La lettre juridique n°197 du 12 janvier 2006

La lettre juridique - Édition n°197

Éditorial

Emploi des "seniors" : du haut de la pyramide, le CDD nous contemple !

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N3093AKR

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

Le 27 Mars 2014


En France, 33, 8 % des personnes âgées de plus de 55 ans ont un emploi (contre 39,8 % en moyenne dans l'Union européenne) ! 58 ans, c'est l'âge moyen de cessation d'activité en France en 2002 contre 62 ans et demi en 1968. Le constat est sans appel et la note des différentes politiques de retraite et préretraite de ces 20 dernières années est salée. Pourtant, le vieillissement des populations occidentales oblige à repenser l'ensemble des comportements sur le marché du travail (un actif sur quatre serait âgé de plus de 50 ans en 2010, contre un actif sur cinq actuellement). Rallonger la durée de la vie active constitue le premier volet de la prise en compte du vieillissement progressif de la population, mais le taux d'emploi reste, quant à lui, inchangé ; et c'est là que le bât blesse. Augmenter l'assiette, c'est bien ; mais augmenter le taux d'emploi, c'est le signe d'une meilleure prise en compte de la richesse professionnelle que peuvent apporter les "seniors" à notre économie. Aussi, pour répondre à cette ambition, l'Union européenne s'est donnée pour objectifs d'atteindre un taux d'emploi de 50 % pour la tranche d'âge 55-64 ans (sommet de Stockholm de 2001). Pour sa part, la France fait sienne quelques recommandations de l'OCDE qui l'avait alertée sur ce sujet avant 2004, en proposant un accord national interprofessionnel (Ani) ouvert à la signature le 13 octobre 2005 et qui prévoit la création d'un "CDD senior", réservé aux salariés d'au moins 57 ans, inscrit depuis au moins 3 mois à l'ANPE, ou régis par une convention de reclassement personnalisé. Transition active vers la retraite, ce "CDD senior" qui ne pourrait dépasser les trois ans, permettrait, au surplus, aux intéressés d'obtenir le versement d'une pension à taux plein. S'il y a une leçon à retenir du passé, c'est bien que les politiques d'éviction des "seniors" du marché du travail ne se sont pas pour autant traduites par plus d'opportunités d'emploi pour les autres groupes d'âge. En fait, l'expérience internationale montre que les pays qui ont réussi à relever le taux d'emploi des plus âgés l'ont fait dans un contexte de promotion de l'emploi pour tous et de baisse globale du taux de chômage. Aussi, c'est bien à la lumière de l'expérience internationale, que la France pourrait trouver et adapter une partie des solutions à son mal premier : le chômage. Et c'est dans cette logique d'étude du droit comparé que l'expérience allemande en la matière, récemment condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes, est à méditer et à analyser, pour que l'Ani ne tombe pas dans le même écueil. Les éditions juridiques Lexbase vous invitent donc à lire, cette semaine, le commentaire de Christophe Willmann, Professeur à l'université de Haute Alsace, Le CDD senior en droit allemand censuré par la CJCE.

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Social général

[Jurisprudence] Le CDD senior en droit allemand censuré par la CJCE

Réf. : CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm (N° Lexbase : A6265DLM)

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N2944AKA

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Haute Alsace

Le 07 Octobre 2010

L'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes (CJCE), le 22 novembre 2005, est publié à point nommé, alors même que l'accord national interprofessionnel (ANI) ouvert à la signature le 13 octobre 2005 prévoit la création d'un "CDD senior", réservé aux salariés d'au moins 57 ans, inscrit depuis au moins 3 mois à l'ANPE, ou régis par une convention de reclassement personnalisé. En effet, la CJCE a invalidé un dispositif tout à fait comparable, le régime du CDD en droit allemand, que le législateur a ouvert aux salariés de 52 ans, sans que l'employeur n'ait à justifier d'un motif particulier de recours, contrairement au droit commun allemand du CDD (comparable au notre, sur ce point). La CJCE a estimé, en effet, que l'ouverture du CDD aux seniors, en soit, est une mesure favorable dans une dynamique de politique de "vieillissement actif" (remontée du taux d'activité des seniors). Mais son caractère général et indéterminé, qui permettait à tout employeur de conclure un CDD avec toute personne âgée de 52 ans, sans autre restriction tenant à sa situation sur le marché du travail et son employabilité, rendait cette mesure, selon la CJCE, incompatible avec le droit communautaire relatif à l'interdiction des discriminations selon l'âge. La finalité de réinsertion professionnelle des travailleurs âgés est poursuivie par des moyens largement disproportionnés : le traitement réservé par l'article 14 § 3 de la loi allemande du 21 décembre 2000 aux travailleurs ayant 52 ans accomplis donne lieu à une véritable discrimination en raison de l'âge. Reste que la violation opérée par la loi allemande, au principe général de non-discrimination, ne devrait pas être relevée, s'agissant de l'ANI ouvert à la conclusion le 13 octobre 2005, créant le contrat de travail à durée déterminée senior.
Décision

CJCE, 22 novembre 2005, aff. C-144/04, Werner Mangold c/ Rüdiger Helm (N° Lexbase : A6265DLM)

Textes applicables :
- Directive (CE) 1999/70 du Conseil du 28 juin 1999 concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (N° Lexbase : L0072AWL) ;
- Clauses 2, 5 et 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée ;
- Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, art. 6 (N° Lexbase : L3822AU4) ;
- Loi allemande (art. 1) visant à promouvoir l'emploi, modifiée par la loi du 25 septembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1476) ;
- Loi allemande sur le travail à temps partiel et les contrats à durée déterminée du 21 décembre 2000 (BGBl. 2000 I, p. 1966) ;
- Loi allemande pour des prestations de services modernes sur le marché de l'emploi, 23 décembre 2002 (BGBl. 2002 I, p. 14607).

Liens bases : ;

Résumé

Le droit communautaire et, notamment, l'article 6, paragraphe 1, de la Directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui autorise, sans restrictions, à moins qu'il n'existe un lien étroit avec un contrat de travail antérieur à durée indéterminée conclu avec le même employeur, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée lorsque le travailleur a atteint l'âge de 52 ans.

Faits

La demande de décision préjudicielle porte sur l'interprétation des clauses 2, 5 et 8 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la Directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999, concernant l'accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée, ainsi que de l'article 6 de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

Solution

L'article 6 § 1 de la Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une réglementation nationale allemande (art. 14 § 3 de la loi du 23 décembre 2002) qui autorise, sans restriction, à moins qu'il n'existe un lien étroit avec un contrat de travail antérieur à durée indéterminée conclu avec le même employeur, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée lorsque le travailleur a atteint l'âge de 52 ans.

Commentaire

1. Le CDD senior en droit allemand : régime juridique

L'article 1er de la loi allemande visant à promouvoir l'emploi, telle que modifiée par la loi du 25 septembre 1996 (BGBl. 1996 I, p. 1476), prévoit que les contrats de travail à durée déterminée sont autorisés pour une durée maximale de 2 ans. Dans cette limite maximale totale de 2 ans, un contrat à durée déterminée peut être renouvelé 3 fois au maximum. Mais, par exception à ce principe, les contrats de travail à durée déterminée sont autorisés sans limitation de durée si le travailleur a atteint l'âge de 60 ans au moment où commence la relation de travail à durée déterminée. Cette réglementation était applicable jusqu'au 31 décembre 2000.

La Directive 1999/70 mettant en oeuvre l'accord-cadre a été transposée dans l'ordre juridique allemand par la loi sur le travail à temps partiel et les contrats à durée déterminée et portant modification et abrogation de dispositions du droit du travail, du 21 décembre 2000 (BGBl. 2000 I, p. 1966). Cette loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2001. L'article 14 de cette loi, qui réglemente les contrats à durée déterminée, précise qu'il est licite de conclure un contrat de travail à durée déterminée lorsqu'il y a une raison objective de le faire (besoin d'une prestation de travail provisoire ; fixation d'une durée déterminée faisant suite à une formation ou à des études afin de faciliter l'entrée du travailleur dans la vie active ; remplacement d'un autre travailleur ; spécificité de la prestation de travail justifiant la fixation d'une durée déterminée ; limitation liée à une période d'essai ; motifs tenant à la personne du travailleur justifiant la fixation d'une durée déterminée ; rémunération sur des fonds budgétaires prévus pour un travail à durée déterminée ; durée déterminée fixée d'un commun accord devant un juge).

La conclusion de contrats de travail à durée déterminée est autorisée en l'absence de raison objective dans la limite de 2 ans (un contrat à durée déterminée peut être renouvelé 3 fois au maximum). Mais, la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée n'est pas autorisée lorsque le travailleur a déjà bénéficié d'une relation de travail à durée déterminée ou indéterminée avec le même employeur.

Enfin, selon la loi du 21 décembre 2000, la conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée n'est pas subordonnée à l'existence d'une raison objective lorsque le travailleur a atteint l'âge de 58 ans au moment où la relation de travail à durée déterminée a commencé : cette disposition évoque le "CDD senior", tel que mis en place par les partenaires sociaux en droit interne par l'ANI ouvert à la signature le 13 octobre 2005. La fixation d'une durée déterminée n'est pas licite lorsqu'il existe un lien étroit avec un contrat de travail précédent à durée indéterminée conclu avec le même employeur. Un tel lien étroit est à présumer, notamment lorsque l'intervalle entre les deux contrats de travail est inférieur à 6 mois.

L'article 14 § 3 de la loi du 21 décembre 2000 a été modifié par la première loi du 23 décembre 2002 (BGBl. 2002 I, p. 14607). Applicable au 1er janvier 2003, le "CDD senior" allemand obéit à un nouveau régime juridique. La conclusion d'un contrat de travail à durée déterminée n'est pas subordonnée à l'existence d'une raison objective lorsque le travailleur a atteint l'âge de 52 ans (au lieu des 58 ans initialement prévu) au moment où la relation de travail à durée déterminée a commencé. La fixation d'une durée déterminée n'est pas licite lorsqu'il existe un lien étroit avec un contrat de travail précédent à durée indéterminée conclu avec le même employeur. Un tel lien étroit est à présumer lorsque l'intervalle entre les deux contrats de travail est inférieur à 6 mois. Ce recul de l'âge à partir duquel un senior peut être embauché dans le cadre d'un CDD (52 ans au lieu de 58 ans) a vocation à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2006.

Ce "CCD senior" allemand participe clairement d'une politique de vieillissement actif, dont le droit interne s'est inspiré par l'ANI ouvert à la signature le 13 octobre 2005. L'arrêt rapporté de la CJCE, très précieux, permet d'élaborer l'amorce d'un régime juridique de ce type de mesure pour l'emploi, notamment en le soumettant au principe de non-discrimination.

2. La non-discrimination selon l'âge, condition de validité des politiques de vieillissement actif

2.1. Politique de l'emploi et principe de discrimination : pas d'incompatibilité de principe

La Directive 2000/78 a établi un cadre général pour lutter, en matière d'emploi et de travail, contre les discriminations fondées, notamment, sur l'âge (art. 1). Or, l'article 14 § 3 de la loi allemande du 21 décembre 2000, en prévoyant la possibilité pour les employeurs de conclure, sans restriction, des contrats à durée déterminée avec des travailleurs ayant atteint l'âge de 52 ans, instaure une différence de traitement directement fondée sur l'âge.

Pourtant, la Directive 2000/78 (art. 6 § 1) dispose que les Etats membres peuvent prévoir que de telles différences de traitement ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l'emploi, du marché du travail et de la formation professionnelle, et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

De telles différences peuvent concerner, notamment, la mise en place de conditions spéciales d'accès à l'emploi et à la formation professionnelle d'emploi et de travail pour les jeunes, les travailleurs âgés et ceux ayant des personnes à charge, en vue de favoriser leur insertion professionnelle ou d'assurer leur protection, ainsi que la fixation de conditions d'âge dans certaines hypothèses particulières.

Ainsi, pour la CJCE (arrêt rapporté), cette législation allemande a clairement pour objectif de favoriser l'insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage, dans la mesure où ces derniers se heurtent à des difficultés importantes pour retrouver un emploi. La légitimité d'un tel objectif d'intérêt général ne saurait être raisonnablement mise en doute, ainsi que la Commission l'a d'ailleurs elle-même reconnu.

Un objectif de cette nature doit, en principe, être considéré comme justifiant objectivement et raisonnablement, ainsi que le prévoit l'article 6 § 1, alinéa 1er, de la Directive 2000/78, une différence de traitement fondée sur l'âge édictée par les Etats membres.

2.2. Politique de l'emploi et discrimination : exigence de proportionnalité

Encore faut-il vérifier, selon les termes mêmes de la Directive 2000/78, si les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif légitime sont appropriés et nécessaires. Les Etats membres disposent incontestablement d'une large marge d'appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d'emploi.

Toutefois, l'application du droit allemand du CDD aboutit, en l'espèce, à une situation dans laquelle tous les travailleurs ayant atteint l'âge de 52 ans, sans distinction, qu'ils aient ou non été en situation de chômage avant la conclusion du contrat et quelle qu'ait été la durée de la période de chômage éventuel, peuvent valablement, jusqu'à l'âge auquel ils pourront faire valoir leur droit à une pension de retraite, se voir proposer des contrats de travail à durée déterminée, susceptibles d'être reconduits un nombre indéfini de fois.

Cette catégorie importante de travailleurs, déterminée exclusivement en fonction de l'âge, risque -durant une partie substantielle de la carrière professionnelle de ces derniers- d'être exclue du bénéfice de la stabilité de l'emploi, laquelle constitue pourtant, ainsi qu'il ressort de l'accord-cadre, un élément majeur de la protection des travailleurs.

Cette législation allemande, parce qu'elle retient l'âge du travailleur pour unique critère d'application d'un contrat de travail à durée déterminée, sans qu'il ait été démontré que la fixation d'un seuil d'âge, en tant que tel, indépendamment de toute autre considération liée à la structure du marché du travail en cause et de la situation personnelle de l'intéressé, est objectivement nécessaire à la réalisation de l'objectif d'insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage, selon la CJCE, va au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l'objectif poursuivi (arrêt rapporté).

En effet, le respect du principe de proportionnalité implique que chaque dérogation à un droit individuel concilie les exigences du principe d'égalité de traitement et celles du but recherché (CJCE, 19 mars 2002, aff. C-476/99, H. Lommers c/ Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij N° Lexbase : A0395A7R). La législation allemande du CDD n'est pas justifiée au titre de l'article 6 § 1 de la Directive 2000/78.

Cette décision rendue par la CJCE doit être approuvée. Comme l'a rappelé l'Avocat général dans ses conclusions, la loi du 21 décembre 2000 permet certes aux travailleurs allemands une amélioration dans leur recherche d'un nouvel emploi, mais au prix d'être, par principe, exclus à titre permanent de la garantie du travail à durée indéterminée.

3. Portée de la jurisprudence de la CJCE en droit interne

3.1. Le "CDD senior" (ANI 13 octobre 2005)

La création d'un contrat à durée déterminée spécifique au public des seniors a été proposée par les partenaires sociaux dans l'ANI du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors (art. 17). La suggestion avait été faite, d'une certaine manière, par l'Igas en 2004.

Ce contrat à durée déterminée, d'une durée maximum de 18 mois renouvelable une fois, serait conclu uniquement avec un salarié de plus de 57 ans, inscrit comme demandeur d'emploi depuis plus de 3 mois ou en convention de reclassement personnalisé. L'objectif de ce CDD serait de permettre à son titulaire d'acquérir, par son activité, des droits supplémentaires en vue de la liquidation de sa retraite à taux plein.

