Jurisprudence : CJCE, 01-06-1999, aff. C-302/97, Klaus Konle c/ Republik Österreich

CJCE, 01-06-1999, aff. C-302/97, Klaus Konle c/ Republik Österreich

A1746AWL

Référence

CJCE, 01-06-1999, aff. C-302/97, Klaus Konle c/ Republik Österreich. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/1008104-cjce-01061999-aff-c30297-klaus-konle-c-republik-osterreich
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Cour de justice des Communautés européennes

1er juin 1999

Affaire n°C-302/97

Klaus Konle
c/
Republik Österreich



61997J0302

Arrêt de la Cour
du 1er juin 1999.

Klaus Konle contre Republik Österreich.

Demande de décision préjudicielle: Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien - Autriche.

Liberté d'établissement - Liberté des mouvements de capitaux - Articles 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) et 56 CE (ex-article 73 B) - Procédure d'autorisation des acquisitions de biens immobiliers - Article 70 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche - Résidences secondaires - Responsabilité pour violation du droit communautaire.

Affaire C-302/97.

Recueil de jurisprudence 1999 page I-3099

Dans l'affaire C-302/97,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Klaus Konle

Republik Österreich,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), 52, 54, 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE, 44 CE, 46 CE et 47 CE), 53 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), 55 et 58 du traité CE (devenus articles 45 CE et 48 CE), 73 B à 73 D, 73 F et 73 G du traité CE (devenus articles 56 CE à 60 CE), 73 E et 73 H du traité CE (abrogés par le traité d'Amsterdam), ainsi que de l'article 70 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1,

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, P. J. G. Kapteyn, J.-P. Puissochet (rapporteur), G. Hirsch et P. Jann, présidents de chambre, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J. L. Murray, D. A. O. Edward, H. Ragnemalm, L. Sevón et M. Wathelet, juges,

avocat général: M. A. La Pergola,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour M. Konle, par Me A. Fuith, avocat à Innsbruck,

- pour la Republik Österreich, par M. M. Windisch, Oberkommissär auprès de la Finanzprokuratur, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement autrichien, par Mme C. Stix-Hackl, Gesandte au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement hellénique, par Mme A. Samoni-Rantou, conseiller juridique spécial au service spécial du contentieux communautaire du ministère des Affaires étrangères, ainsi que par Mme S. Vodina et M. G. Karipsiadis, collaborateurs scientifiques spécialisés au même service, en qualité d'agents,

- pour le gouvernement espagnol, par Mme N. Díaz Abad, abogado del Estado, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par Mme C. Tufvesson et M. V. Kreuschitz, conseillers juridiques, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales de M. Konle, représenté par Me A. Fuith, de la Republik Österreich, représentée par M. M. Windisch, du gouvernement autrichien, représenté par Mme C. Stix-Hackl, assistée de M. J. Unterlechner, consultant auprès du Amt der Tiroler Landesregierung, du gouvernement hellénique, représenté par Mme A. Samoni-Rantou, du gouvernement espagnol, représenté par Mme M. López-Monís Gallego, abogado del Estado, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par Mme C. Tufvesson et M. V. Kreuschitz, à l'audience du 1er décembre 1998,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 23 février 1999,

rend le présent

Arrêt

1 Par décision du 13 août 1997, parvenue à la Cour le 22 août suivant, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien a posé, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), quatre questions préjudicielles sur l'interprétation des articles 5 du traité CE (devenu article 10 CE), 6 du traité CE (devenu, après modification, article 12 CE), 52, 54, 56 et 57 du traité CE (devenus, après modification, articles 43 CE, 44 CE, 46 CE et 47 CE), 53 du traité CE (abrogé par le traité d'Amsterdam), 55 et 58 du traité CE (devenus articles 45 CE et 48 CE), 73 B à 73 D, 73 F et 73 G du traité CE (devenus articles 56 CE à 60 CE), 73 E et 73 H du traité CE (abrogés par le traité d'Amsterdam), ainsi que de l'article 70 de l'acte relatif aux conditions d'adhésion de la république d'Autriche, de la république de Finlande et du royaume de Suède et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne (JO 1994, C 241, p. 21, et JO 1995, L 1, p. 1, ci-après l'"acte d'adhésion").

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'une action formée par M. Konle, de nationalité allemande, contre la Republik Österreich (république d'Autriche) en vue d'obtenir la condamnation de cette dernière à réparer le préjudice que lui aurait causé la violation alléguée du droit communautaire par la législation du Land du Tyrol relative aux transactions foncières.

Le cadre juridique national

3 Le Tiroler Grundverkehrsgesetz de 1993 (Tiroler LGBl. 82/1993, loi tyrolienne relative à l'acquisition des biens fonciers, ci-après le "TGVG 1993"), adopté par le Land du Tyrol, régissant les mutations des biens fonciers dans ce Land, est entré en vigueur le 1er janvier 1994 et a été remplacé, à compter du 1er octobre 1996, par le Tiroler Grundverkehrsgesetz de 1996 (Tiroler LGBl. 61/1996, ci-après le "TGVG 1996").

