une faute lourde, de montrer que la faute avait été commise dans l'exécution d'une obligation qui n'était pas une obligation essentielle du contrat. C'était là en revenir à une méthode d'appréciation de la faute lourde parfois utilisée en jurisprudence, que l'on pourrait qualifier d'objective en ce qu'elle fait dépendre la qualification de faute non pas de la gravité du comportement du débiteur, mais de l'importance de l'obligation inexécutée (2). Sans grande surprise, à dire vrai, ce raisonnement est condamné par la Cour de cassation qui casse, ici, l'arrêt de la cour d'appel, sous le visa de l'article 13 du Code des postes et télécommunications : "en statuant ainsi, alors qu'en omettant d'indiquer sur l'envoi la date de la première présentation, l'agent de la Poste, qui a ainsi enfreint la procédure applicable à la distribution des plis recommandés, a, par son comportement, caractérisé l'inaptitude de la Poste à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a violé le texte susvisé".

Il faut rappeler, en effet, que la jurisprudence récente a, semble-t-il, entendu abandonner l'appréciation de la faute lourde qu'elle avait, parfois, retenue et qui, il faut le redire, conduisait, à côté de l'appréciation subjective de la faute lourde caractérisée par un comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée (3), à déduire la faute lourde, de façon plus objective, de l'importance de l'obligation inexécutée, en l'occurrence essentielle ou fondamentale. La solution était, cependant, pour le moins critiquable dans la mesure où, comme on l'a justement dit, "le critère de la faute lourde ne se trouve pas dans l'importance pour le créancier de l'obligation inexécutée mais dans le comportement du débiteur" (4), ne serait-ce que parce que, d'un point de vue logique, la gravité de la faute commise ne saurait dépendre, précisément, de l'importance de l'obligation. Ainsi avait-t-on pu déduire de deux arrêts du 22 avril 2005 rendus en Chambre mixte (5), qui avaient décidé que l'existence d'une faute lourde imputable au transporteur, en l'occurrence la société Chronopost, ne pouvait résulter du seul retard de livraison dans un cas, du fait que le transporteur ne pouvait fournir d'éclaircissements sur la cause du retard dans l'autre, et ce alors que l'inexécution de son obligation, jugée essentielle, était établie, que, d'une manière générale, et donc pas seulement dans le cas des contrats de transport rapide, le manquement à une obligation essentielle ne saurait suffire à caractériser la faute lourde. La Chambre commerciale de la Cour de cassation devait d'ailleurs, par la suite, nettement affirmer que la faute lourde "ne saurait résulter du manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur" (6).

L'arrêt de la première chambre civile du 19 septembre dernier s'inscrit incontestablement dans cette tendance : il refuse d'écarter la qualification de faute lourde au seul motif que l'obligation inexécutée n'était pas essentielle ou fondamentale. Autrement dit, en brisant le lien établi par les juges du fond entre faute lourde et obligation essentielle, la Cour de cassation entend certainement orienter l'appréciation de la faute lourde vers une approche subjective. L'accent est, d'ailleurs, explicitement mis sur le "comportement" de l'agent de la Poste, comportement qui caractérise "l'inaptitude [du débiteur] à l'accomplissement de sa mission contractuelle". La formule fait directement écho à celle qui est classiquement utilisée pour définir subjectivement la faute lourde, même si l'on peut regretter que la Cour n'ait pas ici plus nettement insisté, comme elle le fait habituellement, sur "l'extrême gravité" du comportement du débiteur, "confinant au dol", ce qui aurait permis de définitivement dissiper, à supposer qu'il y en ait eu une, toute espèce d'incertitude.


(1) Cass. Ass. plén., 30 juin 1998, n° 96-11.866, M. Cabane et autres c/ Compagnie Air France (N° Lexbase : A5731CKH), Bull. civ. n° 2, JCP éd. G, 1998, II, 10146, note Delebecque, D. 1999, Somm. p. 262, obs. Mazeaud, Contrats, conc., consom. 1998, n° 143, obs. Leveneur, RTDCiv. 1999, p. 119, obs. Jourdain.
(2) Cass. civ. 1, 18 janvier 1984, n° 82-15.103, Centre départemental du Loto (N° Lexbase : A0333AAL), Bull. civ. I, n° 27, JCP éd. G, 1985, II, 20372, note J. Mouly, RTDCiv. 1984, p. 727, obs. J. Huet ; Cass. com., 9 mai 1990, n° 88-17.687, Société Office d'annonces c/ M. Leroux (N° Lexbase : A3982AHX), Bull. civ. IV, n° 142, RTDCiv. 1990, p. 666, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 1, 30 novembre 2004, n° 01-13.110, Société France Télécom c/ M. Bernard Brousse, F-P+B (N° Lexbase : A1143DE3), Bull. civ. I, n° 295 ; comp. Cass. civ. 1, 2 décembre 1997, n° 95-21.907, Union des Assurances de Paris (UAP) et autre c/ Monsieur Baudin (N° Lexbase : A0795ACG), Bull. civ. I, n° 349, D. 1998, Somm. p. 200, obs. D. Mazeaud, pour le cas du non-respect d'une clause constituant une "condition substantielle" du contrat, bien que l'obligation transgressée n'ait pas été essentielle.
(3) Cass. com., 3 avril 1990, n° 88-14.871, Ateliers et chantiers de la Manche (ACM) et autres c/ Société Océanique de pêche et d'armement (SOPAR) et autres (N° Lexbase : A3713AHY), Bull. civ. IV, n° 108 ; Cass. com., 13 novembre 1990, n° 89-15.378, Société Transports Ventura c/ M. Guguen, ès qualités de syndic à la liquidation des biens (N° Lexbase : A4564ACZ), Bull. civ. IV, n° 271 ; Cass. com., 28 mai 1991, n° 89-15.358, Société Ouest montage manutention et autre c/ M. Debroise (N° Lexbase : A4547AHU); Bull. civ. IV, n° 193.
(4) Ch. Larroumet, Droit civil, Les obligations, Le contrat, Economica, 2003, n° 625.
(5) Cass. mixte, 22 avril 2005, deux arrêts, n° 02-18.326, Chronopost SA c/ KA France SARL (N° Lexbase : A0025DIR) et n° 03-14.112, SCPA Dubosc et Landowski c/ Chronopost SA (N° Lexbase : A0026DIS), Bull. civ. n° 4, D. 2005, p. 1864, note J.-P. Tosi, JCP éd. G, 2005, II, 10066, note G. Loiseau, RDC 2005, p. 673, obs. D. Mazeaud, ibid. p. 753, obs. Ph. Delebecque, RTDCiv. 2005, p. 604, obs. P. Jourdain ; et nos obs., L'affaire "Chronopost" et l'appréciation de la faute lourde susceptible de tenir en échec la limitation de responsabilité, Lexbase Hebdo n° 167 du 12 mai 2005 - édition affaires (N° Lexbase : N4083AI3).
(6) Cass. com., 21 février 2006, n° 04-20.139, Société Chronopost, venant aux droits de la société SFMI c/ Société Etablissements Banchereau, F-P+B (N° Lexbase : A1807DNA) et nos obs., La Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le recul de l'objectivation de la faute lourde, Lexbase Hebdo n° 206 du 16 mars 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N5618AKB), et Cass. com., 13 juin 2006, n° 05-12.619, Société Chronopost, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A9281DPG).

newsid:295769

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.