La proposition n'a pas fait l'unanimité dans les rangs des syndicats de salariés. On lui reproche la stigmatisation des seniors auquel il va donner lieu ; argument de faible portée, parce que les nombreuses formules contractuelles mises en place au nom des politiques publiques de l'emploi, à destination des jeunes, conduisent au même résultat, pour cette catégorie. L'idée même de la discrimination positive, qui consiste à identifier et repérer une catégorie particulière de la population active, rencontrant de graves difficultés sur le marché du travail, conduit nécessairement à la stigmatiser. Il a été proposé de mobiliser le contrat initiative-emploi (tel que refondu par la loi de cohésion sociale) en adaptant ses modalités, permettant ainsi de ne pas créer un nouveau type de contrat de travail tout en ayant un dispositif plus efficace pour garantir le retour des chômeurs âgés vers l'emploi.

Il est vrai qu'une réflexion doit être engagée sur la cohérence et l'articulation entre ce nouveau CDD et les contrats de travail spéciaux existant, destinés notamment aux travailleurs âgés sans emploi, qu'ils relèvent du secteur marchand (contrat initiative-emploi, contrat d'accompagnement, Cirma) ou du secteur non-marchand (contrat d'avenir). Il faut également s'interroger sur le respect d'un tel contrat à durée déterminée avec le principe général de non-discrimination en fonction de l'âge.

3.2. Pas de recours indéterminé du CDD pour les seniors en droit interne français

Comme le relève l'Avocat général, la loi allemande du 21 décembre 2000 admet qu'un travailleur âgé de 52 ans puisse se voir imposer un contrat de travail à durée déterminée d'une durée pratiquement illimitée (en l'occurrence 13 ans, donc jusqu'à l'âge de 65 ans, âge légal de la retraite) ou des contrats de travail à (courte) durée déterminée renouvelables un nombre indéterminé de fois, avec un ou plusieurs employeurs jusqu'à cet âge.

En outre, le seuil de 52 ans est en pratique réduit de deux années supplémentaires, étant donné que l'article 14 de la loi du 21 décembre 2000 exclut un engagement à durée déterminée lorsque le travailleur a déjà eu une relation de travail à durée indéterminée, mais non, en revanche, si un contrat à durée déterminée avait précédemment été conclu avec lui, contrat qui, sur la base des autres dispositions de la loi du 21 décembre 2000, peut précisément durer jusqu'à 2 ans. En définitive, suivant l'interprétation du juge national, le droit allemand du CDD finit par permettre que les travailleurs engagés à durée déterminée pour la première fois à l'âge de 50 ans révolus puissent être par la suite employés à durée déterminée sans aucune restriction, jusqu'à l'âge de leur pension.

Ces deux critiques, qui obèrent sérieusement la pertinence de la loi du 21 décembre 2000, ne peuvent pas mutadis mutantis être transposées à l'ANI du 13 octobre 2005 (droit interne). En effet, les partenaires sociaux ont bien pris le soin de limiter dans le temps le recours au CDD senior, qui n'est valable que pour une durée déterminée de 36 mois (18 mois, renouvelable une fois). Cette durée de trois années n'a pas été choisie par hasard : dans la mesure où le bénéficiaire d'un CDD senior ne pourrait conclure un tel contrat qu'à compter de 57 ans, il atteindrait ainsi l'âge de 60 ans à la fin de son CDD, âge où l'intéressé peut prétendre au bénéfice d'une retraite à taux plein, dans la mesure où il cotisé suffisamment longtemps (au sens de la loi du 21 août 2003 n° 2003-775, portant réforme des retraites N° Lexbase : L9595CAM).

Surtout, le contrat CDD senior, tel que proposé par les partenaires sociaux dans l'ANI du 13 octobre 2005, ne peut encourir la critique formulée par la CJCE (arrêt rapporté) au CDD allemand (tel qu'il résulte de la loi du 21 décembre 2000) de porter atteinte au principe de non-discrimination selon l'âge. En effet, l'ANI sur l'emploi des seniors poursuit un objectif de politique de l'emploi et les moyens mis en oeuvre pour réaliser cet objectif légitime sont appropriés et nécessaires : en effet, contrairement au droit allemand (loi du 21 décembre 2000, qui vise indistinctement tous les salariés de 52 ans, qui sont éligibles au CDD senior allemand du seul fait de leur âge), l'ANI cible une population spécifique, qui souffre plus que les autres catégories de salariés, de discriminations négatives sur le marché du travail, les salariés de plus de 57 ans, inscrits comme demandeurs d'emploi depuis plus de 3 mois ou en convention de reclassement personnalisé.

Les CDD seniors français, ciblés sur une population précise et clairement identifiés, ne paraissent donc pas a priori attentatoires au principe de discrimination selon l'âge, au sens de la Directive 2000/78. Un tel régime va au-delà de ce qui est nécessaire pour favoriser l'insertion professionnelle des travailleurs âgés sur le marché du travail.

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Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Les dispositions de l'article 164 C du CGI sont-elles contraires aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux ? (1ère partie)

Réf. : CE, 9° et 10° s-s., 27 juillet 2005, n° 244671, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Cohen (N° Lexbase : A1284DKR)

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N3004AKH

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Le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt du 27 juillet 2005, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la conformité des dispositions de l'article 164 C du CGI aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux. Bien qu'il ait considéré que les citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France ne pouvaient utilement invoquer ces principes, dans leur ancienne version, pour soutenir qu'ils faisaient l'objet d'une discrimination vis-à-vis des citoyens français placés dans la même situation, sa décision laisse ouverte la question de savoir si la nouvelle version de ces principes, en particulier celle du principe de liberté de circulation des capitaux, pourrait s'appliquer à l'ensemble des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. Si tel était le cas, tous les résidents concernés, et non plus seulement quelques-uns d'entre eux, pourraient, désormais, échapper totalement à l'imposition sur le fondement de l'article 164 C du CGI (cf. Les dispositions de l'article 164 C du CGI sont-elles contraires aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux ? (2ème partie) N° Lexbase : N6349AKD). I. L'application de la jurisprudence "Biso" crée actuellement une discrimination entre les ressortissants communautaires au regard de l'article 164 C du CGI,  selon que ces ressortissants peuvent ou  non se prévaloir d'une clause de non-discrimination d'origine conventionnelle

Dans son arrêt "Biso" du 11 juin 2003 (CE, 9° et 10° s-s., 11 juin 2003, n° 221075, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. et Mme Biso N° Lexbase : A8676C8T) (1), le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la conformité des dispositions de l'article 164 C du CGI aux clauses de non-discrimination contenues dans les conventions fiscales bilatérales conclues entre la France et deux autres Etats membres de l'Union européenne (Grande-Bretagne et Italie).

Le Conseil a, en particulier, jugé que, dans le cas où une convention fiscale bilatérale limite son champ d'application aux seuls résidents et comporte une clause de non-discrimination en fonction de la nationalité sans référence à la résidence, il résulte de la combinaison de ces stipulations que la clause de non-discrimination n'est applicable qu'aux nationaux des Etats contractants résidant dans l'un d'entre eux (2). En revanche, dans le cas où une convention fiscale bilatérale ne limite pas son champ d'application aux résidents des Etats contractants et comporte une clause de non-discrimination en fonction de la nationalité sans référence à la résidence, il résulte de la combinaison de ces stipulations que la clause de non-discrimination est applicable aux nationaux des Etats contractants, qu'ils résident ou non dans l'un d'entre eux (3). Enfin, le Conseil a jugé que dans le cas où la clause de non-discrimination, en fonction de la nationalité figurant dans une convention fiscale bilatérale, précise qu'elle est applicable aux nationaux des Etats contractants qu'ils soient ou non résidents de l'un d'entre eux, cette clause leur est applicable, même s'ils ne résident pas dans l'un des Etats contractants (4).

Concrètement, en imposant un ressortissant anglais ou un ressortissant italien résidant à Monaco sur un revenu forfaitaire égal à trois fois la valeur locative réelle de ses habitations en France (CGI, art. 164 C), l'administration fiscale française l'impose différemment d'un ressortissant français résidant à Monaco qui n'aurait pas été soumis à la même imposition compte tenu des stipulations du paragraphe 1 de l'article 7 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 (N° Lexbase : L6726BHL). Cette différence d'imposition, dans la mesure où elle ne résulte que d'une différence de nationalité (5), viole les clauses de non-discrimination contenues dans la convention franco-britannique du 22 mai 1968 (N° Lexbase : L6745BHB) et dans la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 (N° Lexbase : L6706BHT). La violation de clause de non-discrimination en fonction de la nationalité entraîne la décharge de l'imposition établie sur le fondement de l'article 164 C du CGI.

En tant qu'elle subordonne l'applicabilité des dispositions de l'article 164 C du CGI à la rédaction des conventions fiscales bilatérales conclues par la France, la jurisprudence "Biso" présente le paradoxe, en même temps qu'elle fait bénéficier à certains citoyens de l'Union européenne du principe conventionnel de non-discrimination contenu dans la convention conclue par la France avec l'Etat dont ils sont les ressortissants, de créer de nouvelles discriminations à l'encontre d'autres citoyens communautaires. En bref, en supprimant la discrimination existant entre les ressortissants français et certains ressortissants des autres Etats membres de l'UE, cette jurisprudence déplace la discrimination entre ces derniers. C'est, ainsi, qu'en l'état actuel de la rédaction des conventions fiscales bilatérales conclues par la France avec les Etats dont ils relèvent, il a été jugé que seuls les ressortissants britanniques, italiens (6) et belges (7) résidant à Monaco pouvaient détenir un bien immobilier en France sans pour autant être assujettis à une imposition forfaitaire égale à trois fois la valeur locative réelle de ce bien.

En revanche, il a été jugé que les ressortissants portugais (8), allemands (9) et finlandais (10) étaient légalement assujettis à cette imposition, dans la mesure où, du fait de leur résidence à Monaco, ils ne pouvaient pas se prévaloir de la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale conclue par la France avec l'Etat de leur nationalité.

Il faut, en outre, à cette discrimination intra-communautaire individuelle, ajouter l'existence d'une discrimination intra-communautaire "conjugale". En effet, dans l'arrêt "Biso", le Conseil d'Etat a, également, jugé qu'il suffisait que l'un des membres du foyer fiscal entre dans le champ de l'article 164 C du CGI et qu'il dispose d'une ou plusieurs habitations en France, pour que l'imposition soit légalement établie au nom du foyer sur le fondement de cet article. Dès lors, il existe presque autant de discriminations que de nationalités qui peuvent composer le couple : si, par exemple, un couple entièrement britannique ou italo-britannique ou encore belgo-britannique échappe à l'application de l'article 164 C du fait d'une ou de deux clauses de non-discrimination favorables, il en ira différemment pour un couple, par exemple, germano-britannique, ou italo-portugais. Il s'avère, ainsi, que la jurisprudence "Biso" a eu pour effet de multiplier les discriminations fondées sur la seule nationalité des citoyens communautaires résidant à Monaco.

II. En revanche, bien qu'ils résident dans un pays tiers, tous les ressortissants communautaires domiciliés à Monaco et disposant d'une habitation en France entrent dans le champ d'application du principe de non-discrimination et des libertés garantis par le Traité CE

Dans la mesure où les clauses de non-discrimination d'origine conventionnelle et bilatérale ne permettent pas, en général, d'éviter les discriminations entre citoyens français et autres citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France, il paraît, donc, nécessaire de se tourner vers les principes de non-discrimination d'origine communautaire, lesquels valent nécessairement pour l'ensemble des citoyens de l'Union européenne. En bref, seul un principe communautaire de non-discrimination en fonction de la nationalité pourrait systématiquement (11) faire obstacle à l'application des dispositions de l'article 164 C du CGI aux citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. Toutefois, encore faut-il identifier la nature et l'objet de la discrimination ou, plus précisément le champ d'application de cette discrimination.

Nous avons parlé de principes communautaires de non-discrimination et non du principe communautaire de non-discrimination dans la mesure où il faut distinguer, parmi les dispositions prohibant toute discrimination en fonction de la nationalité des citoyens communautaires, entre un principe général de non-discrimination, d'une part, et des principes particuliers de non-discrimination, d'autre part, ceux-ci valant pour les libertés spécifiques garanties par le traité CE. Il importe, donc, d'examiner si l'un de ces principes pourrait être de nature à faire obstacle à l'application des dispositions de l'article 164 C du CGI à tous les citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. Nous le ferons en particulier à la lumière d'un arrêt récent du Conseil d'Etat, qui a confronté ces principes et ces dispositions (12). Dans cet arrêt (13), le Conseil d'Etat a, en effet, jugé que si les impôts directs ne relèvent pas de la compétence de la Communauté européenne, les Etats membres doivent exercer leur compétence fiscale dans le respect du droit communautaire et, notamment, des libertés d'établissement et de circulation des capitaux qui ont, en matière fiscale, un effet direct dans chaque Etat membre.

Avant d'examiner si ces derniers peuvent, en particulier, invoquer utilement les articles du Traité relatifs à la liberté d'établissement et à la liberté de circulation des capitaux, il importe de préciser que le principe de non-discrimination, quant à l'exercice de ces libertés, nous paraît tout à fait applicable à des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. En effet, les critères territoriaux d'application du principe communautaire de non-discrimination ont été dégagés par la Cour de justice dans l'affaire "Walrave" (16). La Cour de justice, dans le cadre d'une espèce relative à la mise en oeuvre du principe de libre circulation des travailleurs, a ainsi jugé que : "le principe de non-discrimination, tel qu'il est exprimé, entre autres, dans l'article 48 du Traité et dans le règlement 1612/68 (Règlement (CE) n° 1612/68 du Conseil, 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté N° Lexbase : L9271BHT) [...] s'impose pour une appréciation de tous rapports juridiques, dans toute la mesure où ces rapports juridiques, en raison soit du lieu où ils sont établis soit du lieu où ils produisent leurs effets, peuvent être localisés sur le territoire de la Communauté", étant précisé que le principe communautaire de non-discrimination a vocation à s'appliquer à l'ensemble des matières régies par le traité même si l'espèce jugée concernait l'application du principe de libre circulation des travailleurs (17). Il résulte de cette décision que la détermination de l'application du principe communautaire de non-discrimination à une situation juridique déterminée dépend de la localisation de cette situation ou de ses effets sur le territoire communautaire.

Par suite, les principes communautaires de non-discrimination sont applicables aux citoyens communautaires résidents d'Etats tiers, dès lors que la situation juridique est localisée, ou produit ses effets, sur le territoire d'un Etat membre. Or, il nous semble que la situation juridique des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France peut être regardée comme étant localisée ou comme produisant ses effets sur le territoire français. Il existe, donc, pour ces derniers un lien de rattachement suffisant au territoire communautaire, lien qui permet d'identifier l'exercice d'une liberté garantie par le Traité et d'invoquer dans ce cadre le principe communautaire de non-discrimination, afin de neutraliser l'application des dispositions de l'article 164 C du CGI. Au total, pour un citoyen communautaire résidant dans un Etat tiers comme Monaco, la disposition en France d'une habitation permet de caractériser l'exercice de l'une des libertés garanties par le Traité.

Le principe général de non-discrimination est issu de l'actuel article 12 du Traité CE qui prévoit que, dans le domaine d'application du Traité, et sans préjudice des dispositions particulières qu'il prévoit, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité. Toutefois, dans la mesure où les impôts directs comme l'impôt sur le revenu ne relèvent pas de la compétence de la Communauté européenne, seuls les contribuables dont la situation met en jeu une liberté de circulation protégée par le Traité CE peuvent invoquer utilement l'article 12 de ce Traité. En d'autres termes, les citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France ne peuvent se borner à invoquer cet article pour faire obstacle à l'application à leur encontre des dispositions de l'article 164 C du CGI. Il leur faut, donc, se prévaloir, en outre, d'une atteinte à l'une des libertés protégées par le Traité.