4 Selon les articles 9, paragraphe 1, sous a), et 12, paragraphe 1, sous a), du TGVG 1993, les actes juridiques ayant pour objet l'acquisition de la propriété de terrains à bâtir sont soumis à l'autorisation de l'autorité compétente pour les transactions en matière foncière.

5 L'article 14, paragraphe 1, du TGVG 1993 dispose que l'autorisation "est refusée, notamment lorsque l'acquéreur ne démontre pas de manière plausible que l'acquisition projetée ne doit pas servir à l'établissement d'une résidence secondaire".

6 Toutefois, l'article 10, paragraphe 2, du TGVG 1993 prévoit que l'autorisation "n'est pas... requise lorsqu'en cas d'acquisition d'un droit sur un terrain bâti l'acquéreur déclare par écrit à l'autorité compétente pour les transactions en matière foncière qu'il possède la nationalité autrichienne et que l'acquisition n'a pas pour objet l'établissement d'une résidence secondaire".

7 En outre, en vertu de l'article 13, paragraphe 1, du TGVG 1993, l'autorisation ne peut être délivrée à un étranger qu'à la condition que l'achat envisagé ne soit pas contraire aux intérêts politiques de l'État et qu'il existe un intérêt économique, culturel ou social à l'acquisition du bien par cet étranger. Cette règle n'est toutefois pas applicable lorsque des obligations prévues par des accords internationaux s'y opposent (article 13, paragraphe 2, du TGVG 1993).

8 En vertu de l'article 3 du TGVG 1993 qui, à la différence du reste du texte, n'est entré en vigueur que le 1er janvier 1996, la condition de délivrance de l'autorisation prévue à l'article 13, paragraphe 1, n'est pas non plus applicable lorsque l'acquéreur étranger fait la preuve qu'il agit dans le cadre d'une des libertés garanties par l'accord sur l'Espace économique européen.

9 Par un arrêt du 10 décembre 1996, le Verfassungsgerichtshof (Cour constitutionnelle) a, alors que le TGVG 1993 n'était déjà plus en vigueur, déclaré ce texte inconstitutionnel dans son ensemble comme comportant une atteinte excessive au droit fondamental de la propriété.

10 Le TGVG 1996 a supprimé la procédure déclaratoire, réservée par les dispositions antérieures aux seuls ressortissants autrichiens, et a ainsi étendu à tous les acquéreurs, par ses articles 9, paragraphe 1, sous a), et 12, paragraphe 1, l'obligation de solliciter une autorisation administrative préalablement à l'acquisition d'un bien foncier.

11 Il a maintenu, aux articles 11, paragraphe 1, sous a), et 14, paragraphe 1, l'obligation, pour l'acquéreur, d'établir de façon plausible que l'acquisition ne doit pas servir à installer une résidence secondaire.

12 Des conditions supplémentaires continuent d'être exigées des étrangers par l'article 13, paragraphe 1, sous b), du TGVG 1996 pour l'acquisition de biens fonciers, celles-ci n'étant toutefois pas applicables, en vertu de l'article 3 du TGVG 1996, lorsque l'acquéreur étranger fait la preuve qu'il agit dans le cadre d'une des libertés garanties par le traité CE ou par l'accord sur l'Espace économique européen.

13 Enfin, l'article 25, paragraphe 2, du TGVG 1996 prévoit une procédure accélérée permettant la délivrance de l'autorisation d'acquérir un terrain bâti dans un délai de deux semaines si les conditions de délivrance sont manifestement remplies.

Le cadre juridique communautaire

14 L'article 70 de l'acte d'adhésion dispose:

"Nonobstant les obligations prévues par les traités sur lesquels l'Union européenne est fondée, la république d'Autriche peut maintenir sa législation existante concernant les résidences secondaires pendant une période de cinq ans à partir de la date d'adhésion."

Le litige au principal

15 Dans le cadre d'une procédure de vente forcée aux enchères, le Bezirksgericht Lienz (tribunal d'arrondissement de Lienz) a, le 11 août 1994, adjugé à M. Konle, sous réserve de l'obtention de l'autorisation administrative requise par le TGVG 1993 alors en vigueur, un bien foncier situé dans le Land du Tyrol.

16 Le 18 novembre 1994, la Bezirkshauptmannschaft Lienz a répondu négativement à la demande d'autorisation de M. Konle, alors même que celui-ci affirmait vouloir transférer sur place sa résidence principale et y exercer une activité commerciale dans le cadre de l'entreprise qu'il exploitait déjà en Allemagne. M. Konle a fait appel devant la Landes-Grundverkehrskommission beim Amt der Tiroler Landesregierung (ci-après la "LGvK") qui, par décision du 12 juin 1995, a confirmé le refus.

17 M. Konle a formé un recours contre cette décision, à la fois devant le Verwaltungsgerichtshof (cour administrative), qui l'a rejeté par arrêt du 10 mai 1996, et devant le Verfassungsgerichtshof, qui, par arrêt du 25 février 1997, a annulé la décision du 12 juin 1995 au motif que le TGVG 1993 dans son ensemble avait été déclaré inconstitutionnel. Cette annulation a eu pour effet de ressaisir la LGvK de la demande d'autorisation de M. Konle.

18 Sans attendre la nouvelle décision de la LGvK sur sa demande, celui-ci a également introduit une action devant le Landesgericht für Zivilrechtssachen contre la république d'Autriche, mettant en cause la responsabilité de cette dernière pour la violation du droit communautaire à raison des dispositions tant du TGVG 1993 que du TGVG 1996.

19 La république d'Autriche a notamment invoqué pour sa défense l'article 70 de l'acte d'adhésion.

20 Dans ces conditions, le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien, estimant que la solution du litige ainsi noué nécessitait une interprétation des dispositions pertinentes du traité et de l'acte d'adhésion, a posé à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

"1) L'interprétation des articles 6 du traité CE, 52 et suiv. (3e partie, titre III, chapitre 2) du traité CE ainsi que 73 B et suiv. du traité CE (3e partie, titre III, chapitre 4) et de l'article 70 de l'acte d'adhésion (acte relatif aux conditions d'adhésion... de la république d'Autriche... et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l'Union européenne) a-t-elle pour conséquence que, du fait:

a) que le demandeur a été tenu, pendant la durée de validité du TGVG 1993, d'apporter la preuve qu'il n'établirait pas de résidence secondaire, alors que si le bien avait été acquis par un Autrichien une simple déclaration telle que prévue par l'article 10, paragraphe 2, aurait été suffisante pour obtenir l'autorisation de l'autorité compétente, et que ladite autorisation lui a été refusée,

b) qu'en application du TGVG 1996, le demandeur doit, tout comme tel est désormais également le cas pour les Autrichiens, se soumettre à une procédure d'autorisation dès avant l'inscription de son droit de propriété au livre foncier - la possibilité de fournir une déclaration valable, selon laquelle il n'a pas l'intention de construire une résidence secondaire sur ce terrain, n'existant plus non plus désormais pour les Autrichiens -,

il y a eu infraction au droit communautaire et que le demandeur s'est vu affecté dans une liberté fondamentale qui lui est garantie par des dispositions juridiques de l'Union européenne?

2) Si la question 1) appelait une réponse affirmative: incombe-t-il à la Cour de justice, dans le cadre d'une procédure conforme à l'article 177 du traité CE, d'apprécier si une violation du droit communautaire est 'suffisamment caractérisée'(au sens des développements intervenus dans l'arrêt de la Cour du 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur/République fédérale d'Allemagne)?

3) Au cas où les questions 1) et 2) appellent une réponse affirmative, la violation est-elle 'suffisamment caractérisée'?

4) Est-il également satisfait au principe de la responsabilité non contractuelle des États membres pour les dommages causés aux particuliers du fait de violations au droit communautaire, l'article 5 du traité CE étant correctement interprété, lorsque le droit de la responsabilité d'un État membre qui a une structure fédérale prévoit, en cas de violations imputables à un des Länder, membre de la Fédération, que la personne qui a subi ce dommage ne peut attraire que ce Land et non la Fédération dans sa totalité?"

Sur la première question

21 Par sa première question, le juge national demande en substance si la liberté d'établissement et la liberté des mouvements de capitaux garanties par le traité sont assurées dans des régimes, tels que ceux résultant des deux législations nationales en cause au principal, qui soumettent à autorisation administrative préalable les acquisitions de biens fonciers et qui, dans le cas d'une de ces législations, dispensent les seuls ressortissants de l'État membre considéré de l'autorisation autrement requise. En cas de réponse négative sur l'un ou l'autre de ces régimes, le juge national demande également, en substance, si la clause dérogatoire, figurant à l'article 70 de l'acte d'adhésion, qui permet à la république d'Autriche de maintenir sa législation existante concernant les résidences secondaires pendant cinq ans, est de nature à rendre licites des dispositions nationales telles que celles en cause au principal.

22 Il est tout d'abord constant que des mesures nationales qui réglementent l'acquisition de la propriété foncière sont soumises au respect des dispositions du traité concernant la liberté d'établissement des ressortissants des États membres et la liberté des mouvements de capitaux. En effet, ainsi que la Cour l'a déjà jugé, le droit d'acquérir, d'exploiter et d'aliéner des biens immobiliers sur le territoire d'un autre État membre constitue le complément nécessaire de la liberté d'établissement, ainsi qu'il ressort de l'article 54, paragraphe 3, sous e), du traité (arrêt du 30 mai 1989, Commission/Grèce, 305/87, Rec. p. 1461, point 22). Quant aux mouvements de capitaux, ils comprennent les opérations par lesquelles des non-résidents effectuent des investissements immobiliers sur le territoire d'un État membre, ainsi qu'il ressort de la nomenclature des mouvements de capitaux figurant à l'annexe I de la directive 88/361/CEE du Conseil, du 24 juin 1988, pour la mise en oeuvre de l'article 67 du traité (JO L 178, p. 5).

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