III. Les ressortissants communautaires domiciliés à Monaco et disposant d'une habitation en France ne peuvent invoquer le principe communautaire de liberté d'établissement issu de l'article 43 CE pour faire obstacle à l'application des dispositions de l'article 164 C du CGI

Définie à l'article 43 (ex-52) , "disposition fondamentale du Traité", la liberté d'établissement emporte pour les ressortissants d'un Etat membre, sur le territoire d'un autre Etat membre : "l'accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d'entreprises dans les conditions définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants. La suppression des restrictions à la liberté d'établissement s'entend aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un autre Etat membre" (18). Dans l'arrêt précité du 27 juillet 2005 (20), le Conseil d'Etat a jugé que les dispositions de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification article 43 CE), qui posent le principe de la liberté d 'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans un autre Etat membre n'étaient pas applicables à des impositions ne relevant pas de l'exercice d'une activité non salariée ou de la gestion d'une entreprise. Dans ses conclusions, le commissaire du Gouvernement L. Vallée a rappelé les dispositions de l'article 43 avant d'indiquer que cet article ne concernait pas "l'acquisition aux fins d'usage ou de placement de résidences privées à Monaco".

Relevons par ailleurs que dans une affaire assez récente (20), consacré à la compatibilité avec le principe de liberté d'établissement de l'article 167 bis du CGI qui permet à l'administration fiscale d'imposer les plus-values latentes constatées sur des participations substantielles lorsque le contribuable concerné transfère son domicile hors de France, la CJCE a jugé que "le principe de la liberté d'établissement posé par l'article 52 du Traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'un Etat membre institue, à des fins de prévention d'un risque d'évasion fiscale, un mécanisme d'imposition des plus-values non encore réalisées, tel que celui prévu à l'article 167 bis du code général des impôts français, en cas de transfert du domicile fiscal d'un contribuable hors de cet Etat".

Le cas soumis à la Cour de justice, dans cette espèce, concernait un contribuable français, parti s'installer en Belgique. Le requérant avait simplement précisé dans ses observations qu'il avait transféré son domicile fiscal en Belgique, afin d'y exercer son activité professionnelle, sans apporter d'autre précision, notamment sur le caractère non salarié de cette activité, étant rappelé que l'article 43 concerne l'accès aux activités non salariées et leur exercice. Or, malgré le doute suscité par l'imprécision de la situation du requérant, en particulier s'agissant du caractère salarié ou non de son activité professionnelle, la CJCE n'a pris soin de se prononcer ni sur l'inapplicabilité ou l'applicabilité du principe de liberté d'établissement à un établissement purement personnel, c'est-à-dire non strictement lié à l'exercice d'une activité professionnelle, ni sur l'inapplicabilité ou l'applicabilité du principe de liberté d'établissement à un établissement lié à l'exercice d'une activité professionnelle salariée.

La Cour de justice relève ainsi, au point 42 de l'arrêt, que la liberté d'établissement vise à assurer le bénéfice du traitement national dans l'Etat membre d'accueil et s'oppose à ce que l'Etat d'origine entrave l'établissement de ses propres ressortissants dans un autre Etat membre.

Elle ajoute, ensuite, aux points 43 et 44, que l'interdiction des restrictions à la liberté d'établissement s'entend même des restrictions de faible portée, l'interdiction s'appliquant, notamment, aux dispositions fiscales. Au total, la Cour a censuré une entrave fiscale à l'exercice de la liberté d'établissement, dans le cas d'un transfert de domicile fiscal, sans véritablement caractériser en l'espèce, l'exercice de cette liberté, du moins dans son acception économique.

Deux questions se posent donc : d'une part, faut-il voir dans cette décision les prémisses d'une extension du principe de liberté d'établissement à un principe plus général de liberté d'installation qui inclurait l'établissement à titre personnel et non dans un cadre strictement économique ? D'autre part, à supposer que la réponse à cette première question soit affirmative, cette extension du principe de liberté d'établissement pourrait-elle bénéficier aux citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France ? S'agissant de la première question, il nous semble difficile de considérer que la CJCE a entendu implicitement étendre la portée du principe de la liberté d'établissement, et ce pour deux raisons. La première est que la situation sur laquelle elle s'est prononcée concernait l'exercice d'une activité professionnelle dans un Etat membre : aussi le transfert du domicile fiscal de France vers la Belgique ne pouvait-il être assimilé à une installation à titre personnel dans ce dernier Etat. En bref, la Cour ne s'est pas prononcée sur le seul changement de résidence, mais elle a pris en compte les motivations économiques, en particulier professionnelles de ce changement de résidence. La seconde raison est que les stipulations de l'article 43 CE, à moins d'être modifiées, font explicitement obstacle à l'extension du principe de liberté d'établissement à un principe plus général de liberté d'installation qui inclurait l'établissement à titre personnel et non dans un cadre strictement économique. Or, on voit mal comment la Cour pourrait s'affranchir d'un texte qu'elle a pour fonction d'appliquer et dont elle a pour but d'assurer la primauté. Au fond, la seule incertitude concerne la nature de l'activité professionnelle justiciable du principe de liberté d'établissement : dans l'arrêt précité, la Cour n'a pas exclu l'extension de ce principe des activités non salariées aux activités salariées, alors même qu'aucune précision n'était donnée sur la nature de l'activité professionnelle du contribuable en cause.

La réponse à la première question étant négative, il n'y a, donc, pas lieu de se pencher plus avant sur l'application du principe de liberté d'établissement aux citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. Aussi l'analyse de l'arrêt du 11 mars 2004 rendu par la CJCE confirme-t-elle le bien-fondé de la solution rendue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt précité du 27 juillet 2005 : le principe de liberté d'établissement ne peut s'appliquer à l'acquisition par un citoyen communautaire d'une habitation dans un autre Etat membre que celui dont il a la nationalité.

Précisons, cependant, pour terminer, qu'à supposer même que le principe de liberté d'établissement soit un jour étendu à un principe plus général de liberté d'installation, cela n'aurait aucune conséquence pour la situation des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. En effet, "l'installation" à titre personnel dans un autre Etat membre de l'UE suppose, il nous semble, le transfert du domicile fiscal dans cet Etat : or, ces derniers, en acquérant une habitation en France, ne transfèrent pas pour autant leur domicile fiscal dans ce dernier Etat mais restent domiciliés fiscalement à Monaco. Aussi, l'acquisition d'une habitation en France par un citoyen communautaire résidant à Monaco ne suffit-elle pas à caractériser une "installation en France".

Pour la 2ème partie de cet article, lire ([LXB=N6349AKD])

Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice

newsid:83004

Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] La base d'imposition à la TVA des agences de voyages

Réf. : CJCE, 6 octobre 2005, aff. C-291/03, MyTravel plc c/ Commissioners of Customs & Excise (N° Lexbase : A6731DKI)

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N2916AK9

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par Yolande Sérandour, Professeur à la Faculté de droit de Rennes, Directrice du Master de Droit Fiscal des Affaires de Rennes et du département Droit fiscal du CDA

Le 07 Octobre 2010

Une agence de voyage pratiquant la vente à prix forfaitaire de voyages comprenant des prestations acquises auprès d'autres voyagistes et ses propres prestations peut-elle obtenir une révision de sa base d'imposition ? La CJCE ayant précédemment admis que la marge taxable sur les prestations revendues soit calculée en déduisant du prix forfaitaire la valeur sur le marché des prestations propres et non le coût réel, faut-il admettre le libre choix entre ces deux méthodes ? Si la méthode de la valeur sur le marché s'applique, comment la déterminer ? En réponse, la CJCE dit pour droit :

"1) Une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques, qui a, pour une période d'imposition, rempli sa déclaration relative à la taxe sur la valeur ajoutée en utilisant la méthode prévue par la réglementation nationale qui transpose en droit interne la sixième Directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme (N° Lexbase : L9279AU9), peut recalculer sa dette de taxe sur la valeur ajoutée selon la méthode jugée conforme au droit communautaire par la Cour, dans les conditions prévues par son droit national, lesquelles doivent respecter les principes d'équivalence et d'effectivité.

2) L'article 26 de la sixième Directive 77/388 doit être interprété en ce sens qu'une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d'un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises auprès de tiers et des prestations effectuées par lui-même doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée. Dans un tel cas de figure, un assujetti ne peut utiliser le critère des coûts réels que s'il démontre que ce critère rend fidèlement compte de la structure réelle du forfait. L'application du critère de la valeur de marché n'est pas subordonnée à la condition qu'elle soit plus simple que celle de la méthode fondée sur les coûts réels ni à la condition qu'elle aboutisse à une dette de taxe sur la valeur ajoutée identique ou voisine de celle qui résulterait de l'utilisation de la méthode fondée sur les coûts réels. Dès lors :

- une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques ne peut pas utiliser de manière discrétionnaire la méthode fondée sur la valeur de marché et

- cette dernière méthode s'applique pour les prestations propres dont la valeur de marché peut être déterminée, même si, dans le cadre de la même période d'imposition, la valeur de certains composants propres du forfait ne peut pas être déterminée dans la mesure où l'assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait.

3) Il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, au vu des circonstances du litige au principal, la valeur de marché des voyages en avion fournis dans l'affaire au principal dans le cadre des vacances à prix forfaitaires. Cette juridiction de renvoi peut déterminer ladite valeur de marché à partir de valeurs moyennes. Dans ce contexte, le marché basé sur les places vendues aux autres organisateurs de circuits touristiques peut constituer le marché le plus approprié".

La longueur de cette réponse tient à la difficulté du contexte qu'il faut exposer avant d'analyser la solution.

1. Le contexte

A) Le contexte textuel

A priori, la sixième Directive-TVA pose clairement le régime des agences de voyages en distinguant selon qu'elles fournissent ou non directement les prestations consommées. L'article 11, A, § 1, a), de la sixième Directive-TVA fixe la base d'imposition à hauteur de "tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers [...]". L'article 26 suivant institue un régime particulier pour les opérations des agences de voyages et des organisateurs de circuits touristiques. Il prévoit que :

"1. Les Etats membres appliquent la taxe sur la valeur ajoutée aux opérations des agences de voyages conformément au présent article, dans la mesure où ces agences agissent en leur propre nom à l'égard du voyageur et lorsqu'elles utilisent, pour la réalisation du voyage, des livraisons et des prestations de services d'autres assujettis. Le présent article n'est pas applicable aux agences de voyages qui agissent uniquement en qualité d'intermédiaire et auxquelles l'article 11 sous A paragraphe 3 sous c) est applicable. Au sens du présent article, sont également considérés comme agences de voyages les organisateurs de circuits touristiques.

2. Les opérations effectuées par l'agence de voyages pour la réalisation du voyage sont considérées comme une prestation de service unique de l'agence de voyages au voyageur. Celle-ci est imposée dans l'Etat membre dans lequel l'agence de voyages a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel elle a fourni la prestation de services. Pour cette prestation de services est considérée comme base d'imposition et comme prix hors taxe, au sens de l'article 22 paragraphe 3 sous b), la marge de l'agence de voyages, c'est-à-dire la différence entre le montant total à payer par le voyageur hors taxe à la valeur ajoutée et le coût effectif supporté par l'agence de voyages pour les livraisons et prestations de services d'autres assujettis, dans la mesure où ces opérations profitent directement au voyageur.

3. Si les opérations pour lesquelles l'agence de voyages a recours à d'autres assujettis sont effectuées par ces derniers en dehors de la Communauté, la prestation de services de l'agence est assimilée à une activité d'intermédiaire exonérée en vertu de l'article 15 point 14. Si ces opérations sont effectuées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Communauté, seule doit être considérée comme exonérée la partie de la prestation de services de l'agence de voyages qui concerne les opérations effectuées en dehors de la Communauté.

4. Les montants de la taxe sur la valeur ajoutée qui sont portés en compte à l'agence de voyages par d'autres assujettis pour les opérations visées au paragraphe 2 et qui profitent directement au voyageur ne sont ni déductibles, ni remboursables dans aucun Etat membre".

La revente de prestations achetées est taxable sur la marge tandis que la fourniture directe de prestations de voyages relève de la TVA sur le prix de vente, comme toute opération. La CJCE est venue en précisée le sens en cas d'opérations complexes.

B) Le contexte jurisprudentiel

Le régime ci-dessus exposé ne s'applique pas qu'aux voyages internationaux. En effet, selon l'arrêt du 22 octobre 1998, Madgett et Baldwin (CJCE, 22 octobre 1998, aff. C-308/96 et C-94/97, Commissioners of Customs and Excise c/ T.P. Madgett, R.M. Baldwin et The Howden Court Hotel N° Lexbase : A7502AHC ; Rec. p. I-6229 ; RJF 12/98, n° 1521), le régime particulier de l'article 26 de la sixième Directive-TVA, bien qu'il vise à éviter les problèmes liés à l'acquisition de prestations dans différents Etats membres, a également vocation à s'appliquer lorsque les prestations sont fournies dans un seul Etat (§ 19). La CJCE a également estimé que cette application ne devait pas être limitée aux seuls opérateurs économiques qualifiés formellement d'agences de voyages ou d'organisateurs de circuits touristiques, mais qu'elle devait aussi être étendue aux hôteliers tels que MM. Madgett et Baldwin qui fournissent des services liés à des voyages acquis auprès de tiers, dès lors que ces services ne revêtent pas un caractère purement accessoire par rapport à leurs prestations propres d'hôteliers (arrêt précité, § 20 à 27). Cependant, lorsque la prestation vendue par une agence de voyages pour un prix forfaitaire est composée de prestations en partie achetées auprès de tiers et en partie fournies par elle-même, le régime particulier de l'article 26 de la sixième Directive-TVA ne s'applique qu'aux prestations fournies par des tiers (arrêt précité, § 32 à 35).

L'analyse se complique lorsque la prestation de voyage commercialisée comprend des prestations acquises auprès d'autres voyagistes et des prestations propres, surtout en cas de vente pour un prix forfaitaire. Se pose en effet la question de savoir quelle part du prix acquitté par le voyageur rémunère chaque catégorie de prestations. La taxation sur la marge des seules prestations acquises et revendues oblige à ventiler le prix forfaitaire entre les prestations acquises et les prestations fournies directement. Cette ventilation se résume à une soustraction du prix des prestations propres du prix global. Toute la difficulté réside dans la détermination du premier élément. Il semble peu probable que le prix d'un transport ou d'un séjour soit identique selon que le voyageur acquiert une telle prestation seule ou globalement, surtout en cas d'offres quantitativement importante.

Certains pays, comme le Royaume-Uni et Irlande du Nord préconisent de prendre en compte le coût effectif. Cette méthode complique la gestion fiscale. Il suffit d'évoquer le remplissage d'un avion pour s'en convaincre. Certains voyageurs n'ont acquis qu'un vol sec, d'autres un voyage avec séjour et/ou visites. Si l'on ajoute que la vente massive de voyages permet d'obtenir des tarifs privilégiés auprès des hôteliers et restaurateurs, il est aisé d'imaginer les difficultés de détermination des coûts effectifs des prestations propres fournies avec des prestations revendues. Néanmoins, si la tâche paraît difficile, elle n'est pas impossible avec une bonne comptabilité analytique ou plus simplement la règle de trois appliquée aux diminutions obtenues par rapport au prix des mêmes prestations proposées individuellement. Pourtant, certains voyagistes ont proposé de retenir la valeur de marché. Dans l'affaire "Madgett et Baldwin", ce choix avait pour seul effet de simplifier les calculs, non de modifier le montant de la TVA exigible sur la marge (arrêt précité, § 46). Cette neutralité conduisait apparemment le juge communautaire à dire pour droit que "qu'il ne peut pas être exigé d'un opérateur économique qu'il calcule la partie du forfait correspondant à ses prestations propres en appliquant le critère des coûts effectifs lorsqu'il est possible d'isoler cette partie du forfait sur la base de la valeur de marché de prestations analogues".

Le libellé de l'arrêt "Madgett et Baldwin" amenait à se demander s'il en irait encore de même si la valeur de marché dépassait le coût des prestations produites, la différence réduisant, à due concurrence, la marge globale à répartir entre la revente de prestations acquises et taxables sur la marge et les prestations propres passibles de la TVA sur le prix de vente. L'agence de voyages pourrait attendre de cette méthode une diminution de ses opérations imposables sur la marge sans droit à déduction de la TVA acquittée sur les prestations revendues voire une augmentation de ses opérations exonérées si ses propres prestations concernent des voyages exonérés de TVA. Tel est le problème de droit soulevé par l'affaire "My Travel".

Le système britannique paraît avoir ignoré la possibilité de se référer au marché. L'article 26 de la sixième Directive-TVA est transposé, au Royaume Uni, par l'article 53 de la loi de 1994 relative à la taxe sur la valeur ajoutée (Value Added Tax Act 1994), ainsi que par le règlement de 1987 relatif à la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux organisateurs de circuits touristiques [Value Added Tax (Tour Operators) Order 1987]. Les dispositions de la réglementation nationale ont été précisées par la circulaire 709/5/88, puis par la circulaire 709/5/96 des Commissioners of Customs & Excise relative au régime de la marge des organisateurs de circuits touristiques (Tour Operators' Margin Scheme VAT Notice, "régime TOMS"). Ce régime exige que le montant total perçu par l'organisateur d'un voyage ou d'un circuit touristique soit ventilé entre les prestations acquises auprès de tiers et les prestations propres par référence au coût effectif de chaque composant.

A la suite l'arrêt "Madgett et Baldwin", la société Airtours, devenue My Travel plc, un organisateur de circuits touristiques soumis à la TVA au Royaume-Uni, qui avait calculé sa dette de TVA pour les années 1995 à 1999 en appliquant le critère des coûts effectifs à certaines prestations propres, a demandé à son administration nationale la possibilité de recalculer celle-ci, pour certaines années, en utilisant le critère de la valeur de marché. En l'espèce, cette valeur s'avérait supérieure au coût effectif. S'agissant de transports internationaux, ces prestations échappaient à la TVA. L'administration fiscale britannique a rejeté cette demande aux motifs que la méthode choisie par "My Travel" modifiait artificiellement les bases de calcul de la TVA et réduisait la dette de TVA. Ajoutons que ce voyagiste avait utilisé les deux méthodes selon les années, voire selon les prestations. La CJCE adopte une solution différente.

2. La solution

A) La rétroactivité de la jurisprudence communautaire

Cette affaire soulevait la question de savoir si une agence de voyages qui, dans le cadre d'une prestation globale, revend des prestations et en fourni directement d'autres peut choisir la méthode de calcul de la marge sur les prestations propres, en l'espèce, postérieurement au dépôt de ses déclarations de chiffre d'affaires. Avant d'indiquer le sens de l'arrêt "Madgett et Baldwin", dans la mesure où "My Travel" entendait revenir sur le calcul de sa TVA due pour la période passée, la CJCE devait se demander si la décision précitée pouvait avoir une portée rétroactive. Le juge étant l'unique interprète reconnu par le droit, la jurisprudence bénéficie d'une rétroactivité naturelle (lire, J.-L. Aubert, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, 10ème éd. A. Colin, n° 170 ; Ph. Malaurie et P. Morvan, Introduction générale, 2ème éd. Defrénois, n° 352 ; Les revirements de jurisprudence, Rapport au premier Président de la Cour de cassation, ouvrage collectif, Litec 2005 ; T. Revet, La légisprudence in Mélanges Ph. Malaurie, p. 377). Sauf prescription, toute application erronée d'une règle permet au justiciable concerné d'exiger un examen de ses droits et devoirs respectueux du sens exact des textes, celui décidé par le juge. En France, le contrôle des décisions de l'administration fiscale non conformes à la sixième Directive-TVA par suite d'une décision de la CJCE relève des articles L. 190, alinéa 2 et 3, (N° Lexbase : L5561GUI) et R. 196, l-c du LPF (N° Lexbase : L6486AEX).

La CJCE entend également voir sanctionner toute violation de la loi. Aux points 16 à 18 de l'arrêt "My Travel", elle précise en effet que "A cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Cour, dans le cadre de la compétence que lui confère l'article 234 CE , interprète une disposition du droit communautaire, elle précise le sens et la portée de cette disposition telle que celle-ci aurait dû être comprise et appliquée depuis son entrée en vigueur (voir, en ce sens, CJCE, 27 mars 1980, aff. C-61/79, Amministrazione delle finanze dello Stato c/ Denkavit italiana Srl, quest. préj., point 16 N° Lexbase : A5881AUD ; CJCE, 6 juillet 1995, aff. C-62/93, BP Soupergaz Anonimos Etairia Geniki Emporiki-Viomichaniki kai Antiprossopeion c/ Etat hellénique, point 39 N° Lexbase : A1750AWQ ; CJCE, 13 janvier 2004, aff. C-453/00, Kühne & Heitz NV c/ Productschap voor Pluimvee en Eieren, point 21 N° Lexbase : A8567DAK). Il n'en va différemment que lorsque, dans son arrêt, la Cour, à titre exceptionnel, limite dans le temps la portée de cette interprétation (voir, en ce sens, arrêts Denkavit italiana, précité, point 17 ; CJCE, 29 novembre 2001, aff. C-366/99, Joseph Griesmar c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, point 74 N° Lexbase : A5833AXC, et, pour une application récente de ces principes en matière de TVA : CJCE, 17 février 2005, aff. C-453/02 et C-462/02, Finanzamt Gladbeck, point 41 à 45 N° Lexbase : A7506DG4). Un arrêt rendu à titre préjudiciel a vocation à produire des effets sur des relations juridiques nées avant qu'il ait été rendu. Il en résulte, notamment, qu'une règle du droit communautaire ainsi interprétée doit être appliquée par un organe administratif dans le cadre de ses compétences même à des rapports juridiques nés et constitués avant le prononcé de l'arrêt de la Cour statuant sur la question préjudicielle (voir, en ce sens, l'arrêt du 13 janvier 2004, Kühne & Heitz, précité, point 22). En l'absence de réglementation communautaire en matière de demandes de restitution de taxes, il appartient à l'ordre juridique interne de chaque Etat membre de prévoir les conditions dans lesquelles ces demandes peuvent être exercées, ces conditions devant respecter les principes d'équivalence et d'effectivité, c'est-à-dire qu'elles ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des réclamations semblables fondées sur des dispositions de droit interne ni aménagées de manière à rendre pratiquement impossible l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire (voir, en ce sens : CJCE, 9 novembre 1983, aff. C-199/82, Administration des financés de l'Etat italien c/ SpA San Giorgio arrêts du 9 novembre 1983, San Giorgio, 199/82, point 12 N° Lexbase : A8408AUX et CJCE, 2 octobre 2003, aff. C-147/01, Weber's Wine World Handels-GmbH c/ Abgabenberufungskommission Wien, point 103 N° Lexbase : A6734C9B)".

Le contrôle des décisions de l'administration fiscale contraires au droit communautaire étant acquis, il restait à examiner la possibilité de choisir ou non entre les coûts effectifs et la valeur de marché des prestations propres d'une agence de voyages.

B) L'évaluation des prestations propres selon la valeur du marché

L'arrêt "Madgett et Baldwin" ayant apparemment justifié la substitution de la valeur de marché au coût effectif par la simplification des calculs et l'absence d'effet sur le montant de la TVA exigible, tout lecteur pouvait a priori en déduire qu'il s'agissait d'un préalable. La CJCE ne se prononçant qu'en droit et non en fait, la simplification attendue est une affirmation et non une condition. Au point 23 de l'arrêt "My Travel", le juge communautaire affirme que "l'utilisation du critère de la valeur de marché n'est pas subordonnée à la condition qu'elle soit plus simple que celle de la méthode fondée sur les coûts réels". Suspendre l'application de la méthode des coûts sur le marché à leur plus grande simplicité in concreto exposerait le redevable à l'éventuelle subjectivité de son administration voire à celle du juge interne. Une telle condition heurterait le principe de sécurité juridique, lequel induit certitude prévisibilité (CJCE, 13 mars 1990, aff. C-30/89, Commission des Communautés européennes c/ République française, § 23 N° Lexbase : A9781AUS ; CJCE, 27 octobre 1992, aff. C-74/91, Commission des Communautés européennes c/ République fédérale d'Allemagne, § 17 N° Lexbase : A0031AW3).

S'agissant de l'impact de la méthode adoptée sur le montant de la dette fiscale, sa mention dans l'arrêt "Madgett et Baldwin" venait à propos de l'espèce et non en réponse à la question préjudicielle portant sur l'interprétation de l'article 26 de la sixième Directive-TVA. Selon la CJCE "Il convient de constater que la circonstance selon laquelle l'utilisation de ces deux méthodes aboutit à calculer une dette fiscale analogue apparaît, en ce qu'elle est présentée entre tirets au point 46 de l'arrêt Madgett et Baldwin, précité, comme un élément surabondant". L'observateur apprendra qu'il faut savoir lire les arrêts de la Cour de Luxembourg. Remarque d'autant plus pertinente que la recherche des conséquences de la méthode choisie compliquerait la tâche des entreprises, résultat contraire à la simplification attendue de la méthode de la valeur sur le marché.

Restait la question essentielle de savoir si l'application du critère de la valeur de marché pour évaluer les prestations propres fournies par une agence de voyages pratiquant des prix forfaitaires doit être laissée à la discrétion du redevable. En l'espèce, My Travel souhaitait recalculer sa dette de TVA en utilisant le critère de la valeur de marché uniquement pour les années pour lesquelles son utilisation aurait eu pour effet de réduire sa dette fiscale de manière significative. Dans la mesure où l'assiette de la TVA est définie par la sixième Directive-TVA, telle qu'interprétée par la CJCE, une réponse positive paraissait peu probable. Sans disposition légale adéquate, le redevable ne saurait choisir sa base d'imposition. Or, le choix de l'assiette n'est ouvert, par l'article 26 bis B § 10 et 11 de la sixième directive-TVA, qu'au profit des assujettis-revendeurs de biens usagés. Encore faut-il préciser que ce choix n'existe qu'entre le prix de vente et la marge égale à la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. Aucun article de la sixième Directive-TVA n'autorise à s'écarter de la contrepartie des opérations réalisées.

Par ailleurs, s'agissant de déterminer la base d'imposition des prestations fournies directement aux clients par une agence de voyages pratiquant la vente à prix forfaitaire, le système de la marge ne s'applique pas, ce dernier n'étant prévu qu'en faveur des prestations acquises et revendues. Les prestations propres relèvent alors du droit commun c'est-à-dire de l'article 11, A, § 1 a), de la sixième Directive-TVA. A suivre la jurisprudence communautaire, la base d'imposition représente la contrepartie réellement reçue par le redevable pour les biens ou les services qu'il a fournis, et non une valeur estimée selon des critères objectifs (CJCE, 23 novembre 1988, aff. C-230/87, Naturally Yours Cosmetics Limited c/ Commissioners of Customs and Excise, § 16 N° Lexbase : A7745ATZ ; DF 1989, n° 15, comm. 815, concl. Da Cruz Vilaça ; RJF 3/89, n ° 294 ; CJCE, 2 juin 1994, aff. C-33/93, Empire Stores Ltd c/ Commissioners of Customs and Excise, § 18 N° Lexbase : A7746AT3 ; RJF 7/94, n° 868 ; Madgett et Baldwin, préc. § 40 ; CJCE, 3 juillet 2001, aff. C-380/99, Bertelsmann AG c/ Finanzamt Wiedenbrück, § 22 N° Lexbase : A7747AT4). Il en résulte que la base d'imposition des prestations propres d'une agence de voyages ajoutées à des prestations revendues équivaut au prix de vente. L'admission, par l'arrêt "Madgett et Baldwin", d'un prix de vente estimé en fonction du marché ne vise qu'à simplifier la répartition de la marge globale entre les prestations propres et les prestations revendues, du moins lorsqu'il est possible d'identifier des prestations analogues sur le marché.

La substitution possible du prix du marché aux coûts effectifs ne se traduit pas par le libre choix du mode de calcul de la base d'imposition. Outre l'argument textuel précité, il convient d'opposer le principe de neutralité. Une telle liberté conduirait les intéressés à augmenter le montant bénéficiant d'un taux réduit voire d'une exonération, comme "My Travel". En sorte que selon le pays d'établissement, les agences de voyages bénéficieraient d'un avantage fiscal contraire au principe de neutralité de la TVA (§ 32). La CJCE rappelle que "le législateur communautaire, comme cela ressort du neuvième considérant de la sixième Directive, a voulu que la base d'imposition fasse l'objet d'une harmonisation afin que l'application du taux communautaire aux opérations imposables conduise à des résultats comparables dans tous les Etats membres". Cette harmonisation vise donc à garantir que des situations semblables d'un point de vue économique ou commercial fassent l'objet d'un traitement identique au regard de l'application du système de la TVA. Cette harmonisation contribue ainsi à garantir la neutralité de ce système" (§ 33).

S'il faut exclure le libre choix du mode de calcul du prix des prestations propres de l'agence de voyages qui commercialise des voyages à prix forfaitaire comprenant des prestations acquises, quelle marge de liberté lui reste t'il ? La substitution est-elle obligatoire ou peut-on admettre la méthode des coûts réels ? A cette question, la CJCE répond que "une agence de voyages ou un organisateur de circuits touristiques qui, contre le paiement d'un prix forfaitaire, fournit au voyageur des prestations acquises auprès de tiers et des prestations propres doit, en principe, isoler la partie du forfait correspondant à ses prestations propres sur la base de leur valeur de marché, dès lors que cette valeur peut être déterminée, sauf s'il est en mesure de démontrer que, pour la période d'imposition considérée, la méthode fondée sur le critère des coûts réels rend fidèlement compte de la structure effective du forfait" (§ 35). L'arrêt "Madgett et Baldwin" n'allait pas jusqu'à l'obligation de substituer. A le lire, par souci de simplification, le prix des prestations propres peut être déterminé à partir du prix des mêmes prestations sur le marché. L'arrêt "My Travel" impose la substitution sauf à démontrer que "le critère des coûts réels rend fidèlement compte de la structure effective du forfait". La valeur du marché devient le principe, le coût réel l'exception. Cette exception devient particulièrement intéressante lorsque le prix du marché s'avère inférieur aux coûts effectifs établis. La juridiction communautaire précise encore que "En outre, c'est à l'administration fiscale nationale et, le cas échéant, à la juridiction nationale qu'il appartient d'apprécier s'il est possible d'isoler la partie du forfait correspondant aux prestations propres sur la base de leur valeur de marché, et, dans ce contexte, de déterminer le marché le plus approprié" (§ 36).

Si la valeur de marché des prestations propres doit en principe être retenue, curieusement, alors que la CJCE n'accepte pas le choix de la valeur de marché selon l'intérêt du voyagiste, elle admet l'application des deux méthodes, coûts effectifs et valeur de marché, au sein d'une même prestation globale. Au point 38 de l'arrêt "My Travel", elle affirme en effet que "la circonstance que la valeur de marché ne puisse pas être déterminée pour l'intégralité des prestations propres fournies par l'assujetti ne saurait justifier de déroger à l'application de ce critère pour l'évaluation des prestations dont ladite valeur peut être connue. Dans un tel cas de figure, il est vrai que l'assujetti se trouve contraint de ventiler le prix forfaitaire en utilisant les deux méthodes de calcul pour les prestations propres. Pour autant, l'application ainsi combinée des deux méthodes ne devrait pas se heurter à des difficultés d'ordre pratique insurmontables". La comptabilisation distincte des éléments du voyage selon qu'il comprend ou non une partie en dehors de l'Union européenne, partie exonérée de TVA, voire des prestations acquises et des prestations propres démontre que les voyagistes sont déjà confrontés aux difficultés comptables engendrées par des prestations complexes. Il ne semble pas alors exagéré d'envisager l'application simultanée de la méthode des coûts effectifs et celle de la valeur de marché pour déterminer le prix des prestations propres (§ 39 et 40). Cette combinaison des deux systèmes de recherche du prix des prestations propres suppose l'impossibilité de déterminer la valeur de marché (§ 40).

S'agissant de la détermination de la valeur de marché, notamment des voyages en avion, le juge communautaire rappelle qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur les faits. Néanmoins, dans la mesure où la question préjudicielle porte sur les difficultés d'application de l'article 26 de la sixième directive-TVA en cas de prestations de voyages comprenant des prestations acquises dont la revente relève de la TVA sur la marge et des prestations propres taxables sur le prix de vente, la CJCE entend dire le sens de ce texte en pareille occurrence (§ 43).

Sans être obligatoire, la valeur moyenne de tels voyages apparaît appropriée. Selon la Cour de Luxembourg, "Une valeur moyenne peut s'avérer plus représentative lorsque, comme dans l'affaire au principal, les prix des prestations analogues vendues hors forfait présentent des variations importantes. La juridiction de renvoi, à laquelle il incombe d'identifier, dans chaque cas d'espèce, la valeur qui correspond le mieux à l'esprit de la sixième directive peut donc légitimement déterminer la valeur de marché des voyages en avion vendus par MyTravel dans le cadre des vacances à prix forfaitaire sur la base du prix de vente moyen de billets d'avion vendus par cet assujetti pour la même destination ou une destination comparable. Il appartiendra à cette juridiction d'apporter à ces moyennes les corrections nécessaires pour tenir compte, par exemple, du fait que, dans le cadre des forfaits, des places d'avion sont offertes aux enfants des voyageurs gratuitement ou à prix réduits. Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre à la seconde question qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer, au vu des circonstances du litige au principal, la valeur de marché des voyages en avion fournis dans l'affaire au principal dans le cadre des vacances à prix forfaitaires. Cette juridiction peut déterminer ladite valeur de marché à partir de valeurs moyennes. Dans ce contexte, le marché basé sur les places vendues aux autres organisateurs de circuits touristiques peut constituer le marché le plus approprié" (§ 44 et 45).

Une autre question surgit : si l'agence de voyages ne commercialise pas isolément ses propres prestations, est-il possible de retenir la valeur de marché de prestations analogues proposées par d'autres opérateurs ? Le point 36 de l'arrêt "My Travel" laisse aux autorités internes le soin "d'apprécier s'il est possible d'isoler la partie du forfait correspondant aux prestations propres sur la base de leur valeur de marché, et, dans ce contexte, de déterminer le marché le plus approprié". Sauf nouvel arrêt contraire, chaque Etat membre devra prendre en considération le prix sur le marché proposé par l'opérateur concerné. Tel est le sens implicite du point 41 in fine de l'arrêt "My Travel" lorsqu'il affirme que "cette dernière méthode [valeur de marché] s'applique pour les prestations propres dont la valeur de marché peut être déterminée, même si, dans le cadre de la même période d'imposition, la valeur de certains composants propres du forfait ne peut pas être déterminée dans la mesure où l'assujetti ne vend pas de prestations analogues hors forfait".

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Fiscalité internationale

[Jurisprudence] Les dispositions de l'article 164 C du CGI sont-elles contraires aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux ? (2ème partie)

Réf. : CE, 9° et 10° s-s., 27 juillet 2005, n° 244671, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mme Cohen (N° Lexbase : A1284DKR)

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Le 07 Octobre 2010

Dans un arrêt du 27 juillet 2005, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur la conformité des dispositions de l'article 164 C du CGI aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux. Bien qu'il ait considéré que les citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France ne pouvaient utilement invoquer ces principes, dans leur ancienne version, pour soutenir qu'ils faisaient l'objet d'une discrimination vis-à-vis des citoyens français placés dans la même situation, sa décision laisse ouverte la question de savoir si la nouvelle version de ces principes, en particulier celle du principe de liberté de circulation des capitaux, pourrait s'appliquer à l'ensemble des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France. Si tel était le cas, tous les résidents concernés, et non plus seulement quelques-uns d'entre eux, pourraient, désormais, échapper totalement à l'imposition sur le fondement de l'article 164 C du CGI (cf. Les dispositions de l'article 164 C du CGI sont-elles contraires aux principes communautaires de liberté d'établissement et de liberté de circulation des capitaux ? (1ère partie) N° Lexbase : N3004AKH).
IV. Les ressortissants communautaires domiciliés à Monaco et disposant d'une habitation en France pourraient, toutefois, invoquer le principe communautaire de libre circulation issu de l'article 56 CE pour faire obstacle à l'application des dispositions de l'article 164 C du CGI

Les stipulations du traité CE relatives au principe de liberté d'établissement n'étant pas utilement invocables par des citoyens communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France, il y a maintenant lieu de se demander si ces derniers pourraient, en revanche, se prévaloir des stipulations de l'article 56 du Traité CE relatives au principe de liberté de circulation des capitaux.

Le Conseil d'Etat ne s'est, jusqu'à présent, prononcé que sur l'ancienne version du principe de liberté de circulation des capitaux qui n'était pas applicable aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers.

Dans son arrêt du 27 juillet 2005, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur l'application de ce principe dans sa version issue des stipulations de l'ancien article 67 du Traité CE , qui prévoyaient la suppression progressive des restrictions aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les Etats membres, ainsi que des discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement. De même, les dispositions de droit dérivé prises pour assurer la mise en oeuvre de cet article, en particulier la Directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 (Directive (CE) 88/361 du Conseil du 24 juin 1988, pour la mise en oeuvre de l'article 67 du Traité N° Lexbase : L9795AUC) (22), auxquelles les Etats membres devaient se conformer au plus tard le 1er juillet 1990, limitaient leur champ d'application aux personnes résidant dans les Etats membres. Par suite, le Conseil d'Etat a jugé que les stipulations de l'article 67 CE comme les dispositions de la Directive 88/361/CEE du 24 juin 1988 n'étaient pas applicables aux citoyens communautaires résidant dans un pays tiers comme Monaco.

Notons, toutefois, que dans ses conclusions (24), le commissaire du Gouvernement L. Vallée a indiqué que l'invocation de la liberté de circulation des capitaux lui paraissait "plus pertinente" que l'invocation de la liberté d'établissement dans la mesure où il s'agissait de la liberté qui avait "le plus évolué depuis le Traité de Rome alors que la liberté d'établissement n'a[vait]...guère été affectée par les modifications successives du texte".

La version actuelle du principe de libre circulation des capitaux, applicable aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers, nous semble invocable par tous les ressortissants communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France.

Le principe de libre circulation des capitaux, tel qu'il est issu de l'actuel article 56-1 CE concerne, désormais, non seulement les mouvements de capitaux entre Etats membres, mais aussi les mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers. En cela, cet article présente une différence essentielle par rapport aux articles 3 § c et 7 A § 2 du Traité qui ne concernent que les mouvements de capitaux entre Etats membres. En outre, la libération des mouvements de capitaux est, désormais, un objectif en soi et non plus seulement en référence au bon fonctionnement du marché commun. Aussi les exceptions à ce principe ne peuvent-elles, désormais, résulter que des stipulations du Traité instituant la Communauté européenne. Par suite, aucun acte de droit communautaire ou de droit national ne peut faire obstacle à la libre circulation des capitaux en dehors des exceptions prévues par les articles 57 et 58 du Traité CE .

Or, si le Traité ne définit pas les notions de mouvements de capitaux et de paiements, il est constant que la Directive 88/361 du 24 juin 1988, ensemble avec la nomenclature qui lui est annexée, a une valeur indicative pour définir la notion de mouvements de capitaux.

Il ressort en particulier du point II A de cette annexe que constituent des mouvements de capitaux "les investissements immobiliers effectués sur le territoire national par des non-résidents". À cet égard, les notes explicatives figurant dans la directive définissent les investissements immobiliers comme "les achats de propriétés bâties et non bâties par des personnes privées à des fins lucratives ou personnelles. La définition du principe de libre circulation des capitaux vise, ainsi, expressément les investissements immobiliers effectués par des non-résidents, y compris à des fins personnelles. Cette catégorie comprend, également, les droits d'usufruit, les servitudes foncières et les droits de superficie". La jurisprudence communautaire a, d'ailleurs, clairement admis l'applicabilité du principe de libre circulation des capitaux aux investissements immobiliers.

Ainsi, dans un arrêt en date du 11 décembre 2003, la CJCE a, ainsi, considéré dans son point 62 que "des dispositions nationales, telles que celles en cause au principal, qui déterminent la valeur d'un bien immobilier aux fins du calcul du montant de l'impôt exigible en cas d'acquisition par succession, sont de nature à dissuader l'achat de biens immobiliers sis dans l'Etat membre concerné, de même que l'aliénation de la propriété économique de tels biens à une autre personne, par un résident d'un autre Etat membre" (nous soulignons). Elle en a conclu dans le point suivant que "les dispositions nationales en cause au principal ont pour effet de restreindre les mouvements de capitaux". Par ailleurs, dans une autre affaire, la CJCE a confronté le principe de libre circulation des capitaux aux investissements immobiliers consistant en l'acquisition d'habitations secondaires dans les Etats membres. Nous pouvons, donc, en retenir que les mesures ayant pour effet de dissuader certaines catégories de citoyens communautaires d'acquérir une résidence secondaire dans un Etat membre de l'UE sont, dans la mesure où elles ne s'appliquent à d'autres citoyens communautaires d'une nationalité différente mais placés dans la même situation (notamment au regard de leur résidence), sont, donc, contraires au principe de libre circulation des capitaux issu des stipulations de l'article 56-1 CE.

Ainsi, puisque la détention d'une habitation en France, ou l'usufruit de celle -ci, entre dans le champ d'application de ce principe, la différence de traitement entre citoyens communautaires résidant à Monaco et détenant une ou plusieurs habitations en France ou ayant l'usufruit de celles-ci, pourrait constituer une violation du principe communautaire de non-discrimination du fait de l'entrave à l'exercice de la liberté de circulation des capitaux. Rappelons, par ailleurs, que la circonstance que ces citoyens résident dans un Etat tiers ne nous semble pas faire obstacle à ce qu'ils puissent utilement invoquer le principe communautaire de non-discrimination, dès lors que les rapports juridiques (acquisition ou usufruit d'un immeuble) en cause, ainsi que leurs effets (traitement fiscal attaché à la détention de cet immeuble) sont localisés sur le territoire de la Communauté et entrent dans le champ d'application d'une liberté garantie par le Traité.

Concrètement, tout citoyen communautaire résidant à Monaco pourrait, donc, invoquer les principes de non-discrimination et de libre de circulation des capitaux en faisant valoir qu'il est traité différemment d'un citoyen français résidant à Monaco, alors même qu'ils sont tous deux placés dans une situation identique et en soutenant que cette discrimination en raison de la nationalité, qui résulte de l'application combinée des dispositions de l'article 164 C et des stipulations de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963, est contraire à ces principes communautaires. Ainsi, il nous semble que les dispositions de l'article 164 C du CGI, combinée avec les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 ont bien pour effet de porter atteinte à la libre circulation des capitaux protégée par l'article 56 du TCE.

Rappelons que dans l'arrêt "Biso" précité, le Conseil d'Etat a jugé que l'existence éventuelle d'une violation d'une clause de non-discrimination figurant dans une convention fiscale devait s'apprécier en tenant compte non seulement des dispositions fiscales de droit interne, mais également des règles fiscales qui pourraient découler d'autres conventions fiscales. De même, il nous semble que l'existence éventuelle d'une violation des principes communautaires de non-discrimination et de libre de circulation des capitaux doit s'apprécier en tenant compte non seulement des dispositions fiscales de droit interne (l'article 164 C), mais également des règles fiscales découlant d'autres conventions fiscales comme la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 . Dans un arrêt du 21 septembre 1999, la CJCE a, d'ailleurs, adopté ce raisonnement puisqu'elle a considéré que le principe de liberté d'établissement s'opposait à ce que l'établissement stable en Allemagne d'une société française ne bénéficie pas, dans les mêmes conditions que celles applicables aux sociétés allemandes, de l'exonération de l'impôt sur les sociétés pour les dividendes reçus de sociétés établies dans des pays tiers tels que les Etats-Unis et la Suisse, exonération prévue par les conventions fiscales conclues par l'Allemagne avec ces deux pays. La conséquence pratique de l'arrêt est, qu'en principe, les Etats membres devraient étendre aux établissements stables implantés sur leur territoire par des sociétés résidentes d'un autre Etat membre les avantages stipulés dans leurs conventions bilatérales au profit des sociétés établies dans ces premiers Etats.

Au total, la soumission des citoyens communautaires résidant à Monaco à l'imposition de l'article 164 C du CGI, du fait de l'impossibilité pour eux d'invoquer le bénéfice de la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale qui leur est applicable pour échapper à cette imposition, est la source d'une discrimination entre ces ressortissants et les ressortissants français, qui repose exclusivement sur la nationalité et qui est, donc, contraire aux principes communautaires de non-discrimination et de libre circulation des capitaux.

Concrètement, les citoyens communautaires, qui ne peuvent invoquer le bénéfice de la clause de non-discrimination contenue dans la convention fiscale conclue par la France avec l'Etat dont ils ont la nationalité, sont dissuadés, par rapport aux citoyens communautaires qui peuvent invoquer le bénéfice d'une telle clause, d'acquérir et de disposer d'une habitation en France dans la mesure où cette acquisition et cette détention aurait pour effet de les assujettir à l'impôt sur le revenu en France sur la base de la valeur locative réelle de cette habitation.

Ajoutons que la circonstance que l'habitation en France soit détenue de manière directe ou indirecte ne nous semble pas changer la problématique. En effet, parmi les investissements immobiliers visés par la directive figurent simplement les "achats de propriétés effectués par des personnes privées à des fins personnelles ou lucratives". Aucune distinction n'est, donc, effectuée selon que l'acquisition est effectuée sous couvert d'une société, en particulier d'une société civile Immobilière (SCI). C'est pourquoi, les principes qui viennent d'être exposés nous semblent parfaitement applicables lorsque la détention de l'usufruit ou de la pleine propriété de l'habitation résulte de la détention de parts de SCI, puisque la directive définit simplement les investissements immobiliers considérés comme des mouvements de capitaux (achats de propriétés bâties et non bâties par des personnes privées à des fins lucratives ou personnelles, droits d'usufruit, servitudes foncières et droits de superficie) sans distinguer selon les modalités d'acquisition.

Ainsi appliqué, le principe de libre circulation des capitaux devrait permettre de régler la situation de l'ensemble des ressortissants communautaires résidant à Monaco et détenant en France la pleine propriété d'un immeuble ou l'usufruit de celui -ci, directement ou par l'interposition d'une SCI française ou monégasque, qui ne peuvent utilement invoquer le bénéfice d'une convention fiscale, ce qui semble viser la grande majorité d'entre eux.

Terminons en précisant que les exceptions au principe de libre circulation des capitaux entre Etats membres de l'UE et pays tiers, prévues par les articles 57 et 58 CE, ne semblent pas concerner les investissements immobiliers réalisés en France par les citoyens communautaires résidant à Monaco.

En effet, les dispositions de l'article 57 CE, qui concernent uniquement les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers, prévoient de telles restrictions lorsqu'elles existaient, déjà, le 31 décembre 1993 ou lorsque le Conseil, sur proposition de la Commission, décide de telles restrictions. Or, les mouvements de capitaux entre la Principauté de Monaco et la France ne sont nullement affectées par ces deux hypothèses.

Par ailleurs, les dispositions de l'article 58 CE, applicables aux restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres d'une part et entre Etats membres et pays tiers d'autre part, prévoient de telles restrictions lorsqu'elles sont fondées sur des différences de situation en ce qui concerne le lieu de résidence ou le lieu d'investissement des capitaux ou lorsqu'elles sont justifiées par la lutte contre l'évasion fiscale ou la nécessité de renforcer le contrôle prudentiel des établissements financiers. Or, nous avons vu que les ressortissants communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France étaient placés dans une situation identique au regard du lieu de résidence et du lieu d'investissement des capitaux. Par ailleurs, dans la mesure où leur imposition au titre de l'article 164 C résulte de la combinaison de ces dispositions de droit interne et des stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963, il nous paraît difficile de considérer que les seules dispositions de l'article 164 C du CGI auraient pour but de lutter contre l'évasion fiscale. Bien au contraire, ce sont les stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963, qui ont but de lutter contre l'évasion fiscale des revenus et des ressortissants français à Monaco.

Au total, la discrimination des ressortissants communautaires résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France vis-à-vis des ressortissants français placés dans la même situation ne peut, donc, être légitimée par aucune des exceptions à la libre circulation des capitaux prévues par les articles 57 et 58 CE.

Conclusion

La situation des ressortissants communautaires résidant à Monaco, soumis à l'article 164 C du CGI à raison de la disposition d'une ou plusieurs habitations en France, qui ne peuvent invoquer le bénéfice de la clause de non-discrimination de "leur" convention fiscale, pourrait, ainsi, trouver grâce sur le terrain du principe communautaire de non-discrimination en empruntant la voie de la libre circulation des capitaux .  Toutefois, la vocation unificatrice d'une solution fondée sur le principe communautaire de non-discrimination, si elle était vérifiée, trouverait, également, ses limites . En effet, elle ne mettrait pas fin à la discrimination, dont sont potentiellement victimes les résidents étrangers de Monaco, qui ne sont pas des ressortissants communautaires et qui ne peuvent invoquer le bénéfice de la clause de non-discrimination de "leur" convention fiscale. Or, c'est la plupart des ressortissants non communautaires qui est dans ce cas, la situation des ressortissants russes faisant à cet égard exception .

Ainsi, la résolution d'une discrimination entre résidents monégasques ressortissants de la Communauté serait à l'origine d'une nouvelle discrimination entre ces ressortissants et la plupart des autres résidents étrangers de Monaco.

Quoiqu'il en soit, le cas des personnes résidant à Monaco et disposant d'une habitation en France montre à quel point l'imbrication des dispositions fiscales interne et des dispositions fiscales internationales engendre une multiplication des situations de droit qui échappe en grande partie au législateur national.

Frédéric Dieu
Commissaire du Gouvernement près le Tribunal administratif de Nice


(1) DF 2004, n° 12, comm. 355 ; RJF, 2003, n° 1018.
(2) C'était le cas de l'ancienne convention fiscale franco-italienne du 29 octobre 1958.
(3) C'est le cas de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968.
(4) C'est le cas de l'article 25 de la convention franco-italienne du 5 octobre 1989.
(5) En effet, bien que les Français résidant à Monaco soient assimilés aux Français résidant en France du fait de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque du 18 mai 1963 et soient, ainsi, dans une situation juridique ou fiscale différente des étrangers résidant à Monaco, le Conseil d'Etat a retenu une approche concrète en considérant que ces deux catégories de personnes étaient dans une situation identique dans la mesure où ils disposaient d'une habitation en France. Ainsi que le souligne L. Olléon (Application des clauses de non-discrimination : l'article 164 C égratigné par le Rocher, RJF 2003), les étrangers et les Français résidant à Monaco "sont, du point de vue du fait générateur de l'impôt, tel que l'énonce l'article 164 C du CGI, placés dans des situations identiques".
(6) A condition que les impositions soient postérieures à l'année 1991, la convention franco-italienne du 5 octobre 1989 étant applicable à compter des impositions dues au titre de l'année 1992 (CE, 9° et 10° s-s., 11 juin 2003, n° 221075, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. et Mme Biso).
(7) La nouvelle rédaction de l'article 25 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 (N° Lexbase : L6668BHG), issue de l'article 2 de l'avenant à cette convention signé le 8 février 1999, permet, désormais, aux ressortissants belges résidant à Monaco d'invoquer utilement la clause de non-discrimination contenue dans cet article, ce qui n'était pas le cas dans la précédente rédaction. Toutefois, la nouvelle clause de non-discrimination ne peut être invoquée qu'en ce qui concerne les revenus perçus à compter du 1er janvier 1996 (TA Nice, 14 décembre 2004, n° 9801296 et 9803475, M . Dandoy c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
(8) TA Nice, 14 décembre 2004, n° 9700466, M. Cabecadas c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, RJF 2005, n° 598.
(9) TA Nice, 29 novembre 2005, n° 0302115, Mme Lappe c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
(10) TA Nice, n° 0402654, 11 octobre 2005, M. Rosberg c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
(11) C'est-à-dire quel que soit l'Etat (membre de l'UE) d'appartenance des contribuables. 
(12) Voir aussi, CE, 9° et 10° s-s., 27 juillet 2005, n° 253224, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M. et Mme Ferrarese (N° Lexbase : A1296DK9) et CE, 9° et 10° s-s., 27 juillet 2005, n° 239975, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Mlle Dalle Molle (N° Lexbase : A1281DKN) ; DF 2005, n° 46, comm. 738, concl. L. Vallée.
(13) 1ère et 2ème espèces .

(14) CJCE, 14 février 1995, aff. C-279/93, Finanzamt Köln-Altstadt c/ Roland Schumacker, point 21 (N° Lexbase : A1803AWP) ; DF 1995, n° 20, comm. 1089 ; RJF 1995, n° 425. Voir aussi CJCE, 11 août 1995, aff. C-80/94, G. H. E. J. Wielockx c/ Inspecteur der directe belastingen, point 16 (N° Lexbase : A9743AUE) ; CJCE, 6 juin 2000, aff. C-35/98, Staatssecretaris van Financiën c/ B.G.M. Verkooijen, point 32 (N° Lexbase : A1828AWM), DF 2000, n° 42, comm . 792 ; RJF 2000, n° 1185. 
(15) Pour la liberté d'établissement, voir CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A8319AUN) ; RJF 1986, n° 1020. Pour la libre circulation des capitaux, voir CJCE, 23 février 1995, aff. C-358/93, Procédures pénales c/ Aldo Bordessa et Vicente Marí Mellado et Concepción Barbero Maestre, point 33 (N° Lexbase : A5838AYU) et CJCE, 14 octobre 1999, aff. C-439/97, Sandoz GmbH c/ Finanzlandesdirektion für Wien, Niederösterreich und Burgenland (N° Lexbase : A0564AWS) ; RJF 2000, n° 316.
(16) CJCE, 12 décembre 1974, aff. C-36/74, B.N.O. Walrave, L.J.N. Koch c/ Association Union cycliste internationale, Koninklijke Nederlandsche Wielren Unie et Federación Española Ciclismo, quest. préj. (N° Lexbase : A6959AUB). Voir aussi, CJCE, 12 juillet 1984, aff. C -237/83, SARL Prodest c/ Caisse primaire d'assurance maladie de Paris N° Lexbase : A7621AUS).
(17) La Cour indique habituellement, lorsque les critères d'application du principe de non-discrimination concernent la mise en oeuvre de ce principe, tel qu'il est exprimé entre autres en matière de libre circulation des travailleurs.
(18) CJCE, 28 janvier 1986, aff. C-270/83, Commission des Communautés européennes c/ République française (N° Lexbase : A8319AUN).
(19) 1ère et 2ème espèces.
(20) CJCE, 11 mars 2004, aff. C-9/02, Hughes de Lasteyrie du Saillant c/ Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5001DBT) ; RJF 2004, n° 558 (rendu en réponse à la question préjudicielle posée par le CE, 9° et 10° s-s., 10 novembre 2004, n° 211341, M. de Lasteyrie du Saillant N° Lexbase : A8885DDG) ; RJF 2002, n° 160.
(21) Or, dans le point 19, la Cour indique que "les gouvernements allemand et néerlandais ont souligné que l'ordonnance de renvoi ne contenait pas d'éléments propres à établir que M. de Lasteyrie aurait fait usage de la liberté d'établissement garantie par l'article 52 du Traité, ni, dès lors, qu'il relèverait du champ d'application de cette disposition".
(22) Et plus particulièrement encore le paragraphe 1 de l'article 1 de cette Directive .
(23) DF 2005, n° 46, comm. 738, concl. L. Vallée.
(24) Aux termes de cet article figurant au chapitre 4 du Traité : "Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites".
(25) Ajoutons que le principe de libre circulation des capitaux est énoncé à deux reprises dans la première partie du Traité CE consacré aux "Principes". L'article 3 § c précise que pour atteindre les fins qui lui sont assignées, l'action de la Communauté comporte un marché intérieur caractérisé par l'abolition entre les Etats membres des obstacles à la libre circulation des capitaux. L'article 7 A § 2 définit le marché intérieur comme un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des capitaux est assurée dans le respect des dispositions du traité CE.
(26) Que cet acte résulte de la législation ou de la réglementation.
(27) CJCE, 16 mars 1999, aff. C-222/97, Trummer et Mayer c/ le refus d'inscrire au livre foncier une hypothèque libellée en marks allemands, points 20 et 21 (N° Lexbase : A0500AWG).
(28) Cette précision est essentielle en ce qui concerne le cas qui nous occupe dans la mesure où la grande majorité des citoyens communautaires résidant à Monaco sont soumis à l'article 164 C du CGI suite à l'acquisition d'une résidence secondaire en France. Il s'agit, ainsi, la plupart du temps, d'acquisitions effectuées à titre personnel.
(29) CJCE, 11 décembre 2003, aff. C-364/01, Héritiers de M. H. Barbier c/ Inspecteur van de Belastingdienst Particulieren/Ondernemingen buitenland te Heerlen (N° Lexbase : A3782DAC).
(30) CJCE, 1er juin 1999, aff. C-302/97, Klaus Konle c/ Republik Österreich, p. 3 099 (N° Lexbase : A1746AWL)
(31) Cela exclut, donc, la location d'un bien immobilier en France .
(32) Il nous semble, en effet, qu'il serait plus expédient d'invoquer à la fois l'article 12 CE et l'article 56 CE, dans la mesure où ces dernières stipulations sont muettes en ce qui concerne la mise en oeuvre du principe de libre circulation des capitaux.
(33) Voir, à cet égard, CAA Paris, 5ème ch., 23 mai 2005, n° 01PA03944, M. Saïd Coubeche c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie (N° Lexbase : A5642DK8), qui juge a contrario "qu'à supposer le moyen invocable [...], l'imposition résultant de l'article 164 C du CGI n'a ni pour objet, ni pour effet de porter atteinte à la libre circulation des capitaux protégée par l'article 56 du traité instituant la communauté européenne". Précisons, toutefois, que le litige concernait un contribuable résidant à Djibouti et disposant d'une habitation en France. Son imposition résultait, donc, de la seule application de l'article 164 C du CGI et non de la combinaison de ces dispositions avec des stipulations conventionnelles.
(34) CJCE, 21 septembre 1999, aff. C-307/97, Compagnie de Saint-Gobain, Zweigniederlassung Deutschland c / Finanzamt Aachen-Innenstadt (N° Lexbase : A8910AUK) ; RJF 1999, n° 1629.
(35) Précisons que la différence de traitement fiscal de ces ressortissants résulte de la combinaison de l'article 164 C et des stipulations de l'article 7-1 de la convention franco-monégasque .
(36) Songeons, par exemple, à l'acquisition d'une habitation en France par l'intermédiaire d'une SCI monégasque.
(37) Il faut, en effet, souligner que si les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres résultent du seul article 58 CE, les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers résultent à la fois de l'article 57 CE et de l'article 58 CE. Les restrictions aux mouvements de capitaux entre Etats membres et pays tiers sont, donc, plus nombreuses et le principe de libre circulation des capitaux est plus réduite s'agissant des mouvements extérieurs que s'agissant des mouvements intérieurs.
(38) Aux termes de cet article : "1° L'article 56 ne porte pas atteinte à l'application, aux pays tiers, des restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du droit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux. 2° Tout en s'efforçant de réaliser l'objectif de libre circulation des capitaux entre Etats membres et pays tiers, dans la plus large mesure possible et sans préjudice des autres chapitres du présent traité, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures relatives aux mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers, lorsqu'ils impliquent des investissements directs, y compris les investissements immobiliers, l'établissement, la prestation de services financiers ou l'admission de titres sur les marchés des capitaux. L'unanimité est requise pour l'adoption de mesures en vertu du présent paragraphe qui constituent un pas en arrière dans le droit communautaire en ce qui concerne la libéralisation des mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers".
(39) Aux termes de cet article : "1° L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b) de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale ou en matière de contrôle prudentiel des établissements financiers, de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique ou de prendre des mesures. 2° Le présent chapitre ne préjuge pas la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent traité. 3° Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56".
(40) TA Nice 28 juin 2005, Karbainov, n° 0204689 .

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Droit financier

[Le point sur...] Programmes de rachat d'actions et prévention des abus de marché : une réglementation sous influence communautaire (première partie)

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Le 07 Octobre 2010

En 1998, le rapport de la mission de réflexion, mandatée par la Commission des opérations de bourse (la "COB") et présidée par Bernard Esambert, préconisait de libéraliser le rachat par les sociétés cotées de leurs propres actions (1). Dans la foulée, le législateur consacrait la possibilité, pour les sociétés cotées, sur autorisation de l'assemblée générale des actionnaires, de racheter leurs propres actions dans la limite de 10 % de leur capital et pour toutes les fins déterminées par l'Assemblée générale (2). Depuis cette date, le rachat par les sociétés cotées de leurs propres actions a connu en France un succès et une vitalité inattendus. Ainsi, pour la seule année 2005, le montant des rachats d'actions en France devrait s'élever à 12,5 milliards d'euros (3). La France serait, semble-t-il, le pays européen où les volumes des rachats d'actions sont les plus importants (4). L'ampleur prise par le phénomène a pu soulever certaines inquiétudes. Aussi, à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie, le député Gilles Carrez estimait-il que "le phénomène de ces rachats d'actions apparaît aujourd'hui préoccupant. [...] Ces opérations font actuellement l'objet de vives critiques car elles sont considérées par de nombreux observateurs comme se substituant à de véritables politiques d'investissement et de développement à long terme, et ne visent qu'à permettre une consommation par l'entreprise de ses liquidités" (5). Il peut, pourtant, paraître normal que des sociétés qui disposent de fonds propres, qu'elles ne peuvent plus investir dans des projets suffisamment rentables pour être créateurs de valeur pour l'actionnaire, restituent ces fonds propres excédentaires et privilégient le recours à l'endettement afin d'augmenter leur rentabilité (6). A cet égard, il convient de remarquer que le rachat d'actions concerne, essentiellement, "des compartiments en phase de maturité tels que les banques, le secteur pétrolier ou celui des matières premières [...]" (7).

Quelle que soit l'appréciation que l'on peut avoir du bien fondé économique du rachat de ses actions par un émetteur, force est de constater que l'intervention d'un émetteur sur ses propres titres porte en germe le risque d'un abus de marché. L'émetteur étant nécessairement détenteur de plus d'informations sur sa situation et ses perspectives que le marché, il pourrait être soupçonné de profiter de cette asymétrie d'information pour acheter ses titres à meilleur prix et commettre ainsi un manquement d'initié. L'évolution du cours de bourse étant une préoccupation constante des émetteurs, l'émetteur intervenant sur ses propres titres pourrait également être soupçonné de chercher à manipuler son cours à la hausse.

C'est la raison pour laquelle, dès 1990, la COB est intervenue pour encadrer cette opération en édictant les conditions à respecter pour qu'elle puisse être considérée comme légitime (8).

En raison de l'ambition des institutions communautaires qui est de construire un marché intégré de services financiers à l'échelle européenne, la prévention et la répression des abus de marché sont, aujourd'hui, devenues un enjeu communautaire. Ainsi, la réglementation applicable aux programmes de rachat d'actions a profondément évolué sous l'influence de la Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (communément appelée la Directive "Abus de marché") (N° Lexbase : L8022BBQ) (9).

Afin d'encadrer l'intervention des émetteurs sur leurs propres titres et de limiter le risque que cette intervention ne soit qualifiée d'abus de marché, l'article 8 de la Directive "Abus de marché" est venue énoncer une présomption irréfragable de légitimité s'agissant des "opérations sur actions propres effectuées dans le cadre de programmes de "rachat" [...] sous réserve que ces opérations s'effectuent conformément aux mesures d'exécution [de la Directive "Abus de marché"]".

Le Règlement d'application n° 2273/2003 du 22 décembre 2003 (N° Lexbase : L0410DNI) (ci-après le "Règlement communautaire") a précisé les conditions que doivent respecter les programmes de rachat d'actions pour bénéficier de la présomption de légitimité édictée par la Directive "Abus de marché". Depuis l'entrée en application du Règlement communautaire du 13 octobre 2004, ces règles sont venues se substituer à celles du Règlement COB n° 90-04 relatif à l'établissement des cours qui encadrait, auparavant, l'intervention des émetteurs sur leurs propres titres (10).

Il convient d'insister sur le fait que les règles édictées par le Règlement communautaire ont pour seul objet le bénéfice de la présomption irréfragable de légitimité dès lors, "les rachats qui ne bénéficieraient pas de la présomption irréfragable ou ne correspondraient pas à l'une [des pratiques de marché admises], ne constitueraient pas pour autant, en elles-mêmes, des manipulations de cours. Néanmoins, dans ce cas, la charge de la preuve serait renversée et l'émetteur devra être en mesure de pouvoir justifier, en cas d'enquête, que ses interventions étaient motivées par des considérations légitimes" (11). Les règles posées par le Règlement communautaire revêtent ainsi une nature juridique particulière puisqu'elles ne constituent pas des interdictions mais précisent les conditions à respecter par l'émetteur qui souhaite bénéficier de la protection de la présomption (12). En pratique, toutefois, les interventions de l'émetteur qui ne respecteraient pas les conditions posées par le Règlement communautaire seront vues avec suspicion.

Dans le prolongement de ces évolutions, la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie , contient également certaines dispositions concernant les programmes de rachat d'actions.

Nous examinerons les objectifs du programme de rachat ainsi que les règles destinées à assurer l'information du marché et des actionnaires, puis les différentes modalités d'intervention de l'émetteur sur ses propres titres. Par ailleurs, nous verrons, dans une seconde partie publiée dans Lexbase Hebdo n° 198 du 19 janvier 2006 - édition affaires, que l'intervention d'un émetteur sur ses propres titres est soumise à des restrictions spécifiques et que l'utilisation des actions rachetées est encadrée.

I - Les objectifs des programmes de rachat

Avant l'entrée en application du Règlement communautaire, les émetteurs étaient libres de choisir le ou les objectifs poursuivis par leur programme de rachat d'actions (13). Les émetteurs pouvaient ainsi afficher jusqu'à six objectifs différents dans la note d'information relative au programme de rachat. Il n'existait, à cet égard, aucune contrainte particulière. L'apport principal du Règlement communautaire est de limiter les objectifs que peut poursuivre un programme de rachat d'actions pour bénéficier de la présomption de légitimité.

Désormais, le bénéfice de la présomption de légitimité irréfragable est limité aux programmes de rachat qui poursuivent certains objectifs définis par le Règlement communautaire (A). Les objectifs que peut poursuivre un programme de rachat d'actions ont par ailleurs été élargis par l'Autorité des Marchés Financiers ("AMF") qui a consacré deux pratiques de marché (B).

A - Les objectifs fixés par le Règlement communautaire

L'article 3 du Règlement communautaire limite le bénéfice de la présomption de légitimité aux programmes de rachat d'actions qui ont "pour seul objectif de réduire le capital d'un émetteur (en valeur ou en nombre d'actions) ou de lui permettre d'honorer des obligations liées :

- à des titres de créance convertibles en titre de propriété ;
- à des programmes d'options sur actions ou autres allocations d'actions aux salariés de l'émetteur ou d'une entreprise associée
".

Ainsi, la présomption de légitimité édictée par le Règlement communautaire est limitée aux programmes de rachat d'actions qui ont soit pour objectif l'annulation des actions rachetées, soit la couverture des obligations liées à des titres de créance donnant accès au capital ou à des programmes de stock options ou à toute autre forme d'attribution des actions de l'émetteur aux salariés.

Les opérations de rachat réalisées en dehors de ce cadre ne bénéficient pas de la présomption de légitimité. Tel sera le cas, en particulier, des opérations de rachat effectuées en vue de la régulation des cours ou en fonction des situations de marché (14), et ce alors que l'objectif de régulation du cours de bourse était l'objectif affiché prioritairement par les émetteurs avant l'entrée en application du Règlement communautaire (15). Dorénavant, toute intervention effectuée en vue d'assurer la liquidité ou d'animer le marché des titres d'un émetteur doit être confiée à un prestataire de services d'investissement dans le cadre d'un contrat de liquidité.

B - Les pratiques de marché admises par l'AMF

La Directive "Abus de marché" permet aux régulateurs nationaux d'accepter certaines pratiques de marché. Les opérations conformes à une pratique de marché acceptée par un régulateur ne constituent pas, en principe, des manipulations de cours (16). Les critères permettant d'apprécier le caractère acceptable d'une pratique de marché ont été fixés au plan communautaire (17). Sur ce fondement, l'AMF est venue compléter les objectifs prévus par le Règlement communautaire en acceptant deux pratiques de marché. Il s'agit, d'une part, de la possibilité pour un émetteur de racheter ses actions afin de les remettre dans le cadre d'opérations de croissance externe (18) et, d'autre part, de la possibilité de confier à un prestataire de services d'investissement le soin d'intervenir pour le compte de l'émetteur afin de favoriser la liquidité du titre et la régularité des cotations dans le cadre d'une convention de liquidité établie conformément à la charte de déontologie élaborée par l'AFEI (19).

Il convient de noter toutefois que la loi "Breton" est venue limiter le nombre de titres acquis en vue de leur remise ultérieure dans le cadre d'une opération de croissance externe à 5 % du capital de l'émetteur quand cette limite est de 10 % s'agissant des titres affectés à un autre objectif (20).

II - L'information du marché et des actionnaires

"La transparence est une condition indispensable à la prévention des abus de marché" énonce le Règlement communautaire dans son sixième considérant. Ainsi, le rachat de ses titres par un émetteur est soumis à certaines conditions de publicité permettant d'en assurer la transparence. Une information est délivrée préalablement à la mise en oeuvre du programme de rachat (A), puis au fur et à mesure de son exécution (B). Enfin, une information annuelle des actionnaires de l'émetteur portant sur la réalisation du programme de rachat est prévue (C).

A - L'information délivrée préalablement à la mise en oeuvre du programme de rachat

La loi "Breton" a facilité la mise en place des programmes de rachat en supprimant l'obligation d'établir une note d'information visée par l'AMF. Désormais, l'information du public s'effectue au moyen d'un document non visé par l'AMF intitulé "détail du programme" (21). Le Règlement général de l'AMF devrait être modifié très prochainement afin de tenir compte de la suppression de la note d'information (22). La modification du Règlement général de l'AMF devrait, en particulier, abandonner les dispositions relatives à la procédure d'instruction de la note d'information et au visa devenues sans objet et simplifier le contenu de l'information donnée en supprimant, notamment, la mention des régimes fiscaux et de l'intention des personnes contrôlant l'émetteur (23).

B - L'information délivrée au fur et à mesure de l'exécution du programme de rachat

Par ailleurs, les émetteurs ont l'obligation de déclarer les transactions sur actions propres sur une base hebdomadaire (24). Ainsi, les émetteurs doivent informer le marché au plus tard le septième jour de négociation qui suit la date d'exécution de toutes les opérations réalisées en application du programme de rachat au moyen d'un communiqué de presse diffusé sur le site de l'AMF et, le cas échéant, sur leur propre site. Cette déclaration se cumule avec la déclaration mensuelle qui existait déjà sous l'empire du règlement COB n° 98-02 (25). Toutefois, dès lors que la déclaration hebdomadaire contient l'ensemble des informations exigées dans la déclaration mensuelle (26), l'émetteur est dispensé d'établir une déclaration mensuelle. Les modalités de ces déclarations sont précisées par une instruction de l'AMF (27).

C - L'information annuelle délivrée aux actionnaires

La loi "Breton" a renforcé l'information des actionnaires concernant la mise en oeuvre des programmes de rachat d'actions en introduisant l'obligation d'établir chaque année un rapport spécial à destination de l'Assemblée générale portant sur la réalisation des opérations effectuées dans le cadre d'un programme de rachat d 'actions. Ce rapport spécial "précise en particulier, pour chacune des finalités, le nombre et le prix des actions ainsi acquises, le volume des actions utilisées pour ces finalités, ainsi que les éventuelles réallocation à d'autres finalités dont elles ont fait l'objet" (28). Ces informations compléteront les informations communiquées aux actionnaires dans le cadre du rapport de gestion annuel du Conseil d'administration ou du Directoire qui doit indiquer "le nombre des actions achetées et vendues au cours de l'exercice [en application d'un programme de rachat d'actions], le cours moyen des achats et des ventes, le montant des frais de négociation, le nombre des actions inscrites au compte de la société à la clôture de l'exercice et leur valeur évaluée au cours d'achat, ainsi que leur valeur nominale, les motifs des acquisitions effectuées et la fraction du capital qu'elles représentent" (29). L'on peut toutefois regretter que, dans un souci de simplicité, le législateur n'ait pas évité une dispersion de l'information communiquée en prévoyant un support unique pour l'information des actionnaires concernant la mise en oeuvre du programme de rachat.

Bernard-Olivier Becker
Avocat à la Cour
Bredin Prat


(1) Rapport de la mission de réflexion présidée par Bernard Esambert sur "le rachat par les sociétés de leurs propres actions", COB Janvier 1998.
(2) Loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (C. com., art. L. 225-209) (N° Lexbase : L2261G8A). Avant 1998, l'article 217 de la loi du 24 juillet 1966 (N° Lexbase : L6202AGS) énonçait un principe d'interdiction assorti d'exceptions. En particulier, l'ordonnance du 28 septembre 1967 avait introduit à l'article 217-2 de la loi de 1966 la possibilité pour les sociétés cotées de racheter leurs propres actions en vue de régulariser leur cours.
(3) F. Guédas, Vogue confirmée pour les rachats d'actions, L'AGEFI, semaine du 9 au 15 décembre 2005, p. 12.
(4) Rapport n° 438 de Ph. Marini sur le Projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie remis au Sénat le 29 juin 2005.
(5) Rapport n° 2342 de G. Carrez sur le Projet de loi pour la confiance et la modernisation de l'économie remis à l'Assemblée nationale le 25 mai 2005.
(6) P. Quiry et Y. Le Fur, Les rachats d'actions, Les Echos du 28 octobre 2004.
(7) J.-L. Buchalet, Directeur de la stratégie du bureau d'études Facstet, cité par F. Guédas in Vogue confirmée pour les rachats d'actions, L'AGEFI, semaine du 9 au 15 décembre 2005, p. 12.
(8) Règlement COB n° 90-04 relatif à l'établissement des cours (N° Lexbase : L5347A9W). Pour une étude de l'évolution des règles encadrant le rachat d'actions en France : F. Drummond, évolution du cadre juridique du rachat, in Le rachat d'actions, Actes pratiques, septembre-octobre 2005, p. 5.
(9) L'adoption de la Directive "Abus de marché" s'inscrit dans le cadre du Plan d'action pour les services financiers (PASF) adopté par la Commission européenne dans sa communication du 11 mai 1999 et arrêté par le Conseil européen de Lisbonne en mars 2000. L'ambition du PASF est d'instaurer un marché unique de services financiers. La Directive "Abus de marché" constitue ainsi, avec la Directive concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation (Directive 2003/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation N° Lexbase : L4456DMY), la Directive sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information au sujet des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé (Directive 2004/109 du 15 décembre 2004 du Parlement européen et du Conseil sur l'harmonisation des obligations de transparence concernant l'information au sujet des émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé (N° Lexbase : L5206GUD), la directive relative aux OPA (Directive 2004/25 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition N° Lexbase : L2413DYZ) et la directive sur les marchés d'instruments financiers (Directive 2004/39 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers N° Lexbase : L2056DYS), le fondement d'un véritable droit boursier européen harmonisé.
(10) Guilain Hippolyte, Les exemptions aux manipulations de marché, Lexbase Hebdo n° 145 du 2 décembre 2004  - édition affaires ([LXB=N3740AB]).
(11) Position AMF relative à la mise en oeuvre du nouveau régime de rachat d'actions propres, Revue mensuelle de l'AMF, Mars 2005, p. 83.
(12) Sur la nature et la portée de ces règles, voir : Arnaud Félix, La transposition par l'AMF de la Directive abus de marché en matière de rachat d'actions : que reste-t-il du safe harbor ?, RD bancaire et financier, septembre-octobre 2005, p. 51.
(13) Position AMF relative à la mise en oeuvre du nouveau régime de rachat d'actions propres, Revue mensuelle de l'AMF, n° 12, mars 2005, p. 83.
(14) H. Le Nabasque, Programmes de rachats d'actions, RD bancaire et financier, mai-juin 2005, p. 38.
(15) Les opérations d'achat d'actions en France : Bilan statistique, Revue mensuelle AMF, n° 8, novembre 2004.
(16) Article 1 §2 a) de la Directive "Abus de Marché".
(17) Directive 2004/72 du 29 avril 2004 portant modalité d'application de la Directive 2003/6/CE en ce qui concerne les pratiques de marché admises, la définition de l'information privilégiée pour les instruments dérivés sur produits de base, l'établissement de listes d'initiés, la déclaration des opérations effectuées par les personnes exerçant des responsabilités dirigeantes et la notification des opérations suspectes (N° Lexbase : L1873DYZ).
(18) Décision du 22 mars 2005 concernant l'acceptation de l'acquisition d'actions propres aux fins de conservation et de remise ultérieure en paiement ou en échange dans le cadre d'opérations de croissance externe en tant que pratique de marché admise par l'AMF publiée au BALO du 1er avril 2005 (N° Lexbase : L1334G8W).
(19) Décision du 22 mars 2005 concernant l'acceptation des contrats de liquidité en tant que pratique de marché admise par l'AMF publiée au BALO du 1er avril 2005.
(20) Article L. 225-209, alinéa 7, du Code de commerce tel qu'issu de la loi "Breton" (N° Lexbase : L3762HBX).
(21) Article L. 451-3 du Code monétaire et financier tel qu'issu de l'article 26-II de la loi "Breton" (N° Lexbase : L7994HBP).
(22) Projet de modification du Règlement général de l'AMF sur la suppression de la note d'information pour les programmes de rachat d'actions disponible sur le site de l'AMF.
(23) Th. Bonneau, Chron., Droit des sociétés, décembre 2005, 226, p. 43.
(24) Cette obligation figure à l'article 241-5-1° du Règlement général de l'AMF . L'information hebdomadaire est exigée par l'article 4.4 du Règlement communautaire. Elle n'est pas applicable aux acquisitions effectuées dans le cadre d'un contrat de liquidité.
(25) Article 5 du Règlement COB n° 98-02 relatif à l'information à diffuser à l'occasion des programmes de rachat de titres de capital admis aux négociations sur un marché réglementé. Cette obligation figure aujourd'hui à l'article 241-5-2° du Règlement général de l'AMF (N° Lexbase : L5552BH4).
(26) Position AMF relative à la mise en oeuvre du nouveau régime de rachat d'actions propres, Revue mensuelle de l'AMF, mars 2005, p. 83.
(27) Instruction AMF n° 2005-06 du 22 février 2005 relative aux informations que doivent déclarer et rendre publiques les émetteurs pour lesquels un programme de rachat d'actions propres est en cours de réalisation et aux modalités de déclaration des opérations de stabilisation d'un instrument financier (N° Lexbase : L0850G8Y).
(28) Article L. 225-209, alinéa 2, du Code de commerce issu de l'article 27 de la Loi "Breton".
(29) Article L. 225-211 du Code de commerce (N° Lexbase : L8269GQC).

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Sociétés

[Jurisprudence] La responsabilité personnelle de l'associé lors de la révocation du dirigeant

Réf. : Cass. com. 22 novembre 2005, deux arrêts, n° 03-19.860, Mme Catherine Mesny c/ M. Jacques Horovitz, F-D (N° Lexbase : A7444DLB) et n° 03-18.651, M. Laurent Coudène c/ M. Patrice Daly, F-D (N° Lexbase : A7440DL7)

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Le 07 Octobre 2010

La responsabilité du dirigeant social à l'égard de l'associé a reçu une éclatante consécration dans un arrêt du 27 février 1996 (1). Cette jurisprudence a été confirmée plusieurs fois depuis (2). Mais, parce qu'ils sont moins aux prises avec la réalité quotidienne des affaires sociales, les associés ne voient leur responsabilité engagée qu'en cas de faute criante dans l'exercice de leurs prérogatives, notamment, dans celui de leur droit de vote. Une jurisprudence constante sanctionne, en effet, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ), l'associé qui aurait voté dans un sens contraire à l'intérêt social et dans l'unique dessein de favoriser ses intérêts propres au détriment des autres associés (3). Plus originale est la mise en jeu de la responsabilité personnelle de l'associé envers le dirigeant, notamment, lors de la révocation de ce dernier. En effet, les volontés individuelles issues du vote des associés se transcendent pour se transformer en volonté de la société. Plus concrètement, la décision de révocation est une décision sociale et non une décision individuelle. Pourtant, dans un arrêt en date du 13 mars 2001, la Cour de cassation n'a pas hésité à reconnaître que l'associé, lorsqu'il émet un suffrage, peut causer un préjudice au dirigeant et engager ainsi sa responsabilité personnelle (4). En l'espèce, la Chambre commerciale retient la responsabilité personnelle de l'associé qui avait décidé de la révocation du gérant, dans des conditions irrégulières, vexatoires et contraires à l'intérêt social. Cependant, dans un arrêt en date du 22 novembre 2005, rendu dans la même affaire, la Haute juridiction a décidé que, "même si la révocation est intervenue dans des conditions de forme irrégulière, elle a été décidée par les associés pour un juste motif et non pas dans le dessein de nuire à la gérante ; [...] c'est à bon droit que la cour d'appel, qui n'a pas dit qu'une révocation pour juste motif pouvait présenter un caractère vexatoire, a, justifiant légalement sa décision, décidé qu'aucune faute personnelle ne pouvait être retenue à l'encontre des associés majoritaires". Dès lors qu'il commet une faute personnelle à l'occasion de l'émission du suffrage, sa responsabilité est engagée. Sur ce point, l'arrêt commenté ne revient pas sur la solution posée le 13 mars 2001 puisqu'il admet le principe de la responsabilité de l'associé. Cependant, alors que dans l'arrêt de 2001 la faute était constituée par la seule décision vexatoire et contraire à l'intérêt social, la Cour de cassation exige en l'occurrence une faute personnelle distincte (I). On peut dès lors se demander, si par cet arrêt, la Chambre commerciale n'étend pas aux associés la théorie de la faute détachable des fonctions, jusque là limitée aux dirigeants sociaux (II).

I - L'exigence d'une faute personnelle distincte

L'arrêt de 2001 présentait un caractère novateur par rapport à la jurisprudence antérieure, et notamment, une décision de la Haute juridiction rendue le 1er février 1994 (5). En l'espèce, la Cour régulatrice avait censuré une cour d'appel qui avait condamné la société et son associé majoritaire pour la révocation abusive d'un gérant. Les juges du fond auraient dû caractériser une faute personnelle de l'associé et non se borner à constater que la révocation présentait un caractère abusif et dépourvu de juste motif. Autrement dit, pour la Chambre commerciale, même si la décision de révocation est abusive et sans juste motif, l'associé qui la vote exprime la volonté de la société, via l'assemblée générale. L'agrégation des votes transforme la volonté de l'associé, individuelle, en volonté sociale, collective (6). En d'autres termes, parce qu'elle est votée en assemblée générale, la décision de révocation est une décision sociale, qui exprime la volonté de la société, et non une décision individuelle de l'associé. La seule absence de juste motif ne permet pas de caractériser la faute personnelle de l'associé, seule à même d'engager sa responsabilité.

L'arrêt du 13 mars 2001 rompait avec cette analyse : "la décision de révocation avait été prise en violation flagrante des règles légales relatives à la tenue et à la convocation des assemblées des associés ; [...] une décision inspirée par une intention vexatoire et contraire à l'intérêt social, caractérise de la part de ses auteurs une volonté de nuire constitutive d'une faute". Pour la Chambre commerciale, la faute commise par l'associé lors de l'exercice de son droit de vote est à ce point grave qu'elle empêche l'agrégation des volontés individuelles. La faute demeure personnelle à l'associé et ne saurait devenir celle de la société.

En cela, l'arrêt commenté marque incontestablement un recul. La Cour de cassation revient à sa position antérieure à 2001. Le non-respect des conditions de convocation de l'assemblée et le caractère vexatoire de la révocation ne sont pas des fautes personnelles imputables à l'associé, mais sont des fautes sociales. Pour engager sa responsabilité personnelle, l'associé doit avoir commis une faute personnelle distincte et avoir été animé par l'intention de nuire au dirigeant révoqué. Une décision de la Chambre commerciale rendue le même jour que l'arrêt commenté (7) donne une illustration de cette faute personnelle. En l'espèce, la décision de révocation du dirigeant avait été prise lors de la réunion d'assemblée, sans aucun motif, et avait été "manifestement inspirée par l'animosité de l'associé majoritaire à l'égard de son unique associé" [par ailleurs gérant]. La faute personnelle, à suivre cet arrêt, pourrait consister dans le fait de provoquer la révocation du gérant en cours de séance, sans motif, et uniquement justifiée par l'animosité de l'associé à l'égard du dirigeant.

Le recul de la Cour de cassation, traduit par l'arrêt commenté, pourrait signifier une extension de la théorie de la faute détachable des fonctions, traditionnellement applicable aux dirigeants, aux associés.

II - Vers une application de la théorie de la faute détachable des fonctions aux associés ?

Selon une jurisprudence constante, les dirigeants sociaux n'engagent pas leur responsabilité personnelle à l'égard des tiers, lorsqu'ils commettent une faute dans l'exercice de leurs fonctions sociales, sauf si ladite faute est détachable desdites fonctions et lui est imputable personnellement (8). La Cour de cassation a défini cette faute comme "celle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales" (9).

L'arrêt du 13 mars 2001 pouvait être interprété comme un rejet implicite de l'extension de cette théorie aux associés. Dès lors qu'ils commettent une faute dans l'exercice de leur droit de vote à l'occasion de la révocation du dirigeant, les associés sont responsables personnellement, même si la faute en question est directement liée à l'émission du vote, expression de leur pouvoir au sein de la société.

Dès lors, en décidant que la révocation décidée en violation des règles régissant le fonctionnement des assemblées, ou contraire à l'intérêt social, n'est pas constitutive d'une faute personnelle (arrêt commenté) et en exigeant une révocation uniquement motivée par l'animosité personnelle de l'associé à l'égard du dirigeant (deuxième arrêt du 22 novembre 2005), la Chambre commerciale semble étendre la théorie de la faute détachable aux associés. En effet, le fait d'exercer son droit de suffrage aux fins de satisfaire une inimitié personnelle, comme dans le second arrêt du 22 novembre 2005, peut être considéré comme une faute détachable des fonctions, de la qualité d'associé. L'associé, qui agit de la sorte, ne se comporte plus comme tel, mais commet une faute engageant sa responsabilité personnelle.

En définitive, quels enseignements pratiques peut-on tirer de ces deux décisions ? Selon nous, deux conséquences peuvent en être en déduites.

D'une part, l'associé qui vote en faveur de la révocation du gérant, fût-elle vexatoire, ne commet pas de faute personnelle susceptible d'engager sa responsabilité propre.

D'autre part, ce dernier devra prendre soin de ne pas provoquer la révocation, en cours de séance, afin de ne pas se voir reprocher ultérieurement devant le juge d'avoir agi uniquement pour des raisons d'inimitié personnelle, si la révocation intervient dans des conditions vexatoires.

Renee Kaddouch
Docteur en droit
Centre de droit financier de l'Université Paris I, Panthéon Sorbonne
Avocat à la Cour, JeantetAssociés


(1) JCP éd.E, 1996 II n° 22665, note J. Ghestin ; JCP éd. E, 1996 n° 838, note D. Schmidt et N. Dion ; RTD Civ. 1997 p. 114, obs. J. Mestre - rejet du pourvoi formé contre CA Paris, 19 janvier 1994, RTD Civ. 1994 p. 853, obs. J. Mestre dans le même sens, étendant cette obligation aux administrateurs d'une société anonyme, Trib. com. Nanterre, 6 octobre 2000, JCP éd. E. 2001 p. 619, note A. Couret.
(2) V., en dernier lieu, Cass. com., 22 février 2005, n° 01-13-642, Mme Danielle Grandvincent c/ M. André Grandvincent, F-D (N° Lexbase : A8532DG4).
(3) V., l'arrêt fondateur de la théorie jurisprudentielle de l'abus de majorité, Cass. com., 18 avril 1961, n° 59-11.394, Soc. des anc. Établ. Picard et Durey-Sohy et autres c/ Paul Schumann et autres (N° Lexbase : A2561AUE), JCP éd. G, 1961 II n° 12164, note D. Bastian et de celle de l'abus de minorité, Cass. com., 15 juillet 1992, n° 90-17.216, Mme Six c/ Société Tapisseries de France Six (N° Lexbase : A4252AB4), Bull. Joly 1992 p. 1083, note P. Le Cannu sur l'ensemble de la question, V. R. Kaddouch, Le droit de vote de l'associé, thèse, Aix-Marseille III, 2001, éd. de l'ANRT, 2003, spéc. p. 74 et s.
(4) Cass. com., 13 mars 2001, n° 98-16.197, Mme Mesny c/ M. Baumgartner, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société MSR Recrutement et autres (N° Lexbase : A0074ATW), JCP éd. E, 2001 p. 953, note A. Viandier ; RTD Com. 2001 p. 443, obs. Cl. Champaud et D. Danet ; Dr. et patrimoine, oct. 2001 p. 104, obs. D. Poracchia ; Bull. Joly 2001 p. 891, note C. Prieto.
(5) Cass. com., 1er février 1994, n° 92-11.171, Société d'exploitation Wohlshlegel et fils et autre c/ M. Jean-Claude Wohlschlegel (N° Lexbase : A6775ABK), Bull. Joly 1994 p. 413, note R. Baillod.
(6) Sur cette question, V. R. Kaddouch, Le droit de vote de l'associé, op. cit., p. 342.
(7) Cass. com., 22 novembre 2005, n° 03-18.651.
(8) V. par ex., Cass. com., 28 avril 1998, n° 96-10.253, M. Vergnet c/ Société Sogea (N° Lexbase : A2601ACC), RTD Com. 1998 p. 623, obs. B. Petit et Y. Reinhard - Sur ce thème, G. Auzero, L'application de la notion de faute personnelle détachable des fonctions en droit privé, D. affaires 1998 p. 502.
(9) Cass. com., 20 mai 2003, n° 99-17.092, Mme Nadine c/ Société d'application de techniques de l'industrie (SATI), FSP+B+I (N° Lexbase : A1619B9T), RJDA 2003 n° 351.

newsid:83095

Sociétés

[Manifestations à venir] Société européenne : maîtriser les règles de constitution et de fonctionnement

Lecture: 1 min

N2974AKD

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Le 07 Octobre 2010

Les éditions formations entreprises (EFE) organisent, les 24 et 25 janvier 2006, deux journées ayant pour thème "La société européenne". Cette formation permettra de revenir sur ce nouvel instrument sociétaire issu de la loi du 26 juillet 2005 afin de maîtriser les règles essentielles de transformation en SE de constitution et de fonctionnement de la société européenne. Il s'agira, également, de faire le point sur la vérification et le contrôle de la légalité des procédures, notamment en analysant les nouveaux rôles joués par le notaire et le greffier du tribunal de commerce. Enfin, cette manifestation a pour objet d'éclairer les participants sur les rapports entre actionnaires, le régime fiscal de cette forme de société et la place des salariés et de leurs représentants dans les organes décisionnels.
  • Programme

Mercredi 24 janvier 2006

Faites le point sur l'évolution réglementaire et législative de la société européenne. Pourquoi créer une société européenne ?
Quels modes de création possibles ?
Comment transformer votre société existante en SE ?
Comment transférer votre siège social ? Pourquoi ?
Vérification et contrôle de la légalité des procédures : quels nouveaux rôle pour le notaire et le greffier du tribunal de commerce ?
Quelles modalités de fonctionnement de la SE ?
Les mécanismes des conventions dites réglementées ou interdites : vers plus de souplesse ?
Modernisation du droit français des SA : les SE "françaises" seront-elles plus attractives ?

Mercredi 25 janvier 2006

L'aménagement des rapports entre actionnaires : quelles règles applicables aux SE ?
Quel régime fiscal pour la société européenne ?
La négociation de la participation des salariés : quel accord mettre en place ?
Le contenu de l'accord : que faut-il négocier ?
Mise en place d'un organe de représentation : quelles modalités de fonctionnement ?

  • Intervenant

Christian Roth, PDGB Société d'avocats
Olivier du Mottay, Fabrice Fages, Latham et Watkins
Catherine Cathiard, Freshfields Bruckhaus Deringer
Jean-Jacques Uettwiller, UGGC & associés
Nicole Rieunier-Burle, Brunswick Société d'avocats
Bruno Gouthière, CMS Bureau Francis Levebvre
David Dumarché, Paul Hastings
Joël Grange, Gide Loyerette Nouel

  • Dates

Mardi 24 janvier 2006
Mercredi 25 janvier 2006

  • Prix

1 jour : 900 euros H.T.
2 jours : 1 600 euros H.T.

  • Renseignements / Contact

EFE - Département formation
50, avenue de la Grande Armée
75848 Paris cedex 17
Tél. : 01 44 09 24 23
Fax : 01 44 09 22 22
E-mail : inscriptions@efe.fr

newsid:82974

Entreprises en difficulté

[Manifestations à venir] La réforme des procédures collectives : le décret d'application - enjeux et perspectives

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N3001AKD

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Le 07 Octobre 2010

Le décret d'application de la loi de sauvegarde des entreprises (décret n° 2005-1677 du 28 décembre 2005, pris en application de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises N° Lexbase : L3297HET), tant attendu par les professionnels du secteur, est paru au Journal officiel du 29 décembre 2005. La Lettre des Juristes d'Affaires et la rédaction du Lamy droit commercial proposent, lors d'une Matinée-débats ayant lieu le 26 janvier prochain, d'analyser la mise en oeuvre pratique de la réforme des procédures de sauvegarde des entreprises à la lumière du décret d'application.
  • Programme

Quels sont les critères du choix de la procédure par le débiteur ?
Comment se déroulera la procédure ?
Comment sera appréhendée la conversion de la procédure de sauvegarde en procédure de redressement ?
Comment seront mises en oeuvre les déclarations de créances ?
Quels seront les organes de la procédure et les contrôleurs ?
Quels seront les enjeux du plan de sauvegarde ?
Comment fonctionneront les comités des créanciers ?
Quelles sont les voies de recours ?
Quelles seront les diligences attendues des mandataires ?

  • Intervenants

Albert Reins, Président de chambre du tribunal de commerce de Paris, Délégué général à la prévention des difficultés des entreprises
Jean-Luc Vallens, Magistrat, Professeur associé à l'Université Robert-Schuman de Strasbourg, Coauteur du Lamy droit commercial

  • Date

Jeudi 26 janvier 2006
08h45 - 11h30

  • Lieu

Hôtel Meurice, Salon Pompadour
228, rue de Rivoli
75001 Paris

  • Renseignements/Inscriptions

Laure Legru - La Lettre des Juristes d'Affaires, Lamy SA
21/23, rue des Ardennes
75935 Paris Cedex 19
Tél : 08 25 08 08 00
Fax : 01 44 72 18 28
E-mail : matineesdebats@lamy.fr

newsid:83001